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« Allez, je t’offre impôt »… Attention ! Grand risque de gueule de bois

Supprimer la taxe d’habitation pour 80% des français, au nom de la justice fiscale et de la hausse du pouvoir d’achat, Une intention louable exprimée par un pouvoir qui, pour une fois, a l’air de vouloir tenir ses promesses.

Une occasion, enfin, de se réjouir vraiment ?

Pas sûr, car l’argent manque, et le diable est dans les détails. Aux jeux de bonneteau inventés par Bercy des dernières années, c’est l’Etat, avant tout, qui est toujours gagnant. Et, à la question de savoir qui paiera le cadeau, les réponses pourraient bien nous promettre de belles gueules de bois.

Parmi les promesses de campagne du nouveau président de la République, plusieurs peuvent sembler sinon vraiment révolutionnaires, du moins vraiment innovantes : unification des régimes de retraite, suppression du régime social des indépendants (ce désastre de gestion, inefficace et malhonnête, qui a tué des entreprises et des entrepreneurs), droite à l’erreur pour les administrés et renversement de la charge de la preuve pesant désormais sur l’administration… De vrais travaux d’Hercule.

 

Mais il y aussi tout un volet fiscal, une spécialité pratiquée par M Macron à son entrée au service de F. Hollande, dès l’époque du matraquage du début du dernier quinquennat. Et là, du chaud et du froid.

Le froid, c’est l’augmentation prévue de la CSG. +1,7% sur le taux de CSG sur certaines cotisations. Un prélèvement estimé à 21 milliards d’euros de plus par les équipes d’En Marche. Pour, nous dit-on, compenser les baisses d’impôts sur le travail, et la taxe d’habitation.

Sur ce dernier sujet, la promesse semble merveilleuse : supprimer purement et simplement cet impôt pour 80% des Français, en pratique pour ceux dont le revenu est de moins de 20.000 euros annuel par part fiscale dans le foyer.

 

La taxe d’habitation, en 2015, représentait un montant de 10,5 Md€ pour les communes, et 4,8 Md€ supplémentaires via les groupements de communes. Elle représente 18% du revenu des communes, autant que la dotation globale de fonctionnement (un transfert de l’Etat vers les communes) et un peu moins que la taxe foncière (21% du revenu communal). Le nouveau gouvernement, en promettant de supprimer cet impôt pour 80% des Français, chiffre à 10 Md€ l’impact de la mesure pour les communes, soit les 2/3 du revenu total de cette taxe.

Or, on le voit, cet impôt est une source majeure de financement, dont la commune avait jusqu’ici l’entière maîtrise pour assurer son activité et son développement. En particulier, elle avait le pouvoir de l’augmenter si besoin, par exemple pour compenser les baisses de dotation globale de fonctionnement que l’Etat met en œuvre depuis quelques années. 

 

C’est donc une nouvelle partie de billard à trois bandes (l’Etat, la commune, le citoyen) qui s’ouvre, avec quelques effets vertueux ou pervers possibles :

  • 1°) la mise au pas financière des communes. Avec 40% de leurs ressources décidées par l’Etat, les communes seront, plus encore qu’aujourd’hui, à la main de celui-ci. Aujourd’hui le gouvernement promet de compenser à l‘euro près, les ressources perdues. Mais qu’en sera-t-il demain ? Les communes ne pourront certainement pas venir demander une hausse arbitraire de leur part de taxe d’habitation. Dans tous les cas récents où l’Etat a fait du transfert de dépenses et de ressources, les parties concernées ont été victimes d’un marché de dupes où elles ont du faire face à des besoins nouveaux que l’Etat ne compensait pas. C’est en particulier le cas du RSA, dont l’Etat s’est défaussé sur les départements. Une aide dont le nombre de bénéficiaires a explosé, sans que les départements n’y puissent rien, et que l’Etat les a laissé financer seuls, avec pour conséquence une basse dramatique des budgets consacrés aux routes et aux collèges, dont nous paierons le prix lourdement dans les années à venir. C’est d’ailleurs l’occasion d’alerter les contribuables départementaux (nous tous) sur le danger fiscal de la généreuse vision du gouvernement au sujet du RSA, dont 30% des bénéficiaires potentiels ne le touchent pas. En simplifiant les modalités d’accès, le nouveau pouvoir veut étendre le financement à tous les bénéficiaires potentiels. Bravo, c’est normal, reste à le financer…

