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L’Eglise dans la tourmente par Roberto de Mattei

Mattei nous plonge, avec ce nouvel opus, dans l’Histoire mouvementée du 1er millénaire de l’Eglise. Depuis son institution, comme chacun sait, Elle dut affronter des crises plus ou moins fortes, dont certaines ébranlèrent dangereusement le trône de Pierre (1) : « Dans l’Evangile, Jésus se sert de nombreuses métaphores pour parler de l’Eglise qu’il a fondée. L’une des plus saisissantes est l’image de la barque menacée par la tempête  ». Cette figure de style est reprise par les Pères de l’Eglise, les Saints, les peintres, les poètes pour désigner l’Eglise sous les traits d’un bateau battu par les flots. Mais à l’image de la devise parisienne, il ne sombre jamais. De fait, si l’Eglise est encore vivante en ce début de XXIème siècle, elle le doit à son extraordinaire capacité à résister à tous les tourments intérieurs et extérieurs qui l’assaillent. Malheureusement, Elle subit continuellement des attaques : « il y a des vents violents qui soufflent depuis l’extérieur, comme le massacre des chrétiens d’Orient et la persécution laïciste en Occident. Mais les tempêtes les plus terribles sont celles qui viennent de l’intérieur même de l’Eglise  ». 

 

Ces fameuses tempêtes dont parle Mattei ne datent pas que du XXème et XXIème siècle : « L’histoire de l’Eglise, depuis sa naissance, est l’histoire de ses persécutions, mais aussi des schismes et des hérésies, qui dès le commencement en ont miné l’unité  ». Cependant aujourd’hui encore, des attaques contre l’essence même de l’Eglise sont menées par des clercs, comme le précise si bien l’auteur : « Le pamphlet de Hans Küng rappelle les opuscules incendiaires de Luther » (2). Le théologien suisse, dans son ouvrage et dans ses différentes déclarations, appelle les évêques à « des initiatives réformatrices » concernant le célibat des prêtres et la forme de gouvernement de l’Eglise. Effectivement nous savons que : « la collégialité, dans les décennies post-conciliaires, est devenue le mot d’ordre d’une vision égalitaire et démocratique qui oppose au centralisme papal une structure de gouvernement fondée sur le pouvoir d’un ou de plusieurs synodes. » Toutefois, les clercs et laïcs qui promeuvent cette erreur devraient savoir que « le conciliarisme fut condamné par le Pape Eugène IV au Concile de Florence (1439) et par le Bienheureux Pie IX au Concile Vatican I (1870)  ». Mattei rappelle que « le conciliarisme n’a pas encore été complètement extirpé de l’Eglise  ». Le gouvernement de l’Eglise n’est pas fondé par le démocratisme et l’égalitarisme. Tout catholique de culture moyenne ne peut l’ignorer. Assurément comme l’expose Mattei : « L’Eglise instituée par le Christ est une monarchie puisque fondée sur la Primauté de Pierre et elle est hiérarchique parce que les évêques en union avec le Pape, exercent en elle le pouvoir suprême de gouvernement et de sanctification. » Avant de parler de l’histoire de l’Eglise et de ses différentes désolations, encore faut-il connaître la nature profonde de cette institution. A ce sujet, Mattei dans un souci constant de pédagogie prend le soin d’expliquer ce qui suit : « Quand nous parlons d’Eglise, nous devons rappeler qu’il y a en réalité trois Eglises, qui n’en forment qu’une : l’Eglise militante qui est constituée de l’ensemble des baptisés professant la même foi sous l’autorité même des pasteurs ; l’Eglise souffrante, qui se compose de tous les défunts qui se purifient au purgatoire, dans l’attente du paradis ; et enfin, l’Eglise triomphante, formés des saints qui vivent déjà dans la gloire divine et la béatitude éternelle ». Ceci étant clarifié, Mattei revient sur le grand adversaire que l’Eglise affronta au début de son histoire : «  En ces temps, le christianisme avait en face de lui l’Empire romain, le plus grand empire qu’ait jamais connu l’histoire. Le christianisme et l’Empire romain étaient pour ainsi dire du même âge, car si l’histoire de Rome avait commencé en 753 avant Jésus-Christ, avec la fondation de la Ville Eternelle par Romulus et Remus, l’avènement de l’Empire est dû à l’Empereur Auguste, sous le règne duquel Jésus vint au monde en Palestine  ». Entre les deux entités : « il n’y eut ni accord, ni compromis, mais une lutte incessante », et Jésus fut la grande victime de ce combat. Toutefois, la condamnation du fils de Joseph et de Marie par Ponce Pilate ainsi que sa crucifixion ne suffirent pas : « l’Empire romain continua de condamner le Christ, refusant de reconnaître au christianisme le statut de religion licita, de religion tolérée en territoire romain. » Par la suite de nombreux chrétiens connurent le châtiment suprême, à l’instar d’Etienne - premier évêque de Jérusalem - qui fut lapidé tout comme Jacques, sur ordres des autorités juives. A l’époque, tout comme aujourd’hui en Orient, le sort des chrétiens n’est guère enviable. Dans la capitale de l’empire, la situation des communautés chrétiennes se révéla extrêmement dangereuse. Lors du grand incendie de Rome sous le règne de Néron, celui-ci : « donna libre cours à sa fureur contre les chrétiens, les accusant d’être responsables de la destruction de Rome ». Cependant les desseins de Dieu se montrent souvent ironiques : « Saint Pierre et Saint Paul périrent au cours de cette terrible persécution, avec des milliers d’autres chrétiens. Aujourd’hui, sur la tombe de Saint-Pierre, se dresse la basilique-mère de la chrétienté, et celle-ci lui doit son nom. A l’endroit même où Néron chercha à étouffer pour toujours la voix de Pierre, les enseignements de ses successeurs continuent d’être prodigués aux nations ». 

