Une histoire à brûler les planches
Un ami de François Berléand
Il s’appelle G, un bientôt sexagénaire, un homme tranquille même si parfois il est capable d’excentricités selon son grand ami François Berléand. Parmi celles-ci et entre autres folies, G est un soutien inconditionnel de la première heure du mouvement des Gilets jaunes, ce qui agace prodigieusement le grand acteur. Nul n’est parfait, G d’ailleurs ne s’arrête pas là dans la longue liste des défauts qui exaspère le grand homme.
G ne travaille plus depuis belle lurette. Non pas qu’à l'instar de son compagnon, il vive de ses rentes, loin de là. Non, il est pensionné parce que les variations de son humeur en font un individu incapable d’intégrer le monde professionnel ce qui avouons-le suscite récriminations, insultes et propos acerbes de la part de l’acteur célèbre. « Encore un qui vit à mes crochets ! » aurait-il dit un jour à des connaissances communes.
G est pourtant un garçon soucieux, sourcilleux parfois. Il aime que les choses soient dans les clous, qu’elles se passent en toute transparence et sans le moindre doute possible. Il a d’ailleurs mené des combats personnels pour la qualité de l’eau, le problème du ramassage des ordures, la pollution des rivières. Des combats bien éloignés des préoccupations de monsieur Berléand, plus soucieux de se montrer en harmonie avec Freluquet premier.
G a rendu service à un ami en le conduisant à l’aéroport d’Orly, simplement pour se montrer coopératif et sans le moindre esprit lucratif. En dépit de ses modestes revenus : il est au minima social, il est capable d’agir gracieusement. Sur la route, une grande nationale qui ne cesse de contraindre le chauffeur à surveiller panneaux et compteur, il a établi mentalement la liste des radars mis hors d’état de nuire par ses compagnons de lutte, histoire de faire un pied de nez à ce sacré François, hors de lui dès qu’il s’agit d’évoquer la chose.
Au retour, il a sans doute été étourdi. Il a manqué en tout cas de civisme selon Berléand, d’attention selon ceux à qui l’aventure est déjà survenue. Il est passé trop vite de quelques kilomètres devant un espion impitoyable qui l’a mis dans l’instant au ban de la société. Un éclair dans le dos a révélé son infamie aux robots de la fiscalité routière. Pour deux malheureux kilomètres par heure, il va devoir se serrer la ceinture tout le mois.
Berléand ne fera pas le plus petit geste pour l’aider. Quand on est riche, on se contente de mépriser les soucis d’argent des plus démunis. G, le sait et n’attend rien, il paiera puisque c’est la loi, lui qui n’est pas homme à se défiler ni même à porter réclamation. Pourtant quelque chose le turlupine, il a le sentiment de s’être fait faire un enfant dans le dos. Il veut en avoir le cœur net en dépit des railleries de son camarade.
Il revient sur les lieux de ce forfait terrible qui le place au ban de la société, lui qui est condamné à se voir délesté de 5 % de ses revenus tandis que pour son pote François, l’amende serait dérisoire. Au pays de l’égalité, ceux qui font les lois ne semblent pas se formaliser de pareille iniquité. François n’en parlera pas à son idole Emmanuel. Cette fois, il y a quand même anguille sous roche et même incertitude sur la délation mécanique.
Comme il lui avait semblé à l’aller, ce supplétif de la répression, ce radar avait subi l’assaut des vengeurs en jaune. Il avait brûlé et d’ailleurs portait encore les stigmates de la vindicte des gueux. Berléand est outré certes mais G doute désormais de la fiabilité de la machine. Les vitres sont encore noircies, le dispositif a dû chauffer, déréglant sans doute sa précision aléatoire.
Il a malgré tout la possibilité de porter réclamation au pays des droits de l’homme même si cette décision lui coûterait vingt euros supplémentaires. Tout est fait pour dissuader les miséreux dans ce pays où seuls Berléand et ses camarades fortunés disposent de facilités de paiement. G va payer la mort dans l’âme, outré que la missive qu’il a reçue porte la mention fallacieuse : « Appareil contrôlé le 28 décembre ! »
Depuis ce diable de radar a brûlé et reste malgré tout en capacité de nuire avec une incertitude forte sur sa fiabilité. Qui s’en soucie au pays des Canailles ? Certes pas Emmanuel et François qui se retrouvent parfois autour d’une bonne table avec des menus valant plusieurs voitures pour G. La seule chose qui fasse sourire notre malheureux fou du volant c’est l’idée que ces deux-là, ne commandent jamais des poulets grillés surtout ceux à chair jaune du Gers.
G en rit encore tandis que François hausse les épaules. Décidément, il n’y a vraiment rien à tirer de ces gens qui ne pensent qu’à faire C... le pays ! G a compris. Il se dit qu’il économisera le montant de l’amende sur son budget loisir. Il n’ira plus jamais voir un film dans lequel joue celui qui fut son ami d’enfance ! « Ça lui fera les pieds à ce gros C... » me glisse-t-il en guise de conclusion à cette histoire, somme toute banale.
Incendiairement sien.
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON