Léonard de Vinci, le Jocond, la Joconde, le Salvator mundi et le triomphe du domestique Salaï qui a servi de modèle
Léonard de Vinci : son "Salvator Mundi" vendu à 382 millions d'euros. C'est une vente aux enchères qui restera dans les annales ! Le "Salvator Mundi" de Léonard de Vinci est aujourd'hui la peinture la plus chère du monde (France info, journal télévisé du 16 novembre 2017).
19 petites minutes auront suffi. Du jamais vu dans l'Histoire des ventes aux enchères. Adjugé 400 millions de dollars, plus 50 millions de frais, l'équivalent de 380 millions d'euros, Le Salvator Mundi, portrait du Christ de Léonard de Vinci, devient la toile la plus chère du monde. Peint il y a 500 ans, c'était le dernier tableau du maître italien en possession d'un collectionneur privé et non d'un musée... Le vainqueur ne s'est pas fait connaître. "Il voulait vraiment ce tableau", explique Alex Rotter, représentant de la maison Christie's qui ajoute avoir trouvé l'acheteur "étonnament calme au regard de la somme qui était en jeu"
Certains émettent cependant des doutes sur son authenticité : "Pour moi, déclare Jacques Franck, historien d'art, spécialiste du peintre, ce n'est pas une peinture qui est intégralement réalisée de la main de Léonard de Vinci. Dans les années où l'on date ce tableau, Léonard n'avait pas le temps de peindre de façon suivie, étant donné qu'il était lent à la tâche et très méticuleux."... La main droite, celle qui bénit avec le majeur, n'est pas correcte du point de vue de l'anatomie. Il y a une erreur manifeste de perspective... Les disciples de Léonard de Vinci et les nombreux peintres présents dans son atelier auraient largement participé à la réalisation du tableau, poursuit l'auteure de l'article.
Admirateur moi-même de Léonard de Vinci, auteur de plusieurs articles sur certaines de ses oeuvres inconnues et méconnues, je me permets de donner mon point de vue.
Primo : de nombreux peintres auraient été présents dans son atelier ? Non ! je ne vois pas sur quel témoignage on peut avancer une telle affirmation. S'il est vrai qu'un peintre tel que Rubens avait un atelier, allant jusqu'à laisser ses élèves terminer ses portraits, absolument rien de tel pour Léonard de Vinci qui préférait les laisser inachevés, quitte à les reprendre quand il en avait le temps. Il ne faut pas confondre collaborateurs occasionnels, suiveurs, avec le qualificatif d'élèves dans un atelier. Les seuls dont on peut dire que Léonard a incités à la peinture sont Salaï, un domestique peu doué pour l'art qu'il engagea à l'âge de 12 ans, et Melzi qui lui servit de secrétaire pour mettre de l'ordre dans ses affaires.
En revanche, le fait qu'il ait cherché à s'entourer de jeunes éphèbes pour les grandes fêtes qu'il fut chargé d'organiser me paraît tout à fait plausible. Tout ceci pour dire que, pour ma part, je n'ai rien à redire concernant la main droite du Christ, ayant plusieurs fois constaté que Léonard de Vinci n'hésitait pas, parfois, à fausser la réalité pour provoquer un effet esthétique ou autre. Le sourire de la Joconde en est un exemple.
Secundo : il s'ensuit qu'il faut imaginer la vie de Léonard de Vinci d'une façon beaucoup plus bourgeoise qu'on ne pense. Une chambre à coucher, un bureau avec une bibliothèque pour écrire et lire, un atelier pour mettre son chevalet et ses pots de peinture et une salle à manger pour recevoir ses invités. Léonard de Vinci est un solitaire, mais un solitaire qui reçoit à sa table de nombreux invités pour discuter de tous les grands sujets qui le préoccupent. Pour cela, Il emploie à plein temps une cuisinière qui vit dans sa cuisine et que le petit Salaï aide pour les travaux ménagers, notamment pour faire les courses. Détail très important, Salaï mange à la cuisine, à la table de la cuisinière. Lorsqu'une ou plusieus fois peut-être, il est venu à la table des invités, Léonard de Vinci l'a mentionné dans ses carnets en écrivant que Salaî ne savait pas se tenir à table. On peut même supposer que la cuisinière a fait l'objet d'une remontrance pour ne pas avoir pris assez de soin à l'éducation de l'enfant. Ceci pour dire qu'il est tout à fait absurde d'imaginer une relation coupable ou difficile entre le maître et l'enfant. Même si au début, Léonard a mentionné les petits larcins du gamin en le qualifiant de petit diable, ce que signfie le mot 'Salaï", l'absence de reproches pendant que l'enfant a grandi prouve qu'il fut un fils adoptif respectueux et Léonard de Vinci, un bon père.
J'en veux pour preuve supplémentaire la célèbre "Cène de Milan" où Léonard de Vinci s'est représenté en train de discuter théologie avec saint Augustin. Nous sommes en plein débat. Salaï, devenu jeune homme, est dans le groupe. Il a exactement la même tête que Léonard en a fait dans un dessin de ses carnets. Il montre le Christ faisant l'offrande du vin et du pain, signifiant par là qu'ii ne se pose pas de questions comme son maître, et que, pour lui, les choses sont claires. Nous avons là la preuve irréfutable que Léonard de Vinci a été un vrai père pour son enfant adoptif et que cet enfant, élevé par la cuisinière, était un bon chrétien. S'il est mort dans une rixe, l'épée à la main, peut-être était-ce tout simplement pour défendre sa religion ?
