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Accueil du site > Tribune Libre > La Chine a-t-elle bénéficié d’un long plan Marshall non-dit par (...)

La Chine a-t-elle bénéficié d’un long plan Marshall non-dit par l’Histoire ? Donald Trump a-t-il raison de taxer la Chine, l’Europe ?

Ce que le profane ne comprend pas, c’est que les économistes de tout bord expliquent les crises qui surviennent sans vraiment les expliquer. Et ils se lancent dans des discours académiques pour démontrer la justesse de leur analyse en énonçant que ceux qui géraient l’avant-crise, et donc par eux est survenue la crise, sont les responsables de la crise. Et c’est ce qui ressort pour la grande crise de 2008. Un discours de presque tous les économistes, y compris de renom, comme les lauréats du prix Nobel.

Ce n’est pas pour les critiquer, leurs œuvres, leurs analyses sont certainement d’une grande utilité, mais ce qu’on reproche à leur travail, c’est que leur recherche reste surtout cantonnée aux pays occidentaux ou aux pays émergents sans que l’on puisse lire la « dynamique dialectique » qui relie tous les versants de l’économie mondiale. Les pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ou de l’Asie, mis à part, le Brésil, la Chine, le Japon, la Russie, et les autres pays qui ont émergé depuis les années 1970-180 comme la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie, Hong-Kong rétrocédée à la Chine, Indonésie et quelques pays qui ont réussi leur développement, sont omis dans la vision globale.

Et c’est cela qui manque pour la compréhension du développement économique du monde depuis la grande crise de 1929. Et le monde depuis cette date n’a pas cessé de traverser des crises. Et l’explication reste toujours vague sur le phénomène des crises qui frappent périodiquement l’humanité.

Je crois que l’erreur des économistes occidentaux se résume à quelque chose qui ressemble à ceci. Nous avons un grand corps humain, i.e. l’humanité. La marche de ce grand corps dans le temps est son développement. Les spécialistes, i.e. les économistes, chargés de l’étudier et étudier son développement historique, le dissèque comme le feraient des médecins. Et chacun dans sa spécialité, et tout en rapport aux problèmes microéconomiques et macroéconomiques. Les économistes n’étudient que localement les crises, et quand elles s’étendent, le plus souvent ne l’étendent qu’aux puissances occidentales. Un peu comme si l’Occident est le centre du monde. Et le reste du monde, y compris les pays émergents ne sont que des pays accessoires, dépendant de la puissance financière et monétaire occidentale. Ce qui, dans un certain sens, n’est pas faux. Mais, pour une analyse exhaustive, cette approche d’étude fausse le problème, omet les forces économiques internes qui non seulement agitent le monde, le bouleversent même, mais lui impriment une trajectoire plus complexifiée, allant toujours plus en extension, déplaçant le « centre de gravité économique » du monde.

Mais là où ça bloque, c’est quand les crises surviennent. Fondamentalement, si les causes des crises sont cernées sur le plan économique, financier et monétaire, elles n’apportent cependant pas d’explication rationnelle sur leur irruption cyclique, ni la compréhension des temps passés qui les provoquent qui sont différents.

Pour étayer cette approche, prenons une analyse de l’économiste Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie. « NEW YORK – À la suite de la crise financière de 2008, certains économistes ont fait valoir que les États-Unis, et peut-être l'économie mondiale, souffrait de « stagnation séculaire », une idée initialement conçue à la suite de la Grande Dépression. Les économies ont toujours récupéré des ralentissements. Mais la Grande Dépression avait duré comme jamais auparavant. Beaucoup estimaient que l'économie avait récupéré uniquement grâce aux dépenses du gouvernement durant la Seconde Guerre mondiale, et beaucoup craignaient que l'économie retournerait à son marasme à la fin de la guerre.

Quelque chose s’était produit, croyait-on, qui ferait en sorte que l'économie continuerait à languir, même en présence des taux d'intérêt faibles ou nuls. Pour des raisons maintenant bien comprises, ces sombres prédictions se sont heureusement avérées fausses.

