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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le cinéma est aussi un commerce !

Le cinéma est aussi un commerce !

Aux festivals de Cannes et de Venise, il a été beaucoup question de Netflix. Et ce n’est pas fini. Alors que les films Netflix étaient exclus de la sélection à Cannes parce qu’ils ne sortaient pas en salle en France, la porte était largement ouverte à Venise et Netflix s’y est engouffré, avec succès.

Le cinéma est aussi un commerce !

Six films Netflix étaient sélectionnés, trois en compétition (Venezia75), Roma d’Alfonso Cuaron, Lion d’or, 22 july de Paul Greengrass, The ballad of Buster Scruggs des frères Coen, Prix du scénario. Et trois d'autres sélections  : Sulla mia pelle d’Alessio Cremonini (Orizzonti), They’ll love me when I’m dead de Morgan Neville (Fuori concorso), The other side of the wind d’Orson Welles (Evento speciale), prix Campari (vu de loin, une bouteille de Campari !).

Le directeur artistique de la Mostra, Paolo Barbera, s’est expliqué dans plusieurs déclarations : Je ne vois aucune raison d’exclure de la compétition du festival un film de Cuaron ou des frères Coen uniquement parce qu’il a été produit par Netflix…

 

Le problème n’est pas là. Ces films ne sont pas uniquement produits, ils sont aussi distribués, essentiellement ou exclusivement, par Netflix à ses abonnés à la VàD. Netflix n'est pas la seule compagnie à produire des films pour les diffuser ensuite sur leur propre système de VàD.

 A Venise, étaient présentés Suspiria de Luca Guadagnin, (Venezia75), Peterloo de Mike Leigh (Venezia75) produits par Amazon, L'amica geniale de Saverio Costanzo, (Fuori Concorso) par HBO.
Ces maisons de production ont déjà présenté des films à Cannes dont certains ont connu un certain succès : en 2003, Elephant de Gus Van Sant, Palme d’or, American Splendor (Un certain regard), en 2016, Cafe Society
de Woody Allen, ouverture du Festival (Hors compétition), Paterson de Jim Jarmusch (Compétition), The Handmaiden de Park Chan-wook (Compétition), The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (Compétition), Gimme danger (Séance spéciale), en 2017, Wonderstruck de Todd Haynes (Amazon), en 2018, Fahrenheit 451 de Ramin Bahrani (Hors compétition, HBO).

 

Ma mission est de choisir les meilleurs films, pas de résoudre les problèmes du marché du cinéma. Netflix donne les moyens de créer à de grands cinéastes. Plutôt que de faire de la résistance face à un mouvement irrémédiable, il faut se dire que, demain, les films seront vus simultanément en salle et sur petit écran. La France résiste pour protéger son modèle, par ailleurs magnifique, mais qui ne pourra tenir longtemps. Car si Netflix est le seul méchant, demain, il y en aura d’autres.

Pour le moment, les autres méchants jouent le jeu. Et se lancent en concurrence sur le marché, en pleine croissance, de la VàD par abonnement, notamment AT&T qui, à la suite d’acquisitions, pourra s’appuyer sur HBO, les séries Warner... (1).

 

Sous le signe de la fatalité, Paolo Barbera tord un peu la question car ces films seront peut-être vus, demain, simultanément en salle et sur petit écran mais, pour le moment, Netflix refuse cette simultanéité. Et de façon paradoxale, lourd soutien des membres du jury, le Lion d’or 2018 a été attribué à Roma, réalisé pour grand écran qui sera vu surtout sur le petit !
Si, demain, les salles disparaissent, les films sur petit écran seront toujours du cinéma mais un cinéma différent.

 

Paolo Barbera rend hommage à la résistance pour suivre une politique opposée. Si le modèle français est magnifique, c’est parce qu’il permet une sortie dans les salles d’abord, puis sur petit écran. Mais aussi, parce qu’il permet d’avoir une importante production nationale par l’engagement obligatoire des chaînes de télévision et un réseau de salles modernes important.
Il n’est pas certain que le modèle français résiste éternellement. Il aurait plus de chances s’il était suivi et soutenu.

Le Festival de Toronto fait le même choix que Venise. Et Toronto occupe une place plus importante que Venise sur le marché du film. Mais tous deux se placent en concurrence avec Cannes dans la perspective du marché et de l’attribution des Oscars.

 

Netflix refuse de jouer le jeu, comme le font Amazon ou HBO… Sa puissance financière (2) lui permet acheter les grands noms du cinéma. Elle est comparable à celle de ces géants étasuniens qui connaissent une croissance rapide et avancent vers une situation de monopole, dans leur domaine respectif. Ce qui va poser des problèmes à la création cinématographique d’abord, peu de cinéastes de qualité résisteront à sa séduction que ce soit pour des films ou des séries, mais surtout lors de la diffusion.
Combien de salles périront de cette modification de la distribution ?(3)

En Italie, la sortie des films sur les écrans, à la télévision ou en VàD n’est pas réglementée. Les organisations professionnelles des exploitants de salles, l’ANEC et l’ANEM (pour les Multiplex), ont protesté et auraient bien aimé que Venise les défende ou mieux les associe à des décisions qui risquent de mettre leur existence en danger.La présence ou non au conseil d’administration des festivals des exploitants de salle a pu jouer dans les décisions différentes de Cannes et de Venise.

