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Accueil du site > Tribune Libre > La droite anti-française

La droite anti-française

Je ne parle pas ici de la droite du capital, la droite ploutocrate, d’emblée mondialisée, opposée par lucre à tout ce qui fait corps, donc aux pays ― qu’ils soient contrées ou nations. L’argent est apatride ; son culte abolit les particularismes ; la droite qui s’y voue se réclame anti-française.

Je ne parle pas non plus ici, évidemment, de la gauche des luttes, la gauche doctrinaire, d’emblée mondialisée, opposée par ressentiment à tout ce qui est institué, donc aux peuples ― qu’ils soient plèbes ou nations. La militance est apatride ; son culte abolit ce que le temps a bâti ; la gauche qui s’y voue se réclame anti-française.

La droite dont je parle, la patriote ― dans ou hors les murs ―, la souverainiste comme on disait jadis, l’identitaire comme on dit maintenant, la conservatrice, la droite au sens dur du terme, je la dénonce tout aussi anti-française.

Car ils invoquent la France comme d’autres tartinent leurs discours des « valeurs de la République », et comme pour eux c’est une déclaration en trompe-l’œil, un mot qui ne signifie rien sauf de rallier les abusés, un slogan de toc jeté en appât aux indigènes qui se sentent ainsi payés de leur vote.

Que disent-ils quand ils disent patrie ? Que signifient-ils quand ils parlent de la France ? Son histoire : un patrimoine de carte postale que le Français exploite parce qu’il n’en est plus le bâtisseur. Sa gastronomie : un produit d’export dont il ne goûte que le saucisson industriel arrosé de bière batave. Sa culture chrétienne : un folklore qui triomphe dans la perpétuation des crèches de Noël, doublé d’une moraline mièvre convoquée en suppléance de la défaillante morale laïque. Sa langue : les 500 mots qu’il baragouine sur les 100 000 du dictionnaire. Inculture et inconséquence y marchent main dans la main en se donnant de grands airs. Leur France est surtout l’entre-soi des « fils de », eux-mêmes fils de ― et au-delà ça ne compte plus parce qu’on n’a pas de mémoire.

Ces fariboles ne sont pas la France. Les défendre, ce n’est pas défendre la France mais lui faire offense. Glorifier ces fadaises, c’est insulter la France. Et c’est aussi une injure à la foi, ce cléricalisme sans les béatitudes, ce ritualisme sans la charité, cette mauvaise bouillie politique servie en manière de mystique.

Je vous le demande, qu’est-ce que la France ? Qu’est-ce qu’être français ? Il y a trois siècles, on aurait répondu sans hésiter le sens de l’honneur et la clarté de l’esprit. De tout cela, il ne reste pas grand-chose. L’honneur s’est perdu entre le Chemin des dames et le Vel’d’hiv, et la clarté ensuite, entre le nouveau roman et la French theory...

La France n’est pas rien, pourtant. Il est possible d’en dessiner les lignes de force. La France porte un appel universel à la liberté des peuples et des personnes, elle est aussi un art de vivre complet offert à l’humanité, de la politesse et du vêtement à l’architecture et à la table, elle est aussi l’héritage d’une longue histoire passionnée, née de la Rome républicaine, impériale et chrétienne, et qui rayonne sur le monde, elle est aussi le foyer d’une langue façonnée pour dire partout la nuance avec précision et grâce.

De cela, hélas, la droite dont je parle, la prétendue patriote, ne veut pas ― car c’est bien trop d’embrassement du monde, bien trop d’universel et de diversité à la fois pour entrer dans le petit cadre d’une identité contrôlée. Ils ne croient pas que la France est un cadeau, une bénédiction pour la Terre, ils ne croient pas que la France est un point d’éclairement et d’attraction pour le genre humain et que beaucoup voudraient, beaucoup aspirent à devenir français. Ils ne croient pas qu’une poignée de Français peut faire, par sa force morale, d’une multitude éparse, le nouveau peuple français, vraiment français. Ils n’ont pas confiance dans la France. Ils veulent la pasteuriser ― comme un fromage fade ―, ils veulent lui dresser des murs pour la protéger, ils veulent lui tailler un sarcophage pour la préserver dans les siècles. Au fond, ils se figurent la France décédée, ou à l’agonie, et s’affairent à ses funérailles, et tracent les plans de son mausolée.

