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Dopage, Représailles et Omerta, violons d’Ingres du loup de Jaizkibel

Comme Jordan Belfort, le trader fou du Loup de Wall Street, Lance Armstrong a voulu s’approcher trop près du soleil, et s’est brûlé les ailes … Personnifiant le mythe d’Icare, les deux hommes sont tombés dans leurs mers Egée à eux, la prison et le cancer pour Belfort, l’opprobre et la suspension à vie pour Armstrong. L’odyssée de Belfort, filmée par Scorsese en 2013, nous emmène de New York à Portofino en passant par Genève, Londres ou Miami. Celle d’Armstrong, interviewé par Oprah Winfrey avant de passer au biopic sous la caméra de Stephen Frears en 2015 (The Program), suit mille et une routes de Paris à Nice en passant par Gérone, Austin, Côme, Aspen, Oslo, San Sebastian, Valkenburg, Budapest ou encore Liège … Miroir déformé de Belfort qui a écrit ses autobiographies et enduré l’enfer du crabe avant sa chute, l’enfant né Lance Gunderson en septembre 1971 au Texas partage avec l’ancien patron de Stratton Oakmont un point commun saisissant : pour chacun d’eux, une fois pris dans l’engrenage, trop n’était jamais assez …

Aucun homme n’est assez riche pour racheter son passé, écrivait Oscar Wilde. Lance Armstrong ne fait pas exception à cette règle, lui qui était devenu l’idole et l’icône de beaucoup d’Américains, accompagnant même le président George W. Bush dans l’avion Air Force One à destination de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City, en février 2002.

Tout commence à Benidorm, le dimanche 6 septembre 1992. C’est dans cette station balnéaire espagnole défigurée par le tourisme de masse que Gianni Bugno remporte son deuxième maillot irisé consécutif, lui qui est un des cobayes de l’EPO, produit miracle qui va révolutionner l’approche médicale du cyclisme de haute compétition.

Personne ne se doute alors que le successeur du champion italien au palmarès du championnat du monde sur route sera un jeune Américain qui vient à peine de débuter chez les professionnels.

14e de la course en ligne des Jeux Olympiques de Barcelone, derrière son futur coéquipier chez Motorola, l’infortuné médaillé d’or Fabio Casartelli (décédé en 1995 dans la descente du col du Portet d’Aspet), Lance Armstrong dispute sa première course chez les pros le samedi 8 août 1992, lors de la Clasica San Sebastian.

Le coureur du Texas est humilié, terminant 111e et dernier sous la pluie basque si loin du lauréat mexicain Raul Alcala, moqué par les spectateurs espagnols dans l’Alto du Jaizkibel. Mais il était arrivé avec une naïveté confondante à San Sebastian, pensant se battre pour la victoire, avant de déchanter : Ce jour là, la pluie était si violente qu’elle faisait mal. Peu après le départ sous ces trombes glacées, je me suis retrouvé relégué en queue. Au fil des heures, j’ai eu beau lutter, je grelottais toujours. Bientôt, je chassais derrière le peloton : j’étais dernier. Devant moi, la masse des coureurs s’éclaircissait à mesure des abandons. Régulièrement, je voyais un coureur s’arrêter au bord de la route. La tentation était grande de l’imiter, de serrer les freins, de lâcher le guidon et de rejoindre le bas-côté en roue linre. Rien de plus facile. Mais je ne pouvais pas, non, surtout pour ma première épreuve professionnelle. Quelle humiliation ! Qu’est-ce que mes coéquipiers penseraient de moi ? Un Armstrong n’abandonnait pas. Il y a eu cinquante abandons. Moi, je pédalais toujours. Je suis arrivé bon dernier sur cent onze. J’ai franchi la ligne d’arrivée avec près d’une demi-heure de retard sur le vainqueur. J’ai grimpé la dernière côte sous les huées et les rires des Espagnols. Ils se foutaient carrément de moi : « Eh, regarde, le dernier, la tête qu’il fait. » Quelques heures plus tard, à Madrid, entre deux avions, je m’effondrais sur un siège et j’envisageais d’abandonner le cyclisme. Je venais de prendre la plus grande claque de ma vie. Je m’étais envolé pour Saint-Sébastien avec l’idée que j’avais une chance de gagner. Et maintenant, je me demandais si j’étais capable de continuer la compétition. On s’était fichu de moi. Le cyclisme allait être beaucoup plus dur que je ne l’avais cru. Le rythme était plus soutenu, le terrain plus ardu, les concurrents plus mordus que tout ce que j’avais imaginé.

A l’aéroport de Madrid, le jeune Américain hésite quel billet d’avion choisir : Zurich, pour la prochaine course ? Les Etats-Unis, pour un retour humiliant à la maison après cette Bérézina basque ? Seul une conversation téléphonique avec Chris Carmichael va persuader le jeune novice américain de ne pas tout laisser tomber après cette déception espagnole.

Engagé par Jim Ochowicz après les Jeux Olympiques de Barcelone, Lance Armstrong avait répondu : Je ne veux pas me contenter d’être bon, je veux être le meilleur.

Il fallait le prouver, et Armstrong le fait avec une superbe deuxième place dans le Championnat de Zurich, une épreuve de Coupe du Monde. Ironie du destin, ce jour là, le jeune espoir texan est le dauphin de son futur capitaine de route à l’US Postal, Vlatcheslav Ekimov : Après deux jours de repos, j’étais engagé dans le Championnat de Zurich. J’avais encore tout à prouver, à moi-même et aux autres. Cette fois, il n’était pas question de terminer dernier, même si je devais me faire exploser le cœur.

De cette blessure espagnole va naître un loup impitoyable, un chef de meute qui deviendra l’épouvantail de toute une génération de coureurs.

De cette course basque qui le marquera au fer rouge, Armstrong gardera un besoin viscéral de vengeance et de domination, comme un complexe d’Œdipe … Tyler Hamilton l’expliquera plus tard : Nous avions tous envie de gagner. Mais Lance avait besoin de gagner. Il fallait qu’il soit sûr à cent pour cent de l’emporter, toujours.

Un an plus tard, le 29 août 1993 à Oslo, encore sous la pluie, Lance Armstrong domine Miguel Indurain sur le circuit norvégien et succède à Gianni Bugno comme maillot arc-en-ciel, maillot dont les cinq couleurs rappellent celles du drapeau olympique, couleurs dont Armstrong va détourner la signification, loin de l’idéal de Coubertin : bleu comme l’US Postal, l’Invincible Armada qu’il va mettre sur pied, rouge comme le sang, ce sang qu’Armstrong va s’auto-transfuser encore et toujours pour gagner grâce à l’EPO alias Edgar (en référence à l’écrivain Edgar Allan Poe) au sein de l’US Postal, noir comme le crêpe que portera à jamais le sport cycliste après le règne hégémonique de l’imposteur texan, jaune comme le maillot de champion qu’il va usurper pendant un septennat entier d’imposture, vert comme la rage permanente qui animera ce coureur d’exception entre 1993 et 2005, et dont il ne sera jamais vacciné …

Le jeune rookie de 21 ans envoie valser le protocole norvégien en ce dimanche 29 août 1993. Face au roi Harald V de Norvège qui l’invite à le rejoindre dans sa loge, Armstrong tape déjà du poing sur la table avec terreur, comme s’il ne connaissait que le chantage pour méthode de dialogue : C’est avec ma mère, ou pas du tout, relate le Texan dans son autobiographie It’s not about the bike.

Un garde arrête Lance Armstrong et sa mère Linda au moment de franchir la porte derrière laquelle le souverain scandinave va recevoir le nouveau maillot irisé en audience privée : Il va falloir qu’elle vous attende ici. Le roi vous verra seul.

Sans se démonter, Armstrong réplique illico ; C’est avec ma mère, ou pas du tout. Tournant les talons en prenant sa mère par le bras, le Texan ne bluffe pas, se foutant ouvertement du protocole norvégien comme de sa première chaussette. Le garde se radoucit et cède finalement aux exigences du coureur américain. A un mois de fêter ses 22 ans, le jeune Américain n’a d’ordre à recevoir de personne, et remet l’Eglise au milieu du village : le patron, c’est lui.

Chien enragé, Armstrong crache son venin sur Moreno Argentin lors du Tour Méditerranéen 1993. Le roi des classiques a le tort de le confondre avec un autre yankee, l’anonyme Andy Bishop. Le courroux d’Armstrong revient comme un boomerang vers Argentin, quadruple vainqueur de Liège-Bastogne-Liège :

  • Va te faire foutre, Chiappucci !

L’insolent rookie texan gagnera ensuite le trophée Laigueglia contre Argentin, lequel freinera durant le sprint pour ne pas avoir à partager un humiliant podium derrière son rival, avec qui il deviendra finalement ami. Puis, l’étape du Tour de France à Verdun, créant la sensation auprès des journalistes new-yorkais venus l’interroger.

  • Etes-vous un deuxième Greg LeMond ?
  • Non, je serai le premier Lance Armstrong

Et le vainqueur (cycliste) de Verdun prouve qu’il n’a pas que de la répartie en décrochant une première grande couronne à Oslo, à 22 ans, dix ans après celle de LeMond en 1983 lors d’un autre championnat du monde, en Suisse.

Dès ce Tour de France 1993, Lance Armstrong marque son équipe de son empreinte. Alors en fin de carrière chez Motorola aux côtés du jeune Texan, l’Australien Phil Anderson a retenu un moment particulier, celui de la présentation des équipes au Puy-du-Fou. Les coureurs de Motorola bavardent en attendant que le speaker du Tour, Daniel Mangeas, ne les introduise auprès du public vendéen : Nous étions là, debout, et Lance m’a chuchoté à l’oreille : « Voilà le cyclisme, voilà la vie. » Des milliers de gens étaient massés dehors, le présentateur faisait monter l’ambiance pendant qu’un orchestre jouait, des images étaient projetées sur un écran géant et Lance avait l’air d’adorer. C’était un garçon aux yeux brillants qui était arrivé exactement où il voulait arriver. Il était à l’aise, très sûr de lui, il avait aussi son franc-parler, cette impertinence texane. S’il n’avait pas été leader d’une équipe cycliste, il aurait pu être dirigeant politique ou patron d’une entreprise. La veille du départ de son premier Tour, il était là comme pour dire « Voilà le monde auquel j’appartiens ; » C’est ce qui m’est resté en mémoire. 

Les vannes célestes s’abattent souvent lors des grandes démonstrations de force d’Armstrong, qui conjugue la force herculéenne d’un Miguel Indurain à la cadence de pédalage d’un Charly Gaul : Sestrières en 1999, Lourdes Hautacam en 2000, La Mongie en 2004 ... Miguel Indurain courait en épicier, Lance Armstrong va lui dresser ses fourches caudines sur la concurrence.

Calife à la place du calife, Lance Armstrong pourrait être un personnage des Mille et Une Nuits  : de la narratrice Shéhérazade, il a hérité d’une éloquence à nulle autre pareille quand il s’agit de se défendre et d’ériger l’omerta en talisman protecteur, d’Ali Baba et des quarante voleurs, il a hérité le sésame vers une fortune non méritée, d’Aladdin il a hérité le pouvoir d’exaucer tous ses vœux, sa lampe magique à lui étant l’EPO fourni par un génie du dopage, le docteur Michele Ferrari ...

Disciple du professeur Conconi, l’homme qui façonna notamment Moser, Bugno et Indurain avant de terrasser le mythique col du Stelvio en 1993 lors d’une course de côte amateurs, Michele Ferrari a débuté sa carrière au sein de l’équipe Gewiss Ballan en 1994. Orfèvre du dopage, druide de l’EPO, Ferrari est la pierre angulaire des succès de la formation italienne au printemps 1994 : Flèche Wallonne pour le vétéran Moreno Argentin, Liège-Bastogne-Liège et Giro pour Evgueni Berzin, qui terrasse le grand Indurain en Italie.

De retour dans les pelotons avec Motorola en cette saison 1994, le coureur néo-zélandais Stephen Swart n’en revient pas : En 1994, tout avait été complètement changé. L’augmentation de la vitesse était incroyable. Spécialement en montagne. En 1988, j’étais aussi bon que certains des meilleurs. Dans les ascensions, je pouvais rester dans les dix premiers. Sur le Tour de Suisse 1988, j’étais au sommet avec les Néerlandais Gert-Jan Theunisse et Steven Rooks, les meilleurs grimpeurs du Tour de France trois semaines plus tard. Et maintenant, alors que je savais que j’avais progressé, j’étais incapable de suivre. Ils n’utilisaient pas les mêmes braquets qu’avant. Personne ne mettait plus les petits développements. Tout cela avait disparu en cinq ans. Incroyable, le niveau avait crevé le plafond. J’ai compris aussitôt que j’allais avoir à affronter quelque chose. J’avais entendu parler de l’EPO, le mot avait transpiré jusqu’aux Etats-Unis. Nous savions que ça dopait le sang, que ça augmentait al capacité en oxygène, mais je ne pensais que ça pouvait avoir tellement changé les choses. Chez Motorola, certains des anciens étaient démoralisés. Par exemple, sur une course de début de saison comme Tirreno-Adriatico, nous passions une semaine à courir à fond, uniquement pour survivre. Juste pour terminer la couse. C’était complètement fou.

