Quand un député, fils de résistant compare la loi « anti-casseurs » au régime de Vichy
Un député centriste, fils de résistant
Mais qui est cet allumé, qui décide d'entrée de jeu de marquer un magnifique point Godwin ?! Encore un Insoumis hargneux ? Un Bolchevique sanguinaire ?
Non, non ! Il s'agit de Charles de Courson, député centriste de la Marne. Président de la commission d'enquête parlementaire lors de l'affaire Cahuzac en 2013, le député a déjà un petit passif anti-liberticide : En 2015, il s'opposait au projet de loi relative au renseignement du gouvernement Valls.
"En 2013, La Croix évoquait un législateur « incorruptible », et L'Opinion décrivait Charles de Courson comme un « ours », un « solitaire », rarement tendre avec ses collègues de l'Assemblée nationale, et un adepte des mots forts," nous rappelle le magasine Le Point.
Une incorruptibilité et un républicanisme qu'il semble tirer de son passé familial :
- Descendant de Louis Michel Le Pelletier de Saint Fargeau, qui milita pour la liberté de la presse et pour une école égalitaire lors de la Grande Révolution, et qui vota pour l’exécution du Roi.
- Petit-fils de Léonel de Moustier, qui, député du Doubs sous la troisième République, fût le seul député de droite à voter contre l'octroie des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Déporté pendant l'occupation, il mourra des séquelle de son emprisonnement.
- Fils d'Aymar de Courson, résistant sous le régime de Vichy.
Alors, c'est clair, ce passé familial ne donne pas plus de poids à ses décisions politiques qu'à celles d'un autre. Mais on pourra accorder un peu plus de crédit à ce monsieur lorsqu'il parle du régime de Vichy, qu'au start-uppeur Griveaux quand il compare l'opposition parlementaire à des contemporains de l'Allemagne nazi...
Mais alors concrètement, qu'est-ce qu'il dénonce ?
La mise en garde de @C_DeCourson contre la #LoiAntiCasseurs : "C'est la dérive complète ! On se croit revenu sous le régime de #Vichy ! Réveillez-vous ! C'est une pure folie de voter ce texte !". #Manifestation #GiletsJaunes #DirectAN pic.twitter.com/lhhT0lpcdZ
— LCP (@LCP) 30 janvier 2019
Ce qui est mis en cause par ce député, c'est les dispositions prévues sur l'interdiction préventive de manifester. Le texte prévoit en effet de donner le pouvoir aux préfets de prononcer ces interdictions en cas de menace grave pour la sécurité.
Mais qu'est-ce qu'une menace grave ? Mystère... Et c'est sur ce point là que s'indigne le député :
"On va priver un individu de sa liberté de circulation et de manifester, au motif qu'il y a une présomption, des raisons sérieuses [...] de penser que son comportement constitue une menace. [...] Mais où sommes nous, mes cher collègue ? C'est la dérive complète ! On se croit revenus sous le régime de Vichy ! Vous êtes présumé, de par votre attitude, être résistant donc on vous en-taule ?!"
Le gouvernement n'avait apparemment donc pas pris le temps de préciser ce point, pensant cencore marcher sur l'eau... Seulement, une fois n'est pas coutume, les députés LREM font les gros yeux.
Aurélien Taché, député de la majorité, s'inquiète : "Le droit commun ne peut instaurer un régime de restriction par principe et de liberté par exception. C’est ce qui est en germe dans cette loi."
Après débat, les troupes rentrent néanmoins vite dans le rang. Alors que beaucoup demandaient la disparition pure et simple de cette mesure, celle-ci est bel et bien validée, avec quelques garde-fous :
Des « critères objectifs » ont été ajoutés : la personne devra avoir commis des « atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens » ou encore « un acte violent » lors de manifestations précédentes. Le préfet sera en droit d’imposer une convocation à la personne concernée, afin qu’elle ne se rende pas à la manifestation, nous apprend Valeurs Actuelles.
« On renverse la logique de la présomption d’innocence, Sans procédure contradictoire, le préfet va pouvoir vous interdire de manifester et c’est à vous de contester. Les critères sont extrêmement flous et permettent de viser large. » estime quant à lui Vincent Charmoillaux, secrétaire général du syndicat de la Magistrature, au micro de Reporterre.
Une maigre consolation, donc, que ces garde-fous... Ou une pure foutaise. L'histoire du verre à moitié plein et du verre à moitié vide.
Après moi, le déluge !
Charles de Courson finit son intervention en mettant en garde la majorité contre son sentiment de toute puissance ?
"Le jour où vous aurez un gouvernement différent, vous verrez ! Et quand vous serez dans l'opposition avec une droite extrême au pouvoir, vous verrez mes chers collègues. !C'est une pure folie de voter ce texte, une pure folie !"
"Après moi le déluge" pourrait être le slogan de la start-up Macron. Car ce qu'est en train de faire ce gouvernement, c'est bien de mettre tout un arsenal répressif en place, dont ses successeurs pourront se servir allègrement. Mais cette considération ne semble pas effleurer l'esprit des Macroniens, toujours désespérément bloqués dans la toute puissance court-termiste...
Ce qui semble inquiéter Charles de Courson, c'est de voir tomber tout cet arsenal répressif dans les mains de l'extrême droite. Et ça nous inquiète aussi.
Mais il ne faut pas se leurrer. La dérive autoritaire est déjà là, elle n'a pas attendu l'extrême-droite pour s'installer en France. Jupiter et sa clique s'érigent petit à petit en despotes...
Pour en savoir plus sur vos futures pertes de liberté, on vous conseille ce très bon article de Reporterre
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