Les trois grandes libertés de l’être humain
Il existe selon moi trois grandes libertés : la liberté innée, la liberté acquise et la liberté conquise ou plus exactement la liberté-conquête (nous verrons pourquoi je préfère la nommer ainsi). Mais ces libertés ne trouvent pas souvent à s'épanouir toutes trois en raison des états de besoin non satisfaits, des démocraties imparfaites ou inexistantes, et, pour le cas de ceux qui vivent en démocratie à cause du dogme du pragmatisme libéral.
Le mot de pragmatisme vient du grec pragmatikos, qui concerne l'action de pragma, action, affaire. Le pragmatisme s'occupe des affaires et de rien d'autre. Il n'a que faire des valeurs humaines sauf de celles qui le servent dans ses projets. Par ailleurs, le pragmatisme aime l'ordre. Or, l'ordre imposé n'est pas le plus grand ami de la liberté, il peut même lui nuire dangereusement.
I - La liberté innée (l'être)
La liberté innée vous est donnée à la naissance, du moins si vous naissez sans gros handicap et sans maladie dégénérative. Même si vous êtes paralysé, si vous avez la faculté de penser, vous disposez de cette première forme de liberté.
La faculté d'aller et venir vous est léguée par la nature et par une hérédité de l'espèce qui est mille fois millénaire, les bras et les mains vous donnent toute liberté de saisir les choses et, plus encore, ce qui est proprement fabuleux, de créer !
La liberté innée est infinie parce qu'elle est liée à l'être qui est infini. D'aucuns diront "to be or not to be", bref que l'on n'est pas certain de l'existence de l'être. Ils auront tort car l'existence de l'être s'est avérée par l'expérience. D'abord, l'art, qui remonte au moins à l'époque des premières peintures rupestres (l'art antérieur n'ayant pas laissé de traces). Ce besoin de créer témoigne de la liberté innée et donc de la vérité de l'être et de sa liberté infinie. De même, l'art funéraire et les rites religieux, prouvent expérimentalement que l'être est au monde.
Plus tard, dans la lointaine Antiquité, le précepte "connais-toi toi-même" fut gravé au fronton du temple de Delphes. Il prouve l'existence de l'être car que cherches-tu à connaître si ce n'est toi, autrement dit ton être ?
Il ne s'agissait là encore que d'une preuve expérimentale, diront les sceptiques. Mais c'est oublier que René Descartes a soumis le problème à la méthode du doute radical fondé sur le scepticisme. Et il a sorti cette formule définitive : "je pense (donc) je suis".
Ainsi la liberté se trouve-t-elle vérifiée à la fois expérimentalement (je crée et je crois donc je suis) et dogmatiquement (le cogito).
Sauvez la liberté de l'être
La liberté innée que chacun possède est son bien le plus précieux, il ne doit pas la laisser se faire emprisonner par des mots d'ordre, des idéologies, des modes de vie en société imposés.
Mais, de plus, l'être humain ne doit pas racornir sa liberté première en se soumettant à la logique de la machine, il ne doit pas penser comme elle. Pourquoi ? Parce que l'IA ne pense pas. Elle ne possède pas de liberté innée, elle n'a pas d'être. Deux preuves au moins de ce que j'affirme : la première, c'est que l'IA ignore l'état d'émerveillement qui est à l'origine de la naissance de l'être (art, poésie, croyance, philosophie...). Forcément, elle n'a pas de conscience réflexive !
La seconde preuve est que l'IA ne commence à penser qu'après avoir assimilé la somme des connaissances nécessaires qu'on lui infuse et qu'elle engrange passivement. Elle ne connaît donc pas l'état d'ignorance si cher à Socrate, à Confucius et à tant de sages qui ont vu l'ignorance comme un bien en ce qu'il permet de chercher à comprendre le monde mais aussi à admettre la part de mystère qui échappe à notre intelligence. La conscience de l'ignorance est la base même de la Pensée, qui est effort. L'IA ne connaît pas non cet effort qui nous tire de l'ignorance, ni la souffrance et la joie, qui accompagnent la découverte (ou la redécouverte). L'IA ne connaît pas davantage l'oubli (naturel, non programmé) qui joue un rôle essentiel dans notre mode de pensée.
