La « légitimité historique » de Benyamin Netanyahou à propos de la terre d’Israël, revisitée par les archéologues, israéliens notamment
S’agissant de ces deux arguments de Ben Gourion, (premier ministre d’Israël en 1948), le premier était une erreur et le second est l’aphorisme répété par ses héritiers sionistes actuels. Il a été examiné par les archéologues.
Concernant le premier, " Nous devons tout faire pour nous assurer que les Palestiniens ne reviendront jamais, les vieux mourront et les jeunes oublieront " ; comment pouvait-il croire que ce qui vaut pour les uns (juifs), qui revendiquent un territoire après 3000 ou 4000 ans ne vaudrait pas pour les autres (palestiniens) pour les siècles à venir ?
Cette cynique franchise n’est plus de mise dans la capitale qui se réfère au second à propos de la … terre d’Israël promise par Dieu », d’après la Bible.
C’est l’argumentaire politico-historique, socle de la revendication « en légitimité » des territoires par certains responsables politiques israéliens d’aujourd’hui. Israël, comme l’Iran, l’Arabie saoudite…, déclare une religion d’état autour de laquelle s’organise la société avec ses partis politiques « religieux » dont s’inspire le discours politique de Benyamin Netanyahou.
C’est ce qu’il exprimait à la Knesset en novembre 2013 alors qu’il pressait le président palestinien Mahmoud Abbas de venir au Parlement israélien, pour "reconnaître le lien entre les juifs et Israël … reconnaître la vérité historique : les Juifs ont un lien de près de 4 000 ans avec la terre d'Israël"… Cette rhétorique induit que le droit né de la descendance religieuse se superpose à tout autre et vise à convaincre les palestiniens du bienfondé historique de la position israélienne et par là même à les inciter à une renonciation à leur "droit au retour". http://www.lepoint.fr/societe/netanyahou-demande-a-abbas-de-reconnaitre-a-la-knesset-le-lien-entre-les-juifs-et-israel-18-11-2013-1758370_23.php.
En février 2017, le CRIF répétait toujours l’argument à François Hollande (*) président d’un pays laïc, héritier de Voltaire qui s’opposait à la théocratie.
La « vérité historique » de l’Etat religieux se réfère donc aux textes bibliques fondateurs de l’identité juive, consubstantiels de la nation israélienne. Les scientifiques curieux de valider cette histoire ont entrepris de vérifier les allégations des textes anciens.
Si le récit biblique sur lequel s’appuient les israéliens juifs est le fondement des revendications territoriales de certains et si l’archéologie démontre sa fragilité, alors que devient cette « légitimité » ? Si le lien entre les habitants de ces territoires il y a 3000 ou 4000 ans et les occupants actuels en est le motif, alors les archéologues, qui nous révèlent que les autochtones n’étaient pas tous juifs, altèrent le motif. Sauf à considérer encore que l’historicité religieuse, sous réserve qu'elle soit validée, prévaut sur la filiation ethnique.
Les archéologues israéliens, et pas seulement, ont entrepris de revisiter cette histoire et éclairent différemment aujourd’hui des parties bibliques qui fondent certains israéliens à revendiquer ce territoire. Les révélations scientifiques qui les fragilisent sont nécessairement observées avec attention par ceux qui ne restent pas enfermés dans des convictions imperméables à la raison scientifique. Voyons comment, un peu plus loin.
Le plagia de textes plus anciens, les allégories bibliques se substituant aux récits et les anachronismes démontrés par les datations au radiocarbone, sont mis en évidence depuis de nombreuses années par différents chercheurs dont les travaux se poursuivent. On notera la position courageuse de David Ussishkin archéologue israélien, qui considère avec pragmatisme que « les sources archéologiques devraient primer sur les textes ». Dans la Bible, l’histoire des populations s’inscrit dans un tissu d’événements dont nombreux sont contredits aujourd’hui.
Avant d’en arriver à ce qui nous intéresse ici, et pour apprécier le sérieux des exégèses, voyons en préambule quelques exemples des déductions des contradicteurs des textes bibliques rompus aux méthodologies, aux raisonnements et aux analyses scientifiques.
Concernant certains événements bibliques.
En mars 2017, la conférence au Collège de France par l'archéologue japonais Shuichi Hasegawa "Comment l'archéologie peut éclairer la Bible" expose son approche scientifique appliquée à « l’archéologie biblique » avec ses évidences et ses limites. http://www.college-de-france.fr/site/thomas-romer/guestlecturer-2017-03-08-14h30.htm. Il apporte des informations qui confortent celles de Finkelstein et Silberman (ci-après).
Prudent, il précise que « l’archéologie ne peut être considérée comme une discipline objective ultime qui échappe aux interprétations subjective » mais aborde les faits scientifiques qui réfutent l’authenticité historique de nombreuses parties du texte biblique.
Dans la Genèse, les exemples suivants catégoriquement remis en cause, résultent de la démarche scientifique des experts ;
- La conquête d’Arrad dans le livre des Nombres n’est pas possible, le site n’existait pas à cette époque
- Les fouilles sur l’ancien site de Jéricho montrent qu’il n’y avait aucun mur à l’époque de son siège par Josué
- A propos de David et Goliath, d’après la description de l’armement de Goliath, Shuichi Hasegawa reprend le point de vue d’Israël Finkelstein qui démontre l’anachronisme du récit biblique.
