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Accueil du site > Actualités > International > Ingrid Betancourt, la libérée douce-amère

Ingrid Betancourt, la libérée douce-amère

« Le pardon est évidemment un élément central, mais pas un pardon comme une aumône. (…) Nous faisons tous partie d’une génération qui, avec le pardon, doit assumer cette responsabilité. (…) Nous ne pouvons pas continuer une justice de vengeance, la paix va nous demander d’accepter un certain degré d’impunité, c’est inévitable. » (Interview à l’AFP, le 28 juin 2013).

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Celle qui parle de pardon et de réconciliation, elle peut en parler vraiment car elle a été la victime, dans sa chair, de cette guerre civile en Colombie. Un peu comme Simone Veil, déportée à Auschwitz à l’âge de 15 ans, panthéonisée ce dimanche 1er juillet 2018, était bien placée pour parler de l’amitié franco-allemande et de la construction européenne (à la grosse différence que sa famille a été décimée par les nazis). Ingrid Betancourt a vécu plus de six années très difficiles dans la jungle colombienne, otage malmenée et violée par des guérilleros communistes. Cela fait dix ans qu’elle a été libérée de cet enfer, le 2 juillet 2008.

Ingrid Betancourt était une jeune femme politique pleine d’avenir. Née le jour de Noël 1961, elle fut élue députée du 20 juillet 1994 au 20 juillet 1998 puis sénatrice du 20 juillet 1998 jusqu’à son enlèvement le 23 février 2002. Elle menait sa campagne présidentielle en tant que candidate des écologistes. À l’époque de son enlèvement, elle avait 40 ans.

Fille d’un ancien ministre et ambassadeur en Colombie en France puis à l’Unesco, et d’une ancienne députée, sénatrice et ambassadrice, Ingrid Betancourt a passé son enfance en France (où étaient affectés ses parents) puis y est retournée pour ses études, notamment à l’IEP Paris (diplômée en 1983) où elle se lia d‘amitié avec un de ses enseignants, Dominique de Villepin. Elle a d’abord épousé un Français (1981-1990) avec qui elle a eu deux enfants, puis, après une séparation, elle est retournée vivre en Colombie en 1989 et épousa plus tard un Colombien (1997-2011).

Ingrid Betancourt, citoyenne franco-colombienne, s’est engagée dans la vie politique en Colombie au début des années 1990 et a dénoncé la corruption, ce qui la mettait en danger, elle mais aussi ses enfants.

Lorsqu’elle fut enlevée le 23 février 2002 dans la zone démilitarisée de San Vicente del Caguan, son nom est devenu rapidement le symbole de la résistance face à la violence et à la corruption, et aussi celle de l’engagement politique au féminin, en particulier en France dont la classe politique s’est beaucoup mobilisée, en particulier à Paris où était installée une grande affiche rappelant son enlèvement sur la place de l’Hôtel de Ville.

Pendant six ans, les gouvernements français ont tenté de faire libérer Ingrid Betancourt, sans doute pas de la bonne manière. D’une part, il y avait une certaine instrumentalisation de ce combat qui se trouvait ainsi au cœur de la rivalité entre Nicolas Sarkozy (Ministre de l’Intérieur) et Dominique de Villepin (Ministre des Affaires étrangères). Après sa libération, Ingrid Betancourt a d’ailleurs demandé le retrait de son nom et de son visage dans le combat pour libérer les otages.

Pour simplifier, on peut présenter les choses ainsi : le gouvernement français cherchait à obtenir la libération de l’ancienne candidate à l’élection présidentielle par la négociation avec les guérilleros (avec l’aide de Hugo Chavez), tandis que le gouvernement colombien n’entendait pas traiter avec eux, quitte parfois à utiliser des renseignements français pour tuer notamment le numéro deux des FARC (hors du territoire colombien !).

Ce fut par la force que les troupes colombiennes ont pu libérer Ingrid Betancourt et ses compagnons d’infortune. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République, a été pris de court dans cette soirée du 2 juillet 2008. Un avion est parti de Paris pour rapatrier (ou expatrier ?) Ingrid Betancourt arrivée en France le 4 juillet 2008 avec tous les honneurs de la République : le Sénat et l’Assemblée Nationale l’ont accueillie, l’ancien Président Jacques Chirac l’a reçue le 9 juillet 2008, et Nicolas Sarkozy l’a décorée à l’occasion de la garden-party du 14 juillet 2008 à l’Élysée.



