Un Innocent dans le Couloir de la Mort du Texas
« Je repense aux sensations que j’ai éprouvées lors de mon arrivée dans le couloir de la mort du Texas, et je doute pouvoir trouver un jour les mots pour décrire pareille expérience. Il faut la vivre pour véritablement en appréhender tous les aspects. C’était comme si j’avais été jeté dans les profondeurs d’une mer noire et glacée, au cœur de la nuit, sans aucune aide en vue. Ces sensations sont pires que la mort. Mourir serait rapide et ne ferait mal que quelques instants. Je mourais mille fois. Le système me tuait à petits feux, me torturait, m’infligeant de petits entailles, me vidant de ma force. C’était comme si j’avais touché le fond de cette mer glacée. Instinctivement, je savais que j’avais deux choix, soit rester au fond et mourir, soit m’obliger à remonter à la surface. Lorsqu’on touche le fond, on comprend comment certaines personnes en arrivent à s’ôter la vie. J’ai appris que l’une des pires choses était de faire l’expérience intime du désespoir » (« Warrior within », Charles Don Flores)
Charles Don Flores se trouve dans le couloir de la mort du Texas, aux Etats-Unis, depuis 1999, pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Il a été condamné à tort, sans aucune preuve crédible. Aucune empreinte digitale, aucune trace de sang, aucune trace d’ADN, ni aucune autre preuve médico-légale n’a été recueillie à son encontre. Charles Flores n’a fait aucun aveu, il a toujours nié avoir commis ce crime.
Faute de preuves, l’accusation a construit son argumentation autour d’un témoin non fiable qui a été hypnotisé par les officiers de police et a par ailleurs été soumis à d’autres procédures d’identification suggestives. Toutes ces manœuvres ont abouti à une fausse identification.
A l’heure du crime, Charles se trouvait en compagnie de sa famille à une heure de route de la scène de crime. Il n’a pas été en mesure de présenter d’alibis dans le cadre de sa défense, à cause de pressions exercées par les procureurs, qui ont menacé de prison la famille et les amis de Charles s’ils témoignaient en sa faveur. Le procureur général, Jason January, a brutalement démissionné en 2001. D’après la rumeur, ses actes l’ont rattrapé et il a été contraint de se retirer. George West, l’un des autres procureurs chargés de l’affaire, a lui aussi démissionné suite à une vive controverse qui avait entouré une affaire qui s’était soldée par la peine capitale.
Les avocats incompétents de Charles qui ont plaidé à l’audience n’ont rien fait pour empêcher cela. Ils ne se sont pas opposés à cette faute. Ainsi, Charles a assisté à son procès sans voir aucun témoin être appelé à la barre pour établir où il se trouvait lorsque le crime a été commis. Charles Don Flores a donc été condamné sans le début d’une preuve matérielle pour établir sa culpabilité.
Tout ce dont disposait l’accusation, c’était les paroles de témoins peu crédibles. En lieu et place de faits concrets et de preuves matérielles, l’accusation a fait usage d’écrans de fumée pour présenter ses suppositions aux jurés et expliquer ce qui, d’après l’accusation, s’était passé. Dans leur numéro bien ficelé joué lors du procès, et avec le recours à de nombreuses manœuvres douteuses, les fondements, à savoir les faits, de cette affaire sont passés à la trappe. La recherche des faits, la vérité et la justice n’avaient plus cours et cette mascarade a rapidement tourné à l’avantage de qui pouvait raconter l’histoire la plus crédible, la plus convaincante.
