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Accueil du site > Tribune Libre > Alésia : le combat héroïque des Gaulois de l’armée de secours. Y (...)

Alésia : le combat héroïque des Gaulois de l’armée de secours. Y a-t-il un latiniste dans la salle ?

Ancien officier de carrière d'origine saint-cyrienne, ayant étudié le latin comme cela se faisait de mon temps dans une scolarité classique, confronté au terrain du combattant dans une situation de conflit au cours de ma carrière, il n'y a rien d'illogique à ce que je comprenne les Commentaires de César sur la guerre des Gaules un peu mieux que d'autres. Les principales batailles que César a livrées en Gaule, je les ai expliquées, soit dans mes ouvrages, soit dans mes articles qu'Agoravox a bien voulu publier.

 Le 30.10.81, invité avec un groupe d'officiers à Alise-Sainte-Reine à l'époque où le site était contesté, j'ai pris fermement position en sa faveur (1). En présence de Mme Rabeissen, directrice du musée, j'ai expliqué au professeur Le Gall que si le doute s'était installé, c'était parce qu'on s'entêtait à voir dans le mont Rhéa le lieu de l'affrontement entre les Romains et les Gaulois de Vercassivellaunos alors qu'une bonne traduction et la logique militaire imposent la montagne de Bussy (en haut, à droite). Le texte de César est pourtant d'une clarté aveuglante.

Erat a septentrionibus collis, quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri : necessario paene iniquo loco et leniter declivi castra fecerunt... Il y avait, au nord, un versant que les nôtres n'avaient pas pu entourer d'un ouvrage à cause de son étendue. Ils ne purent faire autrement que de dresser les camps dans une position en pente légèrement défavorable. Rien à voir avec le mont Rhéa que Vercingétorix a voulu prendre d'assaut et que César qualifie d'abrupt : loca praerupta ex ascensu temptant... (les assiégés) tentèrent d'escalader les lieux abrupts.

Quand César écrit  : altero die ad Alesiam castra fecit... le jour suivant, il fit dresser les camps en arrivant à Alésia, c'est après avoir poursuivi Vercingétorix durant déjà un jour. Il arrive donc à Alésia, non pas le lendemain, postero die, de la fameuse bataille de cavalerie perdue par Vercingétorix, mais le surlendemain, altero die (2). Il s'ensuit que cette bataille de cavalerie n'a pu avoir lieu qu'à Noyers, fondation séquane sur la voie Sequanas, comme je l'ai expliqué dans mes ouvrages.

Quand César écrit : Ipsum erat oppidum Alesia in colle summo admodum edito loco", cela signifie que "l'oppidum d'Alésia se trouvait en haut du versant, à l'endroit qui resssort tout à fait," c'est-à-dire à la pointe du mont Auxois (cf premier croquis, chiffre 21). Puis : "Sub muro, quae pars collis ad orientem solem spectabat, hunc omnem locum copiae Gallorum compleverant fossamque et maceriam sex in altitudinem pedum praeduxerant"... ne signifie pas que les troupes gauloises s'étaient regroupées sur le mont Pennevelle à l'ouest du mont Auxois, ce qui est absurde, mais qu'elles occupaient toute la partie ouest du mont, sous la muraille de l'oppidum. La trace de cet oppidum ovale a été formellement identifiée, au Second Empire, par l'avocat Garenne ainsi que celle de la citadelle du haut de laquelle Vercingétorix observait le déroulement de la bataille. Le mur de pierres sèches et le fossé dont on a retrouvé également les traces en avant et au pied de cet oppidum ovale n'ont évidemment pas été réalisés par les Romains sous le "tir" des Gaulois mais par les Gaulois eux-mêmes pour se garder un espace sécurisé jusqu'aux deux rivières (troisième croquis, ligne bleue). Dès lors, on comprend mieux le premier engagement de cavalerie et le repli des Gaulois derrière ce mur et non derrière un murus gallicus que certains imaginent autour du mont Auxois. Quant à la charge de la cavalerie germaine, il faut la replacer dans le contexte.

Premier combat de cavalerie dans la plaine des Laumes.

