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Accueil du site > Tribune Libre > Une méthode « originale » créatrice d’emplois !

Une méthode « originale » créatrice d’emplois !

Dénoncer les travers de ses voisins c'est facile, c'est pas cher et cela rapporte gros au pays du Matin-Calme. « Je peux gagner autant qu'au loto » s'enthousiasme Moon Seoung-Ok, le directeur d'une école pas comme les autres. Son académie nichée au 7e étage d'un immeuble vieillot de Gangnam, le quartier des affaires de Séoul, forme des supplétifs économiques d'un genre particulier, des mouchards professionnels.

Ces « paparazzis » comme les appellent les Sud-Coréens, sont toujours embusqués l'appareil photo à la main pour surprendre en flagrant délit leurs concitoyens. Dans leur ligne de mire, les 336 infractions donnant droit à une prime de l'État en cas de dénonciation accompagnée de preuve. « Une photo d'un passant jetant son mégot et hop, je gagne 30 000 wons (20 euros) ! » déclare Mme Song visage réjoui, attirée par l'argent gagné facilement. Les primes s'élèvent à plusieurs milliers d'euros pour la dénonciation d'une fraude à l'assurance-maladie ou fiscale, et qui s'envolent lorsqu'il s'agit d'affaires de corruption. Près de 2 000 billions de dollars disparaissent chaque année sous forme de pots-de-vin ou de rétro-commissions occultes ! « Parfois, j'ai gagné de quoi acheter un appartement à Séoul  », affirme Moon, un ancien policier reconverti dans la dénonciation de haut vol qui s'attaque désormais aux trafiquants de drogue.

Plusieurs milliers de paparazzis vivraient confortablement de leur activité de délation dans le pays, sans compter les dizaines de milliers de mouchards « à temps partiel » qui arrondissent leur fin de mois en piégeant leurs concitoyens. Lee Ji Hyo, 37 ans, a été honorée officiellement par le ministère de l'Éducation pour avoir dénoncé, sans relâche, les infractions des hagwons, ces cours privés qui pullulent dans une Corée du Sud obnubilée par la réussite scolaire et universitaire de ses enfants. En deux ans, cette mère de famille insatiable, a empoché 188 000 dollars en traquant les écoles qui ne respectaient pas le couvre-feu légal ou qui employaient des professeurs non diplômés. L'État reverse aux délateurs 20 % des amendes perçues ! Ce système a été établi pour compenser des effectifs de police jugés trop réduits.

Les paparazzis ont fait leurs preuves affirme le gouvernement, il a même décidé de créer des écoles pour encourager les vocations. « J'ai créé la première école au monde, maintenant même les Chinois s'en inspirent ! » revendique fièrement Moon, 64 ans. Devant lui, et étalées, les « armes » du parfait dénonciateur infiltré : des enregistreurs numériques dissimulés dans des sacs à main, des micro-caméras déguisées en boutons de chemise, des micro-émetteurs pour capter les conversations à distance. Chaque mois, ce précurseur forme 300 stagiaires à l'utilisation de ce matériel digne de figurer dans un film de James Bond, durant des sessions de deux jours facturés 200 euros. Des dizaines d'autres « paparazzi academies » existent dans le pays. Elles passent en revue les nouvelles évolutions législatives et délivrent les derniers trucs pour surprendre en flagrant délit ses concitoyens. « C'est un savoir-faire technique : il faut être rapide et avoir un fort QI !  » déclare doctement le patron de l'école Mismiz, mais rien ne remplace la pratique. Kim Unji, la cinquantaine, vient de coincer sa première victime comme un « pro ». Le regard de cette mère au foyer s'embrase lorsqu'elle raconte comment elle a filmé une masseuse non diplômée, et à son insu, en visitant son institut de beauté munie d'une caméra camouflée dans son sac à main.

L'appât du gain reste la première motivation : « J'ai des dettes à rembourser », « Nous allons là où la police ne va pas  ! » tient à préciser Moon qui affirme avoir fait tomber un réseau de jeu illégal ! Moon de conseiller : « en France, vous devriez vous y mettre aussi… » L'actualité semble lui donner raison. La mairie du 20° arrondissement de Paris a recruté fin 2016 plus de 150 agents pour étoffer la Direction de la prévention de la sécurité et de la protection (DPSP) qui regroupe : les inspecteurs de sécurité - les agents de surveillance des parcs et jardins - les médiateurs de nuit. Leur mission ? traquer les incivilités récurrentes : terrasses qui empiètent sur la voie publique, gravats abandonnés, déjections canines, épanchement d’urine, jet de mégot, etc. La législation évolue, les chefs d'entreprises qui ne dénonceront pas leurs salariés ayant commis une infraction au code de la route en utilisant un véhicule de la société, devront s'acquitter d'une amende de 450 euros.

