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Accueil du site > Actualités > Société > Indépendance de la Catalogne, nationalisme en Corse : vers la ruine de (...)

Indépendance de la Catalogne, nationalisme en Corse : vers la ruine de l’Etat ?

En votant son indépendance le 27 octobre 2017, le parlement catalan entend exercer le droit de souveraineté de sa "nation". Se pose alors toute la question de la liberté régionale à disposer de sa propre destinée. Et si on assistait à la fin de l'Etat-nation ? Une question qui dérange en France.

Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni après la victoire de la liste nationaliste lors des élections territoriales le 10 décembre 2017 (photo Twitter)

 

 

C'est le droit d'un peuple à décider de sa souveraineté, pour les uns. Une atteinte à la cohésion nationale pour les autres. Ce rapport de force, que l'on voit actuellement entre les indépendantistes catalans et les "unionistes" espagnols, chambarde au-delà de l'Espagne. Que les nationalistes corses, à travers le président de son assemblée Jean-Guy Talamoni, soient les premiers à reconnaitre l'indépendance de la Catalogne, est symptomatique. Symptôme d'une France qui voit naître cette schizophrénie et le début d'une contrariété idéologique. Les zélateurs de la démocratie se déchirent. D'un côté, "si nous sommes démocrates, nous devons accepter que les peuples puissent disposer d'eux-mêmes." De l'autre, "la République et la démocratie sont intimement liées, la nation ne pouvant se diviser en particularismes selon les envies des uns et des autres". Les uns reprochent ainsi aux autres de ne pas être de "vrais" démocrates. Les autres reprochent aux uns de menacer la solidarité nationale et l'histoire d'un pays.

Si, sur le sujet, les politiques français s'expriment plus souvent en coulisses que publiquement, c'est bien parce qu'ils sont soumis à cette contrariété intellectuelle. Une contrariété qui a un impact en France car pouvant donner des ailes à certaines revendications comme en Corse ou au Pays Basque.

 

Un Etat-nation ébranlé par les revendications d'indépendance régionale

 

Toute l'idée de l'Etat-nation est mise à mal par ce bras de fer entre indépendantistes catalans - qui revendiquent leur spécificité nationale - et l'Etat central. Et cette question d'Etat-nation est centrale en France parce qu'elle est issue d'une longue tradition. Sans rentrer dans les détails de l'histoire, certains rois ont été les premiers à vouloir créer un espace où dominerait une seule et même entité, un royaume uni face aux duchés et aux fiefs des seigneurs. A ce titre, on pourrait évoquer les enjeux de la bataille de Bouvines en 1214. La révolution française, quant à elle, avec l'allant de Robespierre, a contribué à faire d'un Etat, un espace pour une et seule nation, c'est le principe de la République une et indivisible. Certes, la Ire République n'est pas la finalité de l'Etat-nation. le XIXe siècle verra des comtés rejoindre notre espace national. Ceci étant, dans l'esprit Rousseauiste, notre République a pour principe fondateur que chaque Français a des droits et des devoirs vis-à-vis de l'Etat comme l'Etat a des droits (ou obligations) et des devoirs vis-à-vis du Français, quel que soit son milieu social. En outre, par la souveraineté nationale et populaire, la République française a donné un cadre pour l'exercice de la démocratie : sa nation.

 

Suffit-il qu'un peuple régional se dise "nation" pour que celui-ci puisse se dire légitimement souverain ?

 

Avec l'indépendance de la Catalogne, toute la problématique de cette souveraineté nationale et populaire se dévoile.Suffit-il qu'un peuple régional se dise "nation" pour que celui-ci puisse se dire légitimement souverain ?

C'est clairement le cœur du débat entre le président de la Généralité de la Catalogne, Carles Puigdemont, et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy.