Pour cela ils sont anti-français. À moins que la France soit morte.


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12 réactions à cet article    


  • malitourne malitourne 20 septembre 2018 12:33

    Peut-être que cette « droite française » a pu s’incarner dans le gaullisme. Il est vrai qu’aujourd’hui, ceux qui se réclame du gaullisme (Dupont-Aignan, Guaino) n’ont pas d’autres ambitions que négocier à Bruxelles une souveraineté pour la France dans une « Europe des Nations ». Il y a aussi cette droite extrême qui sert de rateau pour les européistes.

    Bref à droite c’est encéphalogramme plat.
    A gauche c’est pas mieux.
    Le paysage politique français, c’est des européistes qui trahissent leur pays et qui sont munis d’un rateau de gauche et d’un rateau de droite pour diviser le peuple.
    FREXIT

    • Alren Alren 20 septembre 2018 19:56
      @malitourne

      La France Insoumise n’est pas européiste au sens où vous l’entendez. Lisez bien son programme l’Avenir en Commun !
      Je ne développe plus ...

    • malitourne malitourne 21 septembre 2018 11:33

      @Alren
      Ce n’était pas spécifiquement le sujet, mais si vous souhaitez rappeler que LFI prône un illusoire européisme keynésien...


    • Cateaufoncel3 Cateaufoncel3 20 septembre 2018 12:48

      "Que disent-ils quand ils disent patrie ? "

      Que c’est la terre de leurs pères : du latin patria (« terre des aïeux ») dérivé de pater (« père »).

      "Que signifient-ils quand ils parlent de la France ?"

      Qu’ils y sont chez eux, et que d’autres n’ont aucun titre à s’en prévaloir.

      « Ils ne croient pas que la France est un cadeau, une bénédiction pour la Terre… »

      Pas plus, assurément, que la Terre est une bénédiction pour la France.

      « …ils ne croient pas que la France est un point d’éclairement et d’attraction pour le genre humain. »

      Ce sont des songeries maçonniques de la fin du XIXe et du début du XXe, quand Jules Ferry disait : « Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». (1891) et que Léon Blum renchérissait : Nous admettons qu’il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu’on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation.(1925)

      « … et que beaucoup voudraient, beaucoup aspirent à devenir français. »

      Comme l’a observé Eric Zemmour : « Les gens viennent non pas pour rejoindre un pays mais pour rejoindre une diaspora. ». Des diasporas, puisqu’il y en a plusieurs (malienne, sénégalaise, ivoirienne, gabonaise, burkinabé…), qui sont désormais sociétalement autarciques.


      • jeanpiètre jeanpiètre 20 septembre 2018 19:48

        @Cateaufoncel3
        le pater n’est pas le père, mais le dieu le maitre, le pater d’un esclave n’etait pas son père biologique, juste le boss de la villa romaine ou il etait affecté.

        c’est peut être un détail pour vous, mais cela indique que vous interpretais des mots clé néolithique , on retrouve le terme pater dans toute la sphère indo européenne avec votre science orientée du XXI ème siècle.
        la patrie n’est jamais que le domaine de notre propriétaire


      • Christian Labrune Christian Labrune 20 septembre 2018 13:29
        Ils ne croient pas que la France est un cadeau, une bénédiction pour la Terre, ils ne croient pas que la France est un point d’éclairement et d’attraction pour le genre humain et que beaucoup voudraient, beaucoup aspirent à devenir français. Ils ne croient pas qu’une poignée de Français peut faire, par sa force morale, d’une multitude éparse, le nouveau peuple français, vraiment français. Ils n’ont pas confiance dans la France
        -------------------------------------------------------------
        à l’auteur,

        Je pensais que vous alliez nous dire ce que c’était que la France - vaste ambition ! Certes, vous attaquez ceux qui s’en réclament au nom d’une certaine idée qu’ils s’en font et que vous jugez fausse, mais à lire ce que j’ai recopié plus haut, je vois que s’il faut en tirer une définition, elle sera plus que vague, et si inconsistante que la plupart de ceux que vous critiquez pourraient y adhérer immédiatement eux aussi s’ils consentaient un instant à passer du plan des réalités à celui de la mystique. Cela aurait plu à Charles Péguy, que j’apprécie grandement et que vous auriez pu citer, mais la mystique et la politique sont deux choses. Sans doute, tout ce que nous voyons manque singulièrement d’inspiration et d’ambition, mais le macronisme ne durera pas, et les nations, et particulièrement la nôtre, finiront bien par se réveiller.
         

