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Accueil du site > Tribune Libre > Qui est Johnny ?

Qui est Johnny ?

Je ne pensais pas devoir aborder un tel sujet. J’emploie le mot « sujet » comme on le faisait autrefois. Aujourd’hui, des cuistres ne peuvent l’employer sans le faire précéder de l’adjectif « vrai », pour signifier qu’ils vont aborder un « problème », crucial évidemment.

Quoi ma gueule ?

Johnny n’a jamais été un problème pour moi. Je comprends qu’il ait pu être, pour les uns un sujet d’admiration, un sujet de satisfaction voire un sujet d’étude, et pour d’autres un sujet sans importance. Mais il est vrai qu’il est devenu avec sa mort un problème envahissant.

T’as rien dit tu l’as déjà dit

En deux jours, disparaissaient deux Jeannots plus très jeunes. C’est la loi du genre : les chaînes d’intox programmèrent des « débats » entre initiés racontant l’un, ses souvenirs du disparu, l’autre, l’importance de son œuvre. Fallait-il leur offrir des funérailles nationales comme naguère à Victor Hugo ?

On va pas y passer la nuit

Comme on ne pouvait pas trop exagérer quand même, on se mit d’accord sur des « éléments de langage ». L’un des disparus devenait « l’écrivain le plus aimé (ou le plus lu) des Français » ; l’autre resterait à jamais « l’idole des jeunes ».

L’heure était à la ferveur, à la réconciliation nationale, à l’hommage de la France à ses deux héros. Rien de surprenant jusque là. Le spectacle devait continuer et les affaires aussi.

Et voilà je suis toujours là

Mais « Il faut faire le point Parfois pour exister » et quand ça démange le Malraux du XXI siècle, ça donne, tout en mesure :

« Le petit peuple des petits blancs est descendu dans la rue pour dire adieu à Johnny. Il était nombreux et il était seul. Les non-souchiens... les non-souchiens... les non-souchiens brillaient par leur absence. »

Une semaine d’union nationale était brisée par ce pauvre Finkielkraut, celui-là même qui avait tant reproché à Emmanuel Todd sa question Qui est Charlie ? Bourde de vieillard malade ou plaisir de la polémique, il venait de poser la question : Qui est Johnny ?

 

Les mauvais Français

Les intellectuels de gauche et les militants gauchistes ont toujours eu des problèmes avec le foot et avec Johnny Hallyday. Jusqu’à la fin des années septante, il n’était pas concevable pour eux d’avouer une passion pour l’une ou l’autre de ces aliénations. Encore les militants, quand ils étaient établis dans une usine, un atelier ou un centre de tri, pouvaient-ils afficher une des ces passions, voire les deux, pour faire corps avec les ouvriers dont ils pensaient devenir rapidement l’avant-garde révolutionnaire. Mais entre eux, il était convenu qu’ils n’écoutaient que du jazz, ou du blues américain, du rock anglais ou du reggae. Et s’ils regardaient la télé au lieu d’aller au cinéma, c’était pour voir le cinéclub ou le cinéma de minuit, pas un match de foot.

Puis les choses ont changé. Il a été permis de succomber à quelques aliénations afin de subsister dans la société spectaculaire marchande en attendant la révolution. Ainsi, il n’était plus honteux d’aimer le foot ou Hallyday.

Mais les choses ont continué de changer. Le foot et Hallyday sont devenus des industries rentables et la révolution n’est pas advenue ; ou alors, quand elle survenait, elle était libérale, conservatrice, managériale, numérique ou digitale... Quant aux intellectuels de gauche et aux militants gauchistes, ils sont passés au PS, voire encore plus à droite.

Ils adulent le foot et Hallyday, s’enflamment à l’annonce des JO à Paris et s’imaginent allumer le feu en fumant en terrasse pour résister à la menace islamiste.

L’austère Onfray a beau se déclarer libertaire, il reste un intellectuel de gauche, mais d’une gauche réduite à lui-même. Ainsi quand il prétend dénoncer doctement la vérité des médias avec Hallyday et D'Ormesson, il profère des banalités de base sur la société du spectacle, ainsi que sur les engagements droitiers des deux disparus. Il leur reconnaît des talents indéniables, même s’il connaît assez mal les chansons du premier et n’a jamais lu le second. Puis, en maître de la synthèse, il invite à découvrir désormais l’œuvre musicale de l’un, l’œuvre littéraire de l’autre.

Au passage, il a écorché Mélenchon qui, dit-il, était reçu, chez d’Ormesson.