L'indépendantiste joue sur les paradoxes de la constitution espagnole. Dans l'article 2, la Constitution "reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles." Mais ce même article précise que "la Constitution a pour fondement l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols." L'unité indissoluble de la nation espagnole considère donc naturellement que le référendum pour l'indépendance, du 1er octobre dernier, décidé par le Parlement catalan - et seulement lui-même - est légitimement illégal. De fait, seul un scrutin décidé par le pouvoir central, et son Parlement - élu démocratiquement par l'ensemble du territoire espagnol (dont la Catalogne) - aurait pu faire force de loi. Le 22 juin, le Parlement espagnol a refusé démocratiquement cette initiative locale. Le respect de la démocratie impose que chaque citoyen - même opposant - doit accepter ce vote. Les citoyens peuvent manifester, résister dans les limites imposées par le droit. Mais si le citoyen impose sa sécession du corps national, alors la cohésion et l'unité sont mises à l'épreuve. Madrid a donc la légitimité de préserver l'Espagne.

 

Etre une nation ne se décrète pas par individualisme et l'enjeu économique

 

Être une nation, ce n'est pas simplement disposer d'une langue et d'un territoire, c'est aussi poser les yeux sur l'histoire. La Catalogne a-t-elle intégré l'unité espagnole par une colonisation ? Non ! Ses citoyens sont-ils asservis, considérés comme des sous-espagnols ? Evidemment non. La Catalogne a-t-elle un passé commun, indissociable de l'Espagne ? Oui. Le castillan (idiome national officiel) est-elle une langue étrangère en Catalogne ? Non. La géographie régionale de la Catalogne n'est-elle pas construite dans un ensemble espagnol cohérent historiquement ? Si, bien sûr.1 Dans l'histoire contemporaine, deux événements majeurs soulignent ce lien : d'une la Catalogne, durant la guerre civile, a été le noyau dur de la rébellion républicaine face au franquisme. De deux, lors de la démocratisation du pays, la Catalogne a parfaitement intégré la constitution espagnole de 1978, bénéficiant d'une autonomie au même titre que le Pays basque et la Galice. Par conséquent, l'histoire et tous les éléments culturels ont permis de doter la nation espagnole d'une "âme, d'un principe spirituel" ( Ernest Renan). Les Catalans sont donc indissociables des Espagnols comme la Catalogne fait partie intégrante de l'Espagne.

 

L'Union européenne et les banques ne veulent plus d'une Catalogne indépendante 

 

Toutefois, il convient de considérer le pourquoi du comment de la volonté séparatiste de la Catalogne. La principale cause originelle de cette volonté n'est ni politique, ni l'émancipation de son "peuple" mais pécuniaire. Les indépendantistes souhaitaient sortir la Catalogne - première région économique d'Espagne - de la solidarité nationale. Alors que le pays est économiquement affaibli, la Catalogne fait figure de cheval de trait pour le véhicule espagnol. Les discours pour une Europe des régions dans une UE fédérale de Guy Verhofstadt ou des plus libéraux et fédéralistes européens, ont été des inspirations suffisantes pour les indépendantistes. Les indépendantistes voyaient, dans ces paroles, une possibilité pour la Catalogne de s'affranchir de la solidarité nationale avec le soutien de l'Union européenne. Sauf que, contrairement aux principes idéaux des européistes, l'Union européenne a pris tout le monde - les indépendantistes en premier lieu - à revers. Suite à la crise de 2008, l'Espagne a encore une lourde dette publique vis-à-vis de ses créanciers notamment les banques européennes y compris françaises. Nul doute, les volontés séparatistes sont vues comme un mauvais signal pour les marchés financiers. Si bien que l'indépendance proclamée, le pouvoir central a encouragé les premières fuites des capitaux catalansEt Madrid de menacer de faire payer la Catalogne du poids de sa detteLes indépendantistes se retrouvent donc avec un problème économique qu'ils n'attendaient pas, la fuite de la richesse.

 

1. On pourrait poser les mêmes questions pour le cas des régions françaises où des minorités demandent leur indépendance

 

Article disponible sur le Blog de Jonas 

Article également disponible sur le site du MRC, fédération du 92


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11 réactions à cet article    


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 15 décembre 2017 10:32

    Bonjour,

    de toutes façons, la question ne se pose plus :
    il n’y aura pas d’indépendance catalane d’ici 15 ans, et les partis indépendantistes qui se sont ridiculisés vont baisser.

