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La XVe législature de la Ve République (1)

Le démarrage fut un peu chaotique dans l’Hémicycle : « Il est arrivé, et il arrivera encore à ceux qui siègent sur ces bancs d’imaginer qu’ils sont seuls et qu’ils vivent dans une bulle. C’est arrivé à tout le monde, mais la vérité, c’est que nous ne sommes pas seuls et que des gens nous regardent. Et ces gens se demandent ce que c’est que cette assemblée qui n’arrive pas à se mettre d’accord sur son propre fonctionnement. (…) Seconde après seconde, minute après minute, heure après heure, nous assistons à un spectacle que je trouve insupportable pour l’institution que nous représentons et pour celles et ceux qui nous regardent. » (Olivier Faure, député PS, le 28 juin 2017 à l’Hémicycle). Première partie.

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Les élections législatives des 11 et 18 juin 2017 ont amorcé la XVe législature de la Ve République. En principe, avec la Constitution du 4 octobre 1958, une législature dure le temps d’un mandat de cinq ans des députés mais dans la réalité, la durée est plus courte puisqu’en moyenne, une législature dure environ quatre ans et deux mois. Pourquoi ? Parce que le Président de la République a le droit de dissoudre l’Assemblée Nationale et dans l’histoire, il l’a fait à plusieurs reprises. De Gaulle deux fois : octobre 1962 et mai 1968. François Mitterrand deux fois : mai 1981 et mai 1988. Jacques Chirac une fois : avril 1997. Le désastre électoral de la dernière dissolution a réduit les ardeurs présidentielles à dissoudre en même temps que l’institution du quinquennat concomitamment à l’élection des députés a réduit le risque de cohabitation à l’issue de l’élection présidentielle.

Officiellement, la XVe législature a commencé le mardi 27 juin 2017 à 15 heures. Il y a eu un peu plus d’une semaine pour permettre aux députés élus les 11 et surtout 18 juin 2017 de prendre leurs fonctions, d’être briefés pour les nouveaux, nombreux cette année, de s’organiser en groupes politiques et d’organiser la vie de l’assemblée dans les différents organes dirigeants, principalement le bureau de l’Assemblée Nationale et les différentes commissions permanentes. Il y a aussi de très nombreuses instances extérieures qui ont dans leur conseil d’administration voire à leur tête un parlementaire. Généralement, cette répartition des responsabilités, malgré parfois des clivages politiques qui pouvaient être très durs, notamment avant la première alternance en juin 1981, se faisait en toute intelligence, calmement, plutôt de manière consensuelle. Cette année, il en est allé autrement.

À ce jour, il y a déjà eu trois sessions de cette législature. La première n’a duré que deux jours, du 27 au 28 juin 2017 pour désigner tous ces responsables. C’était une session doublement ordinaire, ordinaire car l’Assemblée Nationale se réunit naturellement une fois qu’elle a été élue, et ordinaire car la session ordinaire finit à la fin juin de chaque année. Une deuxième session très particulière a eu lieu avec une unique séance le 3 juillet 2017, convoquée par le Président de la République, pour l’écouter prononcer un discours (constitutionnellement autorisé seulement depuis le 23 juillet 2008), à Versailles, devant le Parlement réunis en congrès. Enfin, une troisième session, extraordinaire, convoquée également par Emmanuel Macron, s’est déroulée du 4 juillet 2017 au 9 août 2017. Le dernier conseil des ministres avant les vacances d'été a eu aussi lieu le 9 août 2017. Les personnels du pouvoir pouvaient "tirer la langue", jamais depuis longtemps ils n'ont attendu si longtemps leurs vacances.

Cette session extraordinaire a eu lieu dès le début de l'été pour ne pas attendre octobre et permettre le démarrage des premières réformes (loi d’habilitation pour réformer le code du travail par ordonnances, loi sur la moralisation de la vie politique, loi de prolongation de l’état d’urgence, etc.). Pendant cette session extraordinaire, les députés ont siégé pendant 134 heures durant 33 séances publiques (beaucoup plus que durant la session extraordinaire de l'été 2012), ont voté 118 fois au scrutin public, ont examiné 1350 amendements et ont adopté 18 textes législatifs. 