Première hypothèse. L'armée romaine en marche, l'agmen, se dirige vers Alésia. La cavalerie l'éclaire largement en avant et la protège sur ses flancs. L'officier précurseur chargé du choix du camp et de son tracé est également en tête. Il n'y a donc pas de temps mort. L'agmen est tout de suite dirigée vers l'emplacement prévu, camp K, camp de la première nuit (?) et s'y installe tandis que la cavalerie romaine la couvre en maintenant à distance la cavalerie gauloise (3). Si la cavalerie germaine n'intervient qu'ensuite pour créer la décision, c'est qu'elle progressait en queue de colonne, articulation bien connue pour faire sauter une embuscade. Si César fait avancer un peu ses légions en avant du camp, c'est depuis le camp K où la colonne s'installe sous leur protection. D'où l'inquiétude des Gaulois qui pensent que les Romains vont les attaquer dans la foulée de leur arrivée. César dit qu'ils se réfugient dans l'oppidum parce qu'ils sont terrorisés. Mais c'est peut-être aussi parce qu'ils pensent qu'ils seront plus aptes à se défendre depuis l'oppidum. Les portes que Vercingétorix fait fermer pour éviter que ses camps placés sur le mont ne se vident sont les portes de l'oppidum de Garenne.

Deuxième hypothèse. Avant que l'armée arrive, César fait une reconnaissance du terrain avec son état-major. On décide de faire le siège de la position en l'entourant d'un retranchement. Eius munitionis quae ab Romanis instituebatur circuitus XI milia passuum tenebat. Littéralement : il est décidé par les Romains d'un retranchement qui fera 10 000 pas de tour... des camps judicieusement placés, des tours, des redoutes, tout un système de guet et d'intervention...etc (4)...Opere instituto fit equestre proelium : l'ouvrage étant planifié, l'armée arrive, le combat de cavalerie s'engage comme je l'ai expliqué dans ma première hypothèse. Les légions rejoignent les emplacements prévus. On fabrique dans le camp K les obstacles dont on va équiper le retranchement. Pour protéger contre les harcèlements gaulois ceux qui travaillent dans son chantier, César fait creuser à 120 mètres de là un fossé de 6 mètres de large qu'il fait garder par des guetteurs.

L'armée de secours arrive. Combat de cavalerie.

Les Gaulois s'établissent sur un versant (celui de Mussy) à mille pas de nos retranchements (les retranchements du camp K). Le lendemain ("postero die" et non "altero die" comme nous l'avons vu ci-dessus), ieur cavalerie sort des camps et leurs troupes à pied s'établissent sur des positions plus élevées. De l'oppidum, les assiégés voient toute la plaine. Ils amènent leurs troupes.pour qu'elles prennent position devant l'oppidum. Ils jettent dans le fossé le plus proche des panneaux de branches tressées qu'ils recouvrent de terre en vue d'un assaut.

Non ! Il n'est pas dit - erreur de traduction - qu'à ce moment-là, César met en place son armée sur les lignes de retranchement. Il est dit que (dès son arrivée), César avait mis en place son dispositif afin que chaque soldat connaisse l'emplacement de combat qu'il devait rejoindre en cas de nécessité et ce qu'il devait y faire. C'est ce que fait encore aujourd'hui tout chef militaire digne de ce nom. Au moment de cette tentative locale de franchissemat, César est à son poste de commandement de général en chef sur la montagne de Flavigny, et c'est de là qu'il donne l'ordre de faire sortir la cavalerie des camps et d'engager le combat (donc, contrairement à ce qu'on pense, ces camp extérieurs existaient encore aprés l'édification de la ligne de retrancheent).

...Cum a meridie prope ad solis occasum dubia victoria pugnaretur, Germani una in parte confertis turmis in hostes impetum fecerunt eosque propulerunt. On combattait depuis midi et le soleil commençait à se coucher lorsque les Germains, regroupés en escadrons serrés, chargèrent l'ennemi et le repoussèrent. Les archers qui combattaient en tandem avec les cavaliers, se trouvant isolés, furent massacrés.

L'armée de secours et les assiégés livrent un combat de nuit absolument terrifiant.