- …
Parmi les milliers de tablettes cunéiformes mise au jour en Mésopotamie on retrouve des histoires reprises dans la Bible. On sait que les judéens du VIe s. avant J.-C y ont été déportés, à Babylone, où ils ont écrit une partie de la Bible pendant leur exil qui a duré plusieurs décennies. (La Bible hébraïque a été rédigée entre le VIIIe et le IIe siècle avant J.-C.). Shuichi Hasegawa souligne le parallèle entre l’histoire de Sanson et Enkidu personnage de la mythologie sumérienne en Mésopotamie d’où était natif Abraham (Ur).
- Le Dr Irving Finkel, archéologue et assyriologue au British Museum a étudié une tablette d’argile en écriture cunéiforme de l’époque sumérienne (IVe-IIIe millénaires avant J.-C), qui décrit le procédé de fabrication de l’Arche de Noé. « Cette découverte nous amène à reconsidérer l’histoire du Déluge et l’histoire de l’Arche de Noé » explique-t-il.
- …
Concernant l’histoire des tribus « israélites ».
C’est ici qu’il y a matière à réflexion quant à la « légitimité historique » revendiquée par certains israéliens. Ces informations pouvant être appréciées avec la considération de ce qui précède.
Nota : il faut comprendre que les « israélites » désignés ici par les archéologues englobent les populations autochtones non juives et celles des tribus juives.
En 2002, l’histoire des tribus israélites était réécrite sous la plume des archéologues Israël Finkelstein (directeur de l'Institut d'archéologie de l'Université de Tel-Aviv) et de Neil Asher Silberman (directeur historique du centre Ename de Bruxelles pour l'archéologie et l'héritage public de Belgique). Dans leur livre « La bible dévoilée », ils revisitent l’histoire biblique sous l’éclairage archéologique de leurs compétences.
Les archéologues démontrent que les sémites des origines qui vivaient sur ce territoire n’étaient pas juifs et que certains passages bibliques sur lesquels la légitimité de certains politiciens s’appuie, sont infondés. Par leurs révélations, les revendications d’occupation du territoire du peuple juif sur la Palestine, peuvent donc être vues différemment.
Voyons ce qu’ils nous disent.
Pour Israël Finkelstein : « …la saga de l’exode n’est pas une vérité historique mais une allégorie biblique… La Pâques juive ne fête pas un événement historique mais une expérience de résistance nationale contre les pouvoirs établis… » (Voilà qui va donner des idées aux palestiniens). Il aborde « … le cœur même de la bible » avec la remise en cause de la conquête de Canaan, « … province pharaonique, et ses cités fortifiées de Jéricho, d’Aï, de Gabâon, d’Haçor, par une armée de gueux dépenaillés encombrée de femme, d’enfants, de vieillards ».
Finkelstein et Neil Asher Silberman enfoncent le clou « Si comme le suggère l’archéologie la saga des patriarches et de l’Exode est un tissu de légendes compilées ultérieurement, s’il n’existe aucune preuve convaincante d’une invasion de Canaan par les enfants d’Israël commandé par Josué, que devons-nous penser des Israélites (juifs) qui prétendaient former une nation très ancienne ? » Preuves archéologiques à l’appui ils considèrent que « les peuplades indigènes de Canaan … ont fini par développer une identité ethnique que l’on peut qualifier d’Israélite(*) ». En 1207 av JC, « … les israélites (juifs) étaient un peuple d’immigrants qui s’était établi à Canaan, en provenance de l’extérieur… » que le bibliste allemand Albrecht Alt qualifia d’« infiltration pacifique, devant l’afflux des nouveaux arrivants, …les problèmes entre Israélites (juifs) et Cananéens seraient apparus ».
Ces démonstrations archéologiques qui détricotent les textes bibliques, laissent place à d’autres héritiers sur la Palestine d’aujourd’hui. Les sémites non juifs, habitants historiques de ce territoire devraient pouvoir aussi faire valoir leur lien avec cette terre. La revendication exclusive de certains juifs israéliens, pour ce motif, pourrait donc être apostasiée.
Les questions qui naissent de ces rectifications bibliques, sont en réponse aux déclarations politico-historiques des dirigeants israéliens intransigeants qui pourraient envisager différemment leur existence sur ce territoire.
Considérant que la référence de l’argument est la période cananéenne (environ 3000 avJC), que les cananéens (non juifs) sont les occupants historiques et que les « tribus d’Israël » sont les migrants conquérants du pays de Canaan, alors que doit-on penser :
- de cette historicité religieuse qui justifierait une primauté sur la filiation ?
- des droits des descendants des Cananéens, (non juifs) sur la terre de leurs ancêtres ?
- des « Olim » immigrants juifs qui acquièrent en arrivant plus de droits que les occupants historiques déshérités ?
Si l’historicité religieuse était un argument à entendre équitablement, alors les chrétiens depuis 2000 ans (les arméniens sont installés à Jérusalem depuis l’an 254) et les musulmans attachés au rocher du dôme depuis l’isra et le miraj en l’an 620, n’auraient-ils pas des droits à faire valoir ?
Ben Gourion avait bien compris les palestiniens "Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal ; nous avons pris leur pays … Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?" mais il avait encore tort, car les Palestiniens semblaient prêts malgré tout à signer un accord avec Yitzhak Rabin.
Assassiné par un extrémiste juif.
(*) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-antisionisme-obstacle-a-la-202531
(**) "Le Paradoxe Juif" de Nahum Goldmann
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