Après une période de vacances estivales (probablement très méritées pour la classe politique épuisée par une année électorale très intense) et après les élections sénatoriales du 24 septembre 2017, les parlementaires travailleront ordinairement pendant l’année "scolaire" (qui est aussi une année "parlementaire") entre octobre 2017 et juin 2018. La première session ordinaire de cette législature commence le 25 septembre 2017.

Je me propose ici de présenter rapidement cette nouvelle Assemblée Nationale.


1. Renouvellement

C’est une assemblée très renouvelée, celle qui a été élue en juin 2017, un phénomène assez rare qu’il s’est déroulé également en novembre 1958 (avec un nouveau parti, l’UNR, parti gaulliste, Union pour la nouvelle République) et en juin 1981 (avec la vague "rose" consécutive à l’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981). Il y a 424 nouveaux députés sur 577 sièges au total, c’est un nombre très important. Taux de renouvellement de 73,5%. En juin 2012, il n’y a eu que 217 nouveaux députés.



Ce taux de renouvellement important est plutôt une bonne chose pour la démocratie, qui permet de renouveler la pensée politique et les pratiques politiques. Il provient principalement de l’élection du nouveau Président Emmanuel Macron qui n’était membre d’aucun parti parlementaire bien établi et qui a "révolutionné" la vie politique avec son nouveau parti La République En Marche (LREM) créé seulement le 6 avril 2016. Il est donc similaire à la création du parti gaulliste consécutive au retour du Général De Gaulle au pouvoir.

En tout, 189 députés élus en juin 2017 n’ont jamais eu de mandat électif de leur vie avant d’être élus députés. C’est beaucoup, car souvent, le mandat parlementaire vient couronner un mandat local.

Mais ce renouvellement ne provient pas seulement de la vague macroniste. Il a aussi deux autres ressorts. Le premier est à mon avis le principal, c’est la loi d’interdiction de cumul entre mandat parlementaire et mandat d’exécutif local adoptée sous le quinquennat de François Hollande mais applicable progressivement à partir de juin 2017. Cela signifie que beaucoup de maires, de présidents de conseils départementaux ou régionaux ont préféré rester à la tête de leur exécutif à rester parlementaires (ceux qui ont choisi le contraire sont peu nombreux mais existent cependant, comme Jean-Christophe Lagarde, Éric Ciotti, Éric Woerth, etc.). Cela signifie qu’il y a beaucoup de députés sortants qui ne se sont pas représentés à leur réélection pour cette raison.

L’autre ressort est le climat politique. Le désastre électoral subi par le Parti socialiste lors de l’élection présidentielle, la forte impopularité du quinquennat précédent, du gouvernement sortant, a découragé de nombreux socialistes, ministres ou députés, de tenter une réélection dont la perspective était très "compliquée". Pour éviter une défaite comme celles subies par Jean-Christophe Cambadélis, Marisol Touraine, Michèle Delaunay (celle qui avait battu Alain Juppé en juin 2007), Malek Boutih (proche de Manuel Valls), etc., beaucoup ont préféré jeté l’éponge, mettant fin parfois à une longue carrière politique (d’une quarantaine d’années pour certains). Cet effet très politique a aussi aiguisé de nouvelles oppositions parlementaires inexistantes auparavant, et représentées par le Front national (FN) de Marine Le Pen et la France insoumise (FI) de Jean-Luc Mélenchon.