Les coups quand ils vous arrivent

Pas facile de jouer à l’Insoumis quand la soumission est généralisée et les chiens de garde à l’affût pour allumer le feu contre toute frilosité dans la communion nationale. Le Point a dégainé : Quand La France insoumise instrumentalise Johnny.[i] Le JDD n’était pas en reste : Quand Jean-Luc Mélenchon doit expliquer son hommage à Johnny Hallyday.[ii]

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sophie-coignard/coignard-quand-la-france-insoumise-instrumentalise-johnny-11-12-2017-2178741_2134.php

http://www.lejdd.fr/politique/quand-jean-luc-melenchon-doit-expliquer-son-hommage-a-johnny-hallyday-3514163

 

Les gens m’appellent l’idole des jeunes

Jupiterion, lui , n’a jamais prétendu faire la révolution. Il s’est contenté de publier un livre portant ce titre Révolution. Puis il a été élu sur sa jeunesse et sa belle prestance. La presse qui l’avait soutenu a enfourché comme un seul homme le rôle de police de la pensée. Elle a donc pris sur elle de porter les injonctions gouvernementales : à l’hommage, à l’émotion, à la communion nationale.

Puis Jupiterion descendit de son Olympe pour trousser un compliment à chacun des deux Jeannots.

L’hommage à l’un, bien sûr, fut plus érudit et plus littéraire. Et certaines formules pourraient exprimer la bonne opinion que celui qui les emploie a de lui-même : «  Il était trop conscient des ruses de l'Histoire pour se navrer des temps présents... Ce fut un égoïste passionné par les autres... »

L’autre fut un peu plus démago, évidemment : « Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part. Il serait sur une moto, il avancerait vers vous. Il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui. »

Bon, il eut la pudeur de ne pas venir en cuir et en moto pour impressionner la France d’en bas, celle que les gens qui ont réussi croisent parfois dans les halls de gare.

Mais en commençant cette série d’hommages il a placé la barre assez haut pour remonter dans les sondages. D’autres immortels et de simples mortel du monde du spectacle vont disparaître durant son mandat. Il marche donc dans les pas de Sarkozy qui s’en était fait un spécialiste (il avait fait une impasse, me semble-t-il, pour la disparition de Jacques Martin).

Si vous cherchez la bagarre

En même temps, dès son élection, il avait aussi repris cette posture martiale qui avait tant profité à Hollande dans un premier temps, mais sans lui permettre d’assurer sa réélection.

 

Les flics m'ont dit Johnny tout de même/Il n'y a donc personne que tu aimes

Quoique plutôt « souchien », je ne suis pas Johnny, comme je n’étais pas Charlie non plus. Pourtant j’ai été un lecteur assidu du premier Charlie autrefois, et très réservé sur le second. Quant à Johnny Hallyday, je connais bien sûr quelques-unes de ses chansons. Je préfère de loin celles de ses débuts, adaptées de morceaux en anglais. Je ne l’ai jamais vu sur scène (ce n’était pas ma tasse de whisky). Mais j’ai écouté avec plaisir l’autre soir à la télé son concert 1993 ( Carole ! ne me regarde pas comme ça !), pour ne pas subir tous ces « débats » sur le grand homme qui envahissaient tous les écrans.

Je n’étais pas touché par l’émotion dont on me disait qu’elle était populaire, naturelle, voire obligatoire. J’assume mes passions tristes et je demande qu’on me respecte. Je suis content que se termine enfin cette période de deuil national, ces séquence de foules en délire et d’extase collective. Et je propose quelques remèdes pour la gueule de bois.

http://nordpresse.be/johnny-na-rien-compris-suis-charlie-dit-suis-johnny/

https://www.youtube.com/watch?v=sVocbt5ZlOQ

https://www.youtube.com/watch?v=XYLrv_TJTY0&list=PLMnhEXUun11IEeG9G9XVmVuuhAsBWpXNR

http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/une-lettre-dadeline-blondieau-ressurgit-apres-la-mort-de-johnny-hallyday_410443

https://laconnectrice.wordpress.com/2017/12/05/disparition-jean-dormesson-seducteur-ou-harceleur/

 

[i] « Quelques personnalités du parti de Jean-Luc Mélenchon ont utilisé les obsèques de Johnny Hallyday pour critiquer le pouvoir. Une tentative très déplacée. Par Sophie Coignard

« On aurait pu croire que l'émotion populaire autour de la mort de Johnny Hallyday tiendrait en respect les esprits chagrins, les tribuns en mal d'auditoire et les moralistes au rabais qui distillent leurs maximes sur les réseaux sociaux depuis leur canapé. Mais non, Jean-Luc Mélenchon et deux de ses lieutenants n'ont pas pu se retenir. »

[ii] « Le leader de la France Insoumise, et quelques uns de ses soutiens, ont montré une certaine frilosité face au déferlement d'hommages à Johnny Hallyday. Avant de préciser leur pensée.