Dans le cas de la taxe d’habitation, l’Etat pourra décider chaque année de l’augmentation éventuelle de l’enveloppe qu’il consacrera à ce transfert. Ce faisant, en poursuivant la réduction de la DGF (la cause première étant l’état de faillite de ses comptes) l’Etat augmentera certainement la pression financière que ressentent les communes depuis quelques années. Cela n’est pas forcément mauvais. Seule cette baisse de la DGF a fini par venir à bout de la croissance ininterrompue des dépenses de personnel des collectivités locales. Elles ont le cuir dur, il faut vraiment raréfier l’air en oxygène pour qu’elles ralentissent. Mais la faiblesse de ces approches est qu’elles punissent souvent plus les vertueux que les mauvais gestionnaires, qui ont plus de marges de manoeuvre. Alors, face au risque d’étouffement par inertie d’Etat, que pourraient faire les communes ? 

  • 2°) la surcompensation fiscale sur les non exemptés. Bien sûr, ceux qui n’échapperont pas à l’exemption de taxe d’habitation resteront une ressource à la merci des élus locaux. En modulant les taux de la taxe, les maires conserveront le pouvoir de compenser le manque à gagner que l’Etat pourrait leur causer. En 2016, dans les grandes villes, la hausse de cette taxe a varié de 0,34% (Caen) à plus de 5% (Marseille, Nantes, Aix en Provence, Clermont Ferrand). Si, cette année, l’Etat avait pris en charge la taxe d’habitation, avec une hausse de sa contribution à 1% par an, dans une petite quinzaine de grandes villes les « riches » contribuables auraient bien pu voir leur taxe augmenter jusqu’à 15%...
  • 3°) la réapparition de la taxe d’habitation, rebaptisée et « améliorée ». A moins, bien sûr, que dans les années qui viennent tout le monde, localement, se remette à payer une taxe nouvelle, inventée dans les cercles feutrés où se réunissent technocrates de Bercy er représentants de l’association des maires de France. Taxe de présence, taxe de service local, taxe d’occupation… On peut imaginer plein de noms charmants pour ce qui serait le retour de la taxe d’habitation, mais à des niveaux très faibles par rapport à aujourd’hui (dans un premier temps), juste destinée à permettre aux communes de retrouver l’autonomie qu’on projette de leur supprimer. On pourrait même rêver que cette nouvelle taxe soit assise sur une nouvelle assiette. Cela serait une façon douce de mettre enfin en place la réforme serpent de mer des assiettes de la taxe d’habitation. Un projet étudié de très nombreuses fois pas les pouvoirs publics, pour rapprocher les assiettes actuelles, totalement obsolètes, des réalités du marché immobilier d’aujourd‘hui. Une réforme explosive, du fait de top grand nombre de perdants, et ui n’a, de fait, jamais été sérieusement envisagée. Là, en remettant en œuvre une taxe d’habitation à très faible taux, sur des assiettes revues, l’effet gagnants-perdants est brouillé, et l’oie peut être plumée sans crier, ce qui est la règle d’or de la conduite fiscale dans nos états « modernes ».
  • 4°) la hausse des prélèvements fiscaux dans d’autres domaines. Et puis, bien sûr, il y a toutes les autres poches possibles de prélèvement. Outre la CSG, outre les charges sociales qu’on promet de baisser, et bien avant les dépenses, sur lesquelles des économies sont promises mais jamais bien certaines (M E Philippe, par se gestion du Havre, est le contre exemple parfait, qui amène à douter du savoir faire gouvernemental en la matière), il y a toutes les autres sources de revenu fiscal, impôts, taxes, contribution. Ces dernières années les nouveaux impôts ont fleuri, et leurs inventeurs, les fonctionnaires de Bercy, sont toujours en place avec, n’en doutons pas, des idées plein les cartons au cas où…