 

Aux États-Unis, il n’existe pas non plus de réglementation mais un accord tacite entre les producteurs et les chaînes de salles de cinéma américaines. Et Amazon accepte de sortir des films d’abord en salle puis sur son service vidéo (4).

Alberto Barbera n’ignore pas ces faits. Dans la concurrence entre Cannes et Venise, il joue une maison de distribution en pleine croissance contre les autres. Au détriment des réseaux de salles dans les pays où il en existe.

Le cinéma est aussi un commerce !

Jusqu’à maintenant, le système français fonctionne relativement bien, pour la fréquentation des salles. En 2016, un Français est allé au cinéma 3,34 fois en moyenne contre 2,6 pour un Allemand et 1,5 pour un Britannique. Et pour le nombre de salles ( 2.045) ou d’écrans (5.843)  (5).
Mais la fréquentation n’est pas la même partout : les Parisiens voient 11 films par an contre 0,93 dans les villes de moins de 20 000 habitants hors Île-de-France (6). La VàD risque d’accentuer cette différence de fréquentation. Et de tuer des salles.

 

Le conflit avec Netflix a éclaté à l’occasion du Festival de Cannes en 2017. Alors que deux films de Netflix étaient présentés, le délégué général du Festival Thierry Frémaux avait annoncé que seuls seraient admis dans la sélection officielle les films qui sortiraient en salle en France. Ce que Netflix a refusé. En conséquence, il n’y avait pas de films produit par Netflix à l’édition de 2018.
Mais le dialogue continue.
Thierry Frémaux est persuadé que chaque camp a besoin de l’autre. Et que Netflix, un jour, ira en salle pour légitimer ses films. Au dernier Festival des Lumière de Lyon (13-21 octobre 2018) dont il est aussi directeur, Thierry Frémaux a invité Alfonso Cuaron et Roma ! (7).

 Signe de faiblesse, d’ouverture, promesse de compromis ?

 

Le cinéma est aussi un commerce !

1 - Le Monde 12/10/18

2 - Une puissance financière qui repose sur un nombre important d’abonnés en pleine croissance : fondé en 1997, Netflix compte, en octobre 2018, 137 millions d’abonnés dans 190 pays dont plus de 50 millions aux États-Unis et 3,5 en France.
La société, qui s’était implanté en France en 2014, a transféré son siège aux Pays-Bas dans l'optique de bénéficier d'une fiscalité plus avantageuse (Wikipedia).

Abonnés et... opérations financières : c’est également par la dette et les obligations pourries que Netflix, dont la valeur boursière vient de dépasser la Walt Disney Company, a réuni 8 milliards de dollars en vue de financer ses films et séries (Die Zeit du 06/09/18, cité par Courrier international, 20-26/09/18).

3 – La même question se pose pour la librairie. Récemment, le roman autoédité Bande de Français du franco-israélien Marco Koskas, présent dans la première sélection du prix Renaudot a été retiré de la deuxième liste à la demande du Syndicat de la librairie française (SLF) pour n’être disponible que sur Internet (Culturebox avec AFP, 04/10/18).

4 - https://www.franceinfo.fr/cinema/a-la-mostra-de-venise-netflix-prend-sa-revenche-et-decroshe-le-lion-d-or

5 - LesEchos.fr 18/09/17 : https://www.lesechos.fr/18/09/2017/lesechos.fr/030579068039_les-salles-de-cinema-francaises-ont-fait-le-plein-en-2016.htm

6 – https://www.economie.gouv.fr/entreprises/cinema-chiffres-cles

7 - Le Monde 15/09/18

Le cinéma est aussi un commerce !


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4 réactions à cet article    


  • Ruut Ruut 30 octobre 2018 13:41

    Écoute a 9 voir 10 euro le film au cinéma, je préfère la VOD HD home cinéma qui me propose un contenu illimité.

    De plus j’évite les accrocs du smartphone en plein film, ou les blablateurs compulsifs, voir les ronfleurs pour cause de film soporifique.

    Sans parler de la très mauvaise qualité de la 3d au cinéma diffusée sur des lunettes souvent abîmées.


    • foufouille foufouille 30 octobre 2018 13:50

      je vais jamais au ciné, les portes sont trop chiantes à tirer et les places pour fauteuil sont justes devant.


      • Fergus Fergus 30 octobre 2018 17:11

        Bonjour, Paul

        « En même temps », le cinéma a toujours été à la fois une industrie et un commerce, notamment depuis les années 30 aux Etats-Unis. 


        • rhea 1481971 30 octobre 2018 18:00

          Regarder les films français des années 1970 et du début des années 1980

          ils sont à double sens, l’interprétation du film dépend de sa tour psychique. Un

          professeur de communication vous expliquera ce qu’est une tour psychique.

          En principe les gens ne doivent pas en sortir. Les internautes qui mettent des

          commentaires sur ce site ont des difficulté a en sortir.

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