URSS – Russie : 40 ans de combat contre la chimère américano-wahhabite (Partie 1 - 1979-2013). Pétrole-Djihadisme et CIA
La prise de Raqqa marque la fin de l’État Islamique en Syrie, mais aussi pour la Russie la première victoire hors de son sol contre la collusion CIA - Wahhabisme. Cette bataille n'est que le dernier épisode d'un combat commencé à Shindand et à Kaboul dans une froide nuit de décembre 1979.
Commencée officiellement le 30 septembre 2015, l'intervention russe en Syrie scella la fin de l’expansion vers l'ouest de l’État Islamique (EI) et le retour de la Russie comme superpuissance. Pendant plus d'une décennie, Daesh se développa sous l’œil complaisant, voire complice des occidentaux habitués depuis la première guerre en Afghanistan (1979-1989) à souffler sur les braises du djihadisme. Cette réislamisation trouve ses origines au début des années 1960 dans le désir de l'Arabie Saoudite d'exporter le Wahhabisme pour contrer le nassérisme et le baasisme irakien et Syrien. Cinquante ans plus tard, seule la Syrie a résisté à cette « marée noire » salafiste.
La guerre d’Afghanistan (1979-1989) berceau du djihadisme actuel. Djihadisme et guerre froide.
Intervention géopolitique sur le cours du baril
Profitant de la manne financière pétrolière engendrée par le quadruplement du prix du pétrole (premier choc pétrolier 1973) puis de l'aide de la CIA, Riyad exporte le Djihad dés 1978 en Afghanistan. A cette époque, le pays est en proie à une guerre civile opposant le Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan (Marxiste et Laïque) au pouvoir et les islamistes locaux. Six mois avant l'intervention de l'URSS, les USA apportent leur soutien aux islamistes par le biais du « programm cyclone ». Washington voyait dans l'Afghanistan, le moyen de plonger contre son gré la Russie dans une chausse-trape qui serait pour elle l'équivalent du Viêt Nam. Pour cela la CIA instrumentalisa une rumeur qui se propageait à Moscou (Blowbacking), le président afghan Hafizullah Amin aurait été recruté par la CIA lors de ses études aux USA. Pour cela, ils organisèrent une série de rencontres entre le président afghan et des diplomates US et firent circuler des faux documents prouvant le recrutement d'Amin par la CIA par le biais de son association paravent « The asia foundation ». Convaincu par cette campagne de désinformation, Moscou déclencha l'opération « tempête 333 » (Шторм-333)
La guerre d’Afghanistan est donc déjà une guerre de réislamisation financée au 3/4 par l'Arabie Saoudite et instrumentalisée par les USA. Dès 1978, l'argent de Riyad est dispatchée sur place par un anonyme qui deviendra célèbre : Oussama ben Laden (Jason Burke, 2007). En 1989, un autre inconnu rejoint l'Afghanistan : Ahmad Fahil Nazzal, qui se révéla au monde sous son nom de guerre d'Abou Moussad Al-Zarqaoui.
Cette guerre est donc le lit de noce du couple CIA-Wahhabisme. Mais ce conflit ne se joue pas seulement dans les montagnes afghanes, mais aussi sur le marché du Pétrole. Jusqu'en 1992, date où elle fut remplacée par l'Arabie Saoudite, l'URSS était le premier producteur mondial de pétrole. Ses exportations représentaient pour l'année 1985 une manne de l'ordre de 20 milliards de dollars. Durant l'Automne 1985, Riyad se lance au sein de l'Opep dans une guerre des prix du pétrole, le brut tombe de 30$ le baril à 10$. Le budget de l'URSS n'est plus équilibré. Dès 1988, la solvabilité de Moscou commence à être mise en doute : c'est un clou de plus dans le cercueil de l'Union Soviétique.
L’éclipse Russe (1991-2003) : la période dorée du djihadisme.
Quarante ans de djihad wahhabite en trois drapeaux : Parti du Renouveau Islamique du Tadjikistan – Al Qaïda – Front Al Nosra.
Durant cette période l'URSS affaiblie sur le plan international, ne peut pas empêcher le recours des armes dans le règlement du conflit irako-koweitien. Elle focalise alors ses forces pour contrer l’expansion salafiste dans l'espace post-soviétique (Tadjikstan 1992-1997 et Tchétchénie 1994-1996).
1990-1991 : La première guerre du Golfe : L'hydre islamo-étasunien à l’assaut du baasisme Irakien.
La seconde phase de cette croisade de réislamisation commence dès la fin de la guerre froide en 1990. Le premier domino à être déstabilisé est l'Irak. Ce conflit peut être considéré comme le « renvoi d’ascenseur » des USA à l'Arabie Saoudite. Mais c'est aussi un tournant majeur de la relation entre les USA et les wahhabites. En Afghanistan, même si leur relation était symbiotique, c'est à dire que chacun en tirait profit, les USA en étaient les principaux bénéficiaires (affaiblissement de l'URSS). A partir de la première guerre du Golfe les rôles s'inversent, c'est le Wahhabisme qui tire le plus de profit de cet union contre nature.
Fortement endetté auprès du Koweït et de l'Arabie Saoudite par la guerre l'ayant opposé à l'Iran, l'Irak était affaibli par la chute du cours du pétrole, initié au sein de l'OPEP par ces deux mêmes pays. Saddam Hussein ayant reçu un blanc-seing de la part de l'ambassadrice des USA à Bagdad, envahit le Koweït le 2 août 1990, annulant ainsi sa dette et prenant le contrôle des champs pétrolifères de l’Émirat. Pour justifier une intervention militaire, les USA commencent alors une campagne de désinformation. L'exemple le plus frappant est le faux témoignage devant le Congrès des Etat-Unis par la fille de l'ambassadeur du Koweit à Washington. Ce faisant passer pour une infirmière, elle déclara que les soldats Irakiens sortaient les bébés des couveuses pour les laisser mourir sur le carrelage et torturaient. Ce témoignage fut rémunéré à hauteur de 10 millions de dollars par le Koweït et 14 par l'administration US.
L'URSS prise au débotté, s'aligne dans un premier temps benoîtement sur la position américaine. Édouard Chevardnadze Ministre des Affaires Étrangères Soviétiques demanda conjointement avec son homologue américain James Baker le 3 août 1990 le retrait de l'Irak du Koweït. Dans un second temps un sursaut « conservateur » entraîna la démission surprise d'Edouard Chevardnadze le 20 décembre. Son successeur Alexandre Bessmertnykh se lança sans succès dans une tentative de médiation pour trouver une solution politique au conflit. Ne pouvant pas outrepasser la résolution 678 de l'ONU, les USA tentent de déclencher une insurrection Chiite, qui aurait entraîné une guerre civile entre ces derniers et les sunnites permettant ainsi le développement du djihadisme wahhabite.
Sans l'écroulement de l'URSS, l'Arabie Saoudite et les USA n'auraient pas pu tenter d'étendre le djihad à l'Irak.
1992-1993. Premier conflit Tadjik : le prototype des révolutions de couleurs.
Le Tadjikistan est un pays pluriethnique musulman à dominance sunnite avec une minorité Chiite dans le massif du Pamir. Ce pays voit dans le courant des années 80 la renaissance d'un islam rigoriste importé par l'Arabie Saoudite via l'Afghanistan voisine. Cette renaissance conduit à de premières manifestations dès 1986.
Malgré le rôle marginal joué par les troupes russes dans le conflit (sécurisation de la frontière afghane), le conflit tadjik a été choisi pour illustrer la lutte de Moscou contre l'islamisation radicale de l'espace post-soviétique pour deux raisons. La première, ce conflit est totalement inconnu en Occident alors qu'il est symptomatique de la montée en puissance du wahhabisme en Asie Centrale. La seconde, il apparaît à la relecture des événements récents qu'il est l'archétype des révolutions de couleur. On y retrouve, des mouvements nationalistes et religieux nés à la faveur de la perestroïka, des agitateurs, des manifestants tués par les forces de l'ordre. Tout commence en 1990 par une rumeur, les logements sociaux seraient attribués de manière prioritaire aux réfugiés arméniens victimes du tremblement de terre de 1988. Des manifestants se réunirent alors devant le siège du parti communiste à Douchanbé. La manifestation dégénéra, le bilan est terrible : 22 morts. Néanmoins le pouvoir central soviétique réussi à ramener le calme dans la république.
Il faudra attendre l'indépendance pour que le pays s'enflamme réellement. Tout commence lorsque des partis (le Lali Badakshan un parti indépendantiste, le Rastokhez un parti nationaliste et le Parti Islamique de la renaissance) originaires des provinces frontalières avec l'Afghanistan (Khatlon et Borno-Badakhshan) viennent occuper la place principale de la capitale. Au bout de deux mois la situation dégénère, choqué par la tournure sanglante des événements, le pouvoir conclu un accord avec l'opposition pour mettre fin aux violences. Mais cette réconciliation est peine perdue, la guerre civile éclate à partir des régions frontalières avec l'Afghanistan entre les communistes Pro-Moscou et des mouvements qualifiés en occident d « islamo-démocrates ». Bel euphémisme pour des islamistes radicaux appuyés par des moujahidins afghans et des nationaliste prônant la chasse aux russophones.