    Pour la Corse, les indépendantistes eux-mêmes ne veulent pas de l’indépendance. On est sur un truc folklorique à la française, comme dans les Antilles ou en Guyane :
    jouer sur un ressentiment « post colonial » pour mieux poser ses créances...


    • jaja jaja 15 décembre 2017 12:18

       @ l’auteur : « Madrid a donc la légitimité de préserver l’Espagne. »

      Vous nous faites ici la propagande du pouvoir de la monarchie corrompue espagnole mais au niveau de la légalité (sans parler de la légitimité) la Catalogne est toute à fait en droit d’exiger son indépendance comme le dit le Droit international qui se situe au-dessus de la Constitution espagnole....

      Dire que la Catalogne veut « s’affranchir de la solidarité nationale », comme vous le dites, est un mensonge propagé par la mafia de Rajoy, qui lui et son Parti, s’en sont mis plein les poches et ses partisans sont nombreux devant les tribunaux accusés de corruption...

      Bref, vous refusez à un peuple, de plus s’exprimant pacifiquement et par les urnes, de revendiquer son droit à séparation...


      • jaja jaja 15 décembre 2017 12:23

        « Depuis le début des événements de Catalogne sur la question de son indépendance, une bonne partie de l’opinion publique française et, particulièrement, certains secteurs de la gauche, s’obstinent à les voir « manipulés » par une bourgeoisie catalane exprimant le fond « égoïste d’une région riche qui ne voudrait plus payer pour les autres régions pauvres de l’Espagne…  »

        Vieux cliché réactualisé, vieille manoeuvre de division du peuple, encouragée depuis un gouvernement central pris dans une gigantesque affaire de corruption et trouvant l’occasion, en poussant les feux du « conflit catalan », de faire diversion et faire oublier ses turpitudes dans le paradoxe que l’obsédé de l’argent, l’organisateur « systémique » de son détournement crapuleux au détriment des pauvres d’Espagne, c’est lui ! La résurgence aujourd’hui de l’anticatalanisme a là l’une de ses clés d’explication…

        Mais rien n’y a fait, Rajoy et compagnie seraient, entend-on, les sauveurs de l’équité de partage avec les pauvres face à une bourgeoisie catalane qui aurait mis son emprise sur « son » peuple pour l’unifier autour de son appât du gain atavique… Ces balivernes ne résistent pas à ce que décrit dans son article, dont nous donnons la traduction ci-dessous, un journaliste du site espagnol Público et qui n’est que le constat d’évidence : oui, l’appât du gain, réalité bien établie, de la bourgeoisie catalane la fait choisir son camp … contre l’indépendance, en soutien total au gouvernement central et à son putsch contre le gouvernement autonome de Catalogne, avec acceptation de l’emprisonnement ou l’exil des membres du Govern et de deux responsables d’associations catalanistes…

        La preuve par neuf de l’aberration de ceux et celles qui, démocrates, de gauche, etc. se positionnent contre l’autodétermination catalane et le choix de l’indépendance, c’est… Macron et tout ce que l’Union Européenne compte d’ »amis des peuples » qui, tous, se retrouvent derrière Rajoy… Les démocrates et la gauche les plus bêtes du monde, a dit quelqu’un un jour… Dommage que cette déroute politique se paye par un renforcement de ceux et celles qui mènent la guerre contre les peuples, pas seulement en Catalogne !

        Bonne lecture édifiante…en retenant qu’il est toujours temps de se réorienter, se reprendre… d’autant que la Catalogne, ce n’est pas fini, avant comme après les élections du 21 décembre…

        http://www.anti-k.org/2017/12/15/npa-34-catalunya-infos-continu-avez-dit-bourgeoisie-catalane/


      • eric 15 décembre 2017 12:20

        8% des décisions de justice rendues en Catalan en catalogne..Les locaux ont voté par ce choix existentiel. Leur richesse différentielle ne vaut plus trop la peine de partir.

        Les Corses ne partiront pas. L’enjeu, pour les autonomistes, souvent « rapatriés »du continent, était de récupérer les subventions gérées par les élites traditionnelles familiales et claniques. C’est chose faite. Cela correspond à un continentalisation, francisation de la Corse. Tant pis pour eux.

