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Accueil du site > Tribune Libre > Qui a peur de Timothy Geithner ?

Qui a peur de Timothy Geithner ?

“The show must go on” chantait Freddie Mercury, paix à son âme. “The show must go on” a dû se dire Timothy Geithner, ancien secrétaire du trésor américain de l’administration Obama en acceptant, en 2013, la présidence du fonds d’investissement new yorkais “Warburg Pincus”, dédié à la gestion de la fortune des plus fortunés.

Le “Washington Post” s’est intéressé de plus près à la carrière professionnelle du co-sauveur du système bancaire planétaire et a découvert du piquant.

Afin de mesurer la signification de l’article du Post, il n’est pas inutile de faire un rapide retour en arrière. En 2007 éclate la crise financière la plus importante depuis la dépression de 1929, la débâcle des subprimes, dont le déclencheur repose sur la logique même du capitalisme, la relance de la consommation par le crédit, à défaut d’augmentions des salaires. Le niveau des crédits à la consommation ayant déjà été à ses limites à l’époque, ne parlons pas du niveau actuel (4’000 mia USD, en hausse de 47% depuis 2008), pourquoi ne pas essayer le crédit hypothécaire.

Ainsi, profitant d’une législation plutôt accommodante en la matière, les banques s’étaient lancées dans le crédit hypothcaire discount, à l’intention de l’ouvrier américain qui n’a pas vu d’augmentation de salaire depuis la fin de la guerre. Trop précieuses pour se salir les mains, elles avaient envoyé sur le terrain des courtiers, formés en un week-end de cours intensif au Holiday-Inn. 

Entre en scène, à ce moment là, l’ingénierie financière. En mélangeant ces crédits risqués à du premier cru dans des espèces de “pots-au-feu”, générant du coup des rendements supérieurs à la moyenne, vendus aux institutions financières vénérables de la terre entière (assurances, caisses de pension, fonds d’investissement), garantissant que les pommes pourries ne contamineraient pas le panier, elles avaient réussi à s’en débarrasser, au fur et à mesure, en encaissant de juteuses commissions. Il paraît difficile à croire, mais il y en avait certaines qui gardaient ces patates chaudes dans leur panier. On pourrait mettre cela sur le compte de la cupidité.

Toujours est-il, le pot aux roses avait fini par être découvert, ce qui déclencha une crise financière qui est loin d’être terminée à ce jour, nonobstant le flot de statistiques éocnomiques rassurantes, célébrées par les médias mainstream en guise d’anxiolytique, crise qui, à son sommet avait détruit plus de 750’000 emplois par mois aux Etats-Unis et provoqué un nombre record de saisies immobilières.

C’était la fin de l’ère des Bush et Clinton et le début de “yes we can”. De concert avec Henry Paulson, secrétaire du trésor sortant et Ben Bernanke président de la Réserve Fédérale, Timothy Geithner, d’abord en qualité de directeur de la Federal Reserve Bank of New York, une des douze banques du système de la Réserve Fédérale des Etats Unis et ensuite en tant que secrétaire du trésor de l’administration Obama à partir du 26 janvier 2009, s’était attelé à la mise en oeuvre du plan Paulson ou TARP, Troubled Asset Relief Program, un programme de sauvetage public du système financier privé de 700 mia USD.

S’ensuivit le mordant “Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act”, la pièce maîtresse de l’administration Obama en matière de régulation bancaire. Pour mesurer l’état d’esprit dans lequel ce texte législatif avait été mis en oeuvre, il n’est pas sans intérêt de consulter quelques aphorismes, extraits du livre “Stress Test” de l’ancien secrétaire du trésor, commenté bienveillamment par la section “critique littéraire” du docile New York Times à sa sortie en 2014.

En comparant la crise financière au naufrage du Titanic, l’indulgent Timothy Geithner écrit ceci : “Avant de pouvoir sauver femmes et enfants il fallait sauver les ivrognes de la première classe, ceux qui détenaient les gilets de sauvetage” continuant sa métaphore par : “J’avais peu de sympathie pour ceux qui faisaient appel à la moralité et criaient vengeance. Je n’avais aucune intention d’appliquer le précepte “oeil pour oeil” du Vieux Testament, car si nous avions laissé libre cours à cette soif de vengeance, cette crise aurait causé davantage de dégât encore pour l’américain moyen. Le président Obama avait très vite compris qu’il ne fallait pas poursuivre une stratégie punitive (à l’encontre des responsables). Je considère que la réponse donnée à la crise financière de 2008 par le président Obama fut la bonne et peut être considéré aujourd’hui comme un succès éclatant. Le seul regret que j’ai au sujet de la loi Dodd Frank est le fait qu’elle ne donne pas assez de levier au gouvernement pour renflouer le système bancaire lors d’éventuelles crises futures.” Fin de citation

En 2013 A la fin de son mandat public Mr. Geithner quitte la politique pour entrer aux services du fonds d’investissement new yorkais “Warburg Pincus”, spécialiste des fonds de “placement privé”, non cotés en bourse, dont l’apport minimal s’élève à 20 mio USD par investisseur. Un de ces fonds, doté d’un capital de 11,2 mia USD, est le sujet d’un article publié dans le Washington Post début juillet par le reporter, Peter Whoriskey.

M. Whoriskey a découvert, dans le portfolio de ce “private equity fund”, un important investissement dans la société Mariner Finance, spécialisée dans l’octroi de mini-crédits sur salaire, dont ses 500’000 clients bénéficient en empruntant de l’argent pour payer des frais imprévus tels que des frais médicaux ou une réparation de voiture. Selon une étude de la Réserve Fédérale, 40% des américains sont incapables de faire face à une dépense imprévue de 400 USD. Il s’agit donc là d’un marché intéressant. Lors de cette prise de participation Mariner Finance possédait 57 filiales dans sept états. Actuellement, la société compte 450 filiales dans 22 états.

Profitant d’un environnement de taux d’intérêt historiquement bas, pour les bons créanciers, causé par la crise financière de 2008, la société Mariner a le privilège de se refiancer sur le marché obligataire à 4% (550 mio USD d’argent frais pour la seule année 2017), pour prêter à ses clients à des taux allant jusqu’à 36%. Malgré un taux de défaut de 8%, taux qui se situerait normalement entre 1% et 3% pour ce genre de crédit, Mariner Finance s’en sort parfaitement. Par des pratiques, comment dire, inhabituelles.

28% de ses prêts sont générés par ce qu’on appelle dans le métier “loans-by-mail program”, le crédit non sollicité. Le principe consiste à envoyer à des dizaines de milliers de clients potentiels des chèques d’une valeur de 1’200 USD avec la proposition, en cas d’encaissement, d’un contrat de crédit à un taux annuel de 33%, stipulant en petits caractères, des frais de justice additionnels de 20% à la charge du débiteur, en cas de défaut de paiement.

Monsieur Geithner n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.


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