Seulement 3e du Giro derrière le nouveau tsar Berzin, le Navarrais est aussi battu par un escaladeur virtuose du nom de Marco Pantani. L’Espagnol apporte sur le Tour de France 1994 une réponse cinglante à ceux qui le croient sur le déclin. Rominger laminé en seulement deux étapes, Miguel Indurain gagne son quatrième maillot jaune consécutif, tandis que Marco Pantani se hisse sur le podium et confirme ses prodigieux de grimpeur. Entre l’Espagnol et l’Italien, un coureur de l’équipe qui fait sensation, Gewiss, le Letton Piotr Ugrumov.
Lance Armstrong, lui, a abandonné en cours d’épreuve, après avoir vécu une humiliation terrible lors du contre-la-montre Périgueux – Bergerac. Parti deux minutes avant Miguel Indurain, l’Américain se fait déposer sur place par le champion de Banesto sur les routes périgourdines, tel un canasson face à un étalon … Sans pitié pour le jeune espoir au maillot irisé, Indurain enfonce les pédales et inflige un terrible camouflet à son futur hériter comme tyran de la grand-messe thermidor : 6’23’’. Avec cette première banderille contre Tony Rominger qui perd lui deux minutes, Miguel Indurain récupère le maillot jaune, avant de porter l’estocade au peloton tout entier dans les brumes de Lourdes-Hautacam. Seuls Luc Leblanc et Marco Pantani échappent au massacre …

Pour Armstrong, pas de miracle à Lourdes en cette année 1994. Avec son gabarit de rugbyman qui le pénalise en montagne et ses médiocres performances dans l’effort solitaire, gagner le maillot jaune est alors utopique pour le Texan … Difficile de trouver un motif d’espoir et un profil de vainqueur potentiel du Tour de France pour Lance Armstrong en 1994, idem en 1995 où il termine très loin du quintuple lauréat Miguel Indurain à une anonyme 36e place, malgré une victoire d’étape à Limoges en hommage à Fabio Casartelli.

1995 le voit débuter une collaboration avec le docteur Ferrari et venger le destin sur la Clasica San Sebastian qu’il gagne trois ans après le calvaire de Jaizkibel, preuve que la rancune est tenace dans la mémoire du coureur américain, 1996 lui apprend qu’il souffre d’un cancer des testicules, alors qu’il venait de signer avec Cofidis. Pendant sa chimiothérapie, le Texan reçoit la visite d’Eddy Merckx, avec qui il s’était lié d’amitié avant sa maladie. Le Belge, quintuple vainqueur de la Grande Boucle, avait été le premier à persuader Armstrong qu’il pouvait gagner le Tour de France à condition de perdre du poids, l’Américain n’ayant jamais fait mieux que 36e en 1995.

Mais tout le monde n’est pas dupe, tel Willy Voet, ancien soigneur des Festina intercepté en 1998 à la frontière franco-belge, avant que la boîte de Pandore du cyclisme 2.0 n’explose : Grimpeur ou sprinter, ça ne s’invente pas. Un Lucien Van Impe était déjà grimpeur chez les cadets. Perdre 7 ou 8 kg serait trop facile pour expliquer une métamorphose. Mario Cipollini peut perdre 8 kg, il ne deviendra pas pour autant un grimpeur. Abraham Olano s’y est essayé, mais sans succès.

Dans 2000, dans le quotidien Libération, le journaliste français Jean-Louis Touzet tourne en dérision ce marketing du coureur texan autour de sa perte de poids : Lance Armstrong est si maigre qu’on lui voit à travers. Avant la maladie, il traînait donc une petite carriole de graisse derrière son vélo. Si on suit ce raisonnement, les coureurs mal classés, surtout les Français, pédaleraient avec une roulotte de gras double. Lance Armstrong se contente d’un radis et d’une pomme alors que les coureurs français avalent sûrement des sangliers au miel tout en buvant des vins au pichet qui cochonnent le bavoir. Le cyclisme à deux vitesses se cachait dans l’assiette, et on ne le voyait pas, aveugles que nous étions.

Après tout, Miguel Indurain avait déjà berné tout le monde avec cette douce chimère de perte de poids, comme Gianni Bugno avec la musicothérapie ou Richard Virenque avec son trèfle à quatre feuilles, celui là-même qui expliquait sa victoire de Courchevel en 1997, pourtant doublement usurpée dans la station jet-set : par le dopage industrialisé des Festina qui avaient poussé 93 coureurs hors délais, et par l’achat de sa victoire à Jan Ullrich, maillot jaune implacable de cette édition 1997 orpheline d’Armstrong. La rumeur voulait que Festina eut utilisé lors de cette étape Bourg d’Oisans du PFC, du perfluorocarbure, du sang de synthèse qui accroît la capacité en oxygène, le nectar et l’ambroisie de l’époque, mieux que le fruit défendu de l’époque, l’EPO. La domination collective des coureurs de Bruno Roussel lors de cette étape de montagne avait rappelé celle du trio Gewiss (Argentin Furlan Berzin) lors de la Flèche Wallonne au printemps 1994 …

Tout est permis donc au pays des sourds et aveugles pathologiques, Armstrong revient donc en 1998 dans le peloton, avec l’équipe américaine US Postal de son ancien colocataire au lac de Côme, Frankie Andreu. Mais Armstrong revient tel un gladiateur mieux armé que jamais prêt à en découdre dans l’arène. Un Armstrong 2.0, dopé mieux que la concurrence.

Le Texan est un phénix qui va renaître de ses cendres dans un cyclisme alors dominé par les Européens : l’Allemand Jan Ullrich, le Suisse Alex Zülle, le Danois Bjarne Riis, le Français Richard Virenque, l’Espagnol Abraham Olano et l’Italien Marco Pantani dans les courses par étapes, l’Italien Michele Bartoli, l’Allemand Erik Zabel, le Belge Johan Museeuw, le Russe Andreï Tchmil et le Français Laurent Jalabert dans les classiques ...

Le cyclisme est un sport darwinien, difficile, et dans cette jungle impitoyable va émerger Armstrong, Goliath qui va sortir ses greffes de prédateur assoiffé de (son) sang. Tel un vampire, il va éliminer ses rivaux un à un, Zülle, Pantani, Ullrich … Jan Ullrich était pourtant le physique le plus impressionnant du cyclisme de l’après Indurain. Forgé en Allemagne de l’Est, de l’autre côté du Rideau de Fer, sacré champion du monde amateurs en 1993 à Oslo, la même semaine qu’Armstrong ne professionnels, Ullrich avait affiché son talent dès 1994, médaille de bronze mondiale du contre-la-montre à Catane derrière Chris Boardman. Dauphin de Bjarne Riis en 1996, il courait comme un cyborg, avec une créole à l’oreille gauche, lui qui avait résisté à l’impitoyable entraînement de l’ex RDA, à une époque où la règle d’or des entraîneurs était de jeter une douzaine d’œufs contre un mur et de ne garder que ceux qui n’étaient pas cassés … Œuf incassable, œuf de Fabergé du cyclisme, cancre surdoué, héritier trop vite désigné d’Indurain, talent comparable aux Coppi, Anquetil et Merckx, le champion allemand va pourtant être broyé sur les routes de France et de Navarre par le bulldozer Armstrong, dont il sera le dauphin en 2000, 2001 et 2003. D’œuf incassable, Ullrich est devenu la réincarnation de Poulidor, par une étrange métempsycose, lui qui était encore vu en 1998, malgré sa défaite contre Pantani dans la Grande Boucle, comme le meilleur coureur du monde.

1998 voit le cow-boy Lance Armstrong faire l’impasse sur le Tour de France où l’US Postal participe, dans une édition marquée par le scandale Festina. L’équipe française de Richard Virenque a franchi le Rubicon, et s’apprête à tomber du Capitole à la Roche Tarpéienne. Les moutons noirs seront exclus pour laisser le peloton reprendre sa transhumance paisible, dans l’omerta la plus totale ... La mort de Tom Simpson en 1967 sur les pentes du Mont Ventoux pas plus que l’affaire Delgado en 1988, ou la polémique PDM en 1991 n’avaient suffi à faire exploser la cocotte-minute. Cette fois-ci, la boîte de Pandore est ouverte, les démons se libèrent un par un mais n’atteindront pas Lausanne. Sur les rives d’Ouchy, le port de la station vaudoise, l’UCI est murée dans sa tour d’ivoire. Le cyclisme agonise déjà ... Tyler Hamilton, futur lieutenant du King, termine 2e du chrono de Corrèze écrasé par un Jan Ullrich qui tutoye la perfection pour quelques jours encore. L’ogre de Rostock s’attire tous les superlatifs mais Marco Pantani va utiliser le juge de paix du Tour de France, le Col du Galibier, pour sonner le glas des espoirs du champion allemand, qui espérait bien conquérir un deuxième maillot jaune consécutif. Ullrich ne le sait pas encore en ce lundi noir à l’atmosphère de krach boursier tant la surprise est énorme, mais sa victoire de 1997 est la dernière sur le Tour de France.

La victoire de Pyrrhus que signe Marco Pantani en 1998, loin de l’apothéose traditionnelle sur les Champs-Elysées, annonce des lendemains encore inconnus. De peur d’être prises en flagrant délit, la plupart des équipes ont balancé leurs stocks de produits dopants. Craignant une descente de police à l'occasion du deuxième contre-la-montre, le médecin espagnol de l’US Postal, le docteur Pedro Celaya est soudainement pris de panique, et décide ainsi de se débarrasser de dizaines de milliers de dollars de produits dopants en les jetant dans la chasse d'eau du bus de l'équipe américaine. La rumeur fait état d’une perquisition de l’équipe Deutsche Telekom de Jan Ullrich et Bjarne Riis, les deux derniers lauréats. Le Danois jette toutes ses ampoules d’EPO dans les toilettes. L’aigle qui avait voltigé sur Lourdes Hautacam en 1996 n’est plus qu’un misérable oiseau décharné qui ne dégage que 355 watts dans les Deux-Alpes. Riis était pan y agua, au pain et à l’eau, pour reprendre le jargon du docteur Celaya de l’US Postal. Privé de potion magique, les ailes coupées, le Scandinave sombra comme Jan Ullrich sur les pentes des Deux-Alpes, si loin de Marco Pantani qui vivait son apothéose.

Pas de miracle, sans dopage de pointe, la sanction est immédiate. En 1996 justement, l’année où Riis dresse la guillotine sur le Tour de France, Miguel Indurain termine 11e Certes le temps apocalyptique de la première semaine n’a pas aidé l’Espagnol à perdre son léger surpoids. Certes, le calendrier d’Indurain était trop léger avec trop peu de jours de course avant le prologue de Bois-le-Duc, alias s’Hertogenbosch. Certes, l’usure du pouvoir l’avait rattrapé à 32 ans. Certes, il avait commis le péché d’orgueil en voulant conquérir un sixième maillot jaune, tel Jacques Anquetil en 1966, Eddy Merckx en 1975 ou Bernard Hinault en 1986. Certes, la victoire triomphale du Dauphiné Libéré était une illusion, un trompe-l’œil …

Mais le docteur Sabino Padilla, clé de voûte des succès du Navarrais entre 1991 et 1995, avait quitté Banesto fin 1995. Dès le 3 janvier 1996, José Miguel Echavarri était à Milan à la recherche d’un nouveau médecin, sans doute Conconi ou Ferrari. Sans médecin d’élite, Indurain perd sa force miraculeuse. Le Pantagruel espagnol redevient humain : défaillance aux Arcs, 5e place à Val d’Isère, nouvelle défaillance à Lourdes Hautacam, Berezina sur la route de Pampelune où Bjarne Riis lui donne l’accolade à l’arrivée … Le roi est mort, vive le roi !

Preuve est donc faite que sans dopage dans les années 90, on n’avait aucune chance de gagner, le dernier maillot jaune propre du Tour de France étant probablement Greg LeMond en juillet 1990. Mais les dopés pourraient faire leurs le fameux slogan du célèbre manufacturier de pneus Pirelli : Sans maîtrise, la puissance n’est rien …

Le théorème de Pirelli est résumé de façon plus prosaïque par le docteur Michael Ashenden : Le vainqueur d’une course où l’on s’est dopé n’est pas celui qui s’est entraîné le plus dur, mais celui qui s’est entraîné le plus dur et dont la physiologie a le mieux réagi aux produits.