 

Alors, de grâce, mesdames messieurs les ministres, profitez de l’étalement du temps de mise en œuvre pour…. Oublier cette réforme étrange. Concentrez vous sur la baisse des dépenses. Soyez intelligent pour contraindre les collectivités locales elles aussi à le faire. Récompensez celles qui baisseront elles-mêmes les impôts locaux (nombreuses sont celles qui le pourraient, si elles pouvaient avoir une visibilité sur l’engagement futur de l’Etat). Ne mettez pas l’intelligence de nos fonctionnaires à élaborer une nouvelle usine à gaz, mais plutôt à simplifier avec une rège simple : « le moins de transferts et de péréquation possible ».

La moralisation de la vie publique c’est aussi cela : l’extermination des trappes à hypocrisie.

Ne m’offrez pas impôt, laissez moi de quoi boire moi-même quand j’ai soif.

 

 

F. Lainée

Fondateur des Politic Angels


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11 réactions à cet article    


  • La mouche du coche La mouche du coche 26 mai 2017 14:27

     smiley Tous ces barragistes qui dès le lendemain de leur vote pour Macron viennent pleurer qu’il applique son programme bancaire antiFrance me font marrer. Vous la sentez les gars, la vaseline ? smiley


    • Le421... Refuznik !! Le421 27 mai 2017 08:34

      @La mouche du coche
      Outre la CSG, outre les charges sociales qu’on promet de baisser...

      Tiens, j’ai de fausses infos.
      Il semblerait que la hausse (et non pas la baisse) de la CSG sur les retraites, même petites, serait de l’ordre de 450€ par an. A partir de 1200€ mensuel. Une paille !!
      1200€... Une fortune, pour un soudanais !!


    • Alice Alice 27 mai 2017 12:18

      @Le421
       

      Bien sûr que la suppression de la taxe d’habitation sera compensée par d’autres prélèvements ; l’auteur a cité la hausse de la CSG mais il a oublié le principal :


      - les propriétaires (60% des français quand même) paieront cette suppression par augmentation - d’un montant peut-être du même ordre que la taxe d’habitation supprimée - de la taxe foncière !


      - il est question aussi d’une nouvelle hausse des impôts directs.


    • La mouche du coche La mouche du coche 27 mai 2017 22:30

      @Le421
      Avez vous voté Le Pen ?


    • Sergio Sergio 26 mai 2017 14:48

       ’ la mise au pas financière des communes ’

      Je suis d’accord en ce qui concerne les difficultés à venir pour les municipalités.
      L’expérience montre que beaucoup d’agglo de communes sont souvent endettées à cause de grands projets à destination de municipalités mieux loties que d’autres, et donc au dépend des plus petites et cela pour une même imposition. 
      Cela amènera peut être à réévaluer le coût des projets à venir ! A eux de bien négocier les enveloppes et malheureusement de facto, attention aux orientations politiques de certaines régions, il y aura probablement des quinquennats avec et sans.

      • Daniel Roux Daniel Roux 26 mai 2017 16:02

        Macron est différent de ceux qui l’ont précédé, il manque d’expérience et d’échecs.

        Cela se voit dans sa prétention obstinée à donner des raisons morales à ses décisions réfléchies, pragmatique, mais certainement pas morales.

        Comme Hollande, comme Sarkozy, comme Chirac, il est incapable de dire la vérité, persuadé que ses sujets sont, de toute façon, trop stupides pour comprendre l’intelligence de ses décisions.