Les responsables de la gestion de la reprise de 2008 (les mêmes personnes qui étaient coupables de la sous-réglementation de l'économie durant la période précédant la crise, vers qui le président Barack Obama s’est tourné, de manière inexplicable, pour réparer ce qu'elles avaient contribué à détruire) ont trouvé l'idée de stagnation séculaire attractive, parce qu'elle explique leurs échecs dans la recherche d’une reprise rapide et robuste. Ainsi, alors que l'économie languissait, l'idée a trouvé un nouveau souffle : ne nous blâmez pas, disaient ses promoteurs, nous faisons ce que nous pouvons.  » (1)

Ce qu’avance Joseph Stiglitz est très pertinent. Élever en mythe la « stagnation séculaire » est une approche facile pour définir le futur de l’économie mondiale, dont l’idée est tirée de la crise de 2008. Mais, sur le plan économique et historique, dans le fond, la crise économique et financière de 2008 n’est pas expliquée. Comme d’ailleurs la Grande Dépression des années 1930. « Beaucoup qui estimaient que l'économie avait récupéré uniquement grâce aux dépenses du gouvernement durant la Seconde Guerre mondiale, et beaucoup craignaient que l'économie retournerait à son marasme à la fin de la guerre. » (1) 

Les économistes qui prédisaient une rechute, il faut le dire, n’avaient pas tout à fait tort. La crise de 1929 aurait pu survenir, mais elle n’est pas survenue. Il demeure cependant que la crise a été décalée et heureusement n’a pas eu l’importance qu’a eu la crise de 1929 eu égard aux conséquences qui ont mené à la Deuxième Guerre mondiale. La question est donc pourquoi. Et on n’a toujours pas la réponse du pourquoi du décalage ni du pourquoi la crise économique qui est survenue à la fin des Trente Glorieuses et a mis fin en partie aux Accords de Bretton Woods, en 1971. Et, à juste raison que l’on doit s’interroger pourquoi les crises qui se sont succédé entre 1971 et 1979 n’ont pas eu les effets dévastateurs de la crise de 1929. Comme d’ailleurs, aujourd’hui, pour la crise de 2008, qui est souvent comparée à celle de 1929, mais n’a pas eu les conséquences qui ont suivi, la dépression économique des années 1930.

C’est cela qui n’est pas compris, malgré des explications liées aux mesures de politique monétaire restrictive prises par la Banque centrale américaine (ou Fed) qui intervenait à chaque fois que les spéculations dans les Bourses, portées à des sommets, transforment l’économie américaine en économie-casino.

Une vérité cependant qu’énonce le prix Nobel. « Il y a beaucoup de leçons à tirer lorsque l’on se penche sur la crise de 2008, mais le plus important est que le défi était – et reste – politique et non économique : il n'y a rien qui empêche fondamentalement notre économie de fonctionner d'une manière qui assure le plein emploi et la prospérité partagée. La stagnation séculaire était juste une excuse pour des politiques économiques erronées. » (1)

Il est vrai que les économistes américains ne connaissent pas l’avenir pour décréter que le monde est entré dans une « stagnation qui va durer des siècles ». C’est une vérité, personne ne peut savoir de quoi sera fait demain. Dans un an, deux ans, cinq ans, et plus. Se rappeler seulement la menace de guerre nucléaire qui planait, au deuxième semestre de 2017, entre les États-Unis, la Corée du Nord, la Corée du Sud et le Japon. Et les conséquences sur le plan politique, économique, international qui se seraient opérées si la guerre avait eu lieu. Une partie du monde qui se serait transformée en champ de ruine. Cependant, on ne peut dire que « La stagnation séculaire était juste une excuse pour des politiques économiques erronées.  » Il est évident que ceux qui ont émis le concept de « stagnation séculaire », y croyaient réellement. C’est même une possibilité que cela soit vrai mais pour une période seulement et encore là, il faut l’expliquer « dialectiquement ». L’économie seule en est incapable. C’est cela qui manque chez les économistes occidentaux, la dialectique rigoureuse, implacable dans ses moindres recoins, ses moindre détours, subtile dans ses comparaisons, son enchaînement avec le passé. Et elle seule peut apporter une réponse susceptible de satisfaire la raison humaine pour comprendre son devenir.

Toujours dans cet ordre d’idées, un autre économiste, Robert Skidelsky. Professeur émérite d’économie politique à l’université de Warwick, membre de l’Académie britannique d’histoire et d’économie, et membre de la British House, donne à peu près le même diagnostic que Joseph Stiglitz sur la crise de 2008. Il écrit : 

« Un examen des débats politiques des années qui ont suivi la crise suggère que les théories macroéconomiques erronées ont trop duré. Le résultat a été une croissance plus lente, une capacité économique perdue et un excès de misère pour des millions de personnes dans le monde.

