Baltique, Adriatique, Mer Noire ou l’« Initiative des Trois Mers », une réminiscence de la Fédération Międzymorze ?
Dans les années 90, quand l’Union Soviétique s’est disloquée, les grandes puissances se frottaient les mains. Les cow-boys yankees rêvaient d’un nouveau « far-west », à l’ouest de l’Alaska tandis que les épiciers de l’Union Européenne lorgnaient sur la reprise pour un bon prix du stock de surgelés que représentaient les démocraties populaires tout juste sortie du glacis, derrière le « rideau de fer ».
Mais les rêves s’évanouissent dès qu’on ouvre les yeux. Pour ce qui est des Russes, et pas seulement Poutine, ils ont fait savoir que leur pays avait une histoire, une culture et un peuple qui n’entendait pas se faire spolier aussi facilement que les amérindiens. Pour l’Europe de l’est, il semblerait que les dirigeants de l’UE se soient mépris également : ce qu’ils croyaient être un lot de plats congelés à consommer après passage aux micro-ondes s’est révélé une population en état d’hibernation dont les membres sortent progressivement, avec quelques soubresauts.
Les titres des journaux français n’ont présenté les rencontres de Varsovie de la semaine dernière qu’en faisant référence à la réunion annuelle du G 20 et en gommant un autre événement : « le Sommet des Trois Mers » qui se réunissait au même moment. Cette coïncidence gênerait-elle les dirigeants de l’UE et nos médias pour qu’ils n’en parlent pas ?
Trump a participé à ce sommet. La présence du président américain avait un caractère symbolique, car il pourrait bien avoir l’intention de tirer parti de la tension actuelle entre le « conservatisme de la Nouvelle Europe » que nos médias présentent comme le danger « populiste » et le « libéralisme de l'ancienne Europe ». Déjà, les USA soutiennent à travers l’OTAN le positionnement de la Pologne qui a associé la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie à sa croisade anti-russe que Trump utilise comme un coin pour faire éclater les rapprochements défavorables à ses projets.
L’idée croato-polonaise est une reprise du projet des années 30 « Intermarium » ( ou Fédération Międzymorze) du Polonais Josef Piłsudski : rassembler un groupe de pays occupant l'espace stratégique entre trois mers européennes (en ajoutant l’Adriatique au projet de Pilsudki qui ne comportait que la Mer Noire et la Baltique) pour nouer des relations avec les États-Unis et la Chine tout en se soustrayant à l’influence de la Russie et de l'UE.
D’un côté, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie s'opposent de plus en plus à l'UE dans sa forme actuelle dont elles supportent mal l’autoritarisme dans l'application de ses directives libérales en matière de protection sociale et de politique migratoire. Mais d’un autre côté, la Pologne et les états baltes détestent la Russie pour des raisons historiques.
Dans les Balkans, la Bulgarie, la Croatie et la Roumanie ne fondent pas leur adhésion au projet des « Trois Mesr » sur des sentiments anti-UE ou anti-russes, mais ils ressentent une certaine animosité envers les deux, ce qui engendre des affinités avec les autres membres de ce groupe.
De l’autre côté, parmi les partisans du projet, l'Autriche et la Slovénie maintiennent des liens avec l'UE et la Russie, mais ils ont rejoint le groupe pour une raison géopolitique : l'intégration solidaire avec leurs voisins de l’Europe centrale. Les membres de l'initiative « Trois Mers » voient en elle ce qu'ils croient être le plus susceptible de présenter des avantages avec chacune des quatre grandes puissances les plus importantes :
- L'UE pour la « gouvernance » : l'objectif est de faire pression sur Bruxelles pour décentraliser et permettre ainsi aux blocs régionaux le droit de déterminer leurs propres politiques sociales et d'immigration.
- La Russie pour l’énergie : il serait à l'intérêt collectif de ces états de s’appuyer sur l’expérience de ceux qui sont déjà partenaires de la Russie pour les ressources énergétiques pour négocier de meilleures conditions d’achat.
- L’armée américaine : tous les membres du groupe à l'exception de l'Autriche, font partie de l'OTAN, et comptent sur l’aide des États-Unis pour augmenter leurs budgets de défense.
- La Chine pour les investissements : là encore, tous les pays concerné sauf l'Autriche, sont membre de l’accord « 16 + 1 » avec la Chine visant à financer le développement de la sylviculture dans cette partie de l'Europe..
Mais tout n’est pas aussi simple. D’une part, cet équilibre entre les 4 grandes puissances, pour séduisant qu’il soit, parait impossible à tenir à cause des tensions qu’il engendrerait entre ces puissances. D’autre part, à l’intérieur du groupe, des lignes de faille anciennes pourraient entraver la coopération, en particulier en la méfiance des Slovaques et des Roumains envers les Hongrois ou celle dles Lituaniens envers les Polonais.
L'Intermarium du 21ème siècle a toutes le chances d’obtenir de Trump ce qu’il propose lui-même, quelques chances de capter les financements chinois qui recherchent des placements sécurisés, une chance d'atteindre ses objectifs vis-à-vis de l'UE, en particulier grâce à l'appui de Trump, mais il en va autrement des projets vis-à-vis de la Russie, car chacun des états concernés entretient des rapports différents avec Moscou. En tout état de causes, comptez sur nos médias pour ne pas vous en tenir informés.
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