L’exemple de Jan Ullrich en 1997 dans le chrono final d’Eurodisney le prouve. L’Allemand, maillot jaune insubmersible, avait mal réagi à un excès de cortisone, terminant seulement 2e derrière Abraham Olano.

Car s’il suffisait de se doper pour gagner, tout le monde gagnerait. Or il n’y a qu’un seul vainqueur, et après 1998, un homme venu de nulle part va marcher sur l’eau pendant sept Tours de France consécutifs, sur les routes de France et de Navarre. Une chrysalide qui va devenir papillon, une sorte de sphinx maléfique aux ailes noires … La chrysalide fait son apparition en Espagne en septembre 1998, mais le papillon n’arrive qu’en juillet 1999 en France …

Sur la Vuelta 1998, Abraham Olano l’emporte en profitant des faiblesses de Fernando Escartin et de Jose Maria Jimenez. Le premier comme le second sont trop vulnérables contre-la-montre, la chasse gardée du Basque, sosie facial d’Indurain mais dont le palmarès sera bien plus modeste.

4e de cette Vuelta 1998 derrière le trio espagnol, Lance Armstrong découvre les effets d’un dopage de haut niveau. Il reçoit alors un email de Johan Bruyneel qu’il vient de côtoyer dans le peloton de la Vuelta. Le Belge envisage un podium sur le Tour de France 1999 pour le Texan, ceint du maillot irisé qu’il irait reconquérir à Valkenburg, cinq ans après Oslo en 1993 …

Vous auriez fière allure sur le podium du prochain Tour de France, ceint du maillot de champion du monde. Cette simple phrase écrite par Johan Bruyneel sonne comme un double miroir cassé. Le cyclisme vient de prendre non pas sept ans mais quatorze ans de malheur, jusqu’en 2005 et encore jusqu’en 2012. La madeleine de Proust des années Pantani est terminée, place à la chape de plomb Armstrong entre 1999 et 2005 ...

Emma O’Reilly s’expliquera sur ce fameux mail reçu par Lance Armstrong de la part de Johan Bruyneel : Après l’avoir reçu, Armstrong m’a expliqué que c’était un type de première catégorie, parce qu’il voyait déjà Lance en maillot jaune sur le podium du Tour de France, l’année suivante, et en maillot arc-en-ciel de champion du monde. C’était exactement ce que Lance voulait entendre, Johan savait comment le toucher. C’est là, à ce moment là, qu’il a eu le job.

A Valkenburg, Armstrong profite d’un tour de passe-passe du docteur Pedro Celaya pour dissimuler sa tricherie …

Plus calme que sur le Tour de France, le Dr Celaya s'éclipse alors discrètement pour aller chercher une bouteille d'un litre d'une solution saline qu'il transporte sous son imperméable devant l'inspecteur de l'UCI avant de l'administrer à Armstrong afin de faire baisser son taux hématocrite.

4e du contre-la-montre remporté par Abraham Olano décide en grande forme à l’automne 1998, 4e de la course en ligne gagnée par le Suisse Oskar Camenzind, Lance Armstrong échoue encore deux fois au pied du podium.

Lassé par Pedro Celaya, le Texan congédie le médecin espagnol qu’il remplace par Luis Garcia Del Moral, transfuge de l’équipe ONCE, d’où arrive également un jeune retraité, le Belge Johan Bruyneel (qui remplacera Johnny Weltz).

Le recrutement de Johan était la preuve que Lance dirigeait l’équipe, explique Jonathan Vaughters. C’est Johan qui a donné à Lance la certitude de qu’il pouvait gagner le Tour de France. Il était le premier à imaginer Lance gagner le Tour et je pense que c’est toujours ce qui lie Lance à lui. Maintenant, même avec Johan à bord, c’est toujours Lance, qui, de facto, dirige l’équipe, comme à l’époque, en 1998.

Polyglotte et intelligent, Bruyneel sera la cheville ouvrière du système Armstrong au sein de l’US Postal puis d’Astana et de Radio Shack. Le Belge va se constituer un palmarès colossal, un véritable almanach pléthorique, en tant que directeur sportif, dépassant Cyrille Guimard au zénith des directeurs sportifs les plus titrés sur le Tour : sept succès pour Guimard (1976 avec Van Impe, 1978, 1979, 1981 et 1982 avec Hinault, 1984 et 1984 avec Fignon), neuf pour Bruyneel (1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 avec Armstrong, 2007 et 2009 avec Contador)

Arrivé dans les bagages de Johan Bruyneel à l'US Postal, Luis Del Moral est, selon les anciens coureurs de l'équipe ayant témoigné devant l'Agence américaine antidopage (USADA), le bras armé de Bruyneel dans l'installation du programme dopant entre 1999 et 2003. Bourru, agressif et semblant toujours débordé », selon Christian Vande Velde, qui ajoute : A peine entrait-il dans une pièce que vous vous retrouviez rapidement avec une aiguille dans le bras. Et Jonathan Vaughters se souvient de sa méthode : Plus agressif que le docteur Celaya dans la façon de fournir les produits, il est venu en Californie, à Solvang, lors de notre camp d'entraînement en 1999, avec un tableau Excel sur lequel il récapitulait pour chacun les périodes propices à l'usage d'hormone de croissance, celles qui convenaient au début de la cure d'EPO.

Comme son compatriote Eddy Merckx quelques années plus tôt, Johan Bruyneel est convaincu qu’Armstrong peut viser le Tour de France. C’est donc l’objectif suprême pour 1999, car il s’agit de rattraper le temps perdu avec ce maudit cancer, et de redevenir riche comme Crésus, le Texan avait dû revendre sa Porsche Boxster pendant son traitement en 1996 …

Outre la force de conviction de Bruyneel, un autre élément a fourni une motivation à Lance Armstrong en vue du Tour de France 1999 : la 3e place de son compatriote Bobby Julich avec Cofidis sur l’édition 1998, derrière le tandem roi Pantani – Ullrich. Armstrong ne portant dans son cœur ni Julich ni Cofidis, il se dit qu’il pouvait faire mieux que Julich, qu’il considérait comme inférieur à lui sur le plan intrinsèque. Le Texan oubliait que Julich avait profité du départ d’Escartin lors de la mutinerie des équipes espagnoles sous l’égide de Manolo Saiz et Laurent Jalabert, ainsi que du déclassement du trio de Festina, Richard Virenque, Alex Zülle et Laurent Dufaux. Mais aveuglé par sa vieille rivalité avec le natif de Corpus Christi, le champion du monde 1993 était désormais obsédé par le maillot jaune, que son idole Greg LeMond avait gagné trois fois, en 1986 puis à deux reprises en 1989 et 1990 après son terrible accident de chasse lors du lundi de Pâques 1987. Comme LeMond, Armstrong allait interpréter le rôle du rescapé de la mort, du phénix insatiable …

Mais LeMond va vite comprendre qu’Armstrong est un usurpateur. Une histoire lui arrive aux oreilles au printemps 1999, venant d’un hôtel de Liège. Par une porte entrebâillée, un témoin avait entendu la voix de Lance Armstrong en pleine conversation téléphonique privée. L’ancien champion du monde d’Oslo 1993 clamait avec aplomb sa certitude de gagner le prochain Tour de France : J’en suis sûr, à 100 %, disait la voix. Ça ne fait aucun doute. Il possédait, disait-il quelque chose que personne n’a. " Et je suis le seul à l’avoir ".

A l’époque, seul Miguel Indurain croit en lui, pronostiquant le nom de Lance Armstrong en 1999 avant le prologue du Puy-du-Fou. Durant le printemps 1999, les journalistes se moquent du Texan qui proclame son ambition pour le mois de juillet sur les routes de France et de Navarre, snobant les classiques ardennaises qui avaient fait sa gloire avant son cancer : 2e de Liège-Bastogne-Liège en 1994 et 1996, succès sur la Flèche Wallonne en 1996.

Armstrong le raconte dans son premier livre. Qu’est-ce qui me passait par la tête dédaigner les épreuves qui m’avaient si bien réussi autrefois ? Un journaliste a fini par venir me voir pour me poser la question :

- Non, je ne suis engagé sur aucune des classiques.

- Et … pourquoi ?

- Je me concentre sur le Tour.

- Oh, on vise le Tour, maintenant », me fait-il avec un sourire condescendant, comme si je venais de sortir une énormité. Je l’ai regardé en pensant : « comme tu voudras, mon vieux. Qui vivra verra »

Malgré les premières rumeurs qui circulent dans le peloton, Greg LeMond soutient pourtant officiellement Lance Armstrong durant l’été 1999, se faisant prendre en photo avec lui lors de la journée de repos au Grand Bornand intercalée entre les deux coups de force de Metz et de Sestrières, avant que tout ne bascule en juillet 2000 près du Mont Ventoux. Dix ans après sa troisième victoire dans la Grande Boucle pour le compte de l’équipe Z, LeMond est invité à un dîner par ses coéquipiers avant la fameuse étape Carpentras / Mont Ventoux qui mettra le feu aux poudres entre Lance Armstrong et Marco Pantani. Discutant avec son ancien mécanicien Julien De Vriese alors employé par l’US Postal, Greg LeMond comprendre que la formation de Johan Bruyneel est une armada basée sur un système de dopage de pointe : en d’autres termes, Armstrong est une fraude totale, jouant avec son image de rescapé du cancer, loin du vrai come-back d’un LeMond accidenté en 1987 dans une partie de chasse pascale en Californie et qui avait déjà fait ses preuves sur la grand-messe de thermidor entre 1984 et 1986 (1er en 1986, 2e en 1985 et 3e en 1984, sans oublier son titre mondial de 1983 et une 3e place sur le Giro 1985 puis une 4e place au Giro 1986) …

Greg LeMond s‘explique à ce sujet : En 1999, j’ai entendu par un mécano de Festina de ce qui continuait de se passer. Pour moi, c’est vraiment très difficile d’apprécier le vélo quand on ne sait plus qui est le meilleur. Le problème de ces quinze dernières années, c’est ça, qui était le meilleur cycliste. Pour moi, c’était Jan Ullrich, il a plus de talent que les autres. En 2000, au cours d’un dîner, j’ai su, par les mécaniciens de l’US Postal, ce qui se passait. Là, c’était difficile de regarder le Tour. Quand on voit en 2000, Armstrong parler dans l’oreillette, pendant qu’il lâche Pantani dans le Ventoux, ce n’est pas normal, c’est fou. […] J’ai seulement dit que j’étais déçu qu’il voie Ferrari. Lui, il m’a téléphoné cinq ou six jours après, et au lieu de me demander pourquoi j’avais dit ça, il m’a dit que ne pouvais pas gagner le Tour de France sans EPO. J’ai répondu que c’était faux et il a insisté sur 1989. Je lui ai dit, « en 1989 je ne connaissais même pas l’EPO et si j’avais été le premier à l’utiliser, ce n’est pas avec huit secondes que j’aurais gagné mais plutôt avec huit minutes. » […] J’ai vu beaucoup de coureurs arrêter, comme moi, à 32 ans, en pensant « j’arrête, je suis trop vieux. » On cherchait pourquoi le peloton roulait si vite. Ma mentalité a toujours été de rouler devant, c’était ma place, là, je ne pouvais plus assurer, je mettais ça sur le compte de l’âge.

Dès 1994, les relations Armstrong / LeMond étaient complexes ... Le champion du monde d’Oslo téléphone en Belgique et tombe sur Kathy, l’épouse de Greg. Le Texan avait tout simplement pris une option sur la maison qu’occupaient les LeMond à Courtrai en Belgique, pendant la saison européenne en arguant que le triple vainqueur du Tour était, selon les mots du jeune champion du monde en titre désormais fini ! Si cette anecdote du coup de fil a déjà été évoquée dans le passé par Kathy LeMond, c’était consécutif au renoncement de Greg LeMond sur une route de Normandie quelque part entre Cherbourg et Rennes, dans la sixième étape du Tour de France 1994, poussant son jeune compatriote à s’emparer de son téléphone.

Un autre fer de lance du sophistiqué système de dopage de l’US Postal est Pepe Marti, un homme qui avait l’ADN du tricheur. Si son rôle officiel était entraîneur, Jose Marti était surnommé le facteur par les coureurs de l'US Postal. Plus d'une fois, il m'a ravitaillé chez moi en EPO et je l'ai payé pour ça, raconte George Hincapie dans le rapport rendu public par l'agence anti-dopage américaine (USADA) mercredi. Emma O'Reilly, assistante et masseuse de Lance Armstrong, a confirmé cela aux enquêteurs : Il a été intronisé entraîneur mais sa responsabilité numéro un consistait à se procurer et à transporter les produits pour l'équipe. Selon O'Reilly, certains produits étaient stockés dans les bus et camions de l'équipe et d'autres étaient livrés directement chez les coureurs.