LONDRES - Dix ans après la crise financière de 2007-2008, il convient de se demander où se trouvent les économies développées du monde, ou elles se seraient passées sans crise et, peut-être plus important, avec des choix politiques différents, ayant prévalu avant et après l'effondrement.  » (2)

Et toujours cette interrogation « où se trouvent les économies développées du monde ? Que serait-il passé sans crise, ou avec des choix politiques différents avant et après l'effondrement  ? Ou encore ce constat de « politique macroéconomiques erronées ». Tout d’abord la seule réponse tangible est que la réalité est là. La crise de 2008 a fait irruption, elle était « dialectiquement nécessaire. » Sinon, elle n’aurait pas survenu. C’est comme un homme est tombé malade, et peu importe la gravité de la maladie. Et s’il n’était pas tombé malade ? Et si, avant la maladie, et déjà les symptômes commençaient à apparaître, il était traité par des médecins de renom, pourtant rien n’y fit, la maladie a eu des conséquences graves sur lui, il est sorti handicapé. Nous rentrons ici dans les ténèbres de l’histoire. Comme l’homme peut tomber malade, l’économie peut aussi subir des crises dans son histoire sauf que ces crises qui sont nécessaires concourent au développement du monde. Donc « politique macroéconomiques erronées ou non », la crise de 2008 devait survenir.

Robert Skidelsky, dans son analyse, ajoute. « La question de savoir où nous pourrions avoir différentes politiques adoptées est, sans surprise, beaucoup plus difficile à répondre. La crise aurait-elle pu être évitée en premier lieu ? Rétrospectivement, il y a des arguments convaincants à faire valoir. Nous savons maintenant que la libéralisation des marchés financiers, influencée par la « théorie du marché efficace », a rendu les banques intrinsèquement plus vulnérables à la contagion. [...]

L’effondrement de 2008 a été aussi marqué que celui de 1929, mais il a duré beaucoup moins longtemps. Contrairement au secrétaire américain au Trésor, Andrew Mellon, en 1929, personne en 2008 ne voulait vraiment « liquider le travail, liquider les stocks, liquider les agriculteurs, liquider les biens immobiliers » afin de « purger la pourriture du système ». Personne ne voulait créer les conditions nécessaires à l'émergence d'un autre Adolf Hitler. » (2)

Que peut-on dire de cette approche ? Force de dire que l’on ne peut comparer l’incomparable. La situation en 1929 était très différente de la situation de 2008. Le secrétaire américain au Trésor, Andrew Mellon, en 1929 ne pouvait être taxé de « désaxé  », en pensant qu’il voulait vraiment « liquider le travail, liquider les stocks, liquider les agriculteurs, liquider les biens immobiliers » afin de « purger la pourriture du système ». Et que pensaient tous les milliers d’économistes et banquiers de l’époque ???? S’il n’y avait pas des circonstances spéciales propres à l’époque, et que les mesures prises étaient tellement impérieuses qu’il n’y avait pas d’autre voie de sortie, doit-on conclure. Le système économique mondial s’est, ironie de l’histoire, bloquée par son propre succès. Une Amérique gagnante partout après le Premier Conflit mondial, qui se retrouve une décennie après bloquée par sa grande richesse industrielle et manufacturière ?

En 2008, c’était complètement différent. Certes, il y a eu blocage, mais en l’espace de six années, le système financier s’est débloqué. Et on le doit aux « idées de génie » des quatre Banquiers centraux, les plus éminents du monde, détenant à l’époque la responsabilité de toute la liquidité internationale émise au niveau mondial. En premier, la Banque centrale américaine (Fed), ensuite la Banque centrale européenne (BCE), la Banque centrale du Royaume-Uni (BoE) et la Banque du Japon (BoJ). Evidemment, le processus des quantitatives easing pour sortir l’économie occidentale de la crise financière de 2008 n’est pas très bien compris. Les QE enferment un secret pour ainsi dire mondial qui n’est et n’a jamais été mis en évidence, pourtant ils sautent aux yeux. Et l’intérêt de ces QE est qu’ils ont sauvé l’Occident et d’une certaine manière le reste du monde. Donc l’économie mondiale d’une grave récession qui aurait duré après 2008. Nous y reviendrons.