        • zygzornifle zygzornifle 15 décembre 2017 16:26

          Pourquoi la ruine ? La liberté demande toujours quelques sacrifices mais elle en vaut le prix .....


          •  C BARRATIER C BARRATIER 15 décembre 2017 17:04

            Moi je voudrais bien que la corse soit un pays étranger traité comme tel, et au départ non européen. Après tout les visas on sait faire. Cela m"économiserait des impôts.


            • JP94 15 décembre 2017 17:21

              La question qu’on doit se poser, tant pour la Catalogne que pour la Corse, c’est celle de la classe qui tient le pouvoir.

              C’est d’ailleurs souvent le cas en Histoire que de construire un récit national censurant la Lutte des Classes (voir le mythe de Guillaume Tell en Suisse)

              Simeoni et Talamoni évacuent bien sûr cette dimension sinon ils perdraient bien en légitimité. Car quel Etat veulent-ils, eux les Bourgeois de la Corse ? le Socialisme ? non. 
              Comme en Catalogne, la Bourgeoisie locale récupère le mécontentement populaire généré par la Crise du Capitalisme qui paupérise la Corse - pour mieux masquer leur propre emprise dans les politiques libérales.
              Mais au bout du compte, la Corse n’a pas de sous et pour en trouver - pour en trouver pour une poignée et quelques opportunistes en prime on risque de déréglementer ce qui protège la Corse et les Corses : le littoral ... et pour les impôts : au programme , on peut envisager paradis fiscal, plutôt que Sécurité sociale et accès au soin et à une éducation publiques de qualité.

              La Corse a été libérée par la Résistance en 1943 - et pas par sa bourgeoisie  !mais aujourd’hui, i n’est pas question de liberté, d’égalité ni de fraternité ...

              Et ce n’est pas nouveau : le fameux Paoli, qui a passé plus de temps en Angleterre à manigancer avec les Anglais pour une indépendance bidon - non pas due à une lutte populaire, mais à un projet oligarchique et clanique, a laissé un projet de constitution, qui laisserait pantois les fervents promoteurs de ce nationalisme, qui se réfère aussi à Paoli : Privilèges du Clergé, qui régit sans être élu, citoyenneté uniquement pour le chef de clan, aucuns droits pour la femme ni pour la peuple ..
              Les démocrates corses n’ont pas suivi Paoli.
              Ils ont espéré dans la République ..

              Il faut donc y regarder de plus près avant de rêver d’une Libertalia corse... ça n’aura rien d’une utopie, sauf pour le patronat local.

              • Allexandre 15 décembre 2017 20:29

                Il faut leur donner leur indépendance et ne plus y aller passer des vacances. On rigolera bien !! Surtout qu’une fois indépendants, les alliés d’hier deviendront les ennemis de demain. Ils vont se foutre sur la gueule et la « vendetta » reprendra de plus belle. Donnez leur donc leur indépendance, mais sans aides aucune. Idem pour les Basques qui, à part eux, ne voient personne leur arriver à la cheville « Nous les Basques... » quand ils ont dit ça, tout est dit !


                • jaja jaja 15 décembre 2017 21:24

                  @Allexandre

                  Bon vous irez où vous voudrez en vacances mais rien ne m’empêchera d’y aller moi et bien d’autres smiley

                  Et l’indépendance ça ne se donne jamais comme vous le dites : ça s’arrache

                  Visca Catalunya lliure :

                  https://www.youtube.com/watch?v=yi-XW3V9xqI


                • Allexandre 15 décembre 2017 22:45

                  @jaja
                  Pas de problème, chacun fait ce qui lui convient. moi non, vous ne me croiserez pas. On « arrachait » son indépendance au XIXè ou avec la décolonisation ! Aujourd’hui, ça se gère à l’amiable.


                • jaja jaja 15 décembre 2017 22:50

                  @Allexandre

                  Ah bon ? Comme en Palestine massacrée, où en Catalogne où les leaders des plus grosses associations indépendantistes sont en prison... ou comme en Afrique néo-colonisée où chaque leader voulant en finir avec le franc CFA finit comme Sankara ?

                  Vous délirez grave...

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