Betsy Andreu, l'épouse de Frankie Andreu, a raconté lors d’un témoignage un dîner dans un restaurant de Nice auquel participaient, outre elle-même, Lance et Kristin Armstrong, Kevin Livingston et sa fiancée ainsi que « Pepe » et sa compagne. Le dîner avait été retardé car l'objet de la présence à Nice de « l'entraîneur » consistait à fournir de l'EPO à Armstrong et il semblait plus sûr qu'il passe la frontière, en provenance d'Italie, une fois la nuit tombée... L'épouse de Frankie Andreu se souvient du sac que Jose « Pepe » Marti avait tendu à Armstrong et du sourire satisfait de ce dernier évoquant de l'or liquide.

« Pepe » a même fourni... la concurrence. Selon les témoignages de Tom Danielson et Christian Vande Velde, les relations entre Marti, Bruyneel et le docteur Ferrari étaient si étroites que l'entraîneur fournissait les produits requis avant même que les coureurs ne les demandent. Tyler Hamilton a par ailleurs confirmé à l'USADA que Marti était présent lors de son premier prélèvement sanguin, en 2000 à Valence, tout comme Armstrong et Ferrari. Quant à Leipheimer, il a expliqué que Marti le fournissait également à titre personnel lorsqu'il courait chez Rabobank en 2003 puis lorsqu'il porta les couleurs de Gerolsteiner en 2006. La seule condition demandée par « l'entraîneur » était que Leipheimer n'informe pas Bruyneel que Pepe vendait des produits dopants à un coureur d'une équipe rivale.

Lance Armstrong en 1999, c’est le paria du Far West qui ouvre en grand la porte du saloon pistolet à la main pour rafler l’argenterie, les dollars dans la caisse du barman et s’enfuir en diligence avec la plus belle femme du village dansant pour des mâles voyeurs. Ou plutôt la version actualisée du western, façon film de gangsters, avec Kalachnikov et trésor de guerre digne du butin d’Albert Spaggiari en 1976 à la Société Générale de Nice, ville d’accueil d’Armstrong en Europe lors de son retour à la compétition. Le cow-boy texan fera donc du maillot jaune sa deuxième épouse pendant sept ans, mais l’idylle est un leurre. Avant même la lune de miel, Armstrong le bigame a trompé son cher et tendre maillot jaune avec sa maîtresse, l’EPO … Avec Bruyneel, Del Moral, Marti et Ferrari, Armstrong a assemblé son puzzle en cette année 1999.

L’EPO, c’est Francesco Conconi terminant 5e d’une course amateurs en 1993 au col du Stelvio, mythe absolu du cyclisme italien et juge de paix de tant de Giros (en 1953 pour Coppi contre Koblet, en 1980 pour Hinault). L’EPO, c’est le venin de l’hydre de Lerne circulant dans le sang des maillots jaunes revêtant cette tunique de Nessus depuis 1991, année de l’élection d’Hein Verbruggen à l’UCI, Ponce Pilate de Lausanne perché en haut de sa tour d’ivoire de Lausanne et destiné à ne pas nettoyer les écuries d’Augias, cinquième des douze travaux d’Hercule. Verbruggen, ancien responsable marketing des barres chocolatées Mars, se sera contenté de capturer le sanglier d’Erymanthe, l’animal préféré d’Obélix.

Mars, et ça repart. Rappelez-vous cette pub où un jeune adolescent abandonne sa vocation de séminariste sur fond de musique grunge Nirvana (My Girl, where did you sleep last night ?), aux portes d’un monastère blanc rappelant le clocher de la mission espagnole de Sueurs Froides (1958), où John Ferguson et sa phobie du vertige ne peuvent empêcher la machination Elster. Lance Armstrong, lui, a abandonné sa vocation de golfeur amateur en Europe, sur la Riviera niçoise, en se remettant des coups de pied au cul grâce à son épouse Kristin et à Jim Ochowicz. Le bon vieux temps des Gun’s N’Roses, musique de chambre de l’adolescent triathlète des années 80, allait revenir. Selon son autobiographie si pure que Wiki Leaks n’ira jamais la contredire, le Texan est redevenu un coureur en Caroline du Nord, sur les pentes de Beech Mountain, son Everest du Tour DuPont en 1996, seule course par étapes que le Texan aux épaules de rugbyman pouvait décemment viser à l’époque, avant de devenir l’imposteur, le renégat, le Judas du cyclisme, avec trente deniers, et un taux de change qui a explosé depuis 33 après Jésus-Christ, en 1 966 ans d’histoire économique entre la Judée romaine de +33 et la France chiraquienne de 1999. Comptez environ un million de dollars par denier d’argent du temps de Barabbas et Ponce Pilate, sur le Mont des Oliviers, près du Golgotha. Sestrières sera le Golgotha du cyclisme le mardi 13 juillet 1999, Zülle, Olano et consorts servant de punching-ball à Lance « Terminator » Armstrong, nouvel OVNI du cyclisme 2.0. Même Cipollini déguisé en Jules César n’a rien pu faire contre ce Keyzer Soze de la petite reine. La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ! Verbal Kint alias Kevin Spacey n’a fait que paraphraser Charles Baudelaire. Mars, et ça repart. Telle une ode au dieu romain de la guerre, on se remet un coup de seringue comme Astérix boit une gourde de potion magique fournie par son druide Panoramix. Et à la fin, on se gave comme une oie au banquet du village des irréductibles gaulois sur la côte d’Armorique, tels Lance Armstrong et ses postiers bleus de l’US Postal au Musée d’Orsay le 25 juillet 1999 à l’arrivée du 86e Tour de France, alias 1er Tour du Renouveau (copyright Jean-Marie Leblanc), 31 ans après le Tour de la Santé que Jacques Goddet avait osé vendre en 1968 à Vittel, un an après le décès tragique de Tom Simpson sur les pentes rocailleuses du Mont Ventoux.

Devenant le patron du peloton, l’Américain fait de Christophe Bassons, le Monsieur Propre du peloton, un paria. Le coureur de la Française des Jeux et sa panoplie de chevalier blanc sont priés d’aller voir ailleurs, coupables de deux crimes de lèse-majesté, dénoncer le dopage et briser l’omerta en tenant une chronique dans le Parisien

Tous les éléments convergent vers la victoire du champion américain. Une édition orpheline des deux meilleurs coureurs par étapes du monde, Jan Ullrich blessé sur le Tour de Suisse et Marco Pantani exclu du Giro. Le passage du Gois qui ruine les chances d’Alex Zülle à la deuxième étape. Un contrôle positif aux corticoïdes du dossard n°181 et une ordonnance antidatée validée par Hein Verbruggen en personne. L’ancien responsable des barres chocolatées Mars, devenu président de l’UCI et membre du CIO, n’est pas hommes de scrupules … Ponce Pilate se lave les mains et sauve le voleur Barabbas de l’opprobre publique, dans ce faux Tour du Renouveau sujet à une suspicion constante ...

Cannibalisant le Tour de France, stratosphérique en montagne et contre-la-montre, Lance Armstrong en 1999 c’est digne de Neil Armstrong sur la Lune, Chuck Yeager qui brise le mur du son (comme L.A. qui dépasse les 40 km/h de moyenne avec 40.273 km/h, record de Pantani pulvérisé), d’Amundsen qui plante le drapeau norvégien sur l’inaccessible pôle Sud, de Sir Edmund Hillary et ses sherpas népalais qui sont les premiers sur l’Everest ….

Son Everest, c’est Sestrières, victoire hallucinante où Armstrong a maté les grimpeurs sur leur terrain. Les sceptiques pensaient que l’Américain, malgré son succès impressionnant dans le chrono de Metz, s’effondrerait tel un château de cartes dans le Piémont … C’est l’inverse qui se produit, Zülle est encore dauphin tandis que les grimpeurs Gotti, Escartin, Dufaux et Virenque n’ont que leurs yeux pour pleurer. Le sprinter italien Mario Cipollini, déguisé en Jules César, quitte encore le Tour mais le véritable empereur est Lance Armstrong, il va porter au pinacle sa domination insolente en 2004, réaction à la victoire dantesque de 2003 lors du Tour du Centenaire. Armstrong alias Imperator, dont la puissance pourrait se résumer en trois mots entre 1999 et 2005 : Veni, Vidi, Vici ... Pendant sept ans, le Texan va jouer une partition sans fausse note aux airs de requiem pour la concurrence.

Jamais Armstrong ne se sentira coupable avant ses aveux de 2013 … En 1999, j’étais fou de rage qu’on me suspecte d’être dopé, je me relevais du cancer, j’avais souffert comme un damné, et on me traitait de tricheur ! Je croyais que je ne pourrais jamais pardonner. Aujourd’hui, je sais que c’était inévitable, que si Saint-Jean avait gagné le Tour à ma place, on l’aurait accusé lui aussi de s’être dopé.

Sestrières 1999, étape qui marque un point zéro dans l’ère Armstrong, puisque le rapport de forces bascule définitivement en sa faveur, même si la confirmation sera effective face à Ullrich et Pantani en l’an 2000 à Lourdes Hautacam. Devenu l’alpha et l’omega du cyclisme, Armstrong a médusé les grimpeurs européens … Maillot jaune surprenant, il est vu comme un leader chanceux, grâce au passage du Gois et au chrono de Metz. Escartin, Dufaux, Virenque, Zülle, Olano et consorts pensent sans doute que le Texan est un feu de paille, et sombrera dans les cols. Ils vont tous déchanter. Se regardant en chiens de faïence dans la Croix-de-Fer et le Galibier, les grimpeurs ne parviennent pas à décramponner les sherpas américains d’Armstrong, en l’occurrence Hamilton et Livingston. Dans cette édition 1999 orpheline d’Ullrich et Pantani, Lance Armstrong asphyxie la course avec son succès de Sestrières, sonnant l’hallali dans l’ultime montée, magnifiée par Coppi en 1952 et par Chiappucci en 1952. Parti en contre-attaque derrière Gotti et Escartin échappés dans le Montgenèvre, il ruine tout suspense, possédant six minutes d’avance sur son dauphin Olano après la première étape de montagne … Emergeant du chaos avec pour seule lumière les phares des voitures accompagnatrices, le Texan consolide donc son maillot jaune, seul Alex Zülle limitant les dégâts à 31 secondes. Mais le Suisse a tout perdu entre Noirmoutier et la Vendée dans le guêpier du passage du Gois.

Lors des deux premières semaines du Tour 1999, Lance Armstrong, Tyler Hamilton et Kevin Livingston utilisent de l'EPO tous les trois ou quatre jours. Les seringues usagées sont jetées dans des sacs ou des canettes de Coca et le Dr Del Moral se charge de les faire disparaître le plus vite possible. Armstrong et Hamilton se font également des bains de bouche avec de l'« oil », une mixture composée d'huile d'olive et d'Andriol (testostérone), fabriquée par Ferrari.

Lors d'un camp d'entraînement en Californie début 1999, Armstrong pousse son équipier Frankie Andreu à se confier lui aussi aux bons soins du Dr Ferrari. Il faut que tu sois sérieux, lui explique-t-il. Ce qui signifie dans son esprit, suivre à la lettre le plan de dopage prescrit par le médecin. Andreu aura l'occasion de rencontrer Ferrari quelques semaines plus tard.

Armstrong et Andreu sont en effet à Milan avant la classique Milan-San Remo quand la voiture du premier fait un détour par un parking d'hôtel et station-service sur le bord de l'autoroute. Il a rendez-vous avec le médecin italien. Intriguée par ce rendez-vous en catimini, Betsy Andreu demande pourquoi Armstrong ne rencontre pas Ferrari dans le cadre de la course. Pour que la putain de presse ne le traque pas, répond le Texan qui s'absentera une heure avant de revenir, excité, en s'exclamant : Mes chiffres sont super ! Armstrong se moque alors de son équipier qui refuse de suivre le même traitement. Lequel Andreu expliquera à sa femme ne pas vouloir « dépenser d'argent mais surtout ne pas vouloir cette merde dans son corps. » A son amie Betsy qui lui demande ce qu'elle pense de l'EPO, Kristin Armstrong répond que c'est un diable nécessaire.

La discrétion est la clé de voûte du système Ferrari, habillé modestement et se déplaçant en camping-car. C’est ainsi qu’apparaît le médecin italien à Tyler Hamilton sur une aire d’autoroute en avril 1999, entre Monaco et Gênes. De ce rendez-vous avec Ferrari, véritable point de non-retour dans sa carrière, Tyler Hamilton retient un chiffre, le nombre d’or du cyclisme : non pas celui qui est lié à la suite de Fibonacci et à tant de proportions harmonieuses, mais celui de 6.7 watts / kilos, le seuil idéal de ratio puissance / poids pour disposer d’un espoir crédible comme candidat à la victoire sur le Tour de France. 