Cependant, comparer 2008 à 1929 est une erreur, il faut plutôt dire que la crise de 2008, bien que la situation historique n’est pas comparable, n’est en fait qu’un prolongement de la crise de 1929, ou plutôt, pour saisir la différence, que la crise de 2008 était inévitable comme l’a été la crise de 1929, la crise de 1971, les crises pétrolières, la crise d’endettement des années 1980, et d’autres crises encore, jusqu’à la crise de 2008. C’est le même processus qui agit depuis 1929 sauf qu’il n’est pas très bien compris.

Donc il y a une succession de crises dont la crise de 1929 est la « crise mère ». Les économistes occidentaux oublient pourquoi les délocalisations d’entreprises japonaises, européennes et américaines ont été opérées vers l’Asie, pourtant, à leur époque, les entreprises ont été performantes pour l’Occident puisqu’elles lui ont permis de rayonner sur le monde. Et qui en a profité des délocalisations ensuite, si ce n’est l’Asie, en particulier la Chine. A partir du début des années 1980, la Chine, changeant sa politique économique intérieure et extérieure, faisant sienne le dogme économique libéral, donc s’ouvrant au monde, va changer le cours de l’histoire. Cependant, on ne peut dire qu’en changer sa politique économique, bien que c’est un fait réel et confirmé, mais ce changement de la Chine entrait dans la « dynamique dialectique de l’histoire. » Une « Nécessité », en quelque sorte.

Les investissements étrangers ont commencé à se diriger vers la Chine, puis n’ont pas cessé de progresser. Pourquoi ? La Chine est-elle devenue un paradis pour les ID étrangers ? On peut le dire, mais les vraies raisons se trouvent dans l’histoire. Presque une histoire analogue à l’Europe au début du XXème siècle qui, à la tête de grands empires coloniaux, rayonnant sur le monde, va se retrouver détruite et, en 1945, dépendante de la magnanimité de la première puissance du monde. Non seulement en dons en tout genre, mais aussi, fera l’objet d’un « plan Marshall qui durera cinq ans, de 1947 à 1952 ». A partir de 1953, l’Europe bénéficiera d’un « constant appui en matière d’investissements étrangers », ce qui la propulsera de nouveau dans le commerce mondial, jusqu’à devenir concurrente à la « patrie-mère », les États-Unis. Au point que ces derniers, suite aux pressions européennes, furent obligés de mettre fin à la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971. Le système Bretton Woods est amputé de l’étalon-or.

Mais, alors, que s’est-il passé pour que la Chine, montant de puissance en puissance, va se trouver, comme l’Europe naguère, concurrente à la première puissance américaine ? Pourtant, elle n’a bénéficié ni de dons matériels et financiers, ni d’effacement de la dette, ni de plan Marshall. Elle s’est simplement ouverte aux investissements étrangers en assurant aux capitaux américains, européens, japonais et autres, la sécurité et leur rapatriement d’urgence en cas de crise. Des investissements qui l’on beaucoup aidé pour son rattrapage économique et l’asseoir en deuxième puissance économique, aspirant à terme, à dépasser les États-Unis.

La raison de l’ascension de la Chine ne se trouve pas seulement dans son ouverture de son économie, ce serait insuffisant. Elle se trouve surtout dans la situation économique mondiale d’alors, lors de la rupture qui s’est opérée en 1979, avec le deuxième choc pétrolier. La crise de l’endettement des pays d’Afrique, d’Amérique du sud, et d’une partie de l’Asie qui a suivi ont eu un impact très négatif sur les investissements étrangers. Raréfiés, ils étaient pour ainsi dire bloqués, ne trouvant pas où se déployer pour tirer profit. La situation économique mondiale était désastreuse sauf pour les États-Unis et les pays exportateurs de pétrole qui recyclaient les pétrodollars. Trois facteurs ont joué très négativement sur la croissance économique mondiale. Tout d’abord, la politique très restrictive de la Fed américaine. Elle a, pour lutter contre l’inflation à deux chiffres à l’époque – un danger réel pour la stabilité de l’économie mondiale –, augmenté brusquement et fortement le taux d’intérêt. Décision inattendue, un taux d’intérêt prohibitif se situant entre 18 % et 20 %, qui a engendré deux autres facteurs tout autant prohibitifs, et eurent tout trois des répercussions extrêmement négatives sur les pays hors-Occident, et même sur l’Europe.

