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Des cinéphiles du troisième type

à propos de "le Brady - cinéma des damnés" de Jacques Thorens dans la collection "Verticales" chez Gallimard (page de l'éditeur à ce lien)

Quand Jean-Pierre Mocky a repris le Brady il pensait en faire une salle d'art et d'essai lui permettant également de montrer ses films. Mais comme déjà à cette époque, il n'avait pas beaucoup de fonds, le "Brady" projetait des films en bout de course ou des longs métrages dits de genre coûtant beaucoup moins cher : de karaté, d'horreur, des pornos, des films d'action tournés avec peu de moyens. Afin d'attirer le chaland, le "Brady" proposa comme tous les cinémas de quartier de l'époque un double programme à bas prix comme les "Grindhouse" américains.

Cependant, plutôt que de faire venir la clientèle de cinéphiles avisés et distingués, le "Brady" devint très vite le refuge des exclus du quartier, de tous les miséreux, les paumés, les clochards. Ils dorment devant les films, ronflant à grand bruit, mangent voire pique-niquent, certains apportant leur réchaud pour se faire griller des saucisses. Les toilettes sont des lieux de rencontre homosexuels ainsi que les rangées de fauteuils du fond. Le "Brady" est leur seconde maison en attendant de se retrouver à la rue le soir ou dans un hôtel minable.

Petit à petit, l'auteur, projectionniste, apprend à connaître la plupart de ces personnages hauts en couleurs. Ils ont tous leur histoire, sont loin d'être ignorants pour la plupart. La rue les a happés et gardés dans son sillage. Et il est très compliqué pour eux d'en sortir. Ils font partie de ce peuple "d'invisibles" maintenant relégués en banlieue. On ne veut plus les voir dans le Paris ripoliné de 2017. Ils font trop mal élevés, pas assez corrects. Tout comme le personnel du "Brady", à commencer par son propriétaire un rien mythomane, Mocky a toujours un tournage en projet avec des vedettes internationales que parfois il ne fait que croiser sur un plateau télévisé.

Les collègues de Jacques Thorens sont également des excentriques, de celui qui protège toutes les prostituées du quartier, gardant leurs maigres affaires, les réconfortant parfois après qu'elles subissent les violences de leur souteneur. Le directeur de l'endroit fait sa comptabilité dans un cahier d'écolier scandalisant la commission d'hygiène passant de temps en temps. Celle-ci ordonne régulièrement des travaux se faisant au gré des finances de Mocky (celui-ci se servant dans la recette régulièrement). Il arrive que la réfection d'un mur s'arrête net, un grand trou demeurant dans le hall du cinéma durant des mois. L'escalier menant à la salle est refait au hasard de l'inspiration des ouvriers, des marches font vingt centimètres de haut, d'autres seulement douze...

Et bon an mal an, le "Brady" survit...

Il conserve même une clientèle de vrais cinéphiles qui eux n'ont pas oublié que le cinéma est encore une attraction foraine. Ils aiment cet endroit particulier, un des derniers dans Paris à conserver une âme. il n'y a pas de bac à pop corn, pas d'armoires à boissons, pas de "wifi" devenue quasiment obligatoire. On se parle au "Brady", et il arrive que le projectionniste qui est aussi caissier joue de la guitare en attendant les clients. Le "Brady" demeure encore actif entre deux salons de coiffure africains, il s'est un peu assagi, il y a moins de "clodos", un peu plus de "bobos". Tant qu'il y aura des cinglés de cinéma il existera.

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury - Grandgil

 

iillustration prise ici


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