        Mais là où les autres ressortaient les bonnes vieilles tartes à la crème qui nous font toujours rire, du genre : « C’est pour les vieux » ou « C’est pour lutter contre les trafics mafieux » ou au mieux, « C’est une directive de l’UE », Macron aime la jouer « moralité ». « Parce que c’est bien, parce que c’est mal. »

        Par exemple, lorsqu’il justifie l’augmentation de la sur-taxation des nombreux contribuables qui ont des biens immobiliers - bailleurs-loueurs - au bénéfice des quelques très riches contribuables qui ont des biens financiers - actions et produits spéculatifs - il ne dit pas « C’est pour freiner la fuite des plus riches vers les paradis fiscaux voisins ! » il dit « Taxons la rente immobilière ! »

        Bien entendu, il se garde bien, et les éditorialistes également, de justifier en quoi les revenus des valeurs mobilières prélevés sur les entreprises sans autre effort que d’acheter du papier, est plus moral que les loyers versés en échange d’un service, l’occupation d’une habitation, nécessitant un important investissement, rendu peu sûr par une réglementation faussement généreuse et par une justice qui ne considère pas le bail comme un contrat valable, et surtout, déjà abondamment taxé.

        C’est ça Macron, une certaine légèreté dans l’exercice du pouvoir.


        • Alice Alice 27 mai 2017 12:59

          @Daniel Roux
           

          « il manque d’expérience et d’échecs. »
           

          Et ce sont les citoyens qui vont le payer.


        • Furtive Sentinelle Furtive Sentinelle 26 mai 2017 18:34

          C’est une réforme qui ne verra pas le jour...
           Macroute est allé à Canossa faire génuflexion devant la Kaiserin Mamie Merkel et prendre les ordres à savoir la potion de la Troïka - la ligue des 3 croque-morts- avec, comme corolaire, la grécisation de notre pays et cela en marche feutrée mais imparable...
          Les Grecs viennent de se voir imposer une réforme de leur Code du Travail à l’identique de celui qui va nous être infligé avec violence très prochainement.
          Avec, pour se faire, le soutien d’un cafard de commissaire européen aux affaires économiques pour bien administrer la ciguë


          • Spartacus Lequidam Spartacus 27 mai 2017 10:40
            Les hauts taux tuent les totaux...
            Trop de CSG tuera la CSG.......La courbe de Laffer a de belles perspectives.

            Et en plus, qu’a à voir la CSG qui est une cotisation sociale destiné à l’aide des assurances sociales et l’impôt local qui et un prélèvement destiné au budget de l’état.


            • Henry Canant Henry Canant 28 mai 2017 01:41

              Tant que les français pourront se fournir de la vaseline à vil prix, tout ce passera comme une lettre à la poste.

              Un jeune marié avec une vioque qui pourrait être sa mère, ça rassure forcément.
              Mais heureusement dame nature fait bien les choses, ils ne peuvent se reproduire, la fée ménaupose veille au grain.

              • HELIOS HELIOS 29 mai 2017 00:58

                sais pas, mais la taxe d’habitation n’est pas payée par ceux qui ont un très faible revenu, c’est a dire qui ne payent pas d’impôts


                Donc, dispenser de TH, ceux qui n’en payent pas, c’est déja une présentation de la verité qui me dérange un peu... d’autant que cela se compense par une augmentation de la CSG, que tout le monde paye, bien sur,

                Je fais toujours confiance aux grouillots de Bercy, ceux qui aux commandes de leur ordinateurs calculent les différents taux pour optimiser les entrées dans les caisses de l’état. 
                Cet état même qui par cette opération va récolter plus de CSG que ce qu’il perdu de Taxe d’habitation.

                En fait le con qui paye, vous le connaissez, hein ? 

                Réjouissez vous, vous etes bien 65% a l’avoir décidé, pourquoi vous plaignez vous, puisqu’on vous dit que c’est pour votre bien !

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