Le deuxième facteur tout aussi négatif pour la croissance de l’Afrique, de l’Amérique du Sud et d’une grande partie de l’Asie, y compris l’Europe et surtout l’Union soviétique – la crise de l’endettement sera fatale pour l’URSS – a été la formidable hausse du taux de change du dollar US qui a plus que doublé par rapport aux autres monnaies occidentales internationales. Un dollar US cotait 10,060785 francs en février 1985 alors qu’il était à 4,037885 francs en janvier 1980. Pour la même période, un dollar US cotait 3,308957 deutschemarks alors qu’il était à 1,723970 deutschemark en janvier 1980. De même pour toutes les monnaies à l’époque.

Le troisième facteur a été le deuxième choc pétrolier en 1979. Les cours du pétrole ont flambé. Ils ont quadruplé, passant de 13 dollars en 1978 à plus de 35 dollars en 1979 le baril. Le prix du brut a culminé à plus de 40 dollars la même année. Les cours sont restés élevés jusqu’en 1985.

Cette situation sera extrêmement difficile pour la plupart des pays du monde. Pratiquement seule la Chine, une économie fermée, sortait de cette situation de désolation pour l’économie mondiale. Avec bien sûr des exceptions, une économie européenne fortement touchée par la crise d’endettement mais a néanmoins des ressources pour faire face, les pays d’OPEP, dont une grande partie sont les pays arabes, ont été favorisés doublement par la hausse des prix du pétrole et la hausse du taux de change du dollar US – le pétrole étant facturé en dollar américain –, jusqu’en 1986. « Et bien sûr le chef d’orchestre de l’économie mondiale, les États-Unis qui ont profité de cette flambée des taux d’intérêt, de la hausse du dollar et du pétrole. »

C’est cette situation qui a fait que la Chine devait suppléer à cette situation désolation que vécurent les pays d’Afrique, d’Amérique latine, et une partie de l’Asie, dont l’économie soviétique malgré la Glasnost (transparence) et la Perestroïka (restructuration économique) de Gorbatchev, n’empêchèrent pas la disparition de l’URSS en 1991. Donc un « processus de cause à effet historique a existé pour la Chine comme il le fut pour l’Europe, sauf qu’il s’est opéré de manière différente. » Et il confirme que l’histoire est un éternel recommencement. Chaque pan de l’histoire est différent de l’autre, chaque stade vient au « dessus de l’autre » dans le sens que tous les événements de l’histoire dans toutes leurs composantes, qu’ils soient malheureux ou heureux, non seulement participent au développement mais sont nolens volens positifs.

Et c’est ce que l’on doit comprendre dans la montée en puissance de la Chine. Forte de plus d’un milliard de Chinois, une main d’œuvre le plus souvent agricole, travailleuse, rapidement « convertie dans le travail manufacturier et industriel », au faible coût salarial, compétitive dans le commerce mondial, seule dans des continents ravagés par l’endettement, elle devient un éden pour les IDE et les délocalisations d’entreprises occidentales. De moins en moins compétitives, les industries occidentales, pour ne pas fermer, sont délocalisées en joint-ventures pour être rentabilisées. Même processus qu’en Europe, les IDE et entreprises américaines trouvaient des débouchés faramineux dans les pays d’Europe, ravagés par la guerre. Les entreprises américaines s’implantaient en Europe. L’Europe devenait, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, « un moteur pour les États-Unis.  » Sans l’Europe, les États-Unis auraient plongé de nouveau dans une crise comparable à celle qui a prévalu dans la Grande Dépression des années 1930, avec des millions de chômeurs, et une économie américaine dévastée par la misère.

On aurait eu ce que le secrétaire américain au Trésor, Andrew Mellon, en 1929, a voulu : « liquider le travail, liquider les stocks, liquider les agriculteurs, liquider les biens immobiliers » afin de « purger la pourriture du système ».