Ingrid Betancourt a complètement changé sa vie (son mari a écrit un livre en 2010, "Ingrid et moi. Une liberté douce-amère") et a renoncé à toute activité politique, en Colombie (elle a cependant déclaré plusieurs années plus tard, le 8 septembre 2017 au Talk "Le Figaro", qu’elle n’excluait plus de revenir faire de la politique en Colombie, peut-être dans la perspective de l’élection présidentielle du printemps 2018).

Comme en France, on aurait pu aussi imaginer un engagement dans la vie politique française où elle reste connue et populaire. Elle a cependant participé à plusieurs meetings en faveur de Nicolas Sarkozy, un pour le soutenir lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012, un autre le 20 février 2013 à la Maison de la Chimie, un autre enfin lors de la primaire LR le 9 octobre 2016 au Zénith de Paris.

Peu de temps après sa libération, une polémique a eu lieu lorsque l’ancienne otage avait demandé au gouvernement colombien plusieurs millions d’euros d’indemnités. En effet, elle avait été enlevée deux jours après une opération de reconquête territoriale du gouvernement sur les FARC et au cours d’une opération de communication du Président colombien qui ne voulait pas la présence d’autres candidats. Il avait donc retiré la garde rapprochée d’Ingrid Betancourt pour la dissuader de l’accompagner. Finalement, elle a renoncé à demander tout dédommagement pour couper court aux polémiques et renouveler sa reconnaissance auprès de l’armée colombienne qui l’avait libérée. Et aussi pour éviter que cette polémique franchît l’océan et n’atteignît la France dont le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme lui avait proposé une indemnité de moins de la moitié du million d’euros qu’elle a aussi refusée en juillet 2010.

Profondément croyante (elle a fait sa première communion avec le pape Paul VI qui va être canonisé dans quelques mois), Ingrid Betancourt avait fait le déplacement à Lourdes dès le 12 juillet 2008 et a rencontré le pape Benoît XVI au Vatican le 2 septembre 2008. Après avoir vécu quelques années (au début des années 2010) à Oxford en Angleterre pour faire des études de théologie, elle réside en France et se consacre à l’écriture.

Lors de la dernière élection présidentielle colombienne des 27 mai et 17 juin 2018, Ingrid Betancourt a soutenu la candidature de Gustavo Petro (58 ans), qui a perdu avec 41,8% face à Ivan Duque (41 ans), élu avec 54,0% au second tour, pour la succession de Juan Manuel Santos, Prix Nobel de la Paix 2016, qui ne pouvait pas se représenter après deux mandats. Pour l’anecdote, son ancienne compagne de captivité, l’avocate Clara Rojas qui fut enlevée en même temps qu’elle et libérée des FARC le 10 janvier 2008, a soutenu Ivan Duque.

Venue à Bogota pour la Foire internationale du livre, Ingrid Betancourt avait mis en garde sur l’avenir de la Colombie le 24 avril 2018 : « Il faut protéger la paix, en faisant des changements si c’est nécessaire, mais il ne faut pas que ce soit une excuse pour reprendre la guerre. Moi, je crois que les candidats qui sont en lice ne sont pas es gens belliqueux. Mais il faut aussi regarder les forces qui accompagnent ces personnes et qui, à un moment donné, peuvent faire pression sur elles et les obliger à prendre des décisions qui iraient à l’encontre de l’intérêt de la paix pour tous les Colombiens. » (Euronews).

C’était le sens de son engagement contre le candidat Ivan Duque (qui vient d’être élu le 17 juin 2018) car ce dernier voudrait revenir sur certaines dispositions de l’accord de paix fait par le Président sortant et les FARC. En particulier sur cette impunité imposée par les accords de paix. Ivan Duque avait été soutenu par les trois anciens Présidents colombiens César Gavira (1990-1994), André Pastrana (1998-2002) et Alvaro Uribe (2002-2010). Il prendra ses fonctions le 7 août 2018 pour un mandat de quatre ans.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er juillet 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ingrid Betancourt.
Juan Manuel Santos.
La paix entre le gouvernement colombien et les FARC.
Fidel Castro.
Hugo Chavez.
Che Guevara.
Peuple et populismes.

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3 réactions à cet article    


  • Milka Milka 2 juillet 2018 20:41

    Quoi Ingrid est décédée ! Et, on nous avait rien dit !!


    • ZenZoe ZenZoe 3 juillet 2018 10:29

      Sale bonne femme, vénale, hypocrite et lèche-bottes.


      • jacques 5 juillet 2018 17:36

        Et Claude Lanzmann, c’est rien ?

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