Le mensonge est le sixième sens du cycliste, le dopage son septième sens … Travailleur stakhanoviste ne se reposant jamais sur ses lauriers, Armstrong avait lui un huitième sens, un charisme mafieux qui réduisait son équipe au silence, à l’esclavage, à son entière dévotion.

Comme les samouraïs, Armstrong avait bâti un code d’honneur, un véritable bushido. Quiconque en déviait était persona non grata au sein de l’US Postal. Manquement aux dix commandements du dopage estampillé Ferrari, rébellion sur les primes de victoires du Tour de France, prétentions salariales jugées trop gourmandes, velléités de leadership ou goût de l’offensive jugé trop individualiste, ceux qui ne vont pas suivre Lance comme des moutons de Panurge vont sortir de l’équipe américaine : Jonathan Vaughters, Frankie Andreu, Kevin Livingston, Tyler Hamilton et Cédric Vasseur sont les exemples les plus saisissants, tous entre 1999 et 2001, lors des années de rodage. Entre 2002 et 2005, la machine US Postal tourne à plein régime, sans vilain petit canard pour venir la perturber, même si Floyd Landis s’exile chez Phonak en 2005.

La trahison au bushido US Postal, Hamilton va la découvrir cruellement en 2001. Lors d’un test à Monzuno, un des parcours d’entraînement recommandés par le docteur Ferrari, Tyler Hamilton bat le record de Lance Armstrong sur ce col parsemé d’oliviers. Pas normal pour le Texan. Mais il n’était pas plus normal de voltiger sur Sestrières en 1999 ou de jouer avec Pantani dans Hautacam puis dans le Ventoux en 2000. Normal, dans l’esprit de Lance Armstrong, voulait dire, c’est moi qui gagne. Comme le résume bien Hamilton parti en 2002 chez Phonak auprès de Bjarne Riis, Armstrong était capable de supporter à peu près tout sauf de perdre.

En 2004, après avoir battu Armstrong au Ventoux sur le Dauphiné Libéré, Hamilton est convoqué à Aigle par l’UCI, après une lettre datée du 10 juin 2002, au lendemain du chrono remporté par l’Espagnol Iban Mayo sur le mont chauve. La colère d’Hamilton monte au pinacle durant le Tour de France, quand il comprend pourquoi il a été convoqué par le docteur Mario Zorzoli, médecin-chef de l’instance suprême du cyclisme. Le peloton étant un Facebook sur roues, Hamilton apprend de la part de Floyd Landis, pourtant encore équipier d’Armstrong, que c’est ce dernier qui a mis l’UCI à ses trousses. Le leader de Phonak ne pourra se venger de son ancien leader, victime d’une poche de sang mal réfrigérée, malgré toute les précautions prises par un sorcier aussi renommé que Fuentes … Ullrich hors du coup, Mayo pris au piège des pavés du Nord, Lance Armstrong aligne une sixième victoire consécutive dans le Tour de France en 2004, dépassant les mythes Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault, et Miguel Indurain.

La série débute en 1999, Armstrong ayant trouvé le précieux sésame pour le gotha …

Ravitaillé en EPO alias Edgar à chaque étape lors du Tour de France 1999 par Motoman, relation de son ancien coéquipier Sean Yates et jardinier à ses heures pour sa villa d’Armstrong sur les hauteurs de Nice, Armstrong et ses sbires fêtent leur premier maillot jaune le dimanche 25 juillet 1999 sous les fastes du Musée d’Orsay, à Paris, en présence de Motoman, alias Philippe, qui reçoit une Rolex en guise de cadeau pour sa chevauchée sur deux roues, son Easy Rider à lui sans paysages à la Monument Valley mais avec l’adrénaline d’une aventure au service d’un coureur mégalomane. Les agapes parisiennes vont devenir un rituel annuel pour les hommes de Johan Bruyneel, tandis que l’Américain enfonce le clou face aux journalistes. Son odyssée est sincère et vraie, ce n’est ni Disney, ni Hollywood …

En 2000, la rumeur court qu'un nouveau test EPO sera bientôt mis en place. L'équipe décide donc d'adopter un programme de dopage sanguin pour ses trois grimpeurs, Lance Armstrong, Tyler Hamilton et Kevin Livingston.

Johan Bruyneel informe Tyler Hamilton au cours du Critérium du Dauphiné libéré - qu'il va d'ailleurs remporter - que des échantillons de sang seront prélevés sur chacun d'entre eux et réinjectés pendant le Tour de France. Comme les transfusions sont alors indétectables, la tricherie est sans risque. Après la course, Hamilton rallie Valence, en Espagne, en jet privé depuis Nice avec Armstrong et Livingston. Le prélèvement, qui durera une heure, a lieu en présence de Johan Bruyneel, Michele Ferrari, le docteur Del Moral et le soigneur Pepe Marti.

Après la onzième étape du Tour, au soir du jeudi 11 juillet 2000, à l'hôtel l'Esplan de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), les trois coureurs sont transfusés. Le processus a duré moins de trente minutes, explique Hamilton. On était dans une chambre avec Kevin et Lance dans la chambre d'à côté qui communiquait avec la nôtre par une porte. Pendant la transfusion, on le voyait. Le docteur Del Moral faisait des allers-retours pour vérifier l'avancement de la réinjection. Chaque poche de sang était accrochée au crochet d'un cadre ou collée sur le mur, on était allongés sur le lit et on tremblait pendant que le sang-froid "réentrait" dans nos corps. On plaisantait à propos du corps qui absorberait le sang le plus vite. Le 12 juillet, c'était jour de repos sur le Tour, et le 13 l'étape du mont Ventoux qu'Armstrong allait terminer à la deuxième place derrière Marco Pantani, pour un cadeau empoisonné.

Mais ce raté tactique face à Pantani n’est d’aucune importance, Armstrong a déjà assommé le Tour de France à Lourdes Hautacam, avant d’humilier le peloton (Jan Ullrich excepté) entre Fribourg et Mulhouse, 58 kilomètres parcourus CLM en 53.986 km/h. Le record de Miguel Indurain sur un chrono de plus de 40 kilomètres a vécu : seulement 52.349 km/h entre Tours et Blois en 1992 pour l’Espagnol. Le lièvre et la tortue …

L’auto-transfusion était une technique dopante déjà utilisée par Bjarne Riis en 1996, une vraie fontaine de jouvence pour 3 points d’hématocrite qui allait culminer à 60 pour le Danois. Contrairement à l’EPO qui faisait lentement grimper l’hématocrite, l’auto-transfusion offrait un gain instantané … Hamilton retrouvera Riis en 2002, le Danois ayant émigré en Italie dans une villa près de Florence, la cité des Médicis. C’est également en Toscane que vit le médecin qui façonna les succès du bourreau d’Indurain, Luigi Cecchini, autre Stradivarius du dopage sanguin, vivant reclus à Lucques. C’est pourtant auprès du docteur Eufemiano Fuentes, à Madrid, qu’Hamilton va s’approvisionner à partir de 2002 …

A l'issue du Tour 2000 remporté par Armstrong, les autorités françaises ouvrent en août 2000, une enquête après la découverte de déchets médicaux laissés dans une poubelle par des membres de l'US Postal. A l'intérieur, des seringues et des emballages vides d'un produit sanguin appelé Actovegin. L'équipe américaine fait savoir dans un communiqué qu'il est seulement utilisé pour un membre du staff qui souffre de diabète et dans le cas de blessures de la peau suite à des chutes sur la route. Armstrong, sur son site internet, dira qu'il n'a jamais entendu parler de ce produit.

En août 2000, entre son deuxième Tour de France victorieux et les Jeux Olympiques de Sydney, Lance Armstrong s’était rendu en Hongrie afin, officiellement, de tourner un spot publicitaire pour Nike. Arrivé en jet privé à Budapest en provenance de Nice, le Texan est accompagné de son mentor et directeur sportif Johan Bruyneel. Un concessionnaire de la Trek les conduit à Vertesboglar, à deux heures de Pecs, où vit Istvan Varjas. La visite magyar du double maillot jaune est liée à une extrême confidentialité : pas de journalistes, alors qu’il n’y a rien à cacher a priori, bien au contraire puisqu’il s’agit de publicité pour Nike ...

Le Hongrois avait inventé durant l’hiver 1997 un moteur alimenté par une batterie en lithium. L’idée était de venir en aide à des personnes handicapées voire souffrant d’arythmie cardiaque. En effet, certains de ses amis qui avaient perdu une jambe en ex-Yougoslavie, durant cette horrible conflit ethnique qui avait fait des Balkans une poudrière entre 1990 et 1995. Je voulais être utile, je voulais qu’ils puissent continuer à faire du vélo comme avant.

Cette guerre avait été symbolisée par le fameuse finale de Coupe de Yougoslavie du dimanche 13 mai 1990 entre le Dinamo Zagreb de Zvonimir Boban et Davor Suker d’un côté, et l’Etoile Rouge de Belgrade de Dejan Savicevic, Robert Prosinecki et Dragan Pixie Stojkovic de l’autre. Au stade Maksimir à Zagreb, l’unité nationale se fissure, dix ans après la mort du maréchal Tito (1980), l’homme qui avait offert l’île virtuelle de Sarjevane, dans la Mer Adriatique, à Nerio Winch, père du héros de bande dessinée Largo Winczlav : un gadget digne de James Bond, comme l’explique Jean Van Hamme dans le tome 2, le Groupe W. Avec le moteur électrique, on est aussi en pleine fiction digne d’un film de l’agent 007, quand Q présente ses dernières trouvailles à l’espion de Sa Majesté …

A force d’acharnement, Varjas avait miniaturisé sa batterie en septembre 1998, qui ne pesait plus que 300 grammes pour 2 centimètres de diamètre et 4 centimètres de longueur, soit la taille d’une clé USB des années 2010. Elle pouvait ainsi aisément se dissimuler dans le tube selle/pédalier d’un vélo de compétition …

Un jour, Greg LeMond rencontre Istvan Varjas à paris, au Café Varenne, dans le VIIe arrondissement. L’ancien champion américain vient tester un prototype du chercheur hongrois dans la capitale française, à l’Esplanade des Invalides. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’il pouvait, incognito avec ses cheveux grisonnants parmi les Parisiens ne reconnaissant pas un triple maillot jaune du Tour de France, se fondre avec aisance dans le trafic, dépassant des motos à plus de 60 km/h ! Sans effort sur ce vélo diabolique motorisé, LeMond avait doublé des voitures ainsi que des bus de la R.A.T.P. … Les deux hommes s’étaient ensuite revus au Grand Prix de Hongrie de Formule 1. Discutant avec des ingénieurs de Total travaillant pour le compte de l’écurie Lotus, l’Américain avait eu la certitude qu’il était très facile de masquer la présence d’un moteur dans un cadre de vélo avec du simple liquide de refroidissement !

Comme il l’expliquera au journaliste français Philippe Brunel, LeMond avait compris durant sa ballade parisienne la gravité de la situation du cyclisme professionnel déjà gangréné par le fléau EPO : Je venais de comprendre qu’avec un petit moteur de 50 watts logé dans le pédalier, un coureur pouvait gagner plusieurs minutes en une seule étape de montagne, et donc, le Tour …

Le chant du cygne de Pantani en 2000 ouvre en grand les portes d’une domination sans partage à Lance Armstrong, qui a brisé Ullrich psychologiquement en seulement trois semaines, surtout que l’US Postal phagocyte deux des meilleurs coureurs de Kelme, les grimpeurs ibériques Roberto Heras et Jose Luis Rubiera. Heras et Armstrong contre Ullrich, la lutte est inégale dans les cols pyrénéens, comme le montrera le final de la grandiose étape de Saint-Lary Soulan, dramatique avec la chute de l’ogre de Rostock dans la descente du col de Peyresourde. Bien que très affûté en 2001, l’Allemand termine encore plus loin, toujours dauphin mais à 6’44’’ au lieu de 6’02’’, bilan écoeurant pour Jan Ullrich car le Texan rafle tout à la façon d’un Rockefeller à l’appétit jamais rassasié : Alpe d’Huez, Chamrousse, Pla d’Adet … Armstrong efface en quatre étapes le coup de Pontarlier, et le kazakhe Kivilev ne verra jamais la couleur du maillot jaune … Au sommet de Luz Ardiden, c’est la paix des braves, Ullrich scelle sa reddition par une poignée de mains qui fait le tour du monde.

