Elections européennes : pour une prise de position plus claire des candidats sur les enjeux fondamentaux
Les vraies questions fondamentales à (se) poser
Dans sa récente tribune de mars dernier, Macron a proposé une Renaissance de l’Europe, à laquelle Mélenchon a eu le mérite de répondre en soulevant la question de la sortie des Traités européens. Depuis lors, le débat électoral est cependant resté quelque peu confus à ce sujet, chaque candidat ou presque y étant allé de sa liste de souhaits plus ou moins incantatoire, sans pour autant répondre fondamentalement, ou suffisamment clairement, à la triple question suivante, dont l’ordre séquentiel est important : 1. faut-il changer les Traités européens ? 2. Pour aller dans quel sens ? 3. Et comment y parvenir ?
Changer les Traités européens ?
Pour un nombre croissant d’experts mais aussi de citoyens, les Traités européens souffrent de nombreux péchés originaux – de Maastricht ayant imposé la concurrence fiscale et sociale interne à l’Union, à Lisbonne ayant consacré l’agenda néolibéral – sans même parler de Nice et de l’élargissement de 2004, sur lequel il n’est plus possible de revenir. Péchés originels encore aggravés par le tour de passe-passe anti-démocratique que constitua le contournement du rejet par le peuple français du Traité constitutionnel en 2005. Si comme le pensent Ch. Saint Etienne et L. Ferry, pour ne citer qu’eux, les Traités nous ont mené dans le mur et continuent à nous y enfoncer, il est logique de conclure qu’il est impératif d’en changer. Une véritable Renaissance de l’Europe n’impliquerait-elle pas la quête d’un nouvel ADN pour le nouveau-né ?
Or, que voit-on dans le débat en France ? La position des candidats tête de liste, de part et d’autre d’une ligne de démarcation sur la question de savoir si oui ou non il faut changer les Traités, n’est pas si facile à établir.
A droite de cette ligne de démarcation peuvent être positionnés tous ceux qui seraient favorables à un changement majeur des Traités (Arthaud, Aubry, Brossat, Bardella, Dupont-Aignan), voire ceux qui ont appelé à en sortir à travers le choix du Frexit (Asselineau, Philippot). S’y retrouvent donc l’extrême gauche et l’extrême droite dans des listes dites populistes et/ou souverainistes. S’y ajoutent aussi sûrement les diverses listes ‘Gilets jaunes’ annoncées.
De l’autre côté de la ligne de démarcation figureraient tous les autres (Loiseau, Bellamy, Jadot, Hamon, Glucksman, Lagarde), dans la mesure où ils n’envisagent pas de révision fondamentale des Traités - le cas échéant, ils pourraient vouloir quelques modifications à la marge, mais l’essentiel serait d’infléchir les politiques européennes à Traités (quasi) constants.
Quoi qu’il en soit, pour l’ensemble des candidats, seuls quelques-uns se sont clairement exprimés sur leur vision en la matière, et il est indispensable que cette question fondamentale structure mieux, et comme il se doit, le débat électoral.
Pour quoi faire et comment y parvenir ?
Deux autres questions découlent de l’idée d’un changement majeur impératif des Traités.
Celle en premier lieu de la finalité de ce changement majeur : autrement dit, pour aller dans quel sens ?
Au niveau institutionnel d’abord : pour aller vers plus, ou au contraire vers moins, de fédéralisme ? En d’autres termes, s’agit-il d’étendre le vote du Conseil à la majorité qualifiée aux sujets où l’unanimité reste requise, seul moyen de conjurer notamment la concurrence fiscale déloyale ? Et parmi les autres questions institutionnelles : faut-il doter le Parlement d’un pouvoir de proposition législative, pour rendre la construction plus démocratique ? Etc.
Au niveau ensuite des politiques thématiques et sectorielles à mener – modalités de recettes, niveau et partage du budget européen, qui demeure jusqu’à présent limité à 1% de la richesse communautaire, et qui reste consacré pour l’essentiel des financements (80%) aux politiques agricoles et régionales.
Vient enfin la question du comment y parvenir. Il est probable que cela ne pourrait se faire qu’avec une volonté farouche du chef de l’Etat, associée à une stratégie appropriée de constitution de groupe(s) parlementaire(s) favorable(s) à ce projet au sein du futur Parlement. Toute autre approche plus ‘timorée’ sera classée sans suite.
Tous les français ont le droit de comprendre ce triple enjeu pour mieux calibrer leur vote, et tous les candidats tête de listes ont le devoir de répondre clairement et systématiquement à ces trois questions.
Or chacun reconnaît que les questions européennes sont très complexes et insuffisamment maîtrisées par les non spécialistes dont font partie les électeurs.
Invitons donc l’ensemble des interviewers à les leur poser inlassablement, jusqu’à ce que ces débats deviennent familiers pour le plus grand nombre !
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