Psychologie, pouvoir et abus sexuel
Depuis quelques semaines, on ne peut pas écouter la radio (même France-Musique) ou regarder la télévision (même Arte) sans être abreuvé de révélations ou de témoignages d'agressions sexuelles dans les mondes du cinéma, du show-biz et de la politique des deux côtés de l'Atlantique. Le harcèlement sexuel est-il exclusif de ces milieux ? Est-ce une question de pouvoir ?
Une étude publiée dans « Journal of Personality and Social Psychology » fournit des clés d’analyse pertinentes à ce sujet. Elle s’intitule « Agression sexuelle liée à un accès récent au pouvoir : les effets de la puissance sur les personnalités faibles ». Cette étude est le fruit de recherches qui ont révélé le fait que parmi les hommes et les femmes qui recherchent des expériences sexuelles occasionnelles sont sexuellement attirés par les personnes détentrices de pouvoir. En revanche, les subordonnés non concernés par l’éventualité de rapports sexuels occasionnels se détournent de l’emprise exercée sur ce plan par un supérieur hiérarchique.
Le comportement de prédateur sexuel chez les puissants provient peut-être d'un ego qui se sent menacé ? Les anecdotes étalées dans la presse à la suite du déferlement provoqué par #balancetonporc ne les présentent pas comme des séducteurs désirables, mais plutôt comme des êtres psychologiquement impuissant qui compensent leur frustration par des attouchements maladifs.
Cette étude récente révèle que les effets pervers du pouvoir agissent de la même manière chez les hommes et chez les femmes. L'autorité nouvellement ressentie accroît les tendances au harcèlement parmi les personnes qui se sont senties soumises à un pouvoir au cours d'une période antérieure prolongée, qu'elles soient de sexe masculin ou féminin : les hommes et les femmes subissent les mêmes effets induits.
Autrement dit, si parmi les hommes, ce sont ceux qui se sentent frustrés pendant une longue période, mais qui font ensuite l'expérience d'une promotion hiérarchique, qui sont les plus susceptibles de harceler sexuellement, de la même façon, les femmes qui obtiennent une autorité nouvelle sont les plus susceptibles de harceler sexuellement, comparativement aux autres femmes.
Les auteurs de cette étude, Melissa Williams, Deborah Gruenfeld et Lucia Guillory soutiennent que c'est peut-être l'insécurité psychologique, pour ceux et celles dont le pouvoir compense une certaine incompétence professionnelle, qui vont abuser de leur position sociale pour obtenir un avantage sexuel. Et ce phénomène ne se produit pas que dans le monde de l’entreprise ou de la politique. Dans les familles, ce sont les parents qui se sentent impuissants face à un enfant exigeant qui sont les plus susceptibles de finir par maltraiter physiquement leurs enfants.
Ainsi, ceux qui se sentent démunis à cause de leur sentiment personnel d'insécurité (peu importe la réalité de leur position réelle dans une hiérarchie) seraient attirés par un poste accordant un certain pouvoir pour exercer un contrôle sur les autres.
Des recherches antérieures ont déjà montré que ceux qui occupent des positions de pouvoir (par opposition aux non-détenteurs de pouvoir) sont les plus susceptibles de considérer les gens comme des objets, plutôt que comme des individus.
Cette dernière étude s’appuie sur une série d'expériences incluant l'exploration des réactions d’hommes hétérosexuels à des femmes attirantes, mais inaccessibles. Lorsque ces hommes qui avaient souffert de sentiments de faible puissance depuis longtemps ont été amenés à se sentir soudain plus puissants, ils ont eu tendance à réagir avec un sexisme d’autant plus agressif que la « femme cible » les avait précédemment rejetés. Par contre l’accès à un pouvoir plus important par des hommes qui étaient déjà convaincus d'être d'une grande puissance réelle, les conduit à une diminution de comportements sexistes envers les femmes.
Une étude récente utilisant un jeu vidéo à prédominance masculine a révélé que les joueuses étaient plus susceptibles d'être harcelées par des joueurs masculins dont la performance récente avait été faible, ce qui fait apparaitre le fait qu’une insécurité quant à leur statut de joueurs favorise leur agressivité.
Une autre étude a révélé que les hommes dont le pouvoir social était faible étaient les plus hostiles aux hommes immigrants.
Les psychologues soutiennent qu'un sentiment subjectif de son propre pouvoir ne correspond pas nécessairement à la réalité objective. Certaines personnes occupent des postes de pouvoir mais peuvent se sentir incompétents ou angoissés pour leur avenir, ou bien les attributs du pouvoir auquel ils ont accédé ne leur ont pas donné l'autorité réelle qu'ils espéraient.
Les auteurs de l'étude concluent en disant qu'il faut faire une différence entre le fait de considérer le pouvoir comme une opportunité de faire ce que l'on souhaite et la responsabilité de porter attention aux autres.
En tous cas, ne montez pas dans un ascenseur avec quelqu'un qui vient de recevoir une promotion et en parait très fier !
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