« Avec les autres gars, je parlais de la façon dont les procureurs, dans mon affaire, m’avaient envoyé au quartier des condamnés à morts à l’issue d’un procès bâclé. A ma grande surprise, tous, je dis bien tous les gars avec qui je m’étais entretenu avaient eu la même vie et le même procès que moi, peu ou prou. J’étais sonné. Je n’arrivais pas à croire que le mensonge, le vol et la triche puissent faire partie des habitudes de l’Etat du Texas pour envoyer des hommes et des femmes dans le couloir de la mort. J’étais horrifié d’apprendre que nos soi-disant “droits”, au regard de la loi, et que la présomption d’innocence n’avaient cours que pour ceux dont la famille avait les moyens. Si une personne peut se permettre de faire appel à des avocats pour garantir le respect de toute la procédure juridique, alors, les droits que lui confère la loi seront protégés. A ce jour, je n’ai encore jamais rencontré aucune personne “riche” dans le couloir de la mort. Je n’ai encore jamais entendu parler d’une personne dont la famille a les moyens, qui aurait été envoyée dans le couloir de la mort. J’en ai des cauchemars. En un mot, la peine capitale existe uniquement pour les pauvres des Etats-Unis d’Amérique. L’homme riche destiné à mourir dans une chambre d’exécution à Huntsville n’est pas encore né… » (« Warrior within », Charles Don Flores)
Deux hommes, l’un blanc, Ricky Lynn Childs, l’autre d’origine mexicaine, Charles Don Flores, ont été accusés du meurtre d’une femme dans une banlieue de la ville de Dallas, aux Etats-Unis, en 1998. L’accusé blanc a avoué avoir tiré et a plaidé coupable du meurtre. Il a effectué une peine de 17 ans de prison et il obtenu une libération conditionnelle en avril 2016.
Charles Don Flores a été dénoncé par l’auteur des coups de feux, qui, formellement identifié, a tenté de minimiser sa responsabilité en accusant à tort l’une de ses connaissances, Charles Flores, de complicité. Charles Flores, Américain d’origine mexicaine, issu de milieu défavorisé, et qui avait le malheur d’avoir un casier judiciaire, a alors été jugé coupable et condamné à mort selon la très contestée « Loi des Parties », laquelle prévoit la condamnation du meurtrier autant que des autres acteurs impliqués dans un crime.
L’unique témoin oculaire, qui n’a pas identifié Charles Flores au moment de l’enquête, le reconnaît subitement, un an plus tard, lors du procès, après avoir subi plusieurs séances d’hypnose assurées par un policier. La technique d’hypnose employée a vraisemblablement entraîné le faux souvenir de la présence de Charles Flores, et donc la fausse identification.
Lors du procès de Charles Flores, le témoin a rapporté avoir vu des photos de Charles Flores dans des articles de journaux et dans les reportages, dans les journaux télévisés, après avoir été hypnotisée par la police. Après avoir vu Charles Flores assis à la table de la défense, le témoin a informé le tribunal qu’elle était prête à témoigner que Charles Flores correspondait à la personne qu’elle pensait avoir vu le matin du meurtre. C’est ainsi que l’accusation a pu obtenir une fausse identification au tribunal.
Au mois de janvier 2016, Charles Flores a été informé qu’il serait exécuté le 2 juin 2016, puis il est resté pendant les 5 mois qui ont suivi dans une cellule sous surveillance 24 heures sur 24, à proximité de la chambre d’exécution.
Après que l’avocat de Charles ait déposé un dernier appel axé sur le fait que la fausse identification du témoin hypnotisé n’était pas fiable, la « Texas Court of Criminal Appeal » (Cour d’appel du Texas en matière pénale) a accordé un sursis et ordonné une audience en examen de preuves sur la question des pseudo-sciences/de l’hypnose. Lors de cette audience, prévue le 11 octobre 2017, Charles et ses avocats auront enfin la possibilité de présenter les preuves établissant qu’une injustice a été commise à son encontre, qu’il a été condamné à tort et qu’il est innocent, du fait d’avancées scientifiques constituant de nouvelles preuves qui, selon toute vraisemblance, donneraient lieu à son acquittement s’il était jugé aujourd’hui.
Une fois que Charles Flores et que son équipe d’avocats auront prouvé cette injustice, ils auront enfin gagné le droit à un nouveau procès, près de vingt ans plus tard…
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