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Accueil du site > Tribune Libre > La symphonie de l’être

La symphonie de l’être

Le scientifique Joël de Rosnay parle de « symphonie du vivant » dans son dernier livre dans lequel il veut montrer que chacun d'entre nous peut devenir le chef d'orchestre de son propre corps en agissant sur ses gènes et en modifiant son mode de vie. C’est une thèse bien différente que je présente ici. Elle n’a rien de scientifique, elle est plutôt poétique et philosophique. Mais chacun pourra juger si elle n’a pas une part de vrai.

Même Macron se pique de mise en scène en se faisant le récitant de Pierre et le loup. On sait que dans ce conte musical, chaque personnage est représenté par un instrument de musique. L’idée que je vais proposer ici s’en rapproche, mais au lieu d’associer un instrument à chaque personnage, je ne traiterai que d’une seule personne : l’être humain, de façon générale. Et je montre que chaque être porte en lui plusieurs instruments de musique. Chaque être est un orchestre avec ses instruments et son chef d’orchestre. Voyons cela.

Le violon est le sentiment

On dit que le violon possède une âme. Ce n’est pas une métaphore mais un terme de lutherie. En effet, ce qui donne à entendre la merveilleuse sonorité du violon, c’est son âme. Elle a pour fonction de transmettre les vibrations dans tout le corps. Sa mise en place demande un travail de haute précision. C’est la pièce maîtresse pour l’accord des vibrations. Ce petit cylindre de bois, à l’intérieur de l’instrument, est le premier responsable de la résonance de l’instrument. L’âme existe aussi pour les violoncelles et contrebasses.

C'est ce qui me fait dire que le sentiment peut être associé aux vibrations de l’âme et donc aux violons et instruments dérivés. Le violon, par son aigu, est l’âme en fête, le partage de la joie, ou l'expression amoureuse. Mais il peut aussi exprimer le chagrin avec beaucoup de force. Le son grave du violoncelle exprime des mouvements de l’âme plus profonds, comme la mélancolie, l’amitié, mais pas seulement.

On le voit, il n’y a rien d’absurde à associer le sentiment humain au violon. Le frottement de l’archet produit des vibrations qui rappellent assez bien les sentiments humains.

Le piano est l’émotion

Les petits coups frappés sur les notes qui à leur tours activent de petits marteaux qui font sonner les cordes du piano me font penser aux coups invisibles qui produisent en nous les émotions. Il ne s’agit plus ici de frottement mais d’impulsions qui nous émeuvent, étymologiquement qui font bouger des choses en nous. On dit que l’on est sous le coup de l’émotion. On ne dit jamais sous le coup d’un sentiment. Parfois, l’émotion nous porte un tel coup qu’elle nous immobilise ou nous fait nous évanouir.

Le piano est source d’émoi, de secousses internes de l’être. Mais si je l’associe à l’émotion principalement, je n'exclus pas sa participation dans une certaine forme d'expression du sentiment.

La flûte est l’imagination

C’est peut-être le premier instrument que l’homme ait créé. Il est très facile d’en fabriquer une avec un morceau de bois percé de trous. Si je l’associe à l’imagination, c’est parce que le son de la flûte est produit par un souffle qui se mêle au vent, lequel est libre de voler où il veut.

Parfois, le vent tout seul fait siffler les choses et joue tout seul de la flûte. Ce sifflement produit naturellement par le vent produit des effets d'imagination chez ceux qui l'entendent. Liberté et imagination vont de pair. Les oiseaux sifflent aussi. Dans les grottes préhistoriques, le son des instruments à vents résonnait d'écho en écho et s'élevait dans les airs, vers les esprits, dans le mystère insondable de l'Inconnu. Il devait certainement accompagner les danses et les transes.

L’histoire du joueur de flûte qui entraîne au loin les gens du village n’est-elle pas la métaphore de l’imagination humaine qui peut égarer l’homme loin de sa raison ?

Les chœurs sont la raison

Les chœurs antiques, dans les tragédies, étaient présents pour rappeler les personnages à leur destin, à leur devoir, ou pour leur opposer la voix de l'opinion publique. Les choeurs religieux ont aussi une même fonction sérieuse.

Le tambour marque la volonté

C’est le tambour qui annonce la guerre et qui accompagne les soldats sur le champ de bataille pour donner du rythme et du courage aux combattants.

Pour finir, il y a le chef d'orchestre qui essaie d'harmoniser tout cela. Tantôt, il laisse parler le sentiment ou l'émotion, tantôt il privilégie la raison ou la volonté. L'être est une symphonie permanente de sons et de couleurs.

Je vous avais averti que ma thèse était poétique !

