Si l’habit ne fait pas le moine
Il fera le député.
Dans l’hémicycle, l’hypocrisie se niche dans la garde-robe. Il convient de porter une tenue correcte à défaut de bien s’y conduire. Voilà que notre république bananière se fait fripière, le petit doigt sur la couture du pantalon afin d’éviter le « l’amant-tacle » spectacle d’un député vitupérant en maillot de football à la tribune. Il est vrai que le pauvre bougre avait commis confusion lexicale et qu’il s’était présenté ainsi non pas dans les gradins, presque vides ce soir-là, mais sur le terrain de jeu de la nation.
Il convient désormais de sauver les apparences. Qu’importe si les travées sont vides ou bien composées de gens bien vêtus dormant d’un sommeil grassement rémunéré à la condition que le dormeur soit dans une tenue saillante, distinguée et bien propre. Si les citoyens sont dans de beaux draps, ce sera parce que leur représentation nationale a revêtu le costume cravate pour les uns et le tailleur élégant pour les autres. Qu’ils se taillent ensuite des croupières avec des propos orduriers n’a aucune espèce d’importance pourvu que torchons et serviettes soient en coton !
C’était bien la peine d’élire un président d’alors moins de quarante ans pour sombrer ainsi dans le ridicule et le conformisme. On s’arrête à des points de protocole et d’étiquettes sans même vérifier la provenance du tissu et qui a bien pu payer la liquette et les sous-vêtements. Il est vrai que le législateur s’est arrêté à la partie visible de la panoplie, ne cherchant pas à savoir si le slip kangourou ou le string étaient de nature à décrédibiliser la fonction.
L’habit fait donc le député. Les jolis hypocrites que voilà qui se prétendent marcheurs en repoussant la tenue du randonneur. C’est en escarpins et bas de soie qu’ils et elles arpentent les allées de la République, laissant la poussière, les chemins creux et les impasses au bon peuple qui bat la semelle dans des files d’attente de plus en plus nombreuses, devant pôle emploi, les services d’urgence et les restaurants du cœur.
Mais pour l’heure, l’essentiel est bien de légiférer sur le règlement intérieur de la chambre avant qu’un élu mécontent se présente en liquette pour signifier au bon président qu’il est en train de déshabiller les plus humbles, les moins jeunes, les plus fragiles pour habiller les fripons, ceux-là même qui pètent avec distinction dans la dentelle.
Ce serait à se tordre de rire si la chose ne frisait pas le ridicule, si cela ne sentait pas le rance et la réaction. C’est détestable de s’entendre dire qu’une parole ne peut être entendue que si l’habit est conforme aux conventions d’une caste prétentieuse et hautaine. Le temps est revenu de la cour et des dentelles, des courbettes et des perruques. On se poudre, on se maquille, on se vêt pour aller au parlement. L’habit est préférable au respect de la langue, il faut avoir l’air sans qu’il ne soit besoin de maîtriser l’éloquence et la syntaxe. Le sus-dit règlement ne prévoyant pas de mettre au placard ceux qui abusent de l’anglicisme, qui martyrisent la grammaire, qui bafouillent ou bien sont incapables de lire convenablement un discours écrit par un détaché parlementaire. Ça ne fait pas tache pourvu que la façade soit convenable.
Les insoumis vont devenir les parias du parlement parce qu’ils sont les dignes successeurs des sans-culottes, les représentants d’une France sans bas de soie. La belle contre-révolution que voilà. On se gargarise d’élégance et de distinction dans une assemblée qui manque singulièrement de qualités humaines, de tenue éthique, de rigueur morale. Tout ceci n’est rien, l'essentiel étant dans la coupe, l’enveloppe, le soin mis à assurer la façade au détriment des fondations.
La guenille n’a plus sa place, la bleu de travail ne l’a jamais eu dans cette compagnie exclusivement bourgeoise, pédante et méprisante. À défaut de couper quelques têtes ou bien de pendre ces coquins, coupons-leur la cravate et le sifflet et envoyons-les bien vite se rhabiller afin qu’ils repassent devant les électeurs. Si nous attendons d’eux beaucoup plus de tenue, ce n’est pas à l’aulne de leur garde-robe que nous les jugerons mais bien aux actes et aux paroles.
Vestimentairement leur.
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