La vie de Château
Journal d’un béotien
Le tournage en bord de Loire.
Une équipe de la SWR, grande chaîne de télévision allemande m’a fait l’honneur de m’inclure dans sa galerie de portraits ligériens. J’avais rencontré Ute, la réalisatrice quelques temps auparavant afin de me présenter et de lui faire part de mon attachement à notre Loire. Écoutant mon récit de vie, elle avait souhaité me filmer à Sully-sur-Loire, dans le château où naquit sans doute ma double passion pour l’histoire et notre rivière.
Rendez-vous avait donc été pris avec l’équipe de tournage le lundi 17 septembre au matin. J’avais au préalable sollicité le conseil départemental du Loiret, qui avouons-le, m’avait accordé sans la moindre difficulté l’accès au château, le décor de mon enfance. Nous allions même pouvoir tourner alors qu’il était fermé à la visite, un cadeau royal aurait dit Henry IV à son bon ministre.
J’étais quelque peu tendu ce matin-là n’ayant jamais réussi à supporter mon image au travers du prisme d’une caméra. Je passais outre mes réticences de midinette ou plus sûrement de vieux cabot, tant j’avais plaisir à retrouver ce lieu qui m’a sans doute constitué tel que je suis. J’avais sollicité l’ami Georges afin qu’il fut le témoin de cette curieuse aventure, en tout cas pour moi.
Nous sommes arrivés un bon peu en avance, voulant sans nul doute, retrouver le parfum de mon pays d’en-France. C’est ainsi que nous retrouvions l’ambiance si particulière du marché de cette charmante cité touristique. Un petit café en terrasse et j’étais prêt à affronter le terrible révélateur de l’œilleton.
Un combi WW comme il se doit, vint à notre rencontre ; trois personnes y étaient entassés, tant le barda y était considérable. Thomas le preneur d’images, Franck à la prise de son étaient placés devant tandis que la réalisatrice se disputait un peu de place avec tout l’attirail nécessaire à cinq semaines de tournage d’un bout à l’autre de la Loire. Je n’étais qu’une étape dans ce long périple ligérien.
Adrien, guide de la forteresse médiévale nous ouvrit les portes. Nous avions l’opportunité d’aller ou bon nous semblait. Je n'hésitais pas un seul instant, la grande salle d’honneur, la charpente et la tour de ronde ont toujours été mes endroits préférés pour des raisons différentes. La grande salle d’honneur tout d’abord fut un chantier pour mon père tapissier. Enfant je l’ai accompagné alors qu’il tendait une tenture contre les murs. Je me souviens encore de la taille gigantesque de l’endroit pour le minot que j’étais.
Dès que je pouvais, je m’éclipsais et j’allais à l’étage supérieur, sur le tour de ronde. La vue sur la Loire, les mâchicoulis, le mystère de l’endroit, les reflets des douves sous mes pieds m’ont à jamais influencé. Je mettais pour toujours les pieds dans l’histoire même si j’avais quelque peu tendance à la vivre d’abord selon mes rêves.
La grande salle des gardes et sa charpente fut à ce titre le déclencheur de ce qui est sans doute, chez moi, une propension à l’outrance, à l’exagération tout autant que cette folie de mêler les chronologies, de perdre mon récit entre passé et présent. C’est dans ce décor unique que nous avons passé trois heures, temps nécessaire semble-t-il, pour filmer ce qui ne prendra que quelques secondes dans le reportage final.
La technique prenait le pas sur l’émotion : angle de vue, éclairage, « travelling », changement de caméra, contre-plongée, profondeur de champ, … tout y passait avec un professionnalisme qui ne se départissait jamais du désir d’expliquer à celui qui devait refaire les mêmes gestes, se déplacer à nouveau dans le château de son enfance.
Quelques interviews me donnait enfin la parole. La plus grande partie de la séance s’étant passée dans le silence ; une épreuve quand on connaît la logorrhée habituelle du bonimenteur. Là encore, l’épreuve était redoutable tant la demande ressemblait à une gageure : « Pas trop long ! ». Il me fallait aller à l’essentiel, voilà bien une exigence contradictoire pour un conteur …
Châtelainement vôtre.
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