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Influence : les multiples cartouches de l’industrie du tabac au Maroc

Pour écouler toujours plus de cigarettes dans le pays, l'un des plus gros fumeurs de l'espace méditerranéen, les cigarettiers redoublent d'influence et de cynisme, cherchant notamment à mettre la main sur le système de traçabilité des paquets.

Le Maroc, ce pays où il fait bon vivre, avec sa gastronomie réputée, sa culture richissime, ses habitants accueillants... et son industrie du tabac aux méthodes « rentre-dedans ». Depuis des années, le marché marocain de la cigarette, au sein duquel règne une certaine liberté, offre aux géants de la nicotine un terrain de jeu qu'ils ne se privent pas d'investir. Problème : ce sont ces mêmes groupes qui fixent les règles la plupart du temps. Et, à l'arrivée, les mêmes personnes qui toussent.

Parfait exemple de l'emprise des industriels dans le royaume chérifien, la loi sur l'interdiction de la consommation de tabac dans les lieux publics, adoptée en 1992, n'est jamais entrée en vigueur faute de texte d'application. Résultat : selon le journal Assabah, cette permission de facto aurait entraîné une augmentation du nombre de fumeurs marocains, estimé à 8 millions de personnes, dont un nombre croissant de jeunes âgés de 10 à 16 ans. Une aubaine pour les entreprises du tabac, qui engrangeraient 15 milliards de dirhams chaque année grâce à cette inertie, selon le parlementaire Mustapha Ibrahimi.

Provocations des industriels

Si les lobbies de la cigarette ont un tel poids au Maroc, c'est que les autorités laissent faire. Elles ont par exemple toujours refusé de ratifier la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la lutte anti-tabac. Alors que celle-ci incite tous les Etats signataires à mettre en place des stratégies visant à réglementer les substances pouvant engendrer une quelconque dépendance, en réduisant la demande ou l'offre de celles-ci. A la place, le royaume est l'un des plus gros consommateurs de cigarettes de l'espace méditerranéen...

Une lune de miel que l'industrie du tabac compte bien faire durer. Pour prendre le seul exemple de la Suisse, toutes les cigarettes importées depuis ce petit pays au Maroc sont plus fortes et plus nocives que les autres, selon l'ONG Public Eye. Une manière à peine masquée de « fidéliser » le fumeur marocain, permise, là encore, par un certain laxisme législatif de la part de l'Etat, puisqu'aucun texte n'encadre la composition des cigarettes au Maroc. Quand bien même en 2012, un projet (infructueux) d'arrêté avait été lancé pour maîtriser la teneur du tabac en goudron et autre nicotine.

Véritable enjeu de société (comme un peu partout), l'emprise de la cigarette sur les Marocains fait réagir vivement les parlementaires. Qui n'hésitent pas à dénoncer comme autant de provocations les publicités des marques de cigarettes collées sur les devantures de magasins. Mustapha Ibrahimi rappelle également que la situation engendre des coûts financiers et sanitaires importants, puisque les cigarettes peuvent être synonymes de maladies graves, lourdes de conséquences pour les Marocains aussi bien que les caisses de couverture sociale.

Méthode décomplexée

Preuve que l'industrie du tabac est prête à tout pour écouler toujours plus de cartouches, l'augmentation du nombre de fumeurs chez les jeunes marocains ne la fait pas sourciller. Alors que celle-ci représente un réel problème sanitaire et social. « Les enfants commencent à fumer au primaire, et ce taux augmente avec la politique marketing des industries de tabac, s'alarmait Abdesslam Krombi, président de l'association marocaine de lutte antitabac, début juillet. Alors que plus de nicotine veut dire plus de dépendance, elles ciblent les jeunes afin de fidéliser une nouvelle clientèle. »

Autre méthode décomplexée : les industriels de la cigarette entendent mettre la main sur le système de traçabilité des produits au Maroc... afin de gonfler le marché de contrebande en écoulant leurs cigarettes invendues. Depuis 2010, l'administration des douanes utilise le Système automatisé de marquage intégré en douane (SAMID), qui lui a permis, avec le concours d'une taxe intérieure de consommation (TIC) instaurée en 2013, de récolter près de 10,5 milliards de dirhams en 2017. Résultat : dans le même temps, le taux pondéré de prévalence des cigarettes de contrebande n'a cessé de chuter (de 12,48 % en 2015 à 3,73 % en 2018).

Pour stopper cette érosion du nombre de cigarettes illicites sur le marché noir, les industriels essaieraient donc d'imposer leur propre système, baptisé Codentify. Une méthode absolument contraire à la convention-cadre de l'OMS, qui interdit aux majors du tabac de prendre part à la traçabilité de leurs produits. Mais encore une fois, le Maroc n'a toujours pas ratifié le texte...


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S.Revon


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