 

Pendant de nombreuses années les différents empereurs romains se montrent dans une large mesure très hostiles aux chrétiens, notamment durant les trois premières années de notre ère. Sixte II, Pape depuis le 30 août 257, finit décapité le 6 août 258 avec quatre de ses diacres, suite aux ordres donnés par l’Empereur Valérien. Il est mort en martyr. Cependant que les choses soient claires : « ce n’est pas la mort violente qui définit le martyre, mais le fait qu’elle soit infligée en haine contre la vérité chrétienne. Le martyr doit être mis à mort à cause de sa fidélité à l’un des principes de la foi ou de morale dont l’Eglise est l’infaillible gardienne ». Néanmoins l’esprit finit toujours par l’emporter sur le sabre : « après trois siècles de persécution, le déclin de l’Empire Romain s’amorça, parallèlement à l’irrésistible essor de l’Eglise du Christ. En la personne de son Vicaire - le Pape -, le Christ commença précisément à régner dans cette ville de Rome où s’est établi le plus grand empire de toute l’histoire ». L’avénement de Constantin en 312 marque réellement la fin des trois premiers siècles de l’histoire de l’Eglise, qui avait commencé avec l’Ascension de Jésus. Par la suite, le Concile de Nicée jette les bases dogmatiques et organisationnelles de l’Eglise que nous connaissons. Le symbole des Apôtres ou Credo en devient la parfaite expression. Pourtant, les attaques physiques et intellectuelles contre l’Eglise et les chrétiens ne s’arrêtent point. Les persécutions conduisent de nombreux chrétiens dans l’arène ou dans les prisons. De nombreuses hérésies (donatisme, arianisme, monophysisme) sèment le trouble et la confusion dans les différentes communautés chrétiennes. Heureusement que des Saints hommes, à l’image d’Athanase, restent debout dans la tempête pour résister aux perfidies et autres faussetés intellectuelles, quitte à être en rébellion ouverte contre le « Pape » de l’époque. Lors de l’écroulement de l’Empire romain, de grands saints, tels Ambroise, Augustin, Jérôme s’élèvent sur les décombres fumants pour porter la parole du Christ au plus grand nombre : « dans l’obscurité du Vème siècle, il n’y avait que la lumière des saints pour briller. » C’est au cours de cette sombre période que l’évêque d’Hippone : « écrivit son chef d’oeuvre, la Cité de Dieu. Le sujet de cet ouvrage époustouflant est la lutte perpétuelle et irréductible qui se déroule dans l’histoire entre deux amours qui ont fondé deux cités : Deux amours ont donc bâti deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, la cité de la Terre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi, la cité de Dieu ». Des attaques pleuvent sur l’Eglise, et d’autres saints apparaissent toujours pour faire front, à l’image de Saint Rémi, Saint Boniface, Albert le Grand (de Bretagne). Des princes païens se convertissent à la vraie religion, comme Clovis, et permettent le développement du christianisme dans toute l’Europe. Parallèlement les premières communautés de moines qui naquirent dès les premières heures du christianisme se développent et essaiment dans toute l’Europe. Benoit de Nursie a une influence décisive sur son époque et pour des siècles. Effectivement aujourd’hui, nombreuses sont les communautés qui appliquent avec bon coeur la règle de Saint Benoit. Toutefois le pouvoir séculier prend souvent ombrage de la puissance de l’Eglise. La Querelle des investitures marque profondément les esprits. La Papauté en sort vainqueur. En effet, Henri IV du Saint Empire se rend à Canossa (3)… La fin du première millénaire de l’histoire de l’Eglise est marquée par les Croisades : « considérées comme étant des entreprises armées menées en défense de la foi et de la civilisation chrétienne. » Mattei poursuit : « les croisades représentent le point culminant de la nouvelle civilisation qui se lève à l’orée de l’an mil ». Les objectifs étaient de défendre les chrétiens orientaux qui avaient demandé de l’aide à la Papauté, et de reprendre Jérusalem, la ville Sainte par excellence. Les croisés la conquièrent le vendredi 15 juillet 1099 à 15 heures : « le jour et l’heure où, dans cette même cité, Jésus-Christ était mort pour racheter l’humanité. »

