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Accueil du site > Tribune Libre > Le modèle cybernétique dans la théorie mimétique de René Girard

Le modèle cybernétique dans la théorie mimétique de René Girard

Dans Des choses cachées depuis la fondation du monde, René Girard a fréquemment recours à l'expression "double bind", empruntée à la théorie de la schizophrénie développée par Gregory Bateson. Cette expression que l'on peut traduire en français par : "injonction contradictoire" rend compte du comportement de certains parents, notamment de certaines mères vis-à-vis de leur enfant : un message "positif" au niveau du discours explicite ("je t'aime") et un message négatif inconscient au niveau du non-dit ("je ne t'aime pas"). L'enfant exposé à ce jeu contradictoire peut perdre toute confiance à l'égard du langage, se fermer aux messages linguistiques ou présenter des réactions schizophréniques.

Girard reprend la notion de "double bind" (injonction contraditoire) pour rendre compte du problème de l'imitation. Dans les sociétés archaïques, les interdits aménagent de façon rigoureuse la répartition des objets disponibles entre les membres de la culture. Dans la société contemporaine, c'est la situation inverse qui prévaut. Non seulement il n'y a plus de tabous pour interdire à celui-ci ce qui est réservé à celui-là, mais il n'y a pas de rites d'initiation pour préparer les individus aux épreuves inévitables de la vie en commun. En supprimant toutes les barrières à la "liberté" du désir et en prônant la "spontanéité naturelle du désir", idée totalement mythique, les sociétés modernes exposent toujours plus d'individus, dès leur enfance, aux effets pervers du "double bind".

Pour bien comprendre ce problème, explique René Girard, il faut remonter au mimétisme primaire. Personne ne peut se passer de l'hypermimétisme humain pour acquérir les comportements culturels, pour s'insérer correctement dans la culture qui est la sienne. C'est sur le mimétisme que repose l'apprentissage. Mais s'il n'y a rien pour la guider, la tendance mimétique va s'exercer sur toutes les conduites humaines indifféremment, qu'elles soient non acquisitives, celles qu'il est bon d'imiter, ou acquisitives, celles dont l'imitation va susciter la rivalité. "Pour qu'il y ait double bind au sens fort, il faut un sujet incapable d'interpréter correctement le double impératif qui vient de l'autre en tant que modèle : "imite-moi." et en tant que rival : "ne m'imite pas." (Girard donne l'exemple tragi-comique du disciple préféré qui imite si bien son maître qu'il le surpasse et devient, à son grand étonnement, un rival détesté)

Selon René Girard, la théorie de l'information présente plusieurs éléments intéressants :

a) elle met en évidence le fait que l'ordre informationnel s'instaure sur fond de désordre et peut toujours retourner au désordre.

b) Au lieu d'être linéaire, comme dans le déterminisme classique, la chaîne cybernétique est circulaire. L'événement a déclenche un événement b qui déclenche éventuellement d'autres événements, mais le dernier d'entre eux revient sur a et réagit sur lui. La chaîne cybernétique est bouclée sur elle-même.

Le feedback est négatif si tous les écarts se produisent en sens inverse des écarts précédents et les corrigent de façon à toujours maintenir le système en équilibre.

Le feedback est positif si les écarts se produisent dans le même sens et ne cessent de s'amplifier. Le système tend au runaway ou à l'emballement qui aboutit à sa disruption complète et à sa destruction.

Girard fait référence au livre de Gregory Bateson intitulé Naven, consacré à l'analyse d'un rite qui porte ce nom.

Bateson y décrit la crise mimétique en termes d'emballement cybernétique. "Il perçoit l'élément compétitif et les oppositions de doubles, définies par lui comme "symmetrical schismogenesis". Il voit que cette tendance est brusquement interrompue et renversée dans un paroxysme terminal, mais il ne voit pas le rôle que joue, selon moi, l'élément proprement victimaire dans cette résolution. Je crois qu'une analyse du Naven à la lumière du processus mimétique dégagerait sans peine cet élément victimaire." (Des choses cachées, p. 317)

Girard souligne comme particulièrement significatif le fait que les chercheurs influencés par Bateson et sa théorie de la psychose aient abouti à des mécanisme d'exclusion victimaire.