Le profond renouvellement parlementaire n’est donc pas seulement celui des personnes mais aussi des partis : les partis de gouvernement depuis plus de trente-cinq ans ont subi un échec cinglant, quasi-fatal pour le Parti socialiste (PS), qui va perdre beaucoup de millions d’euros en dotations publiques, et difficile pour Les Républicains (LR), qui doit surtout éviter l’éclatement entre pro- et anti-macronistes. Deux nouveaux partis font leur entrée au Palais-Bourbon, LREM (qui a gagné la majorité absolue des sièges) et la FI (qui a pu constituer un groupe). Enfin, deux petits partis ont réussi à gagner beaucoup de sièges, le FN (8 sièges au lieu de 2) sans pour autant réussir à atteindre le seuil pour constituer un groupe, et le MoDem qui a pu constituer un groupe (ce qui est sans précédent, l’unique député sortant MoDem avait quitté le MoDem pour se présenter lui-même à l’élection présidentielle, Jean Lassalle). Quant aux écologistes, ils sont retombés au néant politique avec un seul siège.


2. Féminisation

Les femmes et l’âge sont aussi deux phénomènes nouveaux dans cette nouvelle assemblée. Il y a désormais 224 femmes sur 577, soit 38,8%. Ce n’est pas complètement dans la parité mais jamais une assemblée parlementaire en France ne s’est approchée d’aussi près de la parité complète. Parmi les sortants, il n’y avait que 155 femmes (26,9%). Principale raison : la sélection d’un nombre équivalent de femmes et d’hommes parmi les candidats qui proviennent du parti qui a conquis la majorité (LREM). Les électeurs ont voté massivement pour LREM, sans distinction de sexe (mais cela, on le savait déjà : les électeurs ne se sont jamais déterminés en fonction du sexe des candidats !).

C’est une très bonne chose car les "femmes" auraient l’esprit plus concret et feraient moins dans la posture stérile. Je mets prudemment au conditionnel et entre guillemets car je n’aime pas du tout les généralisations sur les hommes et les femmes, mais c’est quand même un peu vrai, on peut le voir dans la vie d’une entreprise. La vie économique ordinaire (je ne parle pas du CAC40 très en retard encore sur ce sujet) s’est féminisée bien avant la vie politique.


3. Rajeunissement

L’âge des députés est aussi une nouvelle donnée intéressante et encourageante. L’âge moyen à l’issue des élections législatives de juin 2017 est de 47 ans et 8 mois, soit environ cinq ans de moins qu’en juin 2012. Il y a notamment des députés très jeunes. Les six plus jeunes, qui furent désignés secrétaires de la première séance inaugurale le 27 juin 2017, sont Ludovic Pajot (le benjamin, 23 ans, FN), Typhanie Degois (24 ans, LREM, qui a battu Dominique Dord en Savoie), Lénaïck Adam (25 ans, LREM), Pierre Henriet (25 ans, LREM), Robin Reda (26 ans, LR) et Bénédicte Peyrol (26 ans, LREM). Ils sont très jeunes, entre 23 et 26 ans environ. Ils ne battent pas toutefois le record de jeunesse, puisque Marion Maréchal-Le Pen (FN) n’avait que 22 ans à son élection le 17 juin 2012. Notons que ces deux benjamins sont FN.

C’est plus facile de présenter des candidats jeunes quand il y a peu de sortants. Cela dit, la jeunesse provient aussi de partis traditionnels, en particulier LR qui a profondément renouvelé ses cadres (comme c’est le cas de Robin Reda élu maire de Juvisy en mars 2014 et conseiller régional d’Île-de-France en décembre 2015).

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De même, le doyen d’âge qui a présidé cette séance inaugurale, Bernard Brochand, ancien maire de Cannes, est assez "jeune", car il n’a "que" 79 ans, et député depuis seulement le 2 avril 2001. Dans le passé, il y a eu des doyens d’âge nonagénaires, notamment Marcel Dassault (1892-1986), élu pour la dernière fois à l’âge de 94 ans (pour un mandat de 5 ans !), et Édouard Frédéric-Dupont (1902-1995) qui a achevé son dernier mandat peu avant ses 91 ans en mars 1993 (après avoir été élu pour la première fois le 26 avril 1936 lors du Front populaire !