        • rogal 20 septembre 2018 14:18

          Du subjonctif après « croire que » ne serait pas anti-français...


          • Esprit Critique 20 septembre 2018 17:37

            Dans le contexte de guerre planétaire de l’Idéologie Islamiste, Il est rassurant de trouver quelques Anti-Français, comme vous le dites si mal dans votre Charabia.

            Vous « Baragouinez de la bouillie de fadaises », votre Militantude apatride, intéressera peut-être Ségolène.

            Quand a finir dans un Mausolée pour poète des certitudes annoncées, n’y pensez pas.


            • Pierre Régnier Pierre Régnier 20 septembre 2018 21:32

              Les « pro-français » d’aujourd’hui, qu’ils soient de droite ou, comme moi, de gauche, se rassemblent dans une nouvelle forme de résistance, celle qui doit être menée - d’urgence - contre l’islamisation de la France.


              • jesuisdesordonne jesuisdesordonne 21 septembre 2018 01:48

                Je suis déçu ! Les racines françaises qui m’intéressent le plus ne semblent même pas évoquées, ni dans l’article,ni dans les commentaires.
                Je veux parler des origines rurales qui ont généré les concepts de liberté, d’égalité, de fraternité et surtout d’une démocratie qui n’est pas l’abandon par le vote de son propre pouvoir de décision à un chef. Au départ les élus n’avaient que des mandats impératifs précaires.
                Pourquoi ? Qu’y avait-il avant le christianisme ? Qu’est-ce qui a perduré ensuite ?
                D’abord les dates des fêtes religieuses sont, pour la plupart, des dates de fêtes païennes. Surtout, il y avait des traditions de travail en commun, de fêtes parfois et de solidarités intergénérationnelles indispensables. Il y avait les journées de corvées. Celles que l’on devait au château et celles que l’on organisait pour la communauté.
                Les communes ont précédé les paroisses. Elles résultaient de juxtapositions de solidarités familiales dont Jules César évoque une nature matriarcale, au moins nostalgique. Les solidarités, issues de longues traditions et des nécessités s’organisaient en « autogestion » si je puis dire... Les veillées, par exemple, qui permettaient d’économiser le bois de chauffage en entretenant qu’un feu pour plusieurs familles n’étaient pas décidées par un chef, encore moins par un curé, et bien d’autres solidarités à l’avenant.
                N’est-ce pas cette tradition rurale d’agir de sa propre initiative qui s’est opposée à l’autorité des industriels et des curés pendant la commune de Paris lorsque le peuple a refusé la défaite que les aristocrates, les ecclésiastiques et autres financiers avaient négociée avec Bismarck ?
                N’est-ce pas cette tradition de décider pour soi-même que l’on trouvait dans les MIR à l’Est ?
                N’est-ce pas, lors de la révolution précédant la guerre civile, ce qui a fait dire aux anarchistes espagnols qui avaient mis en place l’arnarcho-communisme que c’était facile à faire comprendre aux illettrés car c’était la théorisation et la remise en place de coutumes qui avaient eu cours pendant des siècles ?
                 Évidemment aujourd’hui c’est plus facile de croire au père Noël et de tout déléguer à un chef que l’on peut idéaliser, surtout s’il n’est pas élu, ou dire qu’il est désigné par dieu mais mal entouré, ou que l’on peut critiquer à l’envi surtout s’il est moins présent qu’une communauté rurale, pesante, engoncée dans ses traditions, à qui l’on ne pourra parler qu’après avoir acquis l’âge et la notoriété.
                Fédérer les intelligences locales ? Ben on n’est pas rendu mais nous pouvons essayer.


                • gaijin gaijin 21 septembre 2018 09:55

                  @jesuisdesordonne

                   oui
                  pays => paysan
                  dans le monde progressiste qui est aussi bien celui de la droite que de la gauche on tente de faire de l’humain une créature hors sol c’est a dire déracinée et par là manipulable .............

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