Les Insoumis ont-ils un problème avec Johnny ? Après un tweet polémique d'Alexis Corbière et une déclaration de Jean-Luc Mélenchon, on aurait pu le croire. »


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25 réactions à cet article    


  • Le421... Refuznik !! Le421 16 décembre 2017 16:01

    Super !!
    On va en avoir jusqu’à la fin de l’année !!
    J’attends un article sur sa marque de sous-vêtements.
    Sur son compte en Suisse, je pense que ça restera plus discret.



    • Petit Lait 18 décembre 2017 13:00

      @Le421

      Compte en Suisse ? Qu’est-ce que ça peut vous foutre ? ça faisait des années qu’il n’était plus domicilié en France et donc n’y payait plus ses impôts. Et étant proprio (je sais c’est un gros mot pour vous) d’un chalet en Suisse, ce serait plutôt logique qu’il y ait un compte, ne serait-ce que pour payer son jardinier, non ? 

    • Enabomber Enabomber 16 décembre 2017 16:49

      Bon, il eut la pudeur de ne pas venir en cuir et en moto pour impressionner la France d’en bas, celle que les gens qui ont réussi croisent parfois dans les halls de gare.
      Sa prestation Topgun ne lui a peut-être pas vraiment réussi smiley


      • HELIOS HELIOS 16 décembre 2017 20:38

        *****... les chaînes d’intox programmèrent des « débats » entre initiés racontant l’un, ses souvenirs du disparu, l’autre, l’importance de son œuvre. *****


        ... non, et sans exception, tous se racontent en profitant de l’occasion. Des parasites des studios, toujours prêts à l’ouvrir du moment que leur nom se trouve en bas de l’écran, et cela peu importe pourquoi !!!

        • delphe 16 décembre 2017 21:38

          Vous assumez vos passions tristes ,c’est tout dit.



          • kalachnikov kalachnikov 17 décembre 2017 09:58

            @ Shawford

            Alors, il se porte comment le petit manipulateur aujourd’hui ?


          • Shaw-Shaw Shawford 17 décembre 2017 10:16

            @kalachnikov

            Dans son #U42 tchou tchou (voire vrr vrrr comme les gros navions), cool, à la fraiche, décontracté du gland ! smileysmiley ( smiley ) / smiley

            Tu as à t’en plaindre ? (et pour sûr t’es désormais mieux placé que quiconque pour en convenir ici ou là haut)


          • Jean-Yves TROTARD Jean-Yves TROTARD 17 décembre 2017 13:46

            @arthes
                       


                        Vous voulez dire que vous etes un joyeux drille.

          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 17 décembre 2017 14:53

            @arthes


            J’avoue avoir apprécié Delerm. Une certaine époque. Les écrits de son père sur une plage entre Le danemark et la Suède sur laquelle je voulais m’envoler en 2003 : SKAGEN. ET puis,...DOMINIQUE A https://www.youtube.com/watch?v=DTonl_qwGlw (

          • velosolex velosolex 18 décembre 2017 13:42

            @arthes
            Les derniers jours ont ajouté beaucoup à la dépression ambiante. Le garde à vous lacrymal, l’injonction émotionnelle semblent avoir pris la place des derniers lambeaux de la religion. 

            C’est un attentat à l’intelligence, ( Que fait la police ? In’y a pas que Daesh qui frappe !) une promotion de la bêtise, que certains évidemment traduisent en bon et bel argent....
            Johnny à donné matière à des envolées lyriques tellement ridicules, qu’ils en disaient beaucoup plus sur ceux qui les prononçaient que sur celui à qui cela s’adressait. 
            Donc, Johnny n’est là dedans qu’un leurre..
            .Le comble ayant été atteint pas le billet de Jack Lang, grotesque,tellement flatteur et hypertrophié, qu’il en était parodique. Les comiques ne peuvent pas suivre. Ils se font doublé sur la droite sur la gauche dans le fossé. Qui n’est pas jojo ?. 