4. Quelques autres statistiques 2017

La présentation de la nouvelle assemblée est intéressante sur le plan sociologique. Si beaucoup de nouveaux députés proviennent de la "société civile" (un terme que je déteste car il s’oppose soit aux militaires soit aux ecclésiastiques, mais certainement pas à ceux qui font de la politique car en étant élu députés, dans tous les cas, ils deviennent des politiques et c’est le sort de tout nouvel élu !), c’est-à-dire qui ne participaient pas, avant cette élection, à la vie politique du pays, peu sont vraiment représentatifs des catégories socioprofessionnelles de la France : peu d’ouvriers, peu de paysans, et beaucoup de professions intellectuelles ou de cadres.

Ainsi, s’il y a effectivement un étudiant (en 2012, il y avait déjà une étudiante avec Marion Maréchal-Le Pen) et un ouvrier, il y a (sur 577 députés) : 180 cadres, 103 professions libérales (avocats, médecins, etc.), 61 enseignants (il y en avait bien plus en juin 1981), 41 chefs d’entreprise (c’est beaucoup et beaucoup de questions peuvent se poser sur le risque de conflits d’intérêt), 13 agriculteurs (c’est très peu).


Dans le prochain article, je présenterai l’aspect plus politique de l’Assemblée Nationale et j’évoquerai en particulier la "crise" qui a ramené, le temps d’une longue et laborieuse journée, les députés dans les poisons de la IVe République, dans des confusions et des petitesses assez effarantes pour une assemblée dominée par un parti qui prétend changer les pratiques politiques.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La XVe législature de la Ve République.
Emmanuel Macron sous le sceau de l’histoire.
Emmanuel Macron et l’armée (19 juillet 2017).
Discours d’Emmanuel Macron le 13 juillet 2017 à l’Hôtel de Brienne, à Paris (texte intégral).
Discours d’Emmanuel Macron le 20 juillet 2017 à Istres.
Emmanuel Macron et les Territoires (17 juillet 2017).
Discours d’Emmanuel Macron le 17 juillet 2017 au Sénat sur les Territoires (texte intégral).
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
Hommage d’Emmanuel Macron à Simone Veil le 5 juillet 2017 aux Invalides.
Hommage d’Emmanuel Macron à Helmut Kohl le 1er juillet 2017 à Strasbourg.
Discours de politique générale d’Édouard Philippe le 4 juillet 2017.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Portrait officiel du maître des horloges.
François de Rugy au perchoir.
François Bayrou sycophanté.
Édouard Macron II : bientôt la fin de l’indétermination quantique.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.

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3 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 6 septembre 2017 13:07

    mettez moi les tous au SMIC et ils se réveilleront et se mettrons a bramer comme des cerfs au moment de l’accouplement ....


    • Le421... Refuznik !! Le421 6 septembre 2017 19:08

      Ca cogne et ça mord, cette nouvelle Assemblée.
      Les faits divers violents se multiplient.

      Quand on n’a aucun argument, il reste les insultes et la frappe !!


      • McGurk McGurk 7 septembre 2017 00:30

        Renouveler le parlement pour y mettre une majorité de macronistes n’est pas vraiment une bonne chose. Surtout pour y mettre des bleus qui ne connaissent rien à rien, ça met une belle pagaille au parlement et certains n’ont vraiment pas du tout un comportement professionnel (ex : le président de l’Assemblée qui est vraiment pitoyable).

        Je ne suis pas contre l’élection de femmes, mais je les trouves en politique bien plus virulentes et cyniques que nos politiques classiques. Du genre Pécresse la catastrophe ambulante, extrêmement arrogante, qui a réussi à se faire élire présidente de la région IDF (à mourir de rire).

        Quant à l’âge, c’est bien de le faire baisser mais les personnes citées sont bien trop jeunes pour avoir un minimum de recul je trouve...

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