 

Etre catholique signifie adhérer librement aux dogmes et croyances définis par l’Eglise, Eglise fondée par Jésus-Christ lui-même : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de l’Enfer ne l’emportera pas sur Elle » (Matthieu 16-18). Néanmoins, il demeure également vital de connaître l’histoire de l’Eglise, car elle permet de saisir qu’au pire de la tempête, Dieu ne nous oublie pas. Le combat de Satan contre l’Eglise ne constitue en rien une nouveauté. Dès les fondements de l’Eglise, il était là pour provoquer troubles et divisions. Connaître la doctrine catholique et l’histoire de l’Eglise permet de rester sur la voie étroite et droite au milieu de la tourmente. Nonobstant la fragilité de l’homme, ses égarements et ses faiblesses, Jésus reste l’acteur principal de l’histoire. La dimension naturelle de l’histoire de l’humanité ne doit jamais occulter son évidente dimension surnaturelle. Mattei nous offre un panorama complet de l’histoire du premier millénaire de l’Eglise, qui permet de mieux la comprendre et d’en saisir les ressorts insoupçonnés. Les réflexions proposées par l’auteur confirment que les messages délivrés par Notre Dame à l’humanité sont nécessaires et actuels.

 

                                                                                     Franck ABED

 

 

(1) Lire la chronique Apologie de la Tradition par Roberto de Mattei 

(2) Peut-on encore sauver l’Eglise, Hans Küng, 2002

(3) La pénitence de Canossa de janvier 1077 demeure un moment important du conflit médiéval entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, au cours duquel l’empereur des Romains Henri IV vient s'agenouiller devant le Pape Grégoire VII afin que celui-ci lève l'excommunication prononcée contre lui…


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4 réactions à cet article    


  • Étirév 25 novembre 2017 12:10
    Bonjour,
    Faire l’histoire d’une religion en particulier, ou des religions en général, et des systèmes philosophiques qui ont surgi autour d’elles, c’est faire l’histoire de la psychologie humaine.
    L’évolution religieuse, c’est l’évolution psychique de l’homme déroulée à travers les siècles. Elle répond à des lois aussi certaines que celles qui régissent les phénomènes physiques et les phénomènes biologiques.
    L’état psychique de l’homme jeune a eu comme résultat de faire naître la manifestation sentimentale, qui dure depuis les temps les plus reculés, qui durera éternellement, et qu’on appelle, dans les temps modernes, la Religion.
    Pour comprendre les origines et l’histoire du Christianisme (et donc de l’église catholique) depuis son apparition jusqu’à nos jours, je me permets, en toute humilité, de proposer la lecture de quelques articles de mon blog qui concernent ce sujet et cette période, et qui permettront peut-être de cerner un peu mieux les tenants et les aboutissant liés au sujet de l’article de Monsieur ABED, et à son développement.
    Cordialement.