Ce qui signifie que les dons octroyés et une partie de la dette effacée et le plan Marshall a sauvé d’abord les États-Unis d’une misère à venir avec à la clé des millions de chômeurs. Non pas quinze millions comme au début des années 1930 mais 20 ou 25 millions de chômeurs aux États-Unis, après 1945. Et l’Europe aurait mis plus de temps pour se reconstruire. De la même façon, une grande partie du monde en déperdition, à voir seulement la deuxième puissance du monde, « l’Union soviétique, en pleine crise économique qui devenait insoluble, a finalement éclaté. L’URSS d’alors n’était plus viable économiquement. » A voir aussi l’Algérie qui a profité de l’âge d’or que furent la hausse des cours pétroliers et la hausse du dollar US qui a pratiquement doublé en 1984 par rapport aux autres monnaies du monde. Elle s’est trouvée happé presque comme l’URSS par la crise économique qui a suivi le contrechoc pétrolier de 1986. Et ce n’est que l’extrême résistance de son peuple qui a cependant subi les affres de la décennie noire et qu’un autre événement a sauvée, la guerre lancée par l’Amérique au Moyen-Orient qui a fait augmenter drastiquement les prix pétroliers. « Une hausse pour permettre à la première puissance mondiale de financer, ironie de l’histoire, sa guerre pour le pétrole. »

On comprend dès lors que la Chine s’est retrouvée à peu près comme l’Europe en 1945. Devenu le seul réceptacle des investissements étrangers, essentiellement en provenance du Japon, des États-Unis, de l’Europe et des nouveaux pays industrialisés (Corée u Sud, Taïwan...), une population de plus d’un milliard d’habitants représentant un formidable débouché et réservoir de main d’œuvre à bas prix, pour ces pays. Comme l’Europe, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la Chine devenait un « moteur  » pour les grandes puissances (États-Unis, Europe et Japon), les NPI et pour le reste du monde (Afrique, Amérique du Sud) par ses importations de matières premières et énergie. A la lumière de ce qui précède, on peut considérer que la Chine a bénéficié d’un « long Plan Marshall non-dit dicté par l’Histoire », qui a duré une trentaine d’années. En 2010, la Chine s’est haussée à la deuxième puissance économique du monde

Une question de base. Qu’est-ce que cette Histoire qui change le cours de l’histoire ? C’est précisément la faiblesse des analyses des économistes occidentaux y compris des prix Nobel qui ne voient pas que l’homme fait, cela est sûr qu’il fait cela ne peut être autrement, mais il est aussi fait par l’histoire par même de ce qu’il fait. Et c’est cela que l’on doit comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Si nous prenons les mesures prises par Donald Trump sur le protectionnisme qu’il oppose à l’Europe, à la Chine, au Mexique et au Canada, il faut se dire que ce n’est pas seulement lui qui a pris la décision, mais le grand nombre d’économistes de tout horizon au sein des grandes banques américaines, des centres d’analyse, de veille économique, des grandes universités américaines qui sont là pour conseiller les décideurs de la Maison Blanche. Bien sûr il y a toujours des opposants qui voient autrement l’économie américaine.

Cependant, nonobstant sur tout ce qui a été dit sur la crise du protectionnisme, que les États-Unis ont provoqué, la crise que le monde vit aujourd’hui relève en réalité de la crise-mère de 1929 dont les effets n’ont disparu que partiellement. Ce qui nous fait dire que tout n’est pas réglé dans la répartition des richesses dans le monde. Même si la crise de 1929 est lointaine. Les mêmes problèmes économiques du monde se posent. « Et le problème central de la répartition de richesses porte essentiellement dans l’absorption mondiale. C’est elle qui conditionne la croissance ou la décroissance économique dans le monde. » Une partie du monde est riche, une autre partie est moyennement pauvre, une autre partie extrêmement pauvre. Précisément, dans ce monde de plus en plus complexe, Trump cherche à orienter cette absorption mondiale, et cela va de soi, au profit de l’Amérique. Donc, au détriment des autres. Aussi, sans qu’on développe le problème, le pourra-t-il ? Mais dès lors qu’il pose le problème de l’équité avec ses partenaires, on peut penser qu’il a raison comme aussi on peut penser que ses partenaires ont aussi raison de vouloir garder leurs parts dans le commerce mondial. Le problème est qu’avec quatre grandes puissances économiques mondiales, les États-Unis, l’Europe, le Japon et la Chine qui disposent tous de monnaies internationales – la Chine depuis 2016 et l’Europe en dispose deux, l’euro et la livre sterling –, le problème va être ardu, surtout avec la Chine qui continue, par sa croissance, à se poser en premier acteur économique du monde. Le protectionnisme de Trump pourra-t-il freiner ses partenaires, changer l’équilibre des forces dans le monde ? Qu’en sera-t-il des économies européennes ? De l’économie américaine ? La Chine aura-t-elle le dernier mot ? En clair, le monde, sans véritable moteur, les États-Unis, refusant de continuer à servir de moteur mondial et à freiner le deuxième moteur mondial qu’est la Chine, pourront-ils éviter de le « jouer ». De même les pays exportateurs de pétrole continueront-ils à « aider » la croissance économique mondiale par la hausse des prix de pétrole. Telle est la problématique qui se pose aujourd’hui à l’ensemble des acteurs qui ont tous une part importante dans la santé de ce grand corps qu’est l’économie mondiale. 
 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde.com