"Ces chercheurs, explique René Girard, ne considèrent que des groupes très petits, essentiellement la famille nucléaire ; toute tendance de ces systèmes à devenir dysfonctionnels se traduit aussitôt, selon eux, par un effort inconscient pour rétablir l'équilibre perdu au détriment d'un individu de ce groupe contre lequel se refait une espèce de front commun. C'est cet individu-là qui présente des troubles mentaux, précieux pour le groupe dans son ensemble car ils passent pour responsables de tout ce qui empêche ce groupe de fonctionner normalement. C'est sur cette vision des choses, alors, commune à tous les éléments "sains" du groupe, que peut s'instaurer un autre type d'équilibre, précaire sans doute, mais encore fonctionnel."

Cependant, jamais ces chercheurs ne repèrent la portée véritable du mécanisme victimaire et son caractère fondateur pour tous les systèmes culturels.

Selon René Girard, le concept de communication présente des avantages considérables sur la conception psychanalytique du désir, mais il reste trop étroit.

Il s'agit de prendre en compte la régulation de la violence d'appropriation aussi bien dans le règne animal que chez les êtres humains, en éliminant toute rupture métaphysique entre les deux règnes, mais aussi toute confusion illégitime.

Dans la mesure où il précède et déborde le langage, le mimétique permet d'universaliser le principe du double bind à tout le mimétisme d'appropriation et d'introduire le principe de la rétroaction et de l'emballement dans tous les rapports interdividuels.

 


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40 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 23 février 2018 18:51

    Bonjour,
     
    je ne comprends pas bien ce que vient faire la théorie de l’information sur un essai consacré au mimétisme. Je pense qu’une transition aurait été utile.
     
     Par ailleurs, je me demande si l’explication ne gagnerait pas en clarté si vous pouviez différencier ce qui relève du double bind, et ce qui relève de l’inhibition.
     
    Prenons cette phrase : "Pour qu’il y ait double bind au sens fort, il faut un sujet incapable d’interpréter correctement le double impératif qui vient de l’autre en tant que modèle : « imite-moi. » et en tant que rival : « ne m’imite pas. »
     
    Il y a confusion quand le mimétisme se trompe de cible : l’idée que je cherche à exposer ici, et qui était déjà contenue dans la remarque que je vous avais faite lors d’une précédente intervention, c’est que le mimétisme peut être relatif à l’avoir, ou à l’être ou au faire.
     
    Par exemple, le garçon doit imiter dans ses comportements, le père compagnon de la mère, mais il ne doit pas chercher à lui prendre sa compagne. Je ne vois là aucun double bind : seulement un effet du  principe de réalité.


    • Jean Roque Jean Roque 23 février 2018 19:32

      @JL
      Fondation Macy de la Silicon Valley où est parti R Girard, à Stanford, comme notre académicien médiatique de service au système, M Serres ; Elle est connue pour avoir théorisé le chemin vers le mondialisme via la cybernétique et le multiculturel.
      D’où le mimétisme automatisé via les écrans.
       
      Pour ce qui concerne l’objet sexuel, avoir, être, et faire se confondent qq peu dans la forme... aristotélicienne.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 23 février 2018 20:42

      @JL


      Selon Girard il y a deux formes de mimesis : la mimesis d’appropriation et la mimesis de rivalité, la première débouchant sur la seconde. 
      La mimesis d’appropriation est un phénomène très simple et observable aussi bien chez les humains (jeunes enfants dans une crèche) que chez les anthropoïdes (chimpanzés, bobobos...). Il n’est pas spécifiquement humain. 
      S’il n’y a qu’un jouet pour deux enfants, les enfants vont se battre pour la possession du jouet. Si les deux enfants (ou les deux animaux) sont de force égale, On va avoir un mouvement d’appropriation symétrique.
      Mais à partir d’un certain moment les enfants vont en quelque sorte « oublier » l’objet pour s’intéresser au rival. C’est ce passage de la « mimesis d’appropriation » à la « mimesis de rivalité » que beaucoup de critiques de Girard ne comprennent pas parce qu’ils analysent séparément (synchroniquement) ce qui se produit diachroniquement). Il n’y a pas d’un côté l’avoir et de l’autre côté l’être, mais un engendrement de l’un par l’autre. 
      La théorie de l’information (les notions de « feed back » et de « runaway ») permet de mieux comprendre (et mieux que ne le fait la théorie freudienne) ce passage de l’avoir à l’être, ainsi que la montée aux extrêmes (le fait que sans l’intervention d’un adulte et en l’absence d’un mécanisme régulateur qui n’existe pas dans l’espèce humaine), les deux enfants risquent de se blesser plus ou moins gravement. 
      René Girard prend au sérieux la remarque d’Aristote sur l’importance de l’imitation chez l’homme, ainsi que les travaux de Gabriel Tarde, auquel il rend hommage, mais il va plus loin. Aristote ne distingue pas le double aspect de l’imitation, il ne voit que l’aspect positif (apprentissage du langage par exemple) et non l’aspect négatif (la rivalité) et il ne distingue pas non plus entre les deux mimesis (appropriation et rivalité) et le lien d’engendrement entre les deux. Platon est autrement plus lucide, mais il ne veut absolument pas en parler (il y a un véritable tabou sur l’imitation chez Platon qui explique le fait qu’il veut renvoyer les poètes de la cité) parce qu’il est trop conscience des aspects dangereux de l’imitation. Platon est beaucoup plus proche du religieux sacrificiel qu’Aristote qui est déjà un « rationaliste ».

    • Jean Roque Jean Roque 24 février 2018 08:39

      Comme Averroes le rationaliste intégral empiriste andalou et pas arabe (et Avicenne était perse)  : le Coran c’est bien pour les crétins mimétiques, mais pour l’élite il faut la Cité de Platon.
      Platon reste dans l’aporie quand il fait parler Socrate, pas vraiment quand il dit qu’il faut que les gamins soient enlevés à leurs parents dès 7 ans pour éviter leur abrutissement cybernétique mimétique d’appropriation des écrans, et les femmes doivent faire de la gym avec les hommes tous à poils. La burqa c’est bien pour les crétins musulmans du mimétisme de la rivalité.
      Averroès l’aristotélicien avait compris que face au crétinisme des oulémas malékites (tjrs d’actualité) fallait ruser en sophiste, et faire croire aux vizirs que le Coran c’était la cité de Platon sagement dégénérée pour le bas peuple de crétins musulmans (mais les végans hindous où bobo sont encore plus crétins à pas manger de viande contrairement à l’essence humaine). Mais bon il a fini persécuté, puis vite oublié dès sa mort, comme Avicenne,
      Pas d’université scolastique où d’école philosophique dans le monde musulman, anathème sur la logique même, la philosophie est hérésie.


    • Francis, agnotologue JL 24 février 2018 09:17

      @Robin Guilloux
       
      en faveur de mon attachement à trois formes de mimétisme, je dirais que l’on peut désirer ces choses que possèdent les autres, sans les en priver : c’est le cas pour l’eau, le langage, une place au soleil, toutes ces choses que l’on partage. C’est le domaine du « pareil que » et non pas « à la place de », mimétisme qui ne débouche pas sur la rivalité mais sur l’apprentissage.
       
      Mais je reconnais que l’hypothèse binaire de deux sortes de mimétisme m’est très sympathique, et que je la relie aux propriétés des neurones miroirs lesquelles induisent la question : « qui de moi ou de l’autre est l’acteur, qui est le spectateur ? » Mais plutôt que "mimesis d’appropriation et mimesis de rivalité, je dirais : mimétisme de rivalité et mimétisme d’apprentissage. L’un ne devenant pas l’autre, mais les deux perdurant toute la vie.
       
      Maintenant je ne pense pas que Girard soit meilleur que Freud : les deux approches ne sont pas concurrentes mais complémentaires, comme le sont entre elles les œuvres des artistes.
       
      Par exemple, et pour en revenir au mimétisme, il y aurait lieu d’en considérer les formes pathologiques, je parle ici de l’hystérie. Je ne sache pas que Girard en ait dit quelque chose. 
       
      Je propose ici l’hypothèse que l’hystérie serait une hypertrophie du mimétisme de rivalité au détriment du mimétisme d’apprentissage.
       


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 24 février 2018 17:44

      @JL

      Désolé si je vous déçois mais j’ai assez bien connu Girard et longuement parlé avec lui de sa théorie, jamais le distinguo mimesis d’appropriation et mimesis rivalitaire n’est apparu. Il ne s’en servait plus. On ne parlait que de la mimesis, qui est générale, et qui n’a pas à être distinguée par des effets tout à fait circonstanciels. En effet la seule question est toujours l’objet du désir (commun) est-il partageable ? C’est une propriété de l’objet, non de la mimesis. You see what I mean ? disait-il sans cesse smiley


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 24 février 2018 19:03

      @Luc-Laurent Salvador


      Cette mimésis était patente pendant les grandes messes hitlériennes (et dans une moindre mesure mussoliniennes,...). Mais on parlait plutôt d’hystérie,...

    • Francis, agnotologue JL 24 février 2018 23:31

      @Luc-Laurent Salvador
       
      je n’ai aucune raison d’être déçu : ce n’est pas moi qui ai avancé ici le distinguo que vous rejetez mais Robin Guilloux dans son com de 20H42.

