Splendeur de l’enseignement et misères des enseignants !
Je ne me sens pas trop légitime pour évoquer le vécu des enseignants car j’ai bien vite abandonné la filière pour des émoluments bien plus rémunérateurs dans d’autres secteurs d’activités : il faut croire que je n’avais pas la vocation pour ne pas résister à de meilleures conditions salariales même si cela impliquait moins de temps libre.
Je ne suis pas légitime mais je m’autorise à exprimer ma sympathie envers un corps social souvent moqué, vilipendé par qui devrait le soutenir, à savoir sa propre administration comme quand un ministre va jusqu’à le comparer au mammouth, énorme mastodonte certes mais surtout préhistorique, ce qui donne la mesure de l’estime dans laquelle cette éminence tenait ceux qu’il était chargé d’administrer.
C’était il y a bien longtemps que j’embrassai la carrière pour l’abandonner bien vite.
A cette époque les problèmes – bien qu’il y eût aussi en ce temps-là des caractériels fouteurs de m… et très violents - n’atteignaient pas encore le niveau paroxystique qu’on connaît aujourd’hui : il est vrai que le moindre incident bénéficie maintenant d’une caisse de résonance avec les médias et les réseaux sociaux qui tend aussi à pervertir l’impression qu’on en a.
A l’époque les parents – tous les parents y compris ceux issus de l’immigration - éduquaient encore leurs enfants et n’en faisaient pas des monstres sacrés que rien ni personne ne pouvaient contrarier dans leurs épanchements excessifs.
Mais au fond combien sont-ils aujourd'hui ceux-là qui allient aujourd’hui la vocation au talent d’enseigner ?
Je pense qu’ils sont encore et toujours la majorité à s’investir dans cette noble tâche qui consiste à éveiller les jeunes intelligences au savoir et à la connaissance. Malgré la modicité de leurs appointements qui n’a fait que se dégrader suivant en cela une tendance générale dans la société marquée par la baisse tendancielle du coût salarial.
Il faut bien malheureusement également constater qu’il y a aussi comme autrefois un certain nombre de pantouflards qui ont choisi la sécurité d’emploi et le salaire modeste mais sans risque sinon ceux que toute personne investie d’un peu d’autorité connaît dans son contact avec une jeunesse déboussolée, sans autre idéal que de river son regard sur le dernier iPhone à la mode et à laquelle des parents démissionnaires passent tout.
Contrairement à ce que l’on s’échine à nous faire croire, même les établissements cotés ont leur lot de déviants mais les autorités en charge d’iceux ont le talent de passer sous silence tous les manquements afin de ne pas éveiller des interrogations malvenues chez les parents des rejetons dont ils doivent soigner l’éducation.
Les sales gosses de riches ont droit à un voile pudique pour masquer leurs esclandres et d’ailleurs pour eux (comme pour les enfants de pauvres ) le temps fait en général son œuvre et contribue au bout du bout à leur assagissement et ( c’est moins vrai pour les gosses de pauvres ) à leur insertion dans la société grâce aux réseaux de cooptation de parents bien rodés aux démarches nécessaires …
Il y a un très beau film de Peter Weir « le Cercle des poètes disparus « avec le regretté Robin Williams dans le rôle de l’enseignant, éveilleur de talent davantage que partageur d’un savoir conservé dans le formol, qui enflamme ses élèves ( du moins une partie d’entre eux ) par son indépendance d’esprit, son éloge du « carpe diem « et son amour de la poésie.
Ce film démontre la difficulté de faire œuvre pédagogique originale dans un environnement qui devient hostile dès lors que les normes sont modifiées qui devraient régir la fonction dévolue à l’enseignant : reproduire les distinctions de classe. Ce cadre scolaire ne doit viser qu’à articuler le fond des connaissances uniquement pour perpétuer la société avec ceux qui ont vocation de dirigeants - qui ont droit aux grandes écoles - et les autres, ceux dont le destin est d’obéir, une société dont la surface peut être éventuellement ravalée mais dont les fondations devraient être fixées pour l’éternité.
Pour parodier Lampedusa dans « Le Guépard Il faut que tout change en surface pour que rien ne change sur le fond.
Dans le film, le pédagogue inventif mais hors normes sera bien entendu viré, tenu responsable du suicide d’un élève contrarié dans sa vocation artistique par un père qui reporte sur lui ses ambitions inassouvies mais il partira avec les hommages de ceux de ses élèves qui avaient voulu suivre sa trace, ayant découvert que, lors de son passage comme élève dans l’établissement, il avait fondé ce fameux cercle des poètes disparus .
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Ajoutons de surcroît que la crise qui oblige certains parents à accepter des conditions d’emploi sinon indignes du moins peu compatibles avec la vie de famille surtout dans le chef de cette multitude de familles monoparentales dont la mère le plus souvent ( l’homme s’est taillé loin des problèmes ) est contrainte de jouer, par exemple, les techniciennes de surface quand les activités sont en veilleuse, c’est-à-dire à ces heures tardives où leur présence serait pourtant bienvenue pour s’occuper de leur progéniture.
Bref une bonne partie de la jeunesse est aujourd’hui livrée à elle-même ; il n’existe même plus de nos jours le tissu associatif ( souvent animé par le parti communiste mais aussi par les organisations catholiques ) pour prendre en charge les chiens perdus à qui l’on n’a jamais vraiment réussi à mettre un collier pour les apprivoiser.
L’école ne peut répondre à tout, elle ne peut se substituer aux autorités familiales défaillantes mais elle pourrait peut-être mieux et davantage enseigner la discipline à des élèves qui ne connaissent souvent que la loi de la bande à laquelle ils sont contraints de s’agglomérer pour éviter l’ennui de ceux à qui on n’a pas appris à rechercher d’autres horizons tels ceux qu’offre la lecture de ces œuvres mineures comme les qualifient de suffisants esthètes en parlant de la littérature de la jeunesse.
Il y a de quoi frémir quand les mangas détrônent la littérature rose ou verte pour répondre aux appétits de découverte des jeunes esprits.
Et certains n’ont même plus le goût de cela : il faut encore lire des textes élémentaires certes mais sans doute encore trop compliqués à déchiffrer pour leurs cerveaux qui n’ont jamais été débroussaillés ou que l’on s’est résigné à ne pas ensemencer tant la tâche semblait ardue par rapport surtout aux bénéfices (en monnaie sonnante et trébuchante ) escomptés…
On me dira que je me borne à faire un constat, ce qui est vrai car je n’ai pas de solution à apporter sinon de mettre fin, utopie galvanisante, à la société du profit et chacun pour soi.
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