 

Notes :

1. «  Le mythe de la stagnation séculaire », par Joseph Stiglitz. Le 28 août 2018
https://www.project-syndicate.org/commentary/secular-stagnation-excuse-for-flawed-policies-by-joseph-e-stiglitz-2018-08/french

2. « The Advanced Economies’ Lost Decade », par Robert Skidelsky. Le 13 avril 2018. Traduit par Google.translate
https://www.project-syndicate.org/onpoint/the-advanced-economies-lost-decade-by-robert-skidelsky-2018-04


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4 réactions à cet article    


  • Esprit Critique 4 septembre 2018 19:53

    La Chine a réussi un formidable développements en quarante ans ou ils on bloqué leur croissance démographique.

    Les cons qui nous dirigent prétendent assurer de la croissance en importants des millions d’abrutis par l’Islam.


    • Hamed 4 septembre 2018 21:23

      @Esprit Critique

       La Chine a réussi un formidable développement, c’est un fait de l’Histoire. Les Occidentaux y ont massivement contribué parce qu’il était de leur intérêt.

       Et pour les «  Les cons qui nous dirigent prétendent assurer de la croissance en important des millions d’abrutis par l’Islam », c’est le même processus. Le revers de la médaille, ces « abrutis » ont contribué à sauver l’Europe du nazisme, et ont ensuite travaillé dans des usines européennes pour reconstruire l’Europe, eu égard aux millions de morts européens et musulmans dus aux deux guerres mondiales. Et par la force du temps.Et là encore, c’est l’Histoire qui détermine les êtres humains dans leur destinée.

      Donc s’il y a des « cons » comme vous dîtes, cela est en rapport avec le destin des peuples. L’Europe est allé vers le monde en les colonisant, les ex-colonisés ayant appris de l’Europe aujourd’hui partagent l’existence de leurs anciens colonisateurs. Et cela a un nom, cela s’appelle un brassage des peuples. Et la terre où que l’on soit appartient à Dieu avant d’appartenir aux hommes..

      Ceci étant, merci pour le post


    • yapadekkoaqba yapadekkoaqba 5 septembre 2018 14:57
      Bien sûr que la Chine a bénéficié d’un super plan marshal : toutes les délocalisations et transferts de technologie faites par les occidentaux au mépris de leurs peuples.
      La dernière en date , AIRBUS, dans quelques années les compagnies aériennes occidentales achèteront chinois.
      Rappelez-vous la prospérité de la Grande Bretagne au xix siècle : c’était Le pays industriel qui produisait 60% des biens mais sa technologie fut partagée avec ses voisins qui l’ont concurrencée
      amenant son déclin.



      • Hamed 5 septembre 2018 16:22

        @yapadekkoaqba

        Pourquoi « au mépris de leurs peuples  » ? Vous dîtes « toutes les délocalisations et transferts de technologie faites par les occidentaux au mépris de leurs peuples », et ensuite, « la Grande Bretagne au XIXe siècle : c’était Le pays industriel qui produisait 60% des biens mais sa technologie fut partagée avec ses voisins qui l’ont concurrencée amenant son déclin. »

        Ne remarquez-vous pas un non-sens dans ce que vous écrivez ? Il n’y a pas de mépris, ce sont les nécessités économiques qui ont obligé les Occidentaux à délocaliser comme naguère la Révolution industrielle en Grande-Bretagne qui s’est étendue à l’Europe continentale. Sans plus. La technologie, les techniques, les découvertes scientifiques se propagent inévitablement à l’ensemble des pays du monde. Ce n’est qu’une question de temps.

        Et puis ce que l’Europe a perdu d’un côté, elle l’a gagnée de l’autre. Sur le plan financier et monétaire, par exemple. Sur le plan de la démocratie, elle est aussi très en avance par rapport à beaucoup de pays. Il y a donc un équilibre plus ou moins juste à la fois pour ceux qui ont gagné et ceux qui ont perdu, que l’on peut mettre au compte des vicissitudes de l’histoire.

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