Au milieu de la nuit, les Gaulois de la montagne de Mussy sortent en silence de leurs camps. En arrivant aux premiers obstacles - je résume et condense 7, 81 et 7, 82 - ils poussent un cri terrible pour que les assiégés les entendent. ils progressent sous la protection d'une multitude de traits qui perturbent les Romains qui sont au rempart. Mais, en se rapprochant, ils s'empalent en tombant dans les trous de loup et marchent sur les aiguillons. Ceux qui arrivent au fossé jettent leurs panneaux de branches tressées, dressent leurs échelles, harponnent le parapet. Ils attaquent à coup de frondes, de flèches et de pierres. En même temps, Vercingétorix, entendant la rumeur, fait sonner de la trompette et fait sortir les siens de l'oppidum pour participer au combat, de l'autre côté.

Les jours précédents, en même temps que César leur avait prendre le dispositif d'alerte, les Romains avaient entassé sur le retranchement, en prévision, une grande quantité de balles de fronde, de pierres plus grosses pour les casse-têtes et d'épieux .... Lors de l'attaque, ils se portent aussitôt aux postes qui leur ont été assignés. Ils accablent les Gaulois, qui, en raison de l'obscurité ne voient pas venir les coups. Des deux côtés, les blessés sont nombreux. Les machines tirent des salves de traits.

Après avoir perdu beaucoup de monde, sans être parvenus à entamer les retranchements, voyant le jour approcher, et craignant d'être pris de flanc (par les Romains depuis le camp K) et enveloppés, les Gaulois se replient sur leurs camps. 

Attaque ultime de jour sur deux fronts.

J'ai déjà expliqué cette bataille d'Alésia dans mes ouvrages et dans plusieurs articles d'Agoravox, notamment dans celui du 2 juillet 2009, https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/explication-de-la-bataille-d-58046. J'ai surtout mis en exergue le terrible affrontement final sur la montagne de Bussy. On se rappelle que c'est l'arrivée de la cavalerie germaine dans le dos des troupes de Vercassivellaunos qui décida de la victoire romaine alors que les Romains étaient à la dernière extrémité. Et les autres ? Ceux qui n'avaient pas été choisis, ceux dont il est dit dans les traductions courantes qu'ils se contentèrent de se déployer devant leurs camps de Mussy pour finalement s'enfuir en apprenant la défaite des autres.

N'y aurait-il pas là une très grave erreur de traduction ?

La manoeuvre gauloise est pourtant d'une logique aveuglante. Il s'agissait d'attaquer les Romains sur deux fronts en même temps, et même trois, celui des assiégés, de façon à submerger l'adversaire sous le nombre et sans qu'il ait le temps de jouer avec ses réserves en les faisant intervenir d'un endroit à un autre. Dans cette logique, l'attaque sur les deux fronts extérieurs devaient se déclencher en même temps à midi. Les troupes de Vercassivellaunos attaquant, au nord, les deux camps romains de la montagne de Bussy, le reste de l'armée de secours attaquant les fortifications romaines de la plaine avec la mission particulière suivante : empêcher la cavalerie germaine de sortir du camp H ou I pour qu'elle ne puisse pas intervenir dans le dos des troupes de Vercassivellaunos.

Il faut donc comprendre, dans le paragraphe 7, 83, qu'après avoir expliqué la manoeuvre gauloise de Vercassivellaunos, César décrit celle des autres Gaulois restés dans la plaine des Laumes. ceodem tempore equitatus ad campestres munitiones accedere et reliquae copiae pro castris sese ostendere coeperunt doit se traduire ainsi : en même temps, la cavalerie (gauloise) accède aux retranchements (romains) de la plaine. Le reste des troupes se dirigent et se déploient devant les camps (romains). Il ne s'agit pas des camps gaulois comme les traductions courantes le disent mais des camps romains de la plaine.

Dans le latin de César, le mot "ostendere" a un sens précis : celui de se diriger vers (tendere) en se montrant (obs). Lorsque dans la suite de son récit, il écrit que les Romains au rempart étaient terrorisés par la clameur qu'ils entendaient dans leur dos car ils se rendaient compte que leur sécurité dépendait des autres, cela signifie que le retranchement de la plaine était attaqué, d'un côté par les assiégés, de l'autre côté par le reste de l'armée de secours. Le passage : De part et d'autre on sent que ce jour est celui où il faut faire les derniers efforts. Les Gaulois désespèrent entièrement de leur salut, s'ils ne forcent nos retranchements ; les Romains ne voient la fin de leurs fatigues que dans la victoire"... concerne cet affrontement qui s'est passé dans la plaine et non sur la montagne de Bussy. C'est sur ce front que César a envoyé en renfort le jeune Brutus avec six cohortes, puis Fabius avec sept autres, puis lui-même. À ce moment précis où le retranchement romain menaçait de céder, les assiégés ont-t-ils eu tort de se tourner vers les pentes escarpées du mont Rhéa pour essayer de percer ? Les traces archéologiques témoignent de la violence des combats qui se déroulèrent à cet endroit.

