Google : la police high-tech de la pensée
Le rôle de la « police de la pensée » est de découvrir les pensées non conformes aux normes prescrites pour les neutraliser, les criminaliser, les extirper de la société. Cette police a toujours existé de l’inquisition aux bains idéologiques télévisuels, mais une ampleur planétaire à la coercition peut maintenant être obtenue grâce à Internet.
Science, technique, technologie, artisanat et industrie ont toujours été intimement liés. Ces secteurs basés sur le concret permettent à des gens ingénieux d’exercer leur talent. Il permet aussi aux personnes préférant s’adonner aux spéculations intellectuelles d’orienter leur don vers un utile non éthéré. La Science et les activités sœurs donnent la possibilité de définir un réel débarrassé de la subjectivité, des pratiques magiques, des pratiques mystérieuses. La prééminence du secteur tertiaire dans les pays occidentaux, déconnecté d’une production matérielle et donc non évaluable objectivement, permet de plonger les populations dans une réalité virtuelle où tout, même l’abracadabrantesque, devient vérité révélée.
Internet n’est pas issu d’explosions scientifiques soudaines et récentes. Par contre, sa prise en main par les hommes du marketing du high-tech fut magistrale. La distinction est importante car les vraies découvertes, celles qui servent plus les autres que leurs auteurs, se font souvent par hasard, toujours par des gens ingénieux mais jamais par des marchands.
Les ordinateurs datent du milieu du XXe siècle et permettent un traitement de l’information grâce à un ensemble d’instructions. Les premiers ordinateurs faisaient plusieurs dizaines de mètres et utilisaient plusieurs dizaines de milliers de tubes à vide. L'utilisation de transistors, inventés en 1947, permit de remplacer les tubes à vide et d’obtenir des ordinateurs plus fiables. Les circuits intégrés, obtenus par photolithographie, donnèrent accès à des gains considérables de taille. Le transistor à effet de champ MOSFET fit son apparition dans les circuits intégrés en 1963 ; ils rencontrèrent rapidement un succès commercial en électronique intégrée.
Au cours de XXe siècle, le même cheminement pourrait être observé pour les téléphones mobiles, les écrans plats, les cristaux liquides, les diodes électroluminescentes, les algorithmes de reconnaissance ou de tri, les réseaux artificiels de neurones… Science et technique allaient leur train sans emphase, contribuant à changer le monde sans le proclamer.
En 1998, le moteur de recherches Google fut lancé, et le caractère déclamatoire des activités prit le pas sur la mise à disposition de services technologiques : « Google veut changer le monde » ! Pourquoi pas, mais comment ?
Votre ordinateur à peine installé, vous avez à disposition gratuitement un moteur de recherche qui vous permet de trouver une information quelconque au sein d’une immense base de données : de la masse du Lithium au prix des moules au Tréport. Google est le logiciel de ce type le plus utilisé dans le monde, il compte plus d’un milliard d’utilisateurs actifs.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! » Des financements doivent être trouvés pour mener à bien les activités de l’entreprise. De 9 employés en 1999, Google en compte désormais plus de 72 000. Son chiffre d’affaires annuel (en 2015) est de 74,5 milliards de dollars avec comme bénéfice annuel 23,4 milliards de dollars. D’où viennent les revenus ?
Google tire la majorité de ses recettes de la publicité grâce à différents mécanismes novateurs. Le paiement par clic, l’annonceur rémunère Google en fonction du nombre d’internautes qui consulte l’annonce correspondante. Le profilage, Google grâce à vos activités sur internet, détermine votre profil de consommateur et adapte les publicités qu’il vous soumet en fonction de celui-ci. Ces profils peuvent être vendus à des entreprises externes. Gmail utilise des robots pour lire les mails afin de cerner les caractéristiques des internaute et de mieux cibler les publicités qui leur seront adressées. Google Analytics permet d’affiner la connaissance de vos activités, il peut, par exemple, si vous êtes sur un site d’actualité, enregistrer l’heure, le sujet et le temps passé sur celui-ci.
L’analyse comportementale (profiling) adapte le monde du net aux désirs supposés d’un individu, l’enfermant dans l’espace clos de ses propres motivations, les autres mondes lui deviennent étrangers. L’espionnage au sein du net (tracking) permet de déterminer les penchants sexuels, politiques, religieux, culturels d’un internaute ainsi que ses goûts, ses pays préférés, ses habitudes alimentaires… Le ciblage comportemental permet officiellement de guider efficacement la délivrance de messages publicitaires, mais de moins anodins objectifs peuvent être recherchés.
Une collusion entre la National Security Agency (NSA) et Google n’a plus à être démontré. Un accord « secret » entre eux aurait été passé dès 2009, E. Snowden a décrit quatre ans plus tard les modalités précises de cette collaboration. Mais, de toute façon, l'agence américaine peut à loisir infiltrer les infrastructures internes des géants du Web en général et de Google en particulier. De plus, PRISM est officiellement un programme américain de surveillance électronique par la collecte de renseignements à partir d'Internet et d'autres fournisseurs de services électroniques.
La « révolution » débutant à la fin du précédent millénaire tendant à « connecter » tous avec chacun ne recouvre aucune percée scientifique inédite ; par contre, le paiement des services par la livraison des données personnelles (voire professionnelles) de l’usager présentait lui un caractère extraordinaire. Ceci rendait possible d’atteindre le principal objectif : ficher tous les individus de la planète Terre. Google et ses acolytes (Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Yahoo, Twitter, LinkedIn et d'autres encore) permettent une maîtrise inégalée des populations par une technique de micro-conditionnement qui rend obsolète et inutile les slogans, les endoctrinements, les répressions, les camps et même toutes les formes rustiques de coercition. Si vous connaissez un individu mieux que celui-ci ne se connaît lui-même, vous allez pouvoir corriger ses défauts comportementaux pour qu’il soit conforme à la norme : l’idée postmoderne du libéralisme est basée sur un bonheur dicté par la publicité.
Le fichage comportemental permet d’éteindre très précocement toute tentative de désobéissance ou de révolte. Dans ce cadre, la lutte contre le terrorisme permet un démantèlement des garde-fous qui devraient protéger de l’arbitraire. Un individu gênant pourrait se voir affubler de l’étiquette de terroriste par des fréquentations fortuites, des rencontres de hasard, des appels téléphoniques provoqués, des messages à double-sens, des occasions trop espérées… et il pourrait alors subir les foudres du système dans des juridictions d’exception.
En France, La Loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, autorise la police et la gendarmerie à surveiller les citoyens sur les réseaux informatiques sans l'autorisation d'un juge. Elle est utilement complétée par une mise sous tutelle de la vie privée. Le Décret du 3 août 2017 précise que les injures à caractère discriminatoire même proférées dans des lieux privés pourra être sanctionné. Si l’un de vos « amis » vous accuse de propos inconvenants lors d’une rencontre à votre domicile, vous serez passible de sanctions… même si vous avez affaire à un diffamateur.
La troisième guerre mondiale est bien déclarée : le système répressif nécessaire pour ce temps d’exception est en place. Il ne permettra pas de trouver des solutions à sa cause, l’écroulement d’un système libéral qui libère les instincts plutôt que de les surmonter.
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