Correction à mon article sur Gergovie adressé à Alain Deyber qui enseigna l’Antiquité à l’école prestigieuse de Saint-Cyr
Oui, il m'arrive de faire des erreurs, comme Mme Porte d'ailleurs, auteure également d'un ouvrage sur Vercingétorix. Je prie M. Alain Deyber de bien vouloir m'excuser. Cela ne change rien au fait que nous sommes animés, tous trois, par le même sentiment de respect à l'égard des Anciens qui se sont inscrits dans l'histoire de notre nation. Non pas qu'il faille les juger sur les critères moraux de notre époque, mais sur ce qu'ils furent vraiment. D'où l'importance de retrouver le vrai site de Gergovie, ma proposition étant de situer la ville au Crest, sur l'éperon qui se redresse dans le prolongement de la montagne de la serre.
Il faut absolument sortir de cette impasse où il est aujourd'hui très à la mode de dénigrer nos personnages historiques pour des motifs plus ou moins obscurs alors que la recherche de la stricte vérité est la seule façon de comprendre d'où, collectivement, nous venons.
Polémiquer sur une soi-disant "patrie gauloise" n'a aucun sens. Cela ne veut rien dire. Le mot "patrie" ne figure pas dans les Commentaires. Vercingétorix et les Gaulois qui l'ont suivi se battaient pour la liberté commune "communis libertas", pour le salut commun, des expressions maintes fois répétées dans les Commentaires de César sur la guerre des Gaules. Et Dieu sait si cette motivation se justifiait quand on lit, chez d'autres auteurs d'époque, ou presque, l'effroyable bilan de la conquête romaine.
Il est également absurde d'affirmer que dans l'histoire de l'Antiquité, la Gaule, ce n'est rien. C'est oublier les grandes expéditions celtes vers le centre-Europe, et cela jusqu'à Rome. C'est ne pas vouloir reconnaître l'apport militaire important des cohortes et des légions gauloises dans l'extenson de l'empire romain.
Source d'un énorme malentendu, je m'étonne que l'on montre toujours aux touristes étrangers la déclaration prétentieuse que Napoléon III attribue à Vercingétorix, au bas de sa statue d'Alise-Sainte-Reine : La Gaule unie, formant une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier l’Univers. La phrase latine est beaucoup plus nuancée : ...atque unum consilium totius Galliae effecturum, cuius consensui ne orbis quidem terrarum possit obsistere (DBG, VII, 29). En la replaçant dans son contexte, on est conduit à une traduction bien différente : Je ferai de toute la Gaule un seul conseil (de gouvernement) dont personne au monde ne pourra contester les décisions dès lors qu’elles auront été prises dans une volonté commune. Nous sommes bien là à la naissance d'un sentiment d'unité nationale gaulois, quoiqu'on dise.
Et devant le dernier conseil de guerre qui se tint à Alésia, voici comment je traduis les paroles que le jeune chef arverne prononça : Si j’ai fait cette guerre, ce n’est pas pour l’intérêt des miens, mais pour la liberté commune. Puisqu’il faut céder à la fortune, je me livre à vous. Tuez-moi ou livrez-moi vivant aux Romains ! Puissent-ils se satisfaire de mon sacrifice !
Honneur à toi, Vercingétorix... et respect !
Gergovie au Crest, une localisation prouvée.
Bien sûr que je maintiens, et ma localisation de Gergovie au Crest, et mon explication de la bataille. Pourquoi devrai-je y renoncer alors que j'ai pour moi les preuves archéologiques de La Roche-Blanche, une traduction plus exacte des Commentaires de César, la logique militaire et la présence d'une source importante au flanc de la falaise, bienfait exceptionnel des dieux.
À cela s'ajoutent d'autres preuves qui prouvent la permanence de ce point fort du terrain : Une médaille romaine du IVème siècle où figurent l'oppidum et l'une de ses grandes portes. Une description détaillée du site, en 465, par Sidoïne Apollinaire sous le nom d'Avitacus, le viacus de l'empereur Avitus, son beau-père (lettre à Domitius, II, II, II). Un dessin très détaillé de 1450 du héraut d'armes Guillaume Revel. Un autre, colorié, de Louis Boudan en 1460 - ci-dessus - et enfin, des poteries, des chapiteaux sculptés qui évoquent le site et j'en passe... Voyez mon Histoire de Gergovie, dépôt légal 1993 ! Voyez mes articles publiés par Agoravox ! Merci à Antenor qui a prouvé par ses recherches dans les archives que Le Crest était resté la résidence des princes d'Auvergne. Merci à Gasty pour ses fabuleuses photos qui témoignent de l'importance des ruines et de leur ancienneté.
