Grand débat ou catharsis républicaine ?
La France souffre de ses nombreuses contradictions et la V° République semble à bout de souffle, recouvrera-t-elle un second souffle ? Cette question contient toutes les autres, car les problèmes auxquels la société est confrontée ressemblent à un artichaut, il faut en ôter toutes les feuilles et le foin pour en goûter le cœur. Les Gilets jaunes entendent participer aux affaires de la Nation et semblent résolus à outrepasser les politiques par leur « révolution sociale » qui reste à mettre en forme, car la misère réelle ou ressentie n'est pas la cause déterminante de la contestation qui reste à confirmer en terme de participation et des propositions retenues. Toujours se méfier du silence du mort (proverbe jésuite). En mai 2017, un sang neuf a chassé ceux qui depuis des décennies occupaient les avenues et les strapontins du pouvoir, mais celui-ci semble tourner en eau de boudin. Il n'y a pas de politique, mais des politiciens bien résolus à ne pas transiger sur leur privilèges, d'invoquer sans vergogne, leur intégrité face aux lobbies... Ces médicastres me font penser aux psychanalystes qui clament que le paiement de leurs honoraires est une partie de la thérapie !
L'encadrement du Grand débat ne doit pas en faire oublier le fond ni s'apparenter à « SOS Fraternité républicaine » au risque d'être assimilé à un grand déballage ou de voir le fond remonter à la surface. La liste du président n'est pas celle du père Noël, elle est encadrée : limitation et regroupement du nombre de sujets - questions fermées - délimitation des réponses - question par une question (pratique jésuitique). Le président ne cherche pas à « séduire » ni avoir pris un certain recul par rapport à la fonction, signe d'une maturité présidentielle qui lui permettrait de comprendre les contradictions et les désirs de changements d'une partie de la population laborieuse. Il incarne un rôle « imaginé », son air hautain, voire dédaigneux reste son pire ennemi. Le : « qu'Ils viennent me chercher » fut l'épée de Damoclés dont « Bibi » a tranché la corde lui même.
L'apparence bravache n'est peut-être qu'un écran émotionnel, son allure altière une fragilité, son arrogance dissimuler la peur de l'autre, et son parler cash celui d'un adulescent. L'homme qui nous dit qu'il n'y a pas de « Tabou ni de Totem » fait-il référence à Totem & Tabou de Sigmund Freud (paru en 1913) ou fusse un lapsus ? Le profil œdipien intrigue. Que penser d'un « quadra » qui n'a pas connu les joies de la paternité et marié à une femme appartenant à la génération précédente ? Veut-il rester le petit garçon choyé ?
On parle de plusieurs centaines de doléances ! En fait, toutes se retrouvent dans la pyramide de Maslow : besoins physiologiques : boire, manger, dormir, se vêtir - besoins de sécurité : emploi, logement, finance - besoins affectifs : aimer, être aimé, apprécié - besoin de considération : être reconnu (profession, famille, société) - besoin d'appartenance : à un groupe, une personne, à une lignée, à une culture - besoin de se connaître - besoin esthétique - d'évasion. Cela se transforme en craintes : économiques (hausse des prix continuelle, perte de revenus, paupérisation) - perte de ses repères (sociétaux, technologiques, culturels) - du lendemain (enfants, petits-enfants, chômage, de l'inconnu) - domaine de la santé (disparition médecins, délocalisation hôpitaux) - de l'autre (urbains, ruraux, étrangers, clandestins) - la nature (écologie, empreinte carbone, dérèglement climatique) - solitude (isolement humain, géographique) - insécurité (routière, agression, vandalisme, cambriolages) - des organisations (partis politiques, syndicats), etc.
Il s'agit pour les Gilets jaunes de voir leurs revendications aboutir, pour le gouvernement de permettre à la tension de retomber, et ensuite, parvenir à un vivre ensemble apaisé. Autant dire que le débat est biaisé dès le départ. Des Gilets Jaunes espèrent une « embellie » tandis que d'autres s'entredéchirent et que les menaces de mort semblent monnaie courante. Le gouvernement y perçoit une forme de chantage de la rue, une illuminée une main étrangère, à moins qu'il ne s'agisse de « la main de ma sœur dans la culotte d'un zouave » (Manon des sources). Il ne saurait être question, pour l'État, de se soumettre à tous les diktats de la rue. Peu importe : « La parole nous a été donnée pour déguiser notre pensée » (Talleyrand).
Les tractations à venir vont-elles reposer sur : le rationnel, le pragmatisme, l'émotionnel, les relations humaines ou sur la fermeté ? Le président l'a dit et écrit, il ne reviendra pas sur certaines réformes engagées ou à venir. En l'absence de dialogue aboutissant à un accord, aucune sortie de crise ne sera possible. Pour voir une proposition acceptée, il faut qu'elle n'aille pas à l'encontre des convictions profondes ni qu'elle sorte du cadre de référence que les parties se sont fixées. Comment aboutir à un accord satisfaisant à partir de souhaits exprimés aussi divergents ?