       


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 25 février 2018 10:33

      @Luc-Laurent Salvador


      Vous avez de la chance d’avoir connu René Girard pour lequel j’ai une immense admiration. Je me souviens de la lecture dans les années 80 de Vérité romanesque et mensonge romantique comme d’un moment de pure joie intellectuelle (pour parler comme Spinoza !). 
      Le distinguo entre mimésis d’appropriation et mimesis de rivalité, est purement méthodologique. En fait, il me semblait avoir bien compris (et je suis content que René Girard vous l’ai lui-même confirmé) que c’était la même mimésis.. 
      Il faut en revenir à l’exemple simple des enfants qui se partagent un jouet : Si on met des jouets à la disposition d’un groupe d’enfants de trois ans, on constate que les enfants ne vont pas prendre chacun un jouet (se répartir les jouets), mais que l’un des enfants va tendre la main vers un des jouets pour s’en emparer et qu’aussitôt les autres vont vouloir s’emparer du même jouet. Si les adultes n’interviennent pas, les enfants se mettent invariablement à s’arracher le jouet, puis à se battre.

      Cette tendance existe bien entendu aussi chez les adultes, mais nous avons appris par l’éducation à refréner ce genre de comportement.

      Chez les animaux, la mimesis d’appropriation est régulée par un mécanisme instinctuel qui empêche en général la rivalité de dégénérer en combats mortels (sauf accidents).

      Ce mécanisme n’existe pas (plus) chez l’homme, pas plus qu’il n’existe de mécanisme de régulation de la sexualité. La sexualité n’est pas régulé par l’instinct comme chez les autres animaux, elle est permanente dans l’espèce humaine et fait l’objet de tabous spécifiques, non en tant que telle, mais parce qu’elle est liée à la violence (cf. La violence et le sacré, « Le sacrifice »).

      René Girard estime que l’augmentation exponentielle de la taille du cerveau humain au cours de l’évolution s’est accompagné d’un accroissement des capacités mimétiques (Girard parle de « l’hypermimétisme » humain) et parallèlement des phénomènes de violence, au point de menacer la survie de l’espèce.

      Note : la mimesis d’appropriation et la mimesis de rivalité ne sont deux pas deux formes distinctes de mimesis. Il s’agit de la même mimesis. La mimesis d’appropriation engendre diachroniquement (et pour ainsi dire « mécaniquement ») la mimesis de rivalité.


    • Francis, agnotologue JL 25 février 2018 10:58

      @Luc-Laurent Salvador
       
      ’’la seule question est toujours l’objet du désir (commun) est-il partageable ? C’est une propriété de l’objet, non de la mimesis.’’
       
       je ne suis pas d’accord : c’est à la fois subjectif et objectif. Ou plutôt, plus ou moins l’un ou l’autre. Là où Robin Guilloux voit de l’éducation ou de l’instinct, moi je verrais plutôt de l’apprentissage par l’expérience ans le cadre d’un pragmatisme primaire - cf. le principe de simplicité (Rasoir d’Okham).
       
      Souvent (toujours ?) il y a ambivalence entre l’appropriation ou le partage, ou la coopération. Quelque part, cela renvoie à quelque chose de l’ordre de la logique de la confiance. Certaines personnalités se développeront dans l’altruisme, d’autres dans l’égoïsme.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 25 février 2018 10:59

      @JL

      Vous avez tout à fait raison (cf. ma réponse au commentaire de Luc-Laurent Salvador). Ceci dit je retiens le fait que l’objet est tout à fait indifférent, que la mimesis se situe au niveau du désir. Le problème, c’est que nous en revenons sans cesse à l’objet... « do you see what I mean ? » smiley)

    • Robin Guilloux Robin Guilloux 25 février 2018 11:11

      @JL


      La culture a appris par expérience les effets désastreux de la mimesis, ou pour employer le vocabulaire traditionnel de « l’envie » et une grande partie de l’éducation consiste à fabriquer un « surmoi » qui peut d’ailleurs dysfonctionner dans la rigidité.
       Il y a une ambivalence parce que le désir ne connaît pas les interdits. Il voit qu’un autre désire un objet et cet objet devient désirable et il veut s’en emparer. 
      Les éducateurs ont à faire face en permanence à ce problème et ça commence à la crèche, mais ça ne veut pas dire qu’ils en sont exempt. Je suis d’accord avec vous sur la fonction des interdits qui permet la vie en société (et non qui l’empêche comme le proclame la modernité libertaire). 
      Toute l’éthique se développe à partir de là, je dirais non pas « au-delà » du bien et du mal, mais en-deçà. 