          • libert_pensée 17 décembre 2017 00:09

             L’auteur aux passions tristes - expression à propos de laquelle je partage le commentaire d’Arthes, doit apprendre que le site nordpresse.be qu’il met en note de bas de page est un site souvent drôle, et qui est tout sauf à prendre au sérieux. Il n’y a que Christine Boutin qui eut la sottise de menacer de porter plainte contre norpresse qui annonça, il y a un certain temps, qu’elle s’était convertie à l’islam. Je n’ose imaginer que Jules Elysard aie commis la même erreur !
            Au fait, l’équipe de Charlie a tellement apprécié le soutien de Johnny que le journal lui consacre son dernier numéro, en forme d’hommage.


            • Legestr glaz Ar zen 17 décembre 2017 08:45
              Les passions tristes
              .
              Les passions tristes représentent donc le plus bas degré de notre puissance, le moment où nous sommes au maximum séparés de notre puissance d’agir, aliénés, livrés à la superstition, aux tyrans. La philosophie de Spinoza est une philosophie de la joie. Seule la joie vaut et la passion triste est toujours impuissance

              • Jonas Jonas 17 décembre 2017 09:58

                "Une semaine d’union nationale était brisée par ce pauvre Finkielkraut, celui-là même qui avait tant reproché à Emmanuel Todd sa question Qui est Charlie ? Bourde de vieillard malade ou plaisir de la polémique, il venait de poser la question : Qui est Johnny ?"

                Finkielkraut a fait effectivement le constat que la majorité du public était composé de Français de souche.
                Les maghrébins, les asiatiques, les sub-sahariens, étaient absent de cet hommage, et c’est tout à fait compréhensible, Johnny Hallyday a débuté et s’est révélé dans les années 1960, à une époque où la France accueillait très peu d’immigration, il incarne un style rock-variété très français, qui s’est transmis majoritairement dans ces familles françaises de souche.
                Traiter Finkielkraut de « vieillard malade » pour avoir dit des vérités, c’est stupide.


                • Olivier Perriet Olivier Perriet 17 décembre 2017 10:32

                  @Jonas

                  Que voulez-vous, quand on place la barre haut, on déçoit forcément lorsqu’on énonce des vérités qui tienne de la découverte du fil à couper le beurre.


                • Olivier Perriet Olivier Perriet 18 décembre 2017 10:17

                  @Olivier Perriet

                  D’ailleurs, il faudrait partir de là :

                  quel sens réel à ce qu’un intellectuel prenne autant de temps pour énoncer des évidences dans les médias ?
                  1) soit il est très bête, mais j’en doute quand même
                  2) soit il se fait plus bête qu’il n’est
                  et pourquoi se fait-il plus bête qu’il n’est ?



                  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 17 décembre 2017 14:44

                    Un train peut en cacher une autre....





                          • L'enfoiré L’enfoiré 18 décembre 2017 12:26

                            Qui est Johnny ?

                            Une question presque bizarre.
                            Réponse : un interprète ce chanson et un bon interprète de lui-même au cinéma.
                            Il n’a jamais écrit une ligne de son propre cru.
                            Regardez la différence avec son grand copain : Eddy Mitchell 

                            • velosolex velosolex 18 décembre 2017 12:48

                              Qui est Johnny ?...Un ensemble d’intérêts, voilà.....Que ce soit de la soupe pour le populo, et il en est de bonnes, ou du supposé caviar pour les bourgeois, les héritiers tentent de profiter à fond de l’affaire, même quand le cadavre est froid. En ce moment la famille de Ravel tente de faire prolonger ses droits d’auteur sur le boléro, qui va tomber dans le domaine public, en tentant de faire croire qu’un comparse, mort bien après Ravel, aurait donné la main à la composition.....

                              Les modes, ce qu’il faut écouter ou voir, la pression des autres.....Une chanson peut vous amuser comme un polard..Maintenant, « Guerre et paix » ou les concertos pour violon de mozart, mais je pourrais parler de Vialatte, de Brassens, c’est pas la même pointure que Johnny.
                              Oh, je lui accorde une voix, une présence, une qualité d’interprétation, ce que n’ont pas tous ces gamins de chanteurs reprenant la boutique de Papa qu’est dans le show biz biz.(Voullzy-Souchon-Depardieu-Delon-Belmondo-Dutronc-Deneuve-Delerm-Mastrionni, etc etc..... Avant c’était les épiciers et les croque-morts, qui transmettaient leur affaire, maintenant ce sont les happy fews....Ca nous fait pas des cadavres exquis. Mais à force de répétition, la science cognitive le conforte, on finit pas s’habituer à n’importe quoi. Et c’est comme ça que les portes du pénitencier se referment sur nous. Enfin méfiez vous des imitations quand même. Même si parfois certains sont meilleurs que l’original ! Au fond, c’est à rien n’y comprendre. 

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