Impossible d'aller contre mais j'accepte bien volontiers le débat.
Bataille de Gergovie, victoire incontestable de Vercingétorix.
César nous dit-il toute la vérité ? C'est la question que je me suis posée et que je me pose encore. Il affirme que ce sont les soldats qui ont poussé l'attaque jusqu'à la porte de l'oppidum alors qu'il avait fait sonner la trompette qui donnait l'ordre de la retraite. Peut-être ? mais cela ne s'explique que s'il s'est rendu compte en arrivant au contact que la ruse de sa fausse attaque avait été déjouée et que la contre-offensive de Vercingétorix venant du plateau de la serre arrivait plus tôt qu'il n'avait prévue.
La vérité, c'est que l'intention de César était bien d'enfoncer la porte ouest de l'oppidum et d'y entrer en force, ce qu'il semble pourtant nier. Cela pourrait expliquer qu'il ne parle du centurion Petronius que lorsque celui-ci se fait tuer alors qu'il aurait dû en parler dés que le centurion arriva sur place, en tête de l'attaque, puisque, manifestement, il était chargé de la mission principale.
Dans ma première version de la bataille, je pensais que le coup de main surprise avait plus de chances de réussir sur la porte est, du côté opposé aux troupes de Vercingétorix. Après avoir retraduit le texte césarien, il s'avère que la bataille ne peut s'expliquer que devant la porte ouest. Pourquoi ce choix ? Peut-être parce que César pensait y trouver une zone dégagée, plate, plus favorable au déploiement de ses légions ?
Très étonnant, ce centurion Petronius ! Il est en tête, le premier à s'attaquer à la porte. Il est suivi de fidèles. Fabius, lui aussi, a franchi le mur de la ville, en premier. Couvert de blessures et se voyant perdu, Petronius veut, dans un dernier effort, permettre aux siens de s'échapper. Il leur ouvre un passage dans l'encerclement en tuant les Gaulois deux par deux (duobus). Incroyable, je traduis bien "deux Gaulois à la fois" ; ce devait être un colosse et un sacré escrimeur. Je me pose la question : l'encerclement de Petronius était-il si mince qu'il aurait permis aux Romains qui s'attaquaient à la porte de s'échapper ? Il est vrai que de l'autre côté de l'encerclement, il y avait les troupes romaines, en difficulté certes, mais pas encore en déroute.
Concernant le mot « munitiones », je maintiens qu’il faut le traduire par « simples retranchements ». Quand, après avoir poursuivi les légions en déroute, jusqu’en bas de la pente, Vercingétorix remonte dans ses "munitiones", ce n’est pas dans la ville, mais là où il y avait un peu plus tôt les camps retranchés des Nitiobroges.
Concernant la distance de 1km 800, il faut comprendre : en ligne directe mais les lacets augmentaient la distance à parcourir.
Le plateau de la montagne de la serre, preuve déterminante,
Description par Sidoïne Apollinaire. « Au couchant, la montagne, bien que de terre, est cependant abrupte. Elle s'est vidée en quelque sorte de sa substance, en répandant à ses pieds, comme par un enfantement gémellaire, ses deux versants, lesquels ne sont séparés l'un de l'autre à leur naissance que par une longueur d'environ quatre arpents (120 mètres, cela concorde). Les flancs de chaque versant suivent la ligne de faîte centrale, jusqu'au moment où se présente une place qui se prête à l'entrée d'une résidence, aux abords de la ville. L'enceinte extérieure de la ville regarde le nord et le sud. »
Description par César. ...Nam cum in minora castra operis perspiciendi causa venisset, animadvertit collem, qui ab hostibus tenebatur, nudatum hominibus, qui superioribus diebus vix prae multitudine cerni poterat. Admiratus quaerit ex perfugis causam, quorum magnus ad eum cotidie numerus confluebat. Constabat inter omnes, quod iam ipse Caesar per exploratores cognoverat, dorsum esse eius iugi prope aequum, sed hunc silvestrem et angustum, qua esset aditus ad alteram partem oppidi ; huic loco vehementer illos timere nec iam aliter sentire, uno colle ab Romanis occupato, si alterum amisissent, quin paene circumvallati atque omni exitu et pabulatione interclusi viderentur : ad hunc muniendum omnes a Vercingetorige evocatos. Je traduis...