    • Gollum Gollum 25 février 2018 11:46

      @Robin Guilloux

      Cette tendance existe bien entendu aussi chez les adultes, mais nous avons appris par l’éducation à refréner ce genre de comportement.

      Sauf que pour moi ce sont de pseudo-adultes. Désirer quelque chose sous prétexte qu’un autre l’a désiré avant moi c’est de la pathologie. Que des enfants s’y adonnent quoi de plus logique en effet.

      Et donc si la mimésis est à l’ordre du jour aujourd’hui c’est en raison de l’infantilisme de l’âme de l’homme moderne.

      Encore une fois, en ce qui me concerne, la mimésis ne fonctionne quasi pas, j’en suis désolé pour l’universalité de la chose.

      Mais ce qui m’interpelle le plus c’est que Girard ne semble pas condamner le désir qui est en amont de la mimésis. Et qui est bien plus difficile à déraciner.

      Or toutes les religions du monde ont condamné le désir en tant que tel. Notamment le christianisme qui a fait du renoncement ou du détachement une vertu majeure. Idem pour le bouddhisme.

      La condamnation du monde de l’argent est omniprésente dans le christianisme. De la condamnation de Mammon par Jésus à la présentation de la Bête de la Terre de l’Apocalypse, dont le chiffre est 666, et dont l’unique fonction est d’acheter et vendre…

      Et donc la fameuse révélation girardienne est un leurre. Car tout a déjà été dénoncé depuis longtemps.

    • Francis, agnotologue JL 25 février 2018 18:18

      @Robin Guilloux
       
       je croyais vous avoir demandé si pour vous, la mimesis et le mimétisme sont synonymes, et sinon, quelles différences y voyez vous ?


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 26 février 2018 15:02

      @Robin Guilloux
       
      OK nous sommes d’accord !


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 26 février 2018 15:18

      @JL

      Je suis d’accord que c’est une construction « collective » cad mimétique qui fait que l’objet se retrouve avec un statut partageable ou non comme dans l’exemple que nous rappelle Robin Guilloux. Les enfants se disputent des jouets qu’ils auraient pu se partager sauf que la fixation d’un modèle sur un objet particulier rend ce dernier désirable et non partageable pour l’imitateur qui en veut (tout naturellement) la propriété sans partage.


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 26 février 2018 16:36

      @Gollum

      Je vous ai répondu à l’instant sur le précédent fil « girardien » donc je ne réagis que sur la seconde partie de votre commentaire.

      C’est une erreur d’attribuer à Girard l’idée que le désir serait en amont de la mimesis. Peut-être est-ce votre idée ? Quoi qu’il en soit, elle est erronée, pour Girard et pour le désir.
       
      Pour Girard, c’est la mimesis qui est première, c’est elle qui nourrit et porte le désir. Il est donc bien en aval et non en amont.
       
      Dès la fin de son premier livre, il la met en quelque sorte à mort en pointant que la libération de l’Homme passe, justement, par le renoncement, généralement atteint quand les circonstances de la vie (maladie, mort prochaine) aident à mettre de la distance avec l’objet du désir. Don quichotte (et donc Cervantès) reconnaît qu’il était fou quand il était porté par son désir d’imiter Amadis de Gaule. Donc, voyez Girard rejoint les traditions que vous mettez en avant.
       
      Enfin, votre lecture de la révélation christique est réductrice. Bien sûr que Mammon est l’ennemi (d’ailleurs, j’ouvre une parenthèse, avez-vous noté que Mammon Enculera smiley) mais c’est tout à fait accessoire dans les Evangiles (même si cardinal, je le reconnais dans l’Apocalypse (où nous sommes smiley).
       
      La révélation évangélique c’est d’abord la violence dont nous sommes capables lorsque nous nous sentons victimes et portés à l’accusation de ceux qui nous font violence ou nous mettent en danger. Donc l’opposé complet de la démonisation des puissances d’argent. C’est la résolution sacrificielle, l’accord de tous contre un « pauvre diable » auquel le Christ fait obstacle en invitant chacun à faire retour sur lui pour se charger de sa propre poutre au lieu de jeter la pierre à celui qui n’a finalement qu’une paille dans l’oeil.
       
      C’est cela qu’il fallait lire chez Girard et pour ma part, je ne trouve rien à y objecter.


    • Gollum Gollum 28 février 2018 14:14

      @Luc-Laurent Salvador

      C’est une erreur d’attribuer à Girard l’idée que le désir serait en amont de la mimesis. Peut-être est-ce votre idée ? 

