Christine Angot et le cortège des pénitents de l’occident
Cette fois la cible est Christine Angot. Chroniqueuse chez Ruquier, également écrivain, elle a eu des mots peu appréciés : « Etre artiste, c’est toujours le résultat d’un échec, d’un plan B. » C’est ce qu’elle pense.
Offense
Elle a bien sûr le droit de le penser, et même de le dire. On peut ne pas être d’accord. C’est la discussion. Il n’y a aucune faute morale à affirmer cela. Tout au plus une généralisation abusive :« toujours » est de trop.
Mais des culs-serrés ont lancé une pétition, déjà signée plus de 27’000 fois. Ils demandent à Christine Angot de présenter des excuses lors de la prochaine émission. On croît rêver. Mais hélas on ne rêve pas.
La raison de cette pétition est inscrite dans sa présentation :
« En prononçant cette phrase elle a insulté les rêves de millions d’entre nous qui avons eu comme premier rêve, d’être artiste. En prononçant cette phrase elle a aussi insulté toutes ces personnes qui à un moment donné se sont résignées à abandonner leurs rêves d’artiste car on le sait, la vie d’artiste est souvent terriblement difficile, et qui vivent aujourd’hui leur travail normal comme un échec. »
Cette petite phrase serait donc une insulte ou une offense. On ne devrait pas dire ça. Protégeons-nous du mal ! Pourtant les professionnels qui réussissent en tant qu’artistes accomplis, pas forcément surprotégés, n’ont pas abandonné dans la difficulté. Au contraire.
Excuses
Toujours selon les auteurs de cette pétition :
« Mais voilà, je ne paye pas mes impôts pour être insulté librement sur le service public un samedi soir à une heure de grande écoute.
Nous tous avons dans notre entourage, proche ou lointain, quelqu’un qui a ses passions artistiques, ses rêves de danseur, réalisateur, dessinateur et autres. Certains s’épanouissent, en souffrent, d’autres en font leur hobbies ou leur carrière. Nous Artistes et amis d’artistes, nous ne pouvons pas, non, nous ne devons pas laisser cette phrase si méchante et gratuite passer. »
Dans les cas où il y a lieu de présenter des excuses, on ne le fait pas en public, pas à tout le monde : on le fait à la personne offensée uniquement.
L’excuse publique n’a pas de réelle valeur pédagogique. Elle ne sert pas à se mettre en question car elle ne permet pas de creuser jusqu’aux racines d’un comportement. Elle ne fait qu’engendrer la peur. Elle a pour fonction de se soumettre (en apparence du moins) à cette nouvelle croisade morale pour préserver son image publique et les intérêts qui vont avec.
J’espère que la chroniqueuse ne se soumettra pas. Je ne défends pas madame Angot, personnage trouble et violent, mais son droit à la parole critique. Et non, je ne pense pas qu’elle doive présenter des excuses. Je n’apprécie même pas du tout qu’on lui fasse cette demande, qui tient davantage de la volonté de lui imposer un discours moralisateur (non pertinent en l’occurrence) que du dialogue.
Méchants
Il faut arrêter de fabriquer des victimes et de demander des excuses publiques. Où va-t-on ainsi ? Vers une société incapable de rien supporter ? Autant se flinguer directement.
Décidément, les commandeurs sont partout, même s’ils semblent parfois remplis de bonnes intentions. Ils veulent commander la chroniqueuse, la réduire à leurs mots d’excuse, la soumettre. La soumettre moralement et publiquement. Méthode barbare, ici comme ailleurs. Bullshit.
Elle, on la connaît. Trouble et violente. Alors certes, dialoguer avec cette dame est un exploit très difficile. N’empêche, elle peut dire ce qu’elle veut de l’art ou des artistes, projeter éventuellement sa propre histoire sur les autres : c’est son droit. C’est aussi ce que l’on fait quand on descend en flèche un film ou une oeuvre littéraire ou musicale. On est encore en liberté d’expression ou non ?
Donc, non : pas d’excuses à demander. Mais des questions à lui poser : est-ce qu’elle parle d’elle-même en disant cela ? Comment peut-elle argumenter son propos ? Comment déconstruire ce propos (car des excuses ne déconstruisent rien et nous privent de notre faculté d’analyse) ?
L’épidémie d’excusite et de contritionite progresse. progresse. « Repentez-vous ! », « Excusez-vous ! », entend-on de plus en plus. On imagine presque le cortège de pénitents malmenés par une opinion anonyme et terrorisante, voire fascitoïde, et marchant lentement vers l’estrade où ils se flagelleront avant de présenter leurs excuses Urbi et orbi.
Triste spectacle que cette nouvelle et hypocrite croisade morale. On avait déjà perdu nos bons héros californiens : Weinstein le gros cochon rigolard, Cristina Garcia la petite truie et accessoirement députée latino, les actrices, allumeuses et ambiguës, vénales et millionnaires, et les réalisateurs lâches façon Tarentino. Le camp du Bien, quoi.
Maintenant il y a un gros risque sur nos héros méchants. Ça craint.
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