Entre 2000 et 2001, un point commun, le podium du Tour de France, Armstrong – Ullrich – Beloki, et deux différences seulement, Beloki a changé d’équipe (passant de Festina à ONCE), et Armstrong de port d’attache, quittant cet Hexagone menaçant pour l’Espagne plus tolérante. Voilà l’Américain qui déménage de Nice à Gérone …

Pérennisant les exploits, Armstrong est plébiscité à New York mais hué en Europe, en France surtout. La révélation de ses liens avec un acteur sulfureux du dopage ne fait que renforcer les doutes des sceptiques, et la conviction de ses détracteurs, au premier rang desquels figurent les journalistes Pierre Ballester et David Walsh.

Oui, le docteur Ferrari a un rôle dans l'équipe. Mais je n'ai jamais discuté d'EPO avec lui, et je n'ai jamais utilisé ce produit. De ce que j'ai vu, je ne pense pas qu'il soit coupable. Alors que le Tour de France 2001 va s'élancer le 7 juillet, Lance Armstrong essaie de désamorcer un article à paraître le 8 juillet dans le Sunday Times londonien. Le papier révèle ses rapports avec le sulfureux Dr Michele Ferrari, soupçonné de fraude sportive et d'avoir administré des substances dopantes, et en attente d'un procès en Italie.

Ancien coéquipier du Boss, Jonathan Vaughters se remémore une discussion avec Armstrong, en 2001 à Gérone, où celui-ci disait savoir comment fonctionne le test de dépistage de l'EPO, et comment y échapper.

Toujours en 2001, l’ancien médecin d’Armstrong, Ed Coyle participe à une conférence sur le dopage à San Francisco … Répudié par l’UCI pour avoir trafiqué des fiches médicales, le Dr Coyle projette sur grand écran les vrais paramètres physiologiques du coureur texan : capacité thoracique de 5.6 litres (6.8 litres pour Jan Ullrich et 8 litres pour Miguel Indurain), VO2 max de 78 (contre 93 pour Greg LeMond), taux hématocrite naturel de 41, soit des paramètres ordinaires pour un peloton professionnel ! LeMond n’avait jamais développé plus de 400 watts dans les cols, or son compatriote dépassait les 500 watts sur la montée de la Madone au-dessus de Menton, et 475 watts dans l’Alpe d’Huez : un dopage mutant pour celui qui trompait son monde, et qui n’aurait jamais dû dépasser le seuil de 375 watts largement insuffisant pour viser le maillot jaune à l’eau claire. L’Amérique ne croyait pas encore à cet odieux complot journaliste venu d’Europe, à ce concours Lépine de la calomnie, et avait encore les yeux de Chimène pour cette idole élevée au rang de totem du fait de son cancer des testicules généralisé au poumon.

Contrairement à Coppi, Anquetil, Merckx, Hinault, LeMond ou Ullrich, l’Américain n’avait pas été nourri au nectar et à l’ambroisie par les fées du destin. Mais Armstrong possède ce vice qui fera de l’étape de l’Alpe d’Huez 2001 la madeleine de Proust de son septennat d’imposture : en 13 kilomètres de la célèbre montée alpestre, le leader de l’US Postal enterre Jan Ullrich tout autant qu’il sonne le glas des espoirs d’Andreï Kivilev, le plus dangereux rival issu du coup de Pontarlier …

En cette même année 2001, l'Américain fait l'objet d'un contrôle positif à l'EPO, en juin, lors du Tour de Suisse qu'il remporte. Le résultat ne sera pas rendu public. Mais Armstrong raconte la mésaventure à Hamilton et Floyd Landis, et comment il s'en est tiré. Il m'a dit que lui et Bruyneel étaient allés voir l'Union cycliste internationale (UCI) et avaient passé un accord financier, dit Landis. Comme confirmé par Pat McQuaid, président de l'UCI, Armstrong et Bruyneel étaient bien à Aigle (Suisse), en mai 2001. Ils font une donation « d'au moins 100 000 dollars » pour soutenir le développement du cyclisme. L'UCI nie évidemment que ce don ait un rapport quelconque avec le contrôle suspect. Mais le laboratoire de Lausanne (Suisse) confirme lui avoir détecté plusieurs échantillons positifs lors du Tour de Suisse. Son directeur déclare même avoir été informé par l'UCI qu'au moins l'un d'entre eux appartenait à Armstrong.

Tyler Hamilton quitte l’US Postal fin 2001, et Lance Armstrong trouve un nouveau joker pour ne pas dépendre que de Roberto Heras …

Le Texan décide donc de faire de Floyd Landis, arrivé à l'US Postal en 2001, l'un de ses lieutenants. La majeure partie de la préparation du Tour 2002 (comme d'ailleurs les Tour 2003 et 2004) se fait avec Landis qui était le grimpeur sur lequel il pouvait s'appuyer lors des étapes de montagne.

Pendant les trois années durant lesquelles ils furent proches, à se faire confiance et s'aimer comme dit Armstrong, Landis et Armstrong partageaient presque tout : l'entraînement, les courses, les soirées et le dopage. Comme l'ont confirmé beaucoup de témoins, Armstrong avait donné les clefs de son appartement à Landis qui surveillait les poches de sang d'Armstrong pendant son absence. Ils partageaient les conseils de Michele Ferrari en matière de dopage, et quand Floyd avait besoin d'EPO, Lance partageait aussi.

Orphelin d’Ullrich, le Tour de France 2002 est une promenade de santé pour Armstrong, qui remet vite à sa place Joseba Beloki sur les pentes rocailleuses du Ventoux. L’Espagnol ose attaquer l’intouchable maillot jaune. Le Texan passe alors le turbo et s’envole vers une quatrième victoire, construite par deux succès pyrénéens. Contrairement à 2001, Roberto Heras est en pleine forme, et protège magnifiquement son leader vers la Mongie puis vers le Plateau de Beille. Sur les pentes du Géant de Provence, Armstrong se mue en aigle des cimes … Il est tellement rapide qu’il fend la foule à la façon du prophète Moïse séparant en deux la mer Rouge.

Avant cette 89e Grande Boucle, Lance Armstrong avait résumé en une phrase cinglante, lors d’une interview à L’Equipe Magazine, les raisons de son outrageuse domination : Si je suis si fort, c’est parce que dans tous les domaines qui créent la performance, j’ai ce qu’il y a de meilleur. Dans tous les domaines, l’entourage, le matériel, j’ai recherché l’excellence. Tout est calibré, façonné pour moi. D’un bout à l’autre de la chaîne, il n’y a aucune faiblesse, aucune possibilité d’erreur.

Comprenez, outre la diététique, l’entraînement stakhanoviste, la constitution d’une équipe à son entière dévotion sous la coupe de Johan Bruyneel, le perfectionnement aérodynamique en soufflerie avec Trek ou les reconnaissances d’étape en montagne, Lance Armstrong avait aussi le système de dopage le plus évolué : préparation sanguine avec Michele Ferrari, probable dopage technologique avec un moteur, protection politique de l’UCI et de Hein Verbruggen en personne …

Loin d’une allure champêtre, les postiers bleus de l’US Postal affichent toujours des vitesses supersoniques. 2002 voit leur dernier échec dans un chrono par équipes devant la ONCE. Entre 2003 et 2005, l’US Postal gagnera aussi les chronos collectifs, ne laissant que les miettes du festin à une concurrence laminée, médusée, toujours plus abasourdie par cette insolente supériorité.

En 2003, l'année du Tour du Centenaire, le docteur Ferrari travaille toujours avec Lance Armstrong. Des relevés bancaires font état de versements de 475 000 dollars sur le compte de sa compagnie. En mai, Floyd Landis se fait prélever du sang par le docteur Ferrari dans l'appartement d'Armstrong, à Gérone, en Espagne. La poche est placée dans un réfrigérateur caché dans le placard de la chambre du Texan, où d'autres poches sont déjà rangées. Peu de temps après, Armstrong qui doit s'absenter pour plusieurs semaines d'entraînement, demande à Landis de s'installer chez lui pour contrôler la température du sang chaque jour et s'assurer qu'il n'y ait pas de coupures d'électricité.

Juste avant le Tour, Armstrong qui a des invités chez lui, demande à Hincapie s'il peut utiliser son appartement. Il est accompagné du docteur Del Moral. Ce dernier réclame un cintre avant de s'enfermer avec le Texan. Ils resteront 45 minutes dans la chambre, le temps généralement nécessaire pour réinjecter une poche de sang  », selon Hincapie, qui ajoute qu'on accroche la poche au cintre et le cintre au mur pour faciliter le transfert du sang dans la veine.

Landis confirme que le 11 juillet 2003, à la veille de l'étape Lyon - Morzine, les coureurs de l'équipe dont Armstrong, Hincapie et lui-même sont transfusés. Le 17 juillet, la veille du contre la montre individuel (Gaillac - Cap Découverte), nouvelle transfusion pour tous. Landis voit aussi, lors de chaque transfusion, Armstrong recevoir de petites doses d'EPO. Ce dernier, pour signaler les réinjections, balance à Hincapie qu' il est plus lourd de 500 grammes aujourd'hui... Hincapie certifie aussi que son leader a également pris de la testostérone tout le temps où nous étions équipiers.

La testostérone, connue sous le nom d'Andriol et dénommée "l'huile" par les coureurs du team américain, était dissoute dans une seringue d'huile d'olive et utilisée deux nuits sur trois pendant le Tour. Elle était en vogue dans l'équipe depuis 1999. Jugé responsable du chaos de ce Tour 2003 proche de l’échec pour Armstrong, le docteur Del Moral est congédié, Pedro Celaya faisant son retour pour 2004 et 2005 dans l’encadrement officiel de l’US Postal. Car pour ce qui concerne l’encadrement en coulisses, c’est toujours Michele Ferrari qui tire les ficelles dans l’ombre, depuis la péninsule italienne où il distille ses précieux conseils via ses calculs de watts et d’indicateurs physiologiques. Le docteur italien manie aussi bien Excel et les tableurs que la seringue et les livres, lui qui a depuis longtemps tourné le dos au serment d’Hippocrate pour faire son serment d’hypocrite. Le jeu de mots est facile, certes, mais Ferrari fut tout autant un virtuose du dopage qu’un maître dans l’art de la dissimulation, qualité qu’il partageait avec son plus célèbre client, Lance Armstrong bien entendu.

En 2004, le docteur Ferrari était notamment présent à un stage d'avant Tour de France, à Puigcerda, une localité espagnole où Armstrong avait l'habitude de se réfugier pour éviter les contrôles, afin de vérifier les valeurs sanguines de chacun des coureurs, mais aussi pour administrer de l'EPO et de la testostérone pour être sûr que l'équipe soit prête pour le Tour. Landis se souvient avoir vu à cette occasion Armstrong allongé sur une table de massage avec un patch de testostérone sur l'épaule, un usage très répandu à l'époque dans l'équipe, comme en a témoigné George Hincapie.

Le 2 juillet, à la veille du Grand départ du Tour, la société de Ferrari reçoit un chèque de 100 000 $ de la part d'Armstrong, satisfait des tests de son équipe. Sur les trois semaines de course, Landis a noté que son leader avait reçu à deux reprises une transfusion sanguine. L'une d'elles a été effectuée dans le bus de l'équipe après une étape, sur le chemin de l'hôtel, et le chauffeur a alors prétexté un problème de moteur pour s'arrêter pendant une heure sur une route de montagne et permettre les transfusions. Celles d'Armstrong auxquelles Landis a assistées, en 2003 et 2004, étaient complétées par une prise d'EPO qui, quand elle est injectée en petites doses, permet de stimuler la production de réticulocytes (globules rouges) et donc de masquer les transfusions. Une pratique courante à l'US Postal.

En 2000, Filippo Simeoni reconnaît devant une juridiction italienne avoir pris de l'EPO et de l'Andriol sous la direction du docteur Ferrari. En représailles, Lance Armstrong, utilisant sa « position d'icône du sport universellement reconnue », lance une campagne contre Simeoni, le traitant de menteur dans les médias. Ce qui poussera le coureur transalpin à attaquer le Texan pour diffamation. Les deux ennemis se retrouvent sur le Tour 2004, et Simeoni, coureur de l'équipe Domina Vacanze, se glisse dans une échappée lors de la 18e étape. Mais Armstrong ne l'entend pas de cette oreille, poursuit l'Italien et lui intime l'ordre de rentrer dans le rang, gaspillant là de l'énergie alors que cette sortie ne représentait pourtant aucune menace. De retour dans le peloton, l'Américain sermonne le fuyard : Tu as fait une erreur quand tu as témoigné contre Ferrari et tu as fait une erreur quand tu m'as attaqué (en justice). J'ai beaucoup de temps et d'argent et je peux te détruire. 

