Le contrôle de l’information, dernier bastion à prendre
L’audiovisuel public est actuellement l’objet de toutes les convoitises. Le contrôle de l’information, jadis le privilège des régimes communistes est devenu le rêve humide de tout Néolibéral qui se respecte. Décidément, la diffusion de la bonne parole par la « Pravda » est une tradition qui ne se perd pas.
Ainsi, les jeunes libéraux suisses, fraîchement diplômés des « business schools » et autres facultés des sciences économiques, comme celle de St. Gall, « number one » pour son « Master of management » selon le « Financial Times », pour lesquelles sciences économiques rime avec néolibéralisme ou pas du tout, ont réussi à convoquer le peuple suisse devant les urnes le 4 mars prochain, pour se prononcer sur l’abolition de la redevance de réception obligatoire de la radio et télévision publique suisse dans le but de « favoriser la concurrence, libre et non faussée, entre les médias afin de garantir leur pluralité ». Financée à 75% par cette même redevance, celle-ci mettrait, en cas de oui, tout simplement la clé sous le paillasson. Même leurs ainés du parti PLR trouvent les jeunes loups un peu trop pressés. Ne sentant pas actuellement le peuple suisse prêt pour un autre « hold-up » du service public, ils préfèrent recommander le refus de l’initiative.
La SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision) reçoit des pouvoirs publics chaque année, sous forme de redevance, la somme de 1,37 mia CHF, ce qui représente 75% de son budget, le reste est financé par la publicité et autres revenus. Cela lui permet de proposer des programmes sur 7 chaînes de télévision et 17 stations de radio nationales dont 40% du contenu représente l’information. 20% est consacré au divertissement, 20% au sport, la musique et la jeunesse et 20% à la culture et à la formation. En outre, chaque année 34 stations de radio et chaînes de télévision locales privées reçoivent la somme de 67 mio CHF sous forme de subventions de la part de leur grande sœur.
Mis sous pression par l’agenda politique Gilles Marchand, le directeur de la SSR, monte au créneau en commençant par mettre de l’eau dans son vin. Il se dit « conscient qu’il sera toujours plus compliqué d’imposer une redevance contrainte aux futures générations « pay per view », plus enclines à ne payer que ce qu’elle consomme. » Le service public à la carte, l’objectif primaire des libéraux. Monsieur Marchand n’y est pas du tout et tombe du coup tout droit dans le panneau des initiants. Il serait tout à fait imaginable de lier la somme de la redevance à la capacité contributive des citoyens. En voilà une proposition qui pourrait séduire l’électeur.
La contrainte de la cotisation obligatoire n’est qu’un subterfuge qui détourne du vrai sujet, celui de l’indépendance politique d’un média citoyen. Et celle-ci, contrairement à d’autres pays comme la France et la Grande Bretagne, est garantie par le système politique suisse. Contrairement à ce qu’avance la droite réactionnaire à qui veut l’entendre, les médias ne sont pas d’office de gauche. Comme si cela voulait encore dire quelque chose par lest temps qui courent.
Le prétexte financier est également avancé par le pape des médias suisses, l’infatigable Roger Schawinski, casseur de monopole, ennemi juré de l’audiovisuel public, émetteur pirate des premières heures et fondateur de la première radio privée de suisse en 1979, « Radio 24 » et la première télévision privée en 1994, « TéléZüri ». Il préconise une redevance à CHF 300.00 « qui sauverait les meubles ». Dans son livre, écrit à la hâte, en vue de la votation prochaine, il vole tout de même au secours de son ancien ennemi et, à nouveau, employeur depuis 2011 en dénonçant une initiative « très peu suisse » dont l’acceptation « changerait ce pays plus profondément que n’importe quelle autre votation précédente (Le Temps) », ce qui n’est pas faux.
La position de monopole de l’audiovisuel public suisse des années 80, les années rebelles du jeune Roger Schawinski, n’a plus rien avoir avec le paysage médiatique de 2017. Il est vrai qu’à l’époque l’audiovisuel public défendait son pré carré bec et ongle, sans doute au détriment de la pluralité. Actuellement, pluralité de médias il y a, mais pas pluralité de contenu.
Le paysage médiatique suisse actuel est dominé par trois puissants groupes qui se partagent le gâteau, le groupe « Tamedia », le groupe « NZZ » et le groupe « Ringier Axel Springer » (le géant allemand). Flairant la juteuse affaire de la diffusion de la bonne parole, le milliardaire Christophe Blocher, ancien Conseiller fédéral, entre également en brèche en achetant d’un seul coup, en plus de son outil de propagande la « Weltwoche » et la « Basler Zeitung », 25 journaux régionaux qui, contrairement aux grands titres nationaux, sont lus, et lus par des gens qu’il s’agit de convaincre encore.
Dans ce contexte, le groupe « Tamedia », sans doute par soucis d’efficacité, vient de décider la centralisation des rédactions de tous ses titres dans le but de diffuser un contenu uniforme depuis une seule plateforme, une sorte de « Pravda » helvétique.
Dans ce contexte l’existence d’un média public indépendant, en tandem avec la neutralité de l’internet, l’autre objet de toutes les convoitises, prend toute son importance.
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