Des classiques du cinéma bientôt en argot
C’est à Françoise Nyssen, ministre de la Culture, que l’on doit cette initiative originale qui vient d’être dévoilée dans un communiqué de presse de l’AFP. Son objectif : « promouvoir un langage populaire qui fait partie intégrante de notre patrimoine ». La ministre présentera son projet en détail mardi soir sur le plateau du Journal Télévisé de France 2...
D’ores et déjà, un coin du voile a toutefois été levé par la directrice de cabinet de Françoise Nyssen, Laurence Tison-Vuillaume, présente lors d’un point de presse donné dans les locaux du ministère, rue de Valois. Selon elle, c’est « à terme, une centaine d’œuvres appartenant au répertoire classique qui devraient être les bénéficiaires de cette démarche inédite visant à promouvoir l’argot et à lui redonner ses lettres de noblesse ». Cela se fera de deux manières, a en outre précisé Mme Tison-Vuillaume : « le doublage pour les films français, et le sous-titrage pour les films en langue étrangère ».
Sitôt connue, l’annonce de ce projet s’est répandue comme une traînée de poudre en suscitant une très large adhésion des milieux de la culture. Tout particulièrement dans le monde cinématographique où certains cinéastes, à l’image de Claude Lelouch – dont un opus est présent dans la sélection –, se prennent, si le succès est au rendez-vous, à rêver de films directement tournés en argot. Nous n’en sommes toutefois pas encore là, loin s’en faut, et il faudra tout d’abord convaincre les sociétés de production et de distribution que de tels films ont un avenir dans les salles obscures hors de séances dédiées de ciné-club.
À ce jour, 20 films appartenant au patrimoine mondial, ont été sélectionnés pour faire partie du premier lot d’œuvres dont le doublage ou le sous-titrage seront réalisés d’ici à la fin 2022. Après appel d’offre, ce travail sera confié à deux entreprises spécialisées dans le cadre d’une maîtrise d’œuvre placée sous la responsabilité de la Cinémathèque française. Si l’on en croit la directrice de cabinet, un tiers du coût devrait être financé par des fonds publics, les deux autres tiers étant à la charge de fondations privées dont la ministre dévoilera l’identité lors de sa venue au JT de France 2.
Sauf modification dans les prochains jours, ces 20 films, dont les titres en argot ont été dévoilés dans le communiqué de presse du ministère de la Culture, devraient être, dans l’ordre de leur année de sortie dans les salles :
1937 La grande illusion = La berlure mahousse
1938 La femme du boulanger = La bourgeoise du lartonnier
1942 L’assassin habite au 21 = Le dézingueur crèche au 21
1948 Le voleur de bicyclette = Le chouraveur de bécanes
1952 Le roi et l’oiseau = Le dabe et le pierrot
1952 Chantons sous la pluie = Goualons sous la lansquine
1953 Le salaire de la peur = Le cacheton de la pétoche
1956 Un condamné à mort s’est échappé = Un incurable a mis les adjas
1957 12 hommes en colère = 12 poilus en pétard
1959 La Mort aux trousses = La Carline aux miches
1961 La fièvre dans le sang = La tremblote dans le raisiné
1964 Les parapluies de Cherbourg = Les pébroques de Cherbourg
1966 Un homme et une femme = Un gonze et une greluche
1973 La maman et la putain = La daronne et l’écrémeuse
1973 La nuit américaine = La sorgue amerloque
1975 Les dents de la mer = Les ratiches de la marsouine
1976 Affreux, sales et méchants = Craignos, salingues et mochards
1976 Le juge et l’assassin = Le gerbier et le chourineur
1977 L’homme qui aimait les femmes = Le mec qui en pinçait pour les greluches
1987 Au revoir les enfants = À la revoyure les morbacs
Côté politique, la réaction la plus positive est, sans surprise, venue de Jack Lang sous la forme d’un tweet posté dans la soirée d’hier : « C’est avec enthousiasme que j’ai appris cette nouvelle. L’ʺargomucheʺ est en effet une composante essentielle de notre culture. À ce titre, ce langage vivant et coloré mérite une place significative dans notre panthéon cinématographique. Un grand merci à Mme Tyssen ! »
De son côté, François Bayrou, grand ami des équidés et lui-même propriétaire de chevaux de course, a délivré un commentaire amusé sur sa page Facebook : « Excellente initiative ! Hélas, mon film préféré – Le gonze qui jactait aux esgourdes des canassons – ne figure pas dans la première sélection. Ce sera sans doute pour le prochain lot. »
Son de cloche très différent du côté de Marine Le Pen qui s’est elle aussi exprimée via son compte Twitter : « Cela participe de l’enfumage habituel de ce gouvernement qui fait tout pour détourner l’attention des Français de la casse sociale En Marche ! », a affirmé la patronne du Front National. L’ex-candidat UPR à la présidentielle, François Asselineau, a, quant à lui, pointé sur son site un doigt accusateur vers Bruxelles : « Après les langues régionales, promouvoir l’argot est un coin de plus enfoncé en sous-main par l’Union Européenne pour briser l’unité identitaire de la nation. »
Les autres responsables politiques ne se sont pas exprimés. Sans doute attendent-ils de regarder le 20 heures de mardi sur France 2 au cours duquel Françoise Nyssen répondra en direct aux questions de la journaliste Anne-Sophie Lapix. Croisons les doigts pour que la ministre de la Culture jaspine franchouillard à la téloche : peu de téléspectateurs, et c’est bien dommage, entravent le jars !
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