      C’est la mienne. Mais je suis pas tout seul. smiley

      Quoi qu’il en soit, elle est erronée, pour Girard et pour le désir.

      Mettre la mimésis en amont du désir est une idiotie sans nom. Je ne comprends même pas comment on ose faire une inversion pareille.

      mais c’est tout à fait accessoire dans les Evangiles

      Mais la mimésis aussi est accessoire. Premier commandement : Aimer Dieu. Deuxième : aimer les autres, mais rajoute l’Évangile, au fond, c’est la même chose.

      Aimer Dieu, c’est viser le Un. Voir Plotin. 

      même si cardinal, je le reconnais dans l’Apocalypse

      Ben oui c’est pas la mimésis qui est cardinale dans l’Apocalypse, le texte censé révéler ce qu’il en est vraiment.. Bizarre non ? smiley

      La révélation évangélique c’est d’abord la violence dont nous sommes capables lorsque nous nous sentons victimes et portés à l’accusation

      Minimisation totale du Mal qui est bien plus que ce que Girard veut en faire...

    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 28 février 2018 16:41

      @Gollum

      Désolé, je sens que nous n’allons pas avoir une discussion fructueuse et je trouverais ça dommage. Donc je préfère différer. Peut-être pourrons-nous y revenir quand je ferai un article critique de Pommier ?


    • Gollum Gollum 28 février 2018 17:51

      @Luc-Laurent Salvador

      Pas de souci… à bientôt donc. smiley

    • Robin Guilloux Robin Guilloux 17 mars 2018 20:12

      @JL


      Désolé, je n’avais pas vu votre message. 
      Le mot « mimesis » apparaît dans le langage philosophique dans la République de Platon et dans la Poétique d’Aristote. Selon Aristote, la tragédie est l’imitation d’une action (la mimesis d’une action). Platon est extrêmement méfiant vis-à-vis de l’imitation et parle de « chasser les poètes de la Cité » parce qu’il est plus proche du religieux sacrificiel et qu’il se méfie de l’imitation comme de la peste parce qu’il sait qu’elle apporte effectivement la peste. 
      Aristote est plus serein par rapport à cette notion, bien qu’il réintroduise la notion de « catharsis » à propos du spectacle de la souffrance du héros tragique. Platon est du côté des interdits et Aristote des rituels, l’un veut prévenir ce que l’autre veut guérir (les deux fonctions du religieux sacrificiel).
      Girard reprend cette notion en lui donnant un sens spécifique avec l’engendrement diachronique de la mimesis de rivalité par « la mimesis d’appropriation » (nous sommes d’accord sur le fait qu’il s’agit de la même, mais sous une autre forme) et développe une théorie original du religieux comme mise à distance de la violence mimétique.
      Le « mimétisme » (par ex. la stratégie de camouflage du caméléon) est une notion courante qui désigne le fait d’imiter quelqu’un, mais la notion de rivalité est absente. 

    • Jean Roque Jean Roque 23 février 2018 19:12

      Le sacré c’est l’interdit, la frontière, le rite, le non au non. La sainteté c’est le dialogue, l’ouverture, la nature, le oui au oui.
      Bisounours a choisi : le suicide occidental.
      Le sacré c’est l’objet, le social. La sainteté c’est le sujet, le sociétal.
      Bisounours a choisi : le suicide de la polis.
      Le sacré c’est le sacrifice de l’autre. La sainteté c’est le sacrificiel de soi.
      Bisounours a choisi : le suicide par auto-flagellation.


      • Christian Labrune Christian Labrune 23 février 2018 20:11

        Robin Guilloux
        Je me souviens que j’avais été vivement intéressé par Bateson, au début des années 70. C’est même ce qui m’avait permis d’en finir radicalement avec la théorie freudienne. Dans son bouquin dont le titre doit être Pour une écologie de l’esprit, lorsqu’il définit le double bind, Bateson a cette expression très heureuse pour caractériser l’injonction de la mère du schizophrène : « approche-toi plus loin ».

        Il reste que lorsqu’on sort de la lecture de Bateson, même s’il me semble qu’on ne peut pas du tout comparer cet auteur, qui a été si important pour les comportementalistes, à l’autre charlatan, on voit partout de la double contrainte, et c’est un aussi mauvais signe que l’obsession de l’Oedipe dans la théorie du Viennois. On plaque sur la réalité complexe et singulière de l’individu une grille d’explication tout à fait simpliste et réductrice. Cela s’accorde très mal avec une philosophie de la liberté.

