Les mots de la crise : « confusion »
Trois des six définitions proposées par le Larousse retiennent l’attention lorsque l'on étudie l'idée de confusion appliquée aux mécanismes de la crise :
- 1 « Action de confondre, de prendre quelque chose ou quelqu'un, pour quelque chose, quelqu'un d'autre ; erreur, méprise : Ce malentendu était dû à une confusion de noms ».
- 2 « État de ce qui est confus, indistinct, désordonné ; désordre : Ce plan reste d'une grande confusion ».
- 3 « Situation d'un groupe où tout le monde s'agite de manière désordonnée : La réunion s'est terminée dans la confusion générale ».
Avant tout, la confusion est donc « l’action de confondre, de prendre quelque chose ou quelqu'un, pour quelque chose, quelqu'un d'autre » et ainsi commettre « erreur » et « méprise ». Cette première définition est importante ; elle explique en effet comment, en phase d’analyse de crise, il est facile de glisser soit vers la sur-interprétation, soit vers la sous-interprétation, toutes deux sources potentielles de mauvaises décisions parfois lourdes de conséquences. Il s’agira par exemple de mal évaluer ses ressources ou réserves, ou identifier faussement un potentiel allié et par là même se placer et placer ceux qui sont sous responsabilité dans des situations incertaines ou dangereuses. Ces deux biais sont indissociables de l’idée même de confusion et traduisent fréquemment l’existence d’un degré de confiance faible en ses propres procédures ou d’un manque de préparation et d’analyse préalable et raisonnée. Cette définition met également en lumière l’importance capitale de l’information fiable, recoupée et sûre qui seule permet de choisir les bonnes options.
La deuxième définition nous décrit la confusion comme étant « l’état de ce qui est confus, indistinct, désordonné », résumé en un mot si central dans toute crise : le « désordre ». Ce désordre peut être matériel comme l’est l’arrêt des flux (électricité, eau, communications par exemple) ou la destruction d’infrastructures ; institutionnel, à l’image de deux factions opposées, en lutte, et se réclamant toutes deux d’un pouvoir de décision et de commandement et qui, par malheur, ont décidé de s’affronter dans le pays où vos ressortissants ou collaborateurs vivent ou travaillent. Il peut également être structurel dans la mesure où il affecte les relations de dépendance ou les chaînes de commandement d’une entreprise ou d’une collectivité, voire d’un groupe plus restreint comme une petite communauté.
Conséquence de ce désordre, la confusion peut donc également être la « situation d'un groupe où tout le monde s'agite de manière désordonnée ». Le mot à retenir est cette fois agitation. Il est d’ailleurs évocateur : l’agitation et la gesticulation traduisent des situations d’hésitation, de perte de confiance et de manque de préparation. Loin de la prise de décisions à un échelon local, établie sur une saine analyse de la situation et qui traduit une aptitude à improviser des solutions pertinentes, la confusion et l’agitation peuvent alors se résumer dans la fameuse phrase « ordre, contre-ordre, désordre » : chacun des membres du groupe investi d’une parcelle d’autorité prend alors des décisions floues et souvent contradictoires avec la stratégie décidée et relayée par la chaîne de commandement, tandis que les membres places sous la responsabilité de ceux-ci, ne percevant pas l’intérêt et la cohérence de ces instructions ou recommandations avec celles reçues au préalable, auront naturellement tendance à s’en exonérer.
Ces petites explications ont toutes un point commun : la confusion naît souvent à la fois de l’état d’impréparation et du défaut d’information. Or, malheureusement, dans le domaine de la gestion des crises et des situations complexes, l’impréparation est encore beaucoup trop répandue (ou la préparation trop légère…). Gérer la crise revient encore dans la majorité des cas à suivre mécaniquement une suite d’opérations décidées en amont, parfois à des milliers de kilomètres, et cela souvent sans aucun égard pour l’information en provenance du théâtre où se déroule la crise. Par exemple, en gestion de crise, si certaines mesures de mise en sûreté sont absolument nécessaires et doivent être prises, c’est toute l’adaptation de ces mesures à la situation objective qui en détermine la pertinence et la robustesse.
De surcroît, la confusion se nourrissant volontiers des hésitations nées d’un état chaotique devenu illisible, on aura tendance à attribuer au hasard et à la malchance vicissitudes et événements négatifs, renforçant ainsi le coté confus des situations, alors qu’il aurait fallu se livrer à une analyse moins légère des risques potentiels dans le but d’en extraire des solutions alternatives.
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