Dans ce moment ultime où tout pouvait basculer en faveur des Gaulois, ce sont, une fois de plus, les Germains qui créent la décision. Echappant à l'encerclement de leur camp de la plaine, la décision de génie de César a éte de ne pas les faire intervenir contre les Gaulois de la plaine mais dans le dos des troupes de Vercassivellaunos sur la montagne de Bussy.

Voyant du haut de la citadelle le désastre, Vercingétorix rappelle ses troupes. Entendant la trompette qui donne le signal de la retraite, les troupes gauloises de la plaine évacuent les camps romains qu'elles avaient investis et s'en vont... avant que les cavaliers germains ne reviennent et les massacrent. Et César conclut en disant que si les soldats fatigués avaient pu les poursuivre, d'une armée si nombreuse, il n'en serait rien resté.

Les camps d'où César dit que les Gaulois se sont enfuis ne sont donc pas les camps gaulois mais les camps romains de la plaine, ce qui signifie que les Gaulois les avaient investis et que tout ce qui s'y trouvait a dû être détruit... grave erreur de traduction.

Renvois :

1. Le Monde du 11.11.81 qui cite mon nom.

2. César a volontairement un vocabulaire précis et réduit. Pour désigner le lendemain, il utilise l'adjectif "posterus". Cicéron, de même. Quand il dit qu'il poursuivit l'arrière-garde de Vercingétorix tant qu'il fit jour, il faut seulement comprendre qu'iil arrêta sa poursuite à la tombée de la nuit et qu'il reprit sa marche le lendemain pendant un jour pour arrriverv en vue d'Alésia le jour suivant.

3. Ce processus apparaît clairement au début de la bataille des Romains contre les Nerviens.

4. Les traducteurs ont mal interprété ce passage. Il ne s'agit pas de travaux en cours mais d'une "planification".

E. Mourey, 26 décembre 2017, www.bibracte.com, extraits de mes ouvrages avec modifications.


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5 réactions à cet article    


  • Diogène diogène 27 décembre 2017 09:39

    Je ne voudrais pas avoir l’air d’e chercher la petite bête, mais votre première phrase est une anacoluthe (rupture de la construction syntaxique), une figure de stye d’emploir délicat :


    «  Ancien officier de carrière d’origine saint-cyrienne, ayant étudié le latin comme cela se faisait de mon temps dans une scolarité classique, confronté au terrain du combattant dans une situation de conflit au cours de ma carrière, il n’y a rien d’illogique à ce que je comprenne les Commentaires de César sur la guerre des Gaules un peu mieux que d’autres. »



    • Emile Mourey Emile Mourey 27 décembre 2017 10:31

      @diogène

      Merci, mais il y a pire... https://fr.wikipedia.org/wiki/Anacoluthe

    • Diogène diogène 27 décembre 2017 10:53

      @Emile Mourey

      quand c’est pire, c’est une faute,
      quand c’est mieux, c’est de la rhétorique

    • Emile Mourey Emile Mourey 27 décembre 2017 14:37

      Et j’aurais dû également dénoncer cette imposture qui fait dire aux archéologues que les médailles les plus nombreuses retrouvées sur le site sont des monnaies séquanes alors que ce sont des monnaies éduennes, principalement de Divitiac.


      • Antenor Antenor 30 décembre 2017 14:40

        On n’entend plus trop parler d’Alise-Sainte-Reine au Moyen-âge mais elle n’en demeurait pas moins une possession directe de l’évêque d’Autun, le second plus important personnage de Bourgogne après le Duc. Le site en lui-même est vraiment intéressant car il se trouve au carrefour de beaucoup de voies locales. De là on peut rapidement rayonner alentour pour porter secours à un site menacé et vice-versa on peut facilement s’y replier.

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