Il nous faut donc suivre les deux voies anciennes de la sagesse : l'émerveillement. La démarche de l'émerveillement ne doit en pas être réduite au sens le plus naïf du terme. Invités ce mercredi 10 octobre 2018 dans l'émission La Grande librairie, Christian Bobin et les autres invités ont précisé ce qu'ils entendaient par l'émerveillement. Les premiers philosophes ont reconnu que l'émerveillement est ce qui pique notre curiosité et qui nous conduit à chercher à comprendre. La seconde voie à suivre est de reconnaître notre ignorance pour la corriger. L'IA ne sait faire ni l'un ni l'autre.
II - La liberté acquise (l'individu)
Là aussi, si la nature vous a doté d'une santé suffisante, vous pouvez jouir de cette liberté. La liberté acquise consiste à s'affranchir et à gagner sa propre autonomie. L'enfant en grandissant connaît cette liberté. L'individu en se formant et en apprenant la connaît aussi.
Contrairement à la liberté innée, elle requiert des efforts longs et constants. Apprendre à lire et à écrire, à vous comporter en société, à comprendre les autres, à vous comprendre vous-même, voilà toute une série de choses qui relèvent de la liberté acquise. Les apprentissages (conduire un véhicule, par exemple) et les savoirs vous ouvrent des champs étendus de liberté ! La liberté acquise. Ouvrir des livres en est un parfait exemple. Mais aussi la capacité à vous exprimer aisément et à échanger des idées. Sur ce site notamment.
Sur le plan de la liberté acquise, les gens ne sont pas tous égaux même dans notre République qui proclame l'égalité. L'école ne permet pas à tous de s'épanouir dans cette seconde forme de liberté, le milieu dans lequel on naît non plus. La société n'offre pas à tout un chacun une tribune de premier plan pour y exprimer sa pensée.
III - La liberté conquête
La première chose à en dire est qu'elle n'est jamais acquise. Et donc - si vous suivez mon raisonnement - elle se différencie forcément de la précédente, la liberté "acquise" se définissant par opposition à "innée".
La liberté conquise est très fluctuante. Elle est en lien direct avec notre existence physique et matérielle. Il y a des moments de la journée où elle est emprisonnée, d'autres moments où elle peut s'épanouir. Il en va de même pour des temps plus longs : les journées, les périodes. La liberté conquise dépend du pays où l'on vit, des capacités et de la personnalité de l'individu. Cette liberté est aussi très liée au temps disponible.
A titre personnel, vous avez conquis des libertés que vous n'êtes pas sûrs de conserver à vie. Il n'en demeure pas moins que cette troisième forme de liberté est aussi vitale que les précédentes.
Finissons par deux exemples bien sentis à l'attention de notre cher Président
L'horticulteur qui, par sa liberté acquise, se voit refuser de conquérir la liberté à laquelle il peut prétendre en obtenant un emploi conforme à ses talents et aux efforts qu'il a réalisés, se voit étouffer par un dogmatisme aveugle (le pragmatisme libéral) quand on veut l'obliger à y renoncer sur-le-champ. Sans compter que cela viole la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui impose à l'Etat de permettre à tout citoyen, toute citoyenne, d'occuper les places qui correspondent à leurs talents et à leurs "vertus" (terme de l'époque).
La personne qui se voit enjoindre de cesser de se plaindre se voit refuser sa liberté la plus fondamentale, à savoir la liberté de l'être. Le fait d'exister en tant qu'être et de vivre engendre de la souffrance. Seuls quelques grands privilégiés ignorent ce fait. Or, la souffrance extrême ou quotidienne, envahissante et tenace, peut engendrer de la plainte. Rien n'est plus naturel que la plainte pour l'être qui souffre. Etouffez-donc toute plainte et les gens se suicideront dans le plus parfait silence...C'est d'ailleurs ce qui n'arrive que trop déjà.
Est-ce là une réponse humaine ?
En conclusion, je souhaite à chacun et chacune de vivre aussi pleinement que possible les trois formes de liberté. "Connais-toi toi-même !" (par la liberté de l'être), "deviens ce que tu es !" (par la liberté acquise et conquise).
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