        Pour ceux qui n’auraient pas lu Bateson, je cite le petit exemple qu’il donne et qui est très parlant : le maître zen prévient celui qui veut devenir son disciple : si tu dis quelque chose, je te frappe sur la tête avec ce bâton. Si tu ne dis rien, je te frappe aussi.
        Si l’autre ne bouge pas, il le chasse à grands coups de pied dans le derrière.
        Si l’autre s’enfuit à toutes jambes, il le rappelle : c’est qu’il n’est pas idiot, qu’il a une autonomie de jugement et qu’il pourra par conséquent le faire progresser.

        Une autre histoire zen qui me fait toujours rire, même si elle n’a aucun rapport avec la précédente ni même avec le sujet de votre article :
        Le maître zen demande à son disciple :
        - quand tu es arrivé tout en haut de la montagne, qu’est-ce que tu fais ?
        -Je euh...
        -Non, tu continues à monter.


        • phan 23 février 2018 21:11

          L’homme à poil sur l’image s’appelle Bob, il est maître Zen : Le Zen de Bob !

          En plus, il est astronaute, venant déblayer la sonde s’abrite près de la Lune.

        • Robin Guilloux Robin Guilloux 23 février 2018 22:33

          Errata : « Mais s’il n’y a rien pour la guider, la tendance mimétique va s’exercer sur toutes les conduites humaines indifféremment, qu’elles soient acquisitives, celles qu’il est bon d’imiter, ou non acquisitives, celles dont l’imitation va susciter la rivalité. »




          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 24 février 2018 12:33

            J’aimerais profiter de l’occasion por rappelelque Facebook et son initiateur est directement issu de l’école de Palo Alto (ses parents psychiâtres connaissent parfaitement la théorie de la communication,...). Détecté lui-même comme autiste, imaginez la toxicité de son « système d’échanges » sociaux,....Et d’ailleurs, son nom en dit long : ZUCKERBERG (la Montagne de sucre). Bonjour les fourmis,....Le psychotique se caractérise entre autre par sa « capacité » à rendre l’autre FOU,... Je dis cela...maintenant vous en faites ce que vous voulez,...


            • Philippe VERGNES 24 février 2018 15:55

              @ Mélusine ou la Robe de Saphir,


              « Le psychotique se caractérise entre autre par sa « capacité » à rendre l’autre FOU... » pas d’accord ! Il y a pire que le psychotique dans ce domaine-là et c’est tout l’intérêt des travaux de Racamier et de la psychanalyse groupale et familiale qu’il ne faut pas confondre avec la psychanalyse freudienne (orthodoxe ou traditionnelle).

            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 24 février 2018 16:02

              @Philippe VERGNES


              Bonjour Philippe Vergnes, il y a une feuille de papier à cigarette entre le psychotique et le pervers narcissique. Le premier est assez repérable étant donné sa bizarrerie (quoique celle-ci puisse être simulée,...j’ai connu des cas) et le second est parfaitement assimilé à la société jusqu’à ce que la masque tombe,... (les plus futés d’ailleurs sont les plus doués pour tromper les autres, selon l’expression : plus c’est gros, plus cela passe,...). Du point de vue de la toxicité effectivement, le pervers-narcissique est plus dangereux, si c’est ce que vous sous-entendez,... 

            • Philippe VERGNES 24 février 2018 16:22

              @ Mélusine ou la Robe de Saphir,


              Oui... c’est effectivement bien ce que je sous-entends, mais pour la « feuille de papier à cigarette », c’est plutôt relatif à mon sens. Le pervers narcissique ne décompense en psychose que s’il n’a pas d’objet sur lequel projeter sa propre part d’ombre qu’il se refuse à voir (d’où sa lâcheté et ses manipulations qui génèrent un fort contre-transfert négatif). Et des objets-proies, dans le monde où l’on vie, il n’en manque pas malheureusement.

              Il est vrai cependant que l’un et l’autre sont plus proches qu’on ne le croit habituellement, mais concernant le psychotique, sa reconnaissance est effectivement plus facile que pour le pervers narcissique qui lui, nage comme un poisson dans l’eau dans notre société tant il est hyper-adapté au système social actuel.

            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 24 février 2018 16:32

              @Philippe VERGNES


              Ce qui différencie le pervers du psychotique, comme le disait bien Jean bergeret, c’est que ce dernier est dans une déni partiel de la réalité (généralement focalisé sur la différence sexuelle) mais qui peut s’étendre à la personne toute entière. Pour le psychotique, l’autre est inexistant. Pour le pervers, il est manipulable,...tant que le pervers peut se raccrocher à l’objet partiel, il ne risque pas de sombrer dans le délire. Et un fétiche, c’est du solide,......