Une vidéo, que l'USADA a jointe au dossier, immortalisera le moment où Armstrong passe sa main devant sa bouche pour faire signe à Simeoni de se taire. L'agence américaine voit dans ce geste une tentative d'intimidation de témoin. Le procès contre Ferrari aboutit toutefois en octobre 2004 à une condamnation pour fraude sportive : le médecin italien est accusé d'avoir conseillé plusieurs coureurs de son pays dans leur prise d'EPO et d'Andriol. Cette condamnation oblige Lance Armstrong à annoncer la fin de sa relation avec Ferrari. En 2010, son conseiller Mark Fabiani expliquera que son client n'a plus travaillé avec Ferrari depuis 2004. Une déclaration fausse. Mais l’entourage d’Armstrong n’est plus à un mensonge près ...

Après le Tour de France 2005, son septième succès de rang, Armstrong regagne les Etats-Unis sans passer par sa résidence espagnole de Gérone. Hincapie racontera des années plus tard à l’USADA que Johan Bruyneel, le directeur sportif de Discovery Channel, lui demande alors de passer dans l'appartement de Lance et de vérifier dans les placards qu'il n'y reste rien. Selon Hincapie, Bruyneel voulait s'assurer qu'il ne restait pas de produits dopants, et pour les enquêteurs américains, cette requête de Bruyneel induit que le manager belge savait que son leader améliorait ses performances illicitement en 2005.

Armstrong quitte donc le cyclisme en charpie lors de sa retraite en 2005, après avoir porté son record de vitesse moyenne à 41.354 km/h lors de son septième péché capital consécutif, soit 22 % de mieux en terme de puissance que les 37.5 km/h de Greg LeMond (1999), en tenant compte de la résistance de l’air.

L’affaire Puerto éclate en 2006, suivie du scandale Landis. 2007 et 2008 ne sont pas en reste, avec les polémiques Rasmussen, Vinokourov et Ricco …

Le 9 septembre 2008, Lance Armstrong annonce son retour à la compétition au sein d’Astana, équipe kazakhe du nouveau despote du cyclisme, l’Espagnol Alberto Contador, avec une arrogance bien à lui, puisqu’il qualifie de blague la victoire de Carlos Sastre dans l’édition 2008 du Tour de France orpheline d’Astana et donc de Contador (maillot jaune en 2007) : The Tour was a bit of a joke this year. I've got nothing against Sastre ... or Christian Vande Velde.

Jusqu'à l'arrêt définitif de sa carrière le 16 février 2011, le Texan n'a jamais cessé de travailler avec le docteur Ferrari, même si son porte-parole, Mark Fabiani, affirme le 15 avril 2010 qu'ils ne collaborent plus depuis 2004, mais qu'ils restent amis, même s'ils ne sont pas vus depuis un an environ.

Armstrong travaille toujours avec Ferrari à travers une tierce personne. Ils se sont pourtant rencontrés environ un mois avant cette déclaration, le 17 mars 2010, dans la villa d'Armstrong à Saint-Jean Cap Ferrat, et ils se reverront encore un mois après. En 2009, Levi Leipheimer a d'ailleurs demandé à Armstrong s'il travaillait toujours avec "Schumi", le surnom du docteur Ferrari. Armstrong répond que oui, à travers une tierce personne. Grâce à l'aide des autorités italiennes, l'USADA a découvert par la suite qu'il s'agissait du fils de Ferrari, Stefano Ferrari, qui transmettait régulièrement les plans d'entraînement à Armstrong par mail.

Après son retour, Lance Armstrong va tomber de Charybde en Scylla jusqu’à l’apothéose pour tant de fans de cyclisme : son déclassement par l’UCI et la perte de ses sept maillots jaunes. Ironie du destin, face aux instances européennes soit complices soit incompétentes, c’est l’agence américaine anti-dopage USADA, et son très persévérant directeur Travis Tygart, qui obtiennent la peau du coureur texan, symbole international du dopage, de ce fléau du sport de haut niveau. Dans la mémoire collective, le mot dopage colle invariablement à Lance Armstrong comme le sparadrap du capitaine Haddock, et non plus au sprinter canadien Ben Johnson, médaillé d’or du 100 mètres en athlétisme, ensuite déclassé aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988 en faveur de Carl Lewis.

C’est le 23 août 2012 qu’intervient l’onde de choc pour le coureur pris dans l’œil du cyclone, sept ans après le scoop du quotidien L’Equipe, le 23 août 2005, sept ans de malheur avec un fantôme hantant le cyclisme, après sept ans de mensonges depuis 1998, soit quatorze longues années de tricherie que l’USADA va condamner par un rapport au vitriol, implacable, incontestable après l’audition de tous les témoins clés, dont le plus précieux, George Hincapie, seul coéquipier d’Armstrong à avoir partagé ses sept Tours de France victorieux avec l’US Postal et Discovery Channel.

L’UCI, prise au piège politiquement par l’enquête de l’USADA, déclasse ensuite Armstrong de tous ses résultats depuis 1998 … Ses 7 Tours de France entre 1999 et 2005, sa troisième place sur l’édition 2009, sa médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, ses deux victoires dans le Critérium du Dauphiné Libéré en 2002 et 2003, dans le Tour de Suisse 2001, dans le Grand Prix des Nations 2000, pour l’homme qui a offert de fausses montagnes russes d’adrénaline au public par le vice du dopage.

Comment Armstrong en est-il arrivé là ? Se croyant le roi du pétrole tel Rockefeller, se croyant invincible, Armstrong a oublié qu’il était humain donc vulnérable. Son talon d’Achille est le ressentiment de tous ceux qu’il a harcelés pendant des années, les menaçant de représailles : Greg LeMond, pourtant son idole de jeunesse et soutien en 1999 avant de découvrir l’envers du décor en 2000 dans un dîner près du Mont Ventoux via une relation commune (le mécanicien belge Julien DeVriese, au service de LeMond chez Z en 1990 puis d’Armstrong chez US Postal), mais aussi Cofidis (Alain Bondue, François Migraine), Filippo Simeoni, fossoyeur judiciaire du docteur Ferrari, Tyler Hamilton, Emma O’Reilly, Jonathan Vaughters, Frankie et Betsy Andreu, témoins de la célèbre scène de la chambre d’hôpital en 1996 à Indianapolis, enfin et surtout Floyd Landis, renégat déclassé de son maillot jaune acquis en 2006 après l’exploit surhumain de Morzine, là où Armstrong était lui apparu plus humain sur les pentes du cols de Joux-Plane en 2000. Paniquant devant l’échappée de Pantani décidé à venger les épisodes du Ventoux et de l’Izoard, Lance Armstrong avait carrément oublié de s’alimenter, communiquant par radio et téléphone avec le docteur Ferrari via la voiture de Johan Bruyneel, dans cette étape digne d’un western-spaghetti de Sergio Leone, d’où avait émergé le judas de 1998, Richard Virenque, comme un symbole ...

Frère de sang d’Armstrong entre 2002 et 2004, Landis a deux visages, comme Janus, celui du mensonge et de celui de la vérité. Romulus Armstrong a voulu étouffer son jumeau Remus Landis, ce dernier va se venger … Le come-back médiatisé d’Armstrong qui persiste dans son mensonge, dans l’omerta, en cultivant une image de coureur propre et de défenseur de la cause du cancer via sa fondation Livestrong, va renforcer l’incroyable détermination de Landis à faire éclater la vérité.

Car c’est à croire que le Mennonite a fait sienne la citation d’Emile Zola, fervent défenseur d’Alfred Dreyfus à la fin du XIXe siècle pour qu’éclate aussi la vérité : Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion que le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle.

En 2012, la vérité va éclater et sortir de terre avec la force d’un geyser islandais, d’un volcan rentrant en éruption tel le Vésuve réduisant Pompéi en cendres sous l’effet d’une terrible nuée ardente … Le cyclisme après 2012 et la mort juridique d’Armstrong, c’est Rome après Néron, Pompéi après le Vésuve, peu importe la métaphore, tant ce sport aura perdu toute crédibilité …

Floyd Landis contacte l’USADA et Travis Tygart en avril 2010, et déballe tout sur son passage à l’US Postal, alors que Lance Armstrong entretient encore l’espoir d’un huitième maillot jaune, quête du Graal qui sera utopique dès l’étape d’Avoriaz, loin du trio phare Contador – Schleck – Evans. L’USADA sera aidée par la FDA (Food & Drug Administration), et l’enquête sera coordonnée par Interpol depuis son siège lyonnais … Lyon, d’où était parti le premier Tour de France EPO, gagné par Miguel Indurain en 1991 … Comme Armstrong, Indurain avait atteint la quadrature du cercle en matière de dopage sanguin, mais l’Espagnol eut la chance de dominer son sport avant l’ouragan Festina qui allait rendre la suspicion permanente, sous l’impulsion de la presse écrite et télévisuelle …

La légende raconte qu’Armstrong aurait eu accès un produit encore plus puissant que l’EPO, le HemAssist. S’il devait y avoir un produit plus efficace que l’EPO, c’était celui-là, selon le docteur Robert Przybelski, directeur de l’unité d’hémoglobine thérapeutique de Baxter Healthcare, laboratoire qui avait mis au point ce médicament.

Face à l’armada USADA / FDA / Interpol passant tout au peigne fin et interviewant également son ancienne compagne, la chanteuse Sheryl Crow, Lance Armstrong embauche Mark Fabiani, ancien avocat du président Clinton lors du scandale Whitewater, et de la banque Goldman Sachs confrontée à un procès pour fraude de la SEC (Securities & Exchange Commission).

Pendant que Fabiani organise sa défense, Lance Armstrong multiplie les vetos à chaque contact avec la presse, tout en continuant en parallèle de faire pression sur les témoins clés, comme Tyler Hamilton, quand il l'accoste dans un restaurant le 11 juin 2011, à Aspen (Colorado) : Quand tu vas témoigner, je vais te déchirer. Je vais faire de ta vie un putain d'enfer...

La bataille semble être gagnée pour Armstrong quand le 3 février 2012, alors que l’Amérique se consume d’impatience avant le Superbowl affrontant les New York Giants et les New England Patriots, le procureur fédéral André Birotte suspend l’enquête. Pression de l’administration Obama en cette année électorale ? Lobby de la lutte contre le cancer ? Panier de crabes interne à la machine judiciaire américaine ?

Le panache de Landis, plus que sur l’asphalte, sera de résister au marathon juridique et médiatique qu’il va endurer comme un calvaire entre 2006 et 2012, date où l’épée de Damoclès tombe enfin sur son ancien mentor, le machiavélique Lance Armstrong, l’homme qui avait créé un véritable Léviathan du dopage, un monstre d’organisation scientifique au service de son ambition démesurée, gagner le maillot jaune, amasser de l’argent comme Jordan Belfort, le Loup de Wall Street. Et pourquoi ne pas entrer en politique dans son Etat du Texas ? Pourquoi ne pas devenir gouverneur, après tout les anciens acteurs Ronald Reagan et Arnold Schwarzenegger ont réussi leur reconversion ?

Idole en Amérique, ayant serré la main des présidents Clinton et Bush, de Donald Trump, l’ancien leader de l’US Postal va tomber plus bas que terre. Tel un gladiateur battu, il voit le pouce de l’empereur corrompu de Lausanne, Pat McQuaid, se baisser en sa défaveur, en octobre 2012 …

La réplique d’Armstrong a pour cadre le World Wide Web, le média le plus porteur, via le réseau social Twitter. On y voit l’Américain allongé dans son salon à Austin, avec ses sept maillots jaunes accrochés au mur. C’est une véritable provocation pour un coureur qui vient de créer un vide abyssal dans le palmarès du Tour de France, un septennat d’imposture, une cicatrice plus grande que celle du mafieux Al Capone (dont Armstrong est l’avatar cycliste), un gouffre apocalyptique, un trou noir inoubliable …

L’UCI aura la bonne idée, la seule à mettre à son crédit malheureusement, de ne pas souffler sur les cendres encore chaudes du bûcher Armstrong, en ne redonnant pas la victoire sur tapis vert à des coureurs aussi controversés qu’ Alex Zülle, Jan Ullrich, Joseba Beloki, Andreas Klöden et Ivan Basso, tous dauphins du Texan entre 1999 et 2005.

Après Lance Armstrong, l’herbe ne repoussera pas de sitôt dans le paysage cycliste, telle une forêt dévastée par un incendie volontaire, un incendie déclenché par une armée de pyromanes … Et le chef des pyromanes (Armstrong) étant en relation d’affaires via son sponsor (Thomas Weisel) avec le chef des pompiers (Verbruggen), le cyclisme était condamné … Le cyclisme 2.0, le cyclisme propre, est toujours espéré par les fans, mais rien ne permet de dire quand (et si) il arrivera un jour à remplacer le cyclisme 1.0, gangréné par le dopage, sorte de cimetière aux cadavres laissés à la merci des vautours, sport où le palmarès du Tour de France entre 1999 et 2005 restera en jachère pour l’éternité.