Tertio. Dès lors que l'on a compris le contexte relativement modeste de la vie domestique de Léonard de Vinci, rien d'étonnant à ce qu'il ait demandé à Salaï de poser pour esquisser certains de ses tableaux, l'imagination du poète le conduisant à l'idéal d'une oeuvre aboutie. Tous les experts sont d'ailleurs d'accord pour reconnaître les traits de Salaï dans le saint Jean-Baptiste du peintre.
Mais ce qui prouve que je n'ai pas, moi non plus, la science infuse est que je me suis complètement planté au sujet du livre de Madame Sophie Herfort intitulé "le Jocond", éditions Michel Lafon. Cette auteure démarre son récit en affirmant que le tableau du Louvre ne représente pas une femme mais un homme et que ses traits sont ceux de Salaî. Je dis "bravo" ! En revanche, je ne peux souscrire à l'idée que Léonard aurait peint Salaï parce qu'il était son amant. Léonard a peint Salaï parce qu'il lui servait de modèle, parce qu'il vivait dans sa maison et qu'il était, de ce fait, toujours disponible pour poser, tout en lui laissant le temps de la réflexion entre chaque essai. Ainsi s'expliquent les quelques dessins et peinture représentant Salaî en position assise, torse nu, avec des seins que, bien sûr, il n'avait pas.
Quarto : Il s'ensuit que le tableau du Louvre n'est pas la Joconde que l'on croit, mais une Flora, une idéalisation, en quelque sorte, de la nature, comme c'était la mode de l'époque, mais avec l'idée géniale d'avoir représenté, comme le plus beau symbole de la nature, la femme idéale, resplendissante de toutes les vertus de l'époque. Cela va dans le sens de ce que Léonard a écrit dans ses carnets : Si le poète dit qu’il enflamme les hommes à l’amour, ce qui est une chose capitale chez tous les êtres animés, le peintre a la puissance de faire de même, et d’autant mieux qu’il met devant l’amant la propre image de l’aimée ; et souvent l’amant embrasse cette image et lui parle, ce qu’il ne ferait pas avec les mêmes beautés représentées par l’écrivain ; mieux encore, le peintre contraint les esprits des hommes à tomber amoureux et à aimer une peinture qui ne représente aucune femme vivante.
Deux témoignages vont dans ce sens. D'abord, celui de Giovanni Paolo Lomazzo, peintre italien qui écrit : Par Léonard, une riante Pomone dont un côté est couvert de trois voiles, ce qui est très difficile dans cet art. Il la fit pour Francesco Valeio (François Ier de Valois). Ensuite celui de Luis d’Aragon : Rendant visite à messer Lunardo Vinci, âgé de plus de 70 ans, dans une dépendance du château d’Amboise, nous vîmes le tableau d’une certaine femme florentine fait d’après nature sur demande de feu le magnifique Julien de Médicis... portrait de la signora Gualanda (aurait précisé Léonard de Vinci)... qui n'est pas "Gioconda".
En revanche, le commandeur Cassiano del Pozzo, patron des Arts et humaniste, nous donne le témoignage suivant : En 1625 (6 ans aptès la mort du peintre) j’ai vu l’œuvre de Léonard de Vinci à Fontainebleau. Un tableau grandeur nature, sur bois, encadré de noyer sculpté, c’est le portrait en demi-figure d’une certaine Gioconda. C’est l’œuvre la plus complète de cet auteur car il ne lui manque que la parole... une Gioconda qui serait donc bien la Joconde, épouse du marchand de tissus Giocondo.
Par contre, Vasari, qui est le témoin le plus fiable, décrit la Joconde ainsi : Il a entrepris pour Francesco del Giocondo le portrait de Monna Lisa son épouse, il y a travaillé quatre ans, mais l’a laissé inachevé ; cette œuvre est maintenant chez le roi de France à Fontainebleau... les yeux, limpides, avaient la brillance de la vie ; cernés de nuances rougeâtres et plombées, ils étaient bordés de cils dont le rendu suppose la plus grande délicatesse. Les sourcils, avec leur implantation par endroits plus épaisse ou plus rare suivant la disposition des pores, ne pouvaient être plus vrais. Le nez, aux ravissantes narines roses et délicates, étaient la vie même. Le modelé de la bouche avec le passage fondu du rouge des lèvres à l’incarnat du visage n’était pas fait de couleurs, mais véritablement de chair. Au creux de la gorge, le spectateur attentif saisissait le battement des veines.
(extraits du livre de M. Serge Bramly sur Léonard de Vinci, p. 401)
Les yeux, les cils, les sourcils, les narines roses et délicates, la bouche, le battement des veines qu'on devine sous le collier, tout cela ne se trouve pas dans le tableau du Louvre mais dans celui de Milan... mais Vasari se trompe en pensant qu'il se trouve au château de Fontainebleau.
Ah oui, j'oubliais de vous dire que la tête du Christ du "Salvator Mundi", objet de mon article - elle vaut 382 millons d'euros - c'est celle de Salaï, le domestique de Léonard de Vinci, avec son sourire de garnement en coin.
Bonne journée !
E. Mourey, 17 novembre 2017. Photos Wikipédia.
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