L’Etre a la conscience vague de trois choses : l'infini, la liberté, la totalité, trois idées qui échappent en grande partie à notre compréhension et à notre condition. L'infini se heurte à notre finitude, le temps réduit notre liberté et nous ne sommes que partie d'un tout. Nous n'avons donc pas l'accès complet à ces trois états supérieurs. Nous n'y sommes accessibles que par les succédanés que sont : l'idéal, l'art, l'amour et la foi. Mais la musique permet de nous recomposer et de connaître par moments ces trois états inaccessibles que sont l'infini, la liberté et la totalité. Elle nous transporte vers ces sphères en activant les composantes instrumentales de notre être : sentiment, émotion, imagination, etc.

Si dans nos vies, nous sommes sensibles à la musique, si la musique nous aide dans nos choix, accompagne tous nos récits mis en scène, c'est parce qu'elle entre en correspondance avec la musique interne de notre être qu'elle recompose ou qu'elle met en mouvement. C'est un mouvement symphonique qui peut être lent ou rapide, gai ou langoureux. Ce peut-être les coups du destin de Beethoven qui parlent à notre émotion, les nocturnes de Chopin qui s'adressent à nos sentiments, les rythmes sourds du poème symphonique "Ainsi parlait Zarathoustra" de Richard Strauss qui excitent notre volonté de puissance, Pierre et le loup de Prokofiev qui régale notre imaginaire enfantin, ce peut être encore plein d'autres choses !

Veillez jalousement sur la musique de votre être et n'oubliez jamais que le monde d'aujourd'hui est une menace permanente et pernicieuse contre son expression harmonieuse. Si le monde actuel menace notre vie privée, il menace bien plus encore notre vie intérieure par l'nvahissement de son tohu-bohu cacophonique.

Alors, soyez bon chef d'orchestre !


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16 réactions à cet article    


  • Jean Roque Jean Roque 6 mars 2018 19:59

    Monstration gnomatique : la métaphore de la pensée comme musique se fait dans l’interprétation technique du compositeur, et non benoîtement par les instruments.
    Ainsi Nietzsche dira de Wagner qu’il pinaille dans le développement infini de ses thèmes très germaniques, par manque de profondeur. Bach est un rossignol de la providence par sa praxis, Mozart un virtuose de la théoria, mais Brahms un besogneux de la poiesis.
     
    La procrastination dans l’époché doit inspirer l’auteur, dans son attente désespérée d’une inspiration germinative. Ressuçage est certes l’essence de tout gauchiste, mais pas du tout essentiel.
     
    La lumière de l’écran n’est pas la sortie de la caverne pour la mouche !  - :))
     


    • Taverne Taverne 6 mars 2018 20:10

      @Jean Roque

      C’est juste que vous n’avez pas compris que les mots ne suffiront jamais pour faire passer l’idée que je développe ici. Je demande aux lecteurs de saisir ce miracle de la symphonie de l’être grâce à la musique et en oubliant les mots qui sont trop insuffisants. 


    • Jean Roque Jean Roque 6 mars 2018 20:34

      @Taverne
      N’employez pas Être en lieu et place d’essence, de l’humain ici. L’essence de l’humain est une « forme » aristotélicienne unique, donnée par la Nature. L’Être saisit l’homme dans un « afflux » de pensées, plus où moins important suivant sa manière de vivre. S’il fallait choisir une musique pour dévoiler l’Être, alors elle serait celle de l’angoisse et de la déréliction. Et une pour l’en éloigner, peut être un rappeur au milieu de poufs et de Ferrari, un fond sonore de Disney Land, bref une musique de gauche.


    • Jean Roque Jean Roque 7 mars 2018 07:51

      @Taverne
      En fait vous êtes même dans le total opposé. Rosnay parle du vivant à juste titre, tout Être n’est pas vivant. La pensée de l’Être serait celle de « Johnny s’en va en guerre », sans corps. Sans étendue de Descartes, sans sensation du bouddhiste, sans main pour l’agir de la technique de Heidegger. « Le même est penser et être » de Parménide veut dire pensée pure, sans tous les instruments de votre article. La pensée de l’Être est le silence absolu angoissant.
      Oui, quand on est de gauche en marche, il faut éviter les mots philosophiques de l’Occident, rester dans le globish de banlieue.


    • Taverne Taverne 7 mars 2018 09:25

      @Jean Roque

      - « La pensée de l’Être est le silence absolu angoissant. »
      - Moi, je dirai plutôt la symphonie du silence. Le silence de l’être est encore de l’être. Mais il n’existe pas de symphonie du Néant.

      - « tout Être n’est pas vivant. »
      - Vous êtes sérieux là ?