L'embrasement de ces régions ne fut pas une surprise. Dès le milieu, des années 50, la CIA étudiait la possibilité d'infiltrer l'URSS par le biais des minorités ethniques afghanes (Uzbek, Tadjik, Turkmen). Cette infiltration est confirmée dans un rapport de la même CIA en 1984. Des islamistes fondamentalistes en provenance d'Afghanistan sont signalés principalement au Turkménistan et Tadjikistan. Quatre ans plus tard l'Agence confirme la présence de noyaux fondamentalistes en URSS le long de la frontière avec l’Afghanistan.
Bien qu'il n'existe aujourd'hui aucun élément prouvant que la CIA avait mis en place un projet d’infiltration des mouvements islamistes tadjiks, un tel projet peut être suspecté. Pourquoi ? Car beaucoup de dossiers déclassifiés de la CIA concernant la région sont encore caviardés par la censure et de nombreuses références à un tel projet existent dans des dossiers généralistes de l'agence depuis les années 50. Nous sommes donc dans le même cas de figure que pour le « Programm Cyclone » dont l’existence n'est connue qu'à travers des documents annexes déclassifiés, par exemple la Directive Présidentielle NSC-63 rendue publique en 2001.
L'infiltration des minorités ethniques et religieuses, puis après la perestroïka des nouveaux partis politiques est une constante de l'action de la CIA. Par exemple, en Ukraine de tels projets existent depuis les années 50 (Projet Prologue, basé sur les anciens banderistes) et continuent jusqu'au début des années 90 (Projet aerodynamic, basé sur les enfants des précédents) période à laquelle le parti ukrainien RUK avait été largement infiltré par les agents étasuniens.
Une décennie de manipulations médiatiques en une photo : « Nayirah Al-Sabah », témoignant au Congrès (1990) – Rafid Al Janabi, source de l'opération « Curveball » (2000) – Colin Powell brandissant une fausse fiole d'anthrax au Congrès US (2003).
2003 : La seconde guerre d'Irak :
La seconde guerre d'Irak 2003 trouva elle aussi sa justification dans une campagne de désinformation sur la possession de MDA (Arme de Destruction Massive) portant le nom de code de « Curveball » (documentaire LCP). Cette opération repose sur le faux témoignage au BND (Service de Renseignements Allemand) d'un réfugié irakien Farid Al Janabi, Ce dernier est identifié comme affabulateur dès 2001. C'est donc en toute connaissance de cause (bien qu'il le nie) que Colin Powel a utilisé les fausses informations de Farid Al Janabi pour plaider l'anéantissement de l'Irak au Congrès Américain en février 2003. Devant le risque de veto de la France, de la Russie et de la Chine, les USA décident d'attaquer l'Irak or mandat de l'ONU, le 20 mars 2003.
L'écroulement de Saddam Hussein, suivi de l'occupation américaine favorisant les chiites entraîne la naissance d'une résistance sunnite. L'islamisation croissante de cette dernière entraîne le déclenchement d'une première guerre civile en février 2006. Au mois d'Octobre suivant, l’État Islamique d'Irak (EII) est créé. L'année 2011 marque un tournant important, les troupes US quittent l'Irak et le « printemps arabe » s'étend à la Syrie. La conjugaison de ces deux événements est une aubaine pour l'EII, sans ennemi à l'est, ils peuvent se lancer à la conquête de la Syrie. L'offensive des djihadistes est d'autant plus efficace que l'armée Syrienne est fixée à l'ouest du pays par les rebelles et les islamistes « modérés » soutenus par l'occident. L'action de Daesh en Syrie est aussi grandement facilitée par le voile médiatique occidental qui en mettant le focus sur la guerre civile cache les crimes des djihadistes. L'utilisation des médias comme arme atteint son paroxysme lors de l'attaque au Gaz Sarin de Goulah. Immédiatement Barack Obama déclare que la ligne rouge a été franchie. Une intervention par le même trio (USA-GB-France) ayant mis à feu et à sang la Libye est à craindre. Seul l'intervention de Moscou le 9 septembre 2013 en coupant l'herbe sous le pied des bellicistes permet d'empêcher la « libysation » de la Syrie (l'aspect manipulatoire de l'attaque au gaz Sarin de Goulah sera traitée en préambule de l'article suivant concernant de la période allant de 2013 à 2017).
Cette date marque un tournant géopolitique majeur, c'est en effet la première fois depuis la chute de l'URSS que la Russie contrecarre ouvertement les occidentaux, les USA et leurs alliés djihadistes.
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