    •  C BARRATIER C BARRATIER 25 novembre 2017 16:25

      Les religions sont mortelles malgré l’immortalité de leurs milliers de dieux
      Elles produisent fréquemment la haine, ce qui est fatigant....et dangereux : torture, assassinat.
      Elles enlèvent tout sens à la vie, car elles ne parlent que de mort, de châtiment. Toutes ces religions là sont comme diraient les papes, infernales.

      On vit bien mieux sans elles

      Sens de la vie, sens de l’univers http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=59

      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 28 novembre 2017 06:51

        Merci à l’auteur pour cette présentation très éclairante pour le novice que je suis.
        ça m’aide à équillibrer un peu tout ce qu’on peut lire par ailleurs...

        @C BARRATIER

        Votre croyance stéréotypée et fleur bleue, résultat d’un sacré lavage de cerveau, est désarmante par son indigence. Non qu’il n’y ait pas du vrai dans ce que vous dites. Mais le faux et l’insensé dominent outrageusement.


      • genrehumain 27 novembre 2017 17:55

        rédéric II de Hohenstaufen

        un homme trop grand pour son temps

        Roi de Germanie, d’Italie, de Sicile et de Jérusalem, Frédéric II de Hohenstaufen est l’un des plus fascinants souverains du Moyen Âge. Au XIIIe siècle, parce qu’il étudiait avec passion l’Antiquité païenne et la culture orientale et qu’il fréquentait d’éminents savants musulmans il fut l’Antéchrist. Réformateur, protecteur des sciences et des arts, maîtrisant sept langues, il semblait déjà préfigurer la culture renaissante.
         
        Voilà un empereur couronné à Rome qui déteste le pape, s’intéresse à l’Islam et n’envisage de croisade que pacifique et diplomatique. Voilà aussi un souverain d’une immense culture, parlant plusieurs langues, réunissant à Palerme, sa résidence favorite, des savants juifs, musulmans et chrétiens, favorisant les arts et les sciences. Au fond, un homme trop grand pour son temps, deux fois excommunié par Grégoire IX, surnommé par ses contemporains l’Antéchrist et condamné à l’oubli après sa mort, tant le Saint-Siège ne cessa de vouloir effacer son œuvre et son nom.


        Quel personnage fut Frédéric II Hohenstaufen ! Il est né le lendemain de Noel 1194 de l’union de Henri VI au, l’autoritaire et cruel ; empereur d’Allemagne avec Constance de Sicile, au moment ou le monde chrétien célèbre la naissance du Messie. et le monde romain le Sol Invictvs.

        Par son père, il reçoit l’héritage souabe et par sa mère l’Italie méridionale sur laquelle règnent les Hauteville d’origine normande. Il recueille la couronne de Lombardie de Germanie d’Italie du Sud et de Sicile. Les Etats pontificaux sont au milieu de ce dispositif.
        A 14 ans il parle le grec, le latin, le provençal l’arabe, le dialecte de Sicile un peu de français et d’hébreu.
        Le modèle Impérial de Frédéric II apparait comme une synthèse ces modèles perse- romain et du califat.

        Sur le plan militaire, il constitue une armée de qualité indispensable outil à la hauteur de ses ambitions politiques. Une partie de ses soldats sont même des Sarrasins. Il couvre l’Italie de fortifications et crée une flotte pour assurer la sécurité des côtes. Il met en place une administration, organise la Justice et établit une Cour des Comptes. Bref. il fait au XIII- siècle ce que Frédéric II de Prusse réalisera cinq siècles plus tard.

        Frédéric II meurt terrassé par une dysenterie à cinquante-six ans, le soir du 13 décembre 1250. . Il est inhumé dans la cathédrale de Palerme enveloppé dans une dalmatique blanche sur laquelle est brodé en fil d’or un verset du coran


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