Comme César était venu aux petits camps (de la Roche-Blanche) pour inspecter les travaux, il remarqua q'un versant tenu par les ennemis était nu d'hommes alors que les jours précédents, on pouvait y voir, avant, une multitude. Étonné, il en demande la cause aux transfuges qui, chaque jour, arrivaient en grand nombre. Tous s'accordent pour dire ce qu'il savait déjà par ses éclaireurs, que le dos de la ligne de crête était à peu près plat mais boisé et étroit par où on avait accés à l'autre partie de l'oppidum. Ceux-là des Gaulois craignaient beaucoup pour cet endroit car, les Romains étant déjà maîtres d'un versant (côté La Roche-Blanche), s'ils perdaient l'autre versant, ils se rendaient compte qu'ils seraient presqu'entourés et empêchés de sortir et de fourrager. (je résume : les informateurs précités informent donc César de tout cela et terminent en lui disant que) Vercingétorix avait envoyé à cet endroit (à l'autre bout de l'oppidum) pour le fortifier, tous ceux-là (c'est-à-dire : les Gaulois qui avaient installé leurs camps au pied de la montagne de la Serre, en haut du versant faisant face à La Roche-Blanche) (VII, 46). Traduction E. Mourey.
Ceci étant dit, il faut donc bien comprendre, premièrement, qu'il y avait des Gaulois qui avaient installé leurs camps au pied de la montagne de la serre, lesquels ont été rappelés pour fortifier l'autre bout de l'oppidum, lesquels sont revenus par le plateau en lançant leur contre-offensive contre les Romains. Je traduis : Interim ei qui ad alteram partem oppidi, ut supra demonstravimus, munitionis causa convenerant, primo exaudito clamore, inde etiam crebris nuntiis incitati, oppidum a Romanis teneri, praemissis equitibus magno concursu eo contenderunt... Cependant, ceux des Gaulois qui, comme nous l'avons dit, s'étaient portés à l'autre bout de l'oppidum pour le fortifier, entendant d'abord la clameur, informés ensuite par des coureurs qui leur disent que l'oppidum est aux mains des Romains, se font précéder de leur cavalerie et accourent en grand nombre (VII, 48).
Il faut donc bien comprendre, deuxièmement, qu'il y avait, d'autre part, ceux des Gaulois qui avaient installé leurs camps, comme le dit César, entre le mur de la ville et la muraille de l'oppidum. Ces camps, très serrés, séparés par de faibles intervalles, je ne peux les placer, en toute logique, qu'immédiatement derrière le mur de la ville, prêts à le défendre, ce qu'ils ont réussi à faire, difficilement face au franchissement des manipules de Fabius, mais finalement avec succés grâce à l'arrivée des troupes de réserve qui sont sorties de l'oppidum par la porte Est.
Conclusion.
Trente-cinq ans que j’ai découvert que Gergovie se trouvait au Crest. Trente-cinq ans d’efforts pour alerter, chercher un éditeur, publier moi-même. Trente-cinq ans qu'on me tourne en dérision. Seul, le Progrès de Lyon, dans son édition du 2.11.94, a essayé d’ouvrir sérieusement le débat, malheureusement sans succès et sans suite. Extrait : Sa thèse (de M. Mourey), étayée par une lecture serrée des sources littéraires et une analyse brillante de la symbolique, de l’architecture, de l’art et de l’urbanisme, mérite mieux que le silence qui lui a jusqu’ici, été réservé. Le souvenir de nos ancêtres mérite bien quelques fouilles. Même si le ciel tombait sur quelques têtes érudites et sur quelques investissements aussi prestigieux que déplacés... de quelques kilomètres (Jean-Philppe Mestre).
Emile Mourey, 15 décembre 2017, ancien officier de carrière, www.bibracte.com. Le présent article modifie sur certains points mon "Histoire de Gergovie" publiée en 1993.
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