    • Jean Roque Jean Roque 7 mars 2018 11:53

      @Taverne
      Un sophistes présocratique disait d’ailleurs « le non-être est ». Ce qui peut se dire aussi comme Heidegger : la vérité de l’être (pour l’humain) est une immanence sans fin. Alors on peut dire que Heidegger est un optimiste : l’être nous est épargné, on a le supermarché avec sa musique d’ambiance gauchiste à la place : quotidienneté, consumérisme et bavardage des gauchistes vont de pair avec action et sensations, tant vanté par la pub de la voiture responsable pour la beauté du monde à durabiliser. Sorti de la caverne il faut vite rerentrer : la vraie nature de Zeus crâme son amante Sémélé, Amon le caché, où Nietzsche « La parfaite connaissance nous ferait probablement tourner autour des choses, froids et brillants comme des astres ... encore un court instant ! Et ce serait notre fin. » Mais on pourrait trouver plein d’autres paraboles sinistres et plus marrantes dans le Véda.
      Vous confondez Être et existence (humaine). Au big bang être sans existence, à l’animal vit sans être, conscience au monde, de la mort et du temps. Et de plus, Eckart : « A Dieu ne convient pas être », car Dieu ne connaîtra jamais le néant.
      Pas bisounours gauchiste tout ça, mieux écouter la déesse Journalope !  smiley


    • Taverne Taverne 7 mars 2018 12:20

      @Jean Roque

      La « déesse journalope ». La vie de l’être ne peut se limiter à une pensée au jour le jour ni au commentaire des nouvelles du monde. Tenir un journal personnel est plus utile (voir Pythagore et sa recommandation d’un bilan quotidien de chacun sur ce qui est bon et ce qui est mauvais, utile et pas utile).

      Je laisse de côté vos « bisounours gauchistes » qui sont sans rapport avec le propos.


    • Jean Roque Jean Roque 7 mars 2018 17:09

      @Taverne
      Arrêter de vous masturber avec ce mot « Être » auquel vous ne comprenez rien, et dites plus modestement « homme », où mieux « gauchiste, ce crétin de supermarché ».
      Sartre le gauchiste collabo, l’homme de l’existentialisme, a La Nausée face à l’Être (passage rigolo des racines du marronnier).


    • Taverne Taverne 7 mars 2018 18:14

      @Jean Roque

      Mais où voyez-vous des gauchistes dans mon article ??? smiley

      Vous faites une petite fixette, non ?


    • Odin Odin 6 mars 2018 21:01

      Merci à l’auteur pour cet article. Je peux constater que nous sommes sur la même partition concernant la musique.

      « Pierre et le loup de Prokofiev qui régale notre imaginaire enfantin, ce peut être encore plein d’autres choses ! »

      Ce plein d’autres choses pourrait être notre société infantilisée, ne connaissant malheureusement plus grand chose des réels Artistes, comme de la vie de Prokofiev et de qui lui passa cette commande de Pierre et le loup à son retour au pays ainsi que des objectifs de propagande de ses commanditaires.

      De ce fait, le bébé Rothschild peut se permettre de faire ce que bon lui semble et les veauxtants applaudissent sans rien comprendre. 


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 6 mars 2018 21:02

        La musique est morte de la tempérance. Provoc...je sors


        • Taverne Taverne 7 mars 2018 12:07

          Dans le rapport de soi à soi-même, c’est la symphonie. Dans le rapport de soi aux autres, c’est le concerto.


          • Sozenz 7 mars 2018 13:14

            mdr , vous aimez bien tout ranger , tout bien classer dans des petites cases.
            Vous me faites peur parfois .
            quel dommage car vous avez en meme temps une belle imagination , et belle ecriture qui se trouvent completement ecrasés par des codes absurdes ;
            Vous ne pouvez pas voyager ainsi au delà d une certaine limite.
            vous moissonner un champ ,

            L’Etre a la conscience vague de trois choses : l’infini, la liberté, la totalité, trois idées qui échappent en grande partie à notre compréhension et à notre condition. L’infini se heurte à notre finitude, le temps réduit notre liberté et nous ne sommes que partie d’un tout.

            pourtant vous aimeriez bien ttitiller cet infini
            je vous souhaite d y arriver , mais ce n est vraiment pa gagner ; faites sautez vos cloisons


            • Taverne Taverne 7 mars 2018 14:19

              @Sozenz

              La poésie ne classe pas dans des cases, la musique non plus. Pas même la philosophie je crois, sauf chez certains comme Aristote et Kant. Ne prenez pas les choses trop au pied de la lettre.

              L’émotion n’est-elle pas distincte du sentiment, lui-même distinct de la raison et de l’imagination ? Les instruments à corde ne produisent-ils pas une musique distincte de celle des instruments frappés ? Et pour finir, n’a-on plus le droit aux métaphores ? N’ayez pas peur des métaphores !

              La symphonie mêle les voix des instruments. Pas de cases possibles donc. Tout cela bouge et ne cesse d’être en mouvement. Le chef d’orchestre s’efforce d’harmoniser ces mouvements.


            • Taverne Taverne 7 mars 2018 14:28

              Pensez-vous qu’il soit plus raisonnable de tout réduire à des systèmes de dualités, comme le yin et le yang ? Il est plus délicat d’embrasser la complexité mais c’est un chemin où on n’approche la vérité que par erreurs et tâtonnements.


            • Taverne Taverne 7 mars 2018 16:27

              @arthes

              C’est ce que je nomme « la règle un + un = trois ». L’intéressant est dans le « trois », qui est productif. L’être et la pensée sont de l’ordre du Trois productif, un productif jamais totalement résolu.

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