Un sentiment d’injustice ne crée pas un coupable (exemples : Wauquiez, MeToo...)
"Un sentiment d'injustice ne crée pas un coupable" : cette affirmation que je fais ici en préambule vaut autant pour un chef de parti politique qui utilise la grosse ficelle du complot généralisé contre sa personne que pour certaines femmes perturbées ou de mauvaise foi qui règlent leurs comptes dans des sphères livrées aux foules vindicatrices. "Pour que la peur change de camp" disent-elles, pour que les hommes souffrent à leur tour d'une situation de minorité, dit une ancienne ministre. Ce sont là deux arguments qui ne sont que des variantes de la loi du talion qui depuis longtemps n'est plus regardée comme un principe de justice mais de vengeance. Quand on a été ministre de la justice, on sait cela. Ah, le doux plaisir de la vengeance, comme il se savoure !
Quant aux médias qui répètent en boucle des paroles moralisatrices, ils ne contribuent pas non plus à la vraie justice.
Un sentiment d'injustice ne crée pas un coupable parce que tout d'abord un sentiment d'injustice n'est pas ipso facto une injustice réelle. Le préjudice doit se prouver : "balance ta preuve !"
Cela dit, les femmes victimes d'agressions sexuelles sont victimes d'injustice à quatre niveaux sur l'échelle des sept catégories du juste que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer dans les grandes lignes ("la boussole du juste...").
I - Une femme violentée est victime d'une quadruple injustice
La source du sentiment d’injustice des victimes est multiple.
- Une atteinte grave à la personne
- Une injustice provoquée par l’abus de liberté de l’homme. La liberté de chacun s’exprime tant qu’elle ne nuit pas aux autres.
- Une injustice causée par le non-respect de l’égalité hommes-femmes.
- Une injustice ressentie et aggravée par le manque ou l’insuffisance de solidarité.
1ère fois victime : violation du juste de l'égitimité.
Quand une femme est victime d'une réelle agression, c'est la légimité la plus essentielle de l'être humain qui est violée. Une victime d'agression sexuelle subit une violation grave de sa légitimité, celle qui consiste à protéger sa personne contre les atteintes hostiles. L'atteinte à l'ingrité" de la personne est la forme d'injustice la plus difficile à réparer. Dans ce cas, la société doit se montrer intransigeante et la justice doit passer.
Mais, dans le cas de la fondatrice du forum « balance ton porc », l'atteinte était négligeable et la réponse en retour (opprobre et délation), disproportionnée. Si la personne n'a pas repris l'idée du "me too", c'est qu'elle n'était pas dans une démarche de témoignage ni de solidarrté consistant à dire "moi aussi". Elle ne pouvait pas dire "moi aussi" puisqu'elle n'était pas une victime et n'avait donc rien à témoigner. Ce fut une démarche de pure vengeance en dehors de toutes règles de justice.
Catherine Millet « je suis contre la dictature du ressenti ».
2ème fois victime : violation du juste de liberté (dit "juste d'utilité" dans mon article cité en référence)
Il y a ici abus de la liberté d'une personne sur une autre, dans un déséquilibre des forces ou des statuts. La Déclaration de 1789 affirme le principe de liberté mais elle en fixe aussi les limites. Le citoyen peut avoir à répondre des abus de sa liberté. Cela rappelé, toutes les femmes importunées sont-elles des victimes au titre de ce chef d'accusation ? Certainement pas ! L’usage veut que l'homme prenne plus souvent que la femme l’initiative et, tant que l'usage n'aura pas modifié cet état de fait, il faut admettre que cela s'accompagne de tentatives d'approches maladroites et parfois insistantes. L’homme a la liberté d’importuner mais pas de harasser et encore moins de violenter.
3ème fois victime : violation du juste d'égalité.
Ici, c'est de l’égalité des sexes qu'il s'agit. L’égalité n’est pas un but en soi, c’est un moyen. Un moyen de liberté. La liberté est le but par excellence de tout individu. La Révolution française de 1789, révolution bourgeoisie, a proclamé l’égalité pour permettre à l’individualisme de s’exprimer librement. La liberté à notre époque doit s’exprimer dans le cadre de l’égalité des droits entre citoyens et aussi dans celui de l’égalité entre hommes et femmes. Un manquement à ces cadres égalitaires est une faute.
4ème fois victime : violation du juste de solidarité.
L’absence de solidarité envers les femmes victimes peut se manifester par l’indifférence, le silence gardé ou le mépris.
Etre victime de quatre formes d'injustices fondamentales sur une échelle de sept catégories du juste, cela n'est pas rien ; cela est même très grave.
II - Parole libre ou libérée n'est pas synonyme de liberté
La véritable liberté s'accompagne de prise de conscience. Elle est créatrice de responsabilité et s'efforce d'être juste.
1 - Comment émerge la conscience ?
Ce sont les phénomènes perçus par notre intelligence qui forment la conscience. La conscience est une structure (vivante) qui aboutit à la pensée. La conscience n’est pas que réceptacle, champ actif de formation des représentations ; elle est la forme qui modèle la pensée. La forme agit sur le fond. La conscience s’acquiert par l’éducation des parents, de l’école et l’éducation du citoyen.
La pensée ainsi structurée par la conscience permet à l’être humain de se poser des bornes et des limites. L’artiste sait bien que ce sont les cadres et les contraintes qui le rendent créatif. Le désir et nos émotions nous poussent à agir (ou à défaut à parler ou à imaginer). La conscience de nos limites personnelles et des règles en société nous guide et nous recadre.
2 - La liberté n’est pas de tout dire et de s'exprimer n'importe comment
La parole ne s'exerce pas sans cadre et sans règles. La liberté s’exerce sous le contrôle de la conscience et se fait ainsi créatrice de responsabilité.
La liberté n’est pas un statut ni un état inerte, elle est mouvement. Elle se construit par opposition à des résistances, à des forces contraires. C’est le mouvement gagné dans la lutte. C’est par exemple, le mouvement de se défaire de ses entraves, poids, freins, préjugés, d’une pression, d’une servitude voire d’une oppression. La liberté est un mouvement qui s’exprime en luttant à l’intérieur d’un univers de lois mais sans s'affranchir de tout carcan de lois.
Conscience et liberté sont indissociables
Laquelle précède l’autre ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr c’est qu’elles sont indissociables. L’une ne va pas sans l’autre. La conscience permet de structurer la liberté et ainsi d’user de libre arbitre, d’évaluer les situations, de peser les choix et les risques.
Conscience et personnalité, deux choses différentes. La conscience est le gardien et la condition de la liberté, la personnalité est l’expression de puissance du moi. La publicité feint d’encourager la liberté alors qu’elle flatte le moi de l’individu, sa personnalité.
Quand l'individu moderne prétend exprimer sa liberté dans les médias ou sur les réseaux sociaux, il exprime en réalité surtout sa personnalité. Il suffit d'ailleurs d'observer les poses qu'il prend.
Laurent Wauquiez ne parle pas librement parce qu'il "parle cash" ou parce qu'il dit ce que la foule veut entendre. Il exprime sa personnalité. Parler librement, ce n'est pas se lâcher sans contrôle ni retenue, sans conscience.
La science (y compris politique) sans conscience n'est que ruine de l'âme.
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