En France, l'éditeur de l'application « Observer la loi » un temps disponible sur l'Apple Store pour signaler et géolocaliser : « la violation de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, le tapage nocturne, les véhicules dérangeants, stationnement dangereux, le port du voile intégral (La loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l'espace public », a été invité à « procéder aux rectifications nécessaires pour éviter que cette application ne soit perçue comme discriminante et à prendre les mesures nécessaires au regard du risque pénal encouru. » L'éditeur a finalement préféré la suspendre par crainte d'être poursuivi pour fourniture de moyen...

En France, certaines administrations rémunèrent déjà leurs informateurs. L'article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité : « les services de police et de gendarmerie peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l'identification des auteurs de crimes ou de délits. »

Pour le sociologue Francis Chateauraynaud, : « L’enjeu aujourd’hui est en réalité de lier cette question (d'alerte) à des questions de démocratie collaborative. (...) Les citoyens disposeraient d'un outil inégalé pour développer une forme de citoyenneté responsable. » Les communes qui « traficotent » avec l'urbanisme, les appels d'offres, etc., tomberaient dans les filets de leurs administrés, surtout si chaque administration concernée : URSSAF, CAF, CRAM, Bercy, reverse leur obole à l'informateur, libre à lui d'alimenter une action sociale pour le village. Un exemple parmi tant d'autres : fin mai 2016, un haut fonctionnaire appartenant à la collectivité territoriale des Bouches-du-Rhône a reconnu devant le juge d'instruction, avoir reçu des liasses de billets pour favoriser deux entreprises aux marchés d’entretien et de rénovation des bâtiments. Le fonctionnaire a été mis en examen pour : corruption passive - trafic d’influence - favoritisme - recel - infraction à la législation sur les armes - blanchiment - délits commis en bande organisée et écroué à l’issue de sa garde à vue. Que l'on ne s'y méprenne pas, ce comportement se retrouve à tous les niveaux de la société, même à celui des plus humbles. Ne voilà-t-il pas une pratique qui si elle était étendue, pourrait obliger les « koulaks » modernes à rendre gorges ? Imaginez la scène suivante, une personne fait venir des artisans dans un appartement piégé pour établir plusieurs devis dont elle négocie une partie en espèces, c'est le Bingo ! Mieux que le bandit manchot ou la loterie.

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6 réactions à cet article    


  • hunter hunter 10 mai 2018 09:29

    Salut à tous,

    Ce processus, existe dans de moindres mesures en UK ; fin des 90s et début des 2000s, Microsoft en particulier, s’est servi de ce principe, pour inciter les gens à dénoncer ceux qui faisaient tourner leurs bécanes sous des versions crackées de Windows (ce que j’ai fait pendant des années, avant d’abandonner définitivement cette merde pleine de bugs).
    Ça a bien marché !

    Je pense que ça va s’implanter en France, mais « en même temps », il y aura un peu de pognon de l’état pour les délateurs, et du pognon par les multinationales !

    Comme le disait Lino Ventura dans le film « Garde à vue », : « Je n’y peux rien si les français adorent écrire à la police » !

    Adishatz

    H/


    • Doume65 10 mai 2018 18:25

      @hunter
      C’est bien plus ancien. En Allemagne de l’Est, on appelait ça la Stasi.


    • gaijin gaijin 11 mai 2018 18:45

      @Doume65
      et en france la collaboration ..................


    • hunter hunter 12 mai 2018 11:33

      @Doume65

      Certes, c’est parfaitement exact, mais ce n’est pas du tout le même contexte.

      Du temps de la stasi, vous pouviez être amené à balancer pour sauver votre vie ou celle de proches, tandis que là, il n’y a aucune menace à votre intégrité, rien qu’un banal appas du gain, et un jeu sur la perversité intrinsèque (jalousie, envie de nuire par plaisir, etc.... se référer au psy le plus proche pour de plus amples développements) de la nature humaine !

      adishatz

      H/


    • foufouille foufouille 10 mai 2018 18:14

      c’est beau le libéralisme qui fabrique des kappos.


      • zygzornifle zygzornifle 11 mai 2018 10:34

        Bien trop de monde sur cette boule, pour créer des emplois il y a les guerres , les catastrophes naturelles , les pandémie , le reste c’est des piqûres de moustiques sur une jambe de bois .....

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