La chape de plomb Armstrong est retombée depuis son déclassement d’octobre 2013 et ses aveux calculés de janvier 2013 devant Oprah Winfrey, aveux très attendus même si son dopage était un secret de polichinelle depuis bien longtemps, pour l’US Postal d’abord, le peloton ensuite, les observateurs et aficionados dans un troisième temps, le grand public enfin … L’US Postal viendra cependant jouer aux vierges effarouchées en 2013, un comportement minable et indigne …

Dommage pour le développement du cyclisme aux Etats-Unis, car le Tour de France était la vitrine de ce sport, comme l’expliquait l’ancien porte-parole de la Maison-Blanche sous la présidence de John F. Kennedy, Pierre Salinger, mort en 2004 à Cavaillon, à propos de la première victoire de Greg LeMond en 1986 : Le Tour, c’est une légende, et les Américains, je crois, l’ont parfaitement compris, ils savent qu’aucune course ne pourra jamais rivaliser. Jusqu’ici, les Américains n’avaient de ce sport qu’une vision restreinte, avec en point d’orgue la course olympique de Los Angeles. Mais le Tour les a conquis, le Tour a du succès et c’est nouveau ...

Né en 1925 d’une mère française, Pierre Salinger avait ensuite tiré une longue bouffée de son cigare : Malheureusement, chez nous, ce sport n’a pas d’avenir, il ne pourra jamais se développer. Pour que les sponsors se décident à investir dans la partie, que les télés privées s’y intéressent, il nous faudrait un cyclisme de village. Seule peut-être la traversée des Etats-Unis, 5 000 kilomètres de San Francisco à Boston, serait susceptible de passionner le pays.

Cette course imaginée par Pierre Salinger existait cependant déjà, la Race Across America. C’est en 1982 que la Race Across America a vu le jour, année où le Tour de France fêtait sa 69e édition, qui allait voir le quatrième triomphe de Bernard Hinault.

Amoureux viscéraux de la bicyclette, des coureurs amateurs américains parcourent donc leur pays-continent d’Ouest en Est, dans le sens inverse de la Ruée vers l’Or un siècle plus tôt ...

A la même époque, les premiers professionnels américains font leur arrivée dans le peloton ... En 1981, Jonathan Boyer est le premier Américain à disputer le Tour de France. Quatre ans plus tard, en 1985, le même Boyer est lauréat de la quatrième édition de la Race Across America, bien que toujours coureur professionnel chez Seven Eleven, l’équipe de Jim Ochowicz !

Champion du monde sur route en 1983, son compatriote Greg LeMond ne se contentera pas du maillot irisé ... Maillot jaune dès 1986, LeMond rendra le vélo populaire outre-Atlantique, tel un pionnier.

Loin de l’effervescence médiatique de la grande kermesse de juillet, des passionnés de l’effort solitaire tentent cette aventure hors du commun. La première édition en 1982 est à mettre à l’initiative de John Marino. Ils ne sont que quatre au départ, à Santa Monica, l’objectif étant de rejoindre New York et le pied de l’Empire State Building.

Le vainqueur de cette édition inaugurale sera Lon Haldeman en 9 jours, 20 heures et 2 minutes, après 4777 kilomètres d’une seule étape !

En effet, contrairement au Tour de France, le chronomètre de la Race Across America ne connaît aucune pause ... Le temps s’égrène de façon inexorable, les temps de repos des concurrents étant inclus dans leur temps final de course. Il faut donc trouver le meilleur compris entre effort et temps de récupération (sommeil, repas ...) pour les concurrents de ce véritable marathon cycliste où les coureurs repoussent leurs limites physiologiques mais aussi mentales.

En 36 éditions depuis 1982, les Américains ont gagné 15 fois à domicile, contre 21 victoires étrangères, dont cinq pour le seul Jure Robic, coureur slovène vainqueur en 2004, 2005, 2007, 2008 et 2010.

Chaleur, manque de sommeil, douleurs, hallucinations sont les quotidiens des concurrents de cette course qui s’apparente à un véritable châtiment de Sisyphe et qui ferait presque passer le Tour de France pour une promenade de santé.

N’offrant aucun répit, cette course impose une terrible sélection naturelle. Les théories de Charles Darwin sur la survie y trouvent un écho. Seuls les plus forts, mentalement et physiquement, survivent à ce combat d’une ampleur sans égal.

D’autant que pour avoir l’honneur d’être classé, il faut boucler les 4 800 kilomètres en moins de 12 jours ... Soit 400 kilomètres par jour, là où les étapes de la Grande Boucle sont désormais plafonnées à 225 kilomètres au maximum dans le sillage des années Armstrong où ASO faisait croire aux naïfs que plus de récupération et moins de kilométrage allaient aider à lutter contre le dopage ...

Mais comme le disaient Jacques Chirac et Charles Pasqua jadis, les promesses n’engagent que ceux y croient !

Le talon d’Achille du Texan fut son arrogance sans limites, son désir de tuer dans l’œuf toute rébellion. A son climax, à son apogée, Lance Armstrong était entouré d’alliés, d’amis, de sponsors. Passé du Capitole à la Roche Tarpéienne, l’Américain a vu la liste de ses soutiens fondre comme neige au soleil.

Jamais rassasié, Armstrong peut être résumé par la citation suivante donnée par un ami de Tyler Hamilton : Lance, c’est Donald Trump. Il aura beau posséder tout Manhattan, tant qu’il restera dans un coin une petite épicerie qui ne portera pas son nom, ça le rendra dingue.


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11 réactions à cet article    


  • Axel_Borg Axel_Borg 10 octobre 2018 11:23

    Le dopage existait avant Lance Armstrong, mais le Texan a élevé le niveau de sophistication du système de triche à un niveau sans doute jamais atteint avant ou après lui, que ce soit dans le cyclisme ou dans une autre discipline sportive :

    - produits d’avant-garde

    - entraînements calques sur l’augmentation des watts en montagne ou en soufflerie

    - protection politique via l’UCI de Verbruggen

    - menaces sur les anciens membres de l’US Postal voulant parler

    - possible dopage technologique avec moteur caché


    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 10 octobre 2018 16:37

      @Axel_Borg

      Lance 1er, Le Roi des tricheurs ;)

    • Axel_Borg Axel_Borg 10 octobre 2018 16:52

      @Guga,

      Lance 1er, c’est un peu ça ! Pas sûr qu’il y ait un Lance II un jour vu que le prénom est rare et qu’en plus Armstrong lui aura porté un coup presque fatal aux Etats-Unis après son parjure !

      Ironie de l’Histoire, Hollywood voulait au depart faire un film hagiographique sur lui, finalement c’est le récit de son côté obscur qui sera porté à l’écran en 2015 par Stephen Frears dans un film que j’ai trouvé perso assez moyen : The Program.


    • Pere Plexe Pere Plexe 10 octobre 2018 19:37

      @Axel_Borg

      Manque un aspect pourtant de plus en plus important et visible de l’anti dopage : l’arme politique.
      Les déboires Russes en sont la plus parfaite illustration.
      Il suffi de voir comment la dernière décision de l’AMA sur ce dossier fut traitée chez nous.

    • Axel_Borg Axel_Borg 11 octobre 2018 10:02

      @Pere Plexe

      Certes mais attention Lance Armstrong n’était pas un athlete olympique mais avant tout un salarié d’US Postal Service et de Thomas Weisel.

      Malgré ses relations avec Bill Clinton puis surtout avec Debeuliou qui l’avait nommé dans une cellule de travail sur le cancer, le coureur texan ne représentait pas les Etats-Unis, exception faite des Mondiaux 1998 à Valkenburg et des Jeux Olympiques de Sydney.

      Armstrong représentait un système, celui de Verbruggen et Conconi, de Mérode et de Ferrari ... de tous ces gens couverts par l’UCI et le CIO depuis la fin des années 80.

      Même si au final c’est bien l’USADA, et non une instance européenne, qui a mis fin au mensonge Armstrong en 2012, avant ce tweet surréaliste du Boss allongé dans son salon avec ses 7 maillots jaunes dans 7 cadres : pure mégalomanie à la Jordan Belfort ...


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 10 octobre 2018 18:48

      Un vrai polar. On en sort avec dégoût, et peu d’ espoir.


      • Axel_Borg Axel_Borg 11 octobre 2018 10:05

        @Aita Pea Pea

        Dommage que Lance n’ait pas tout livré en 2013 chez Oprah Winfrey, notamment sur la partie la plus mystérieuse, le potentiel dopage mécanique venu de Budapest ...

        Ou sur ses pressions envers UCI voire ASO sur Pantani ? Avec Mapei et FIAT (je développerai dans un autre papier), L.A. fait partie de ceux qui avaient intérêt à voir le grimpeur romagnol jeté aux oubliettes du peloton, car Ullrich était finalement moins dangereux : classe pure folle pour l’Allemand, mais pas de mental ni de sens tactique, sans parler de son amateurisme navrant à un tel niveau de competition !


      • Trelawney 11 octobre 2018 10:12

        Lance Armstrong est peut être le roi des tricheurs et l’UCI de Verbruggen son complice dans cette farce. Mais c’est une vision réductrice de l’affaire.

        Pour ce qui concerne le Tour de France il y a eu l’époque avant Armstrong et après. Armstrong a industrialisé le process de dopage pour rendre la course plus spectaculaire et attractive. Et les plus grands bénéficiaires et complices de ce système ont été ASO et France 2
        Les audiences du Tour n’ont jamais été aussi importantes que du temps d’Armstrong (mieux que Mercks ou Hinault). Grace à Armstrong, ASO a pu développer son business dans les grandes manifestations sportives à travers le monde (golf, marathon, voile). Grace à Armstrong, France 2 a pu revendre l’exclusivité des retransmissions à d’autres pays et faire du tour une affaire financière rentable pour eux.
        Après la victoire de Virenque sur le mont Ventoux et face à Armstrong, ce dernier attend patiemment son tour devant le car de contrôle anti-dopage. Il ne voit pas Armstrong et le fait savoir. On lui répond qu’Armstrong est rentré à son hôtel avec l’hélicoptère d’ASO et qu’à sa demande il est exempté de contrôle pour toute la durée du tour. Virenque après son contrôle ferra 3 heures de voiture pour rejoindre son hôtel.

        Il ne faut surtout pas croire qu’ASO et France 2 sont les victimes des tricheries d’Armstrong. Ils en étaient pas les complices, ils en étaient les instigateurs pour rendre cette course d’un ancien temps plus attractive aux yeux du monde. Aujourd’hui un Geraint Thomas ou un Chris Froome remplace avantageusement un Armstrong, mais ASO réduit la durée de vie médiatique des coureurs pour ne pas se retrouver avec un nouveau scandale à la Armstrong.

        Rien de nouveau sous le soleil du tour de France

        • Axel_Borg Axel_Borg 11 octobre 2018 10:48

          @Trelawney

          Tu as raison mais l’article ne mentionne nullement que France 2 et ASO étaient victimes. Je me souviens de l’hypocrisie de Jean-Marie Leblanc au moment du scoop de L’Equipe en août 2005, un mois après le discours cynique d’Armstrong sur le podium des Champs-Elysées.

          Bien au contraire comme je le dis à un moment du papier, Leblanc faisait croire qu’avec moins de km et une 2e journée de repos, le dopage allait bientôt être de l’Histoire ancienne, sans parler de son concept marketing de 1999, le « Tour du Renouveau », un an après le séisme Festina.

          Jacques Goddet avait déjà fait le coup en 1968 à Vittel, le Tour de la Santé, un an après la mort de Tom Simpson sur les pentes du Mont Ventoux le 13 juillet 1967.

          Sur l’aspect spectaculaire dela course sous Armstrong, là on repassera. Certes il attaquait plus qu’Indurain qui se contentait de gérer (sauf à Liège et à la Plagne en 1995), mais le Texan verrouillait le tempo dans le dernier col et démarrait quand il se sentait au top.

          Pour de vraies offensives couillues à la Pantani ou à la Contador, désolé mais on repassera ...


        • Radix Radix 11 octobre 2018 10:24
          Bonjour

          Je pense qu’il est urgent d’interdire de courir aux cyclistes non-dopés... Avant qu’ils ne soient contaminés.

          Radix

          • Axel_Borg Axel_Borg 11 octobre 2018 10:50

            @Radix

            J’ai toujours dit qu’on devrait remplacer le maillot jaune par un maillot blanc à croix verte et caducee. Après tout c’est le meilleur pharmacien qui gagne plus que le meilleur cycliste ...

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