Vouloir chambouler la vision du Monde présidentielle revient à priver Macron de ses repères, l'homme n'est pas taillé pour naviguer à vue comme certains de ses prédécesseurs qui allaient jusqu'à naviguer en eaux troubles. Le président a-t-il à ses côtés des vigies capables de modifier sa perception de la société française et d'ébranler ses certitudes ? A écouter certains de ses « proches » (G. Colomb, Benalla), on peut en douter. Il semble plutôt isolé au milieu d'un marigot de courtisans qu'illustre la fable de Maitre corbeau... Les membres d'une « fraternité » (université, diplôme, confrérie) ou caste (titres, privilèges, appartenance) en réservent l'accès par un pouvoir discrétionnaire.
Les experts sont à peu près tous d'accord pour reconnaitre que l'art de la communication est la capacité d'obtenir de l'autre, d'une manière acceptable, ce que l'on désire. Il y a toujours un gagnant et un perdant ! Le gagnant / gagnant n'existe pas, c'est une illusion qui permet de sauver la face. Il y a toujours un insatisfait. De nombreux écueils guettent les participants au Grand débat : la communication phatique : établir la relation - la communication cathartique : libération d'une émotion - la communication informative : le partage d'informations - la communication persuasive : modifier le comportement de l'autre. Autre écueil, la tendance à vouloir se projeter dans les propos de l'autre. Notre humeur, nos convictions, notre disponibilité mentale, agissent comme autant de filtres.
L'évaluation d'une situation est relative et personnelle à chaque individu. Entre le message émis et son interprétation par l'autre partie, de nombreux obstacles peuvent en compromettre l'interprétation finale. Les mots peuvent être : ambigus, connotés, dénotés, prendre une valeur affective, etc. Les mots ne signifient rien par eux-mêmes, ce ne sont que les instruments véhiculaires de la pensée auxquels chacun donne une signification particulière. Je peux écrire le mot « OR », cela ne donne ni le matériau ni l'éclat du précieux métal. De la poudre aux yeux en quelque sorte, nous ne sommes pas loin de la manipulation. Seuls les politiciens alchimistes habiles sont parvenus à réussir la transmutation de belles paroles devant les yeux ébahis des gogos.
République et Monarchie ne sont que deux « maux » appliqués à une même réalité, elles ne valent que par les hommes qui les servent. Le président a des devoirs et des obligations envers le Peuple français. Un régime se doit d'être équilibré, sinon il est ressenti comme une domination ou une injustice. La richesse est bien plus qu'une accumulation ou possessions, elle est souvent symbole de prestige, de domination. Au nom de quels principes démocratiques une majorité d'électeurs déçus ou trompés ne pourrait demander une rupture anticipée du contrat de confiance qui les liait au président ?
Une partie de la population semble émerger d'un long, très long syndrome de Stockholm. Elle pense avoir les cartes en main et gommer une vie de soumission et de frustration. Les Gilets jaunes ne veulent pas d'un constat sommaire, il est interdit d'interdire, ils souhaitent l'aboutissement de leur volonté... Comment définir celle-ci alors qu'ils ne sont déjà pas d'accord entre-eux. Comment atteindre les besoins communs sans léser personne quand 20 % des contribuables participent à hauteur de 70 % à la redistribution ! Les Gilets jaunes semblent feindre d'ignorer qu'ils ne détiennent un « pouvoir » qu'au regard de la passivité des gilets bleus, foulards rouges, du gouvernement, sans oublier la majorité silencieuse et les véritables impécunieux. Combien d'automobilistes ont placé le gilet jaune en évidence sur le tableau de bord pour franchir les ronds-points afin de pouvoir aller gagner leur « croute » et finir la fin du mois ? Les opposants aux Gilets jaunes qui misent sur la fermeté raisonnent au nom de l'ordre, de leurs propres intérêts et de la libre circulation.
Le gouvernement a parfaitement compris que les Gilets jaunes, seuls, ne peuvent être la voix ni la voie de la France, d'insister que le plus grand nombre de citoyens se doit de participer au Grand débat. Le but est important, mais le chemin l'est plus encore, 67 % pense que le débat ne permettra pas de sortir de la crise ! Le symbolisme associé à la couleur jaune sera-t-il démenti ou assisterons-nous à une fin vaudevillesque ? A force de parler de révolution en lieu et place d'évolution, les journalistes et les politiques vont finir par lui donner corps. Envisager le pire ne peut que conduire certains esprits fragiles à s'y préparer inconsidérément. Un espoir cependant, chaque nouvelle situation est créatrice d'événements susceptibles de venir modifier le cours des événements. Les résultats du Grand débat pourraient bien être inattendus. Quel événement sera déterminant (loi de Paretto) ?
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