François Pinault : derrière le collectionneur, le spéculateur
Exit les termes « émotion », « profondeur » et « envoûtant ». Quand François Pinault s’intéresse à une œuvre d’art, le vocabulaire est le même que dans les affaires : « profits », « marge », « rentabilité »… Portrait d’un amateur d’art qui tient plus du spéculateur que du collectionneur.
Adoré, célébré et bientôt couronné. François Pinault est un homme heureux, car de plus en plus dépeint comme un mécène qui met l’art à l’honneur, plutôt que comme un homme d’affaires implacable. Une « passion » pour l’art que ne semble pas partager son fils aîné, François-Henri : ce dernier multiplie en effet les procédures contre l’école des Beaux-Arts de Paris, car cette dernière a eu l’idée saugrenue d’édifier deux petits bâtiments qui « gâchent » quelque peu sa vue depuis son hôtel particulier…
L’Art, un business comme un autre pour François Pinault
Si François Pinault a laissé les rênes de Kering à son fils, celui-ci veille toujours sur l’empire qu’il a bâti et a semble-t-il trouvé un moyen plus rapide et plus populaire pour accroître son immense fortune : l’art. Car au fond, qu’importe la qualité d’une œuvre si on peut en tirer des bénéfices records grâce à une cote importante sur un marché qui obéit, en réalité, à la loi de l’offre et de la demande. Le plus influent dicte la norme et tout le monde s’engouffre derrière, faisant dès lors monter les prix.
Beaucoup de milliardaires ont une prédilection pour l’art moderne, François Pinault est un digne représentant de cette espèce et multiplie les acquisitions et reportages à sa gloire sous prétexte qu’il est un génial — et donc généreux — mécène. Problème, loin d’être une simple « passion », l’art est, pour M. Pinault, un business comme un autre.
À la tête d’une fortune estimée à plus de 23 milliards d’euros, Pinault possède assez de ressources pour s’offrir ce qui lui plaît. Mais à la vue des bénéfices engendrés, ce qui lui plaît n’est pas forcément ce qui est beau ou l’émeut, mais bien le nerf de la guerre : l’argent.
Depuis 2001, l’homme d’affaires a ainsi cédé environ 180 œuvres de sa collection privée. Soit moins d’un dixième de ce qu’il a acquis. C’est peu, sauf que cette petite portion lui a rapporté gros. En effet, les bénéfices sont de l’ordre de 600 millions d’euros. Cela n’a rien d’une broutille, même pour un homme d’affaires de sa trempe. Mais comment fait M. Pinault pour transformer des œuvres souvent méconnues des spécialistes — ne parlons même pas du grand public — en des chefs-d’œuvre que tous les richissimes passionnés d’art moderne s’arrachent ?
François Pinault, le spéculateur
Là est le ressort génial d’un capitaine d’industrie qui utilise sa collection d’art « comme un portefeuille boursier ». Pour réaliser des plus-values très agréables à ses finances, François Pinault peut compter sur un système tout à fait légal qui lui donne la main sur un tout un marché.
Comme dans tous les business, celui qui détient l’information est roi. Pinault l’a bien compris et s’est donc acheté, en 1998, la maison d’enchères Christie’s. Être le patron du numéro un mondial des ventes aux enchères offre une position idéale pour observer et manipuler l’ensemble du marché de l’art moderne. Pinault sait par qui et quand les œuvres de tel ou tel artiste seront vendues, et ce dernier place régulièrement les siennes sur la liste lorsque leur cote a suffisamment grimpé.
Et dans ce petit monde, il suffit que Pinault s’amourache d’un artiste pour que tout le monde suive la nouvelle tendance. En quelques années, certains d’entre eux ont ainsi vu leur cote augmenter de plus de 50 %, juste parce que François Pinault avait jeté son dévolu sur leurs œuvres.
L’homme, qui est sans cesse en repérage — et qui n’hésite pas, dans les foires, à user de techniques douteuses pour consulter les œuvres avant l’ouverture —, sait acheter au bon prix et revendre cher, très cher. Ce fonctionnement commence à être bien connu de ce petit monde, mais quelle révolte mener quand le roi est si puissant en son royaume ?
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