            • Francis, agnotologue JL 25 février 2018 08:58

              @Mélusine ou la Robe de Saphir.
               
               Ce n’est pas qu’il soit plus difficile d’identifier comme tel un pervers (qu’un psychotique), c’est que le délire pervers est toujours plus difficile à débusquer.
               
               Car contrairement à ce que vous dites ici, le délire pervers existe bel et bien, c’est un délire dans le réel, un concept de ... Racamier !
               


            • Francis, agnotologue JL 25 février 2018 09:08

              @JL
               
               je ne peux pas ne pas dire ici que le bouton « bloquer ce commentateur » est un instrument génial en ce qu’il entre pile poil dans le délire de toute puissance de certains auteurs qui ne supportent pas d’être contrariés.
               


            • Philippe VERGNES 26 février 2018 14:20

              @ Bonjour kelenborn,


              A titre personnel et pour vous situer dans le « climat » de mon article sur le décervelage que vous avez eu manifestement du mal en comprendre si j’en juge de par votre commentaire en modération à mon attention, permettez-moi de vous faire une remarque au sujet de cette phrase : « A toutes fins utiles, sachez que je ferai un copier coller de cette réponse sous chaque post que vous publierez ! »

              ... bienvenue dans un monde totalement décervelé. smiley smiley smiley

               smiley


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 25 février 2018 11:27

              J’ai lu Girard en 1984, d’où j’en ai surtout retenu que la majorité des individus sont attirés par les portes fermées et dédaignent les autres. Autrement dit : chasser la proie pour l’ombre,.... Le don-juanisme est un bel exemple de mimétisme. La meilleure manière de ce sortir de cette « perversion » dont le fondement est l’envie est encore de n’en avoir aucune, ce qui a au moins l’avantage suprême de nous maintenir en vie.....Les portes se ferment toujours quand se pointe la mort et au contraire s’ouvrent aisément devant la vie, c’est à dire ce qui est « naturel », vient de soi et se présente à vous sans effort.


              • Philippe VERGNES 25 février 2018 12:06

                @ Mélusine ou la Robe de Saphir,


                Aaaah l’envie... ce moteur de toute perversion. Entre désir, envie, mimesis, etc. il y aurait de nombreux débats à tenir pour déterminer à quel moment cela « dérape ». D’une part le désir est nécessaire et utile à certains processus, comme signifié dans ces échanges, d’autre part lorsque le désir prend la forme de l’envie, il ouvre la voie aux perversions...

                Où s’arrête le désir, où commence l’envie ?

                La position de ce curseur est selon moi déterminante pour situer la perversité d’un individu ou d’une société. Et lorsqu’une société détermine ses critères de valeurs en faisant passer nos besoins pour des désirs tout en manipulant ces notions pour répondre à un impératif de croissance qui ne peut se réaliser que dans une logique d’hyper-consommation, c’est que nous ne sommes probablement pas très loin de la fin.

                « Quand sombrent l’humanisme et les vertus critiques, il y a déchaînement d’une force implacable d’ordre et d’homogénéisation » (Edgar Morin, Science avec conscience). 

              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 25 février 2018 12:14

                @Philippe VERGNES

                C’est bien, je vous ai fais rire, signe d’un furieux désir de vivre,... Le rire n’est-il pas le meilleur exutoire au démon de l’envie qui souvent se réfugie dans l’ongulaire,....

              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 25 février 2018 12:47

                Nous avons tous des désirs, mais l’art est de dévier la satisfaction du plaisir vers le Principe de Réalité (Surmoi parental et non sociétal) et l’attente. Tout vient à son heure dit le proverbe,...


                • Francis, agnotologue JL 25 février 2018 13:07

                  @Mélusine ou la Robe de Saphir.
                   
                   on ne satisfait pas un plaisir, voyons ! Vous mélangez tout, plaisir et désir.
                   


                • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 25 février 2018 13:11

                  @JL

                  Désirer est assez plaisant,....

                • Jean Roque Jean Roque 25 février 2018 22:25

                  « Le désir est le désir de l’autre », avec cette aphorisme polymorphe, Lacan résume la métonymie conflictuelle du désir (les mimétismes de Néné), avec en prime l’objectivation de l’esclave, en bon hégélien.
                  Inutile d’en faire 3 fromages.
                  « Cette raillerie est la confusion qui en même temps se meurt, et s’entend elle-même mourir »
                  Qui veut entendre parler des collabos gallo-ricains de l’empire mondain ?

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