Rénovation énergétique : la grogne des propriétaires monte d’un cran
Alors que les ministres de la cohésion des territoires et de la transition écologique et solidaire s’apprêtent à présenter le plan de rénovation énergétique des bâtiments, plusieurs mesures inquiètent les propriétaires.
Le 24 novembre 2017, le gouvernement dévoilait une série de mesures visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments français. Un enjeu crucial puisque ceux-ci, tertiaires et résidentiels réunis, représentent 43% de la consommation en énergie du pays et près de 20% des émissions de gaz à effet de serre.
Un plan de rénovation énergétique sur cinq ans
Les objectifs fixés par le gouvernement sont ambitieux. Il s’agit notamment de rénover 500 000 logements par an, pendant cinq ans, ce qui devrait mobiliser un budget de 14 milliards d’euros. Les "passoires thermiques", ces bâtiments particulièrement énergivores, sont dans le viseur des autorités, qui prévoient d’en rénover 150 000 par an. Un quart des bâtiments de l’Etat seront également ciblés, avec une priorité donnée aux établissements scolaires.
Si l’enjeu est éminemment écologique, il est aussi social. En effet, cinq millions de ménages sont en situation de précarité énergétique (Observatoire national de la précarité énergétique). Améliorer la performance des bâtiments devrait permettre de faire baisser les factures des foyers concernés, mais également de réduire les importations d’hydrocarbures.
Les propriétaires menacés ?
Le 16 mars 2018, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, annonçaient la mise en place du "comité de pilotage du plan de rénovation énergétique des bâtiments". Ses conclusions, ainsi qu’un premier plan précis et rédigé, sont attendus début avril. Plusieurs mesures devraient ainsi être présentées au Conseil des ministres dans le cadre du projet de loi logement.
Mais certaines d’entre-elles commencent à inquiéter les propriétaires, le gouvernement souhaitant empêcher que les rénovations ne soient ralenties par des foyers récalcitrants. Le droit de copropriété pourrait donc subir des modifications fondamentales.
Un groupe de recherche en copropriété, composé d’universitaires, avocats, géomètres et notaires, a remis fin décembre 2017 aux ministères de la cohésion territoriale et de la justice, un rapport explorant les différentes possibilités juridiques. Il y est notamment préconisé de renforcer le pouvoir du conseil syndical. Les travaux seraient alors votés par les conseils syndicaux à la majorité, et non plus par les assemblées générales à l’unanimité. Ce qui reviendrait à forcer la main de certains ménages.
Concernant les "passoires énergétiques" Nicolas Hulot a annoncé vouloir mettre en place un "passeport énergétique" visant à taxer "lourdement" les foyers qui refusent d’investir dans les rénovations. Il pourrait également devenir obligatoire de réaliser les travaux nécessaires avant la vente d’un bien, sous peine de voir les droits de mutation augmenter.
Un manque d’informations pour une rénovation efficace
De nombreuses aides sont pourtant disponibles pour permettre de réduire les coûts des travaux. Mais les propriétaires semblent peu informés des différents dispositifs mis en place. Ainsi, selon le rapport enerjmeeting paris 2018, de la journée de l’efficacité énergétique et environnementale du bâtiment, 79% des français n’ont pas connaissance du chèque énergie qui permet de compenser certaines dépenses liées à la rénovation, 67% n’ont jamais entendu parler du CEE, certificats d’économie d’énergie, et 57% ignorent les différentes aides proposées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
Consciente de ce manque d’information, l’Anah expérimente un nouveau moyen pour promouvoir sa nouvelle aide, qui permet aux revenus modestes de bénéficier d’un financement allant de 7.000 à 10.000 euros pour certains travaux de rénovation.
Pour faire passer le mot, l’agence a créé un partenariat avec La Poste. A Vihiers, dans le Maine et Loire, les facteurs sont chargés de faire connaître les différents dispositifs d’aide aux habitants, la plupart retraités. Une initiative qui reste expérimentale mais qui pourrait se généraliser, avec toutefois le risque de provoquer un certain sentiment d’agacement chez les habitants, sollicités jusque sur le pas de leur porte.
Pour inciter les habitants à entreprendre les rénovations de leur logement, il apparaît essentiel de mieux faire connaître les dispositifs de financement mis en place par l’Etat et d’éviter d’avoir recours à l’obligation de remise en conformité. Pour l’heure, la diversité et la complexité des aides, souvent soumises à de multiples conditions, ainsi que leur manque de visibilité, semblent créer une certaine réticence voire un renoncement de la part des propriétaires français.
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