À l’heure du laitier
Balbuzard délogé par le diable
Il était une fois une famille balbuzard qui couvait des jours paisibles lors de la belle saison en bord de Loire. Ils avaient élu domicile dans le bois des princesses, tout près de Latingy, ce magnifique lieu sauvage, préservé des excès des humains. C’est d’ailleurs ce qui avait expliqué leur choix, après une longue étude de terrain, des démarches multiples, les parents avaient choisi un bel arbre pour y établir un nid qu’ils investiraient chaque année, lors de cette migration ligérienne consacrée au renouvellement de l’espèce.
Depuis des années, ils y vivaient heureux, incapables d’imaginer qu’un jour, des monstres viendraient réduire à néant leur petit coin de Paradis. Pourtant, quand le bel oiseau s’installe quelque part, c’est la preuve d’un écosystème préservé, d’une biodiversité retrouvée, d’un environnement paisible et accueillant. Il réjouit les promeneurs, fait la fierté des guides touristiques, enchante les amoureux des oiseaux qui n’ont de cesse de l’admirer lorsqu’il pêche.
La famille pour l’heure ne se doute pas du drame qui va bouleverser son existence. Des machines sont tapies dans l’ombre, des géants de fer qui attendent le signal pour raser tout ce qui se présente sous leurs dents destructrices. Plus rien ne doit dépasser, les bulldozers vont entrer en action pour nettoyer le terrain, préparer le passage du divin béton. Si l’Amazonie brûle, ailleurs, des arbres sont arrachés sans sommation et sur l’un deux, une famille vit ses derniers instants de villégiature.
Un pont doit passer, un pont doit coûte que coûte franchir la Loire, en dépit des bîmes, des animaux, des risques karstiques, de la merveilleuse darse qui sera détruite, du classement au patrimoine mondial, du label Natura 2000. La logique économique s’impose à toutes les conceptions environnementales. Pendant que ces gens distingués font la morale au président brésilien, ils agissent sournoisement pour prendre leur part à la grande destruction de la Planète.
Balbuzard aurait dû recevoir une visite préventive. La loi prévoit que pour un tel oiseau protégé, précieux, paradigme d’une nature en danger, une proposition de relogement aurait dû lui être présentée. Deux nichoirs artificiels, deux appartements mis à sa disposition par le promoteur de l’opération de génie civil qui va chambouler son existence. Une entourloupe certes mais incontournable selon les textes en vigueur.
Balbuzard n’a pas vu se matérialiser cette mesure de pure forme imaginée par des législateurs qui se contentent de préserver les apparences. De toute façon, il aurait repoussé d’une aile méprisante cette proposition qui remettait grandement en cause sa conception du confort. Pour lui, le beau rapace pêcheur, rien ne vaut un bel arbre majestueux, un logement naturel, un promontoire magnifique avec vue sur la rivière, son garde-manger.
Il n’a que faire d’un pylône en béton avec un nid de substitution tout juste bon à leurrer les gogos. Balbuzard a sa dignité, il entend s’installer là où il le décide. Point n’est besoin pour lui de répondre aux injonctions de représentants de la grande duperie humaine. Son territoire saccagé, son nid abattu, son arbre déraciné, il fuira une zone désormais maudite. Les monstres d’acier n’auront pas plus raison de lui que les malandrins qui ont décrété son expulsion.
Curieusement, lui qui est devenu le symbole du renouveau ligérien, qui a eu droit à de multiples émissions, de nombreux articles, des webcams diffusant en continu son nid, des visites guidées discrètes, des slogans publicitaires, aujourd’hui, il est devenu quantité négligeable devant l’impérieux besoin des humains de faire le pont. Il s’en ira pour ne jamais revenir. Où partira-t-il ? Question insoluble ! Existe encore des espaces préservés de ces fous furieux qui veulent plier la planète à leur insatiable désir de ne laisser derrière eux que cendres et ruines ?
Balbuzard leur fera à tous une aile d’honneur. Il ne se privera pas de lâcher quelques fientes sur les destructeurs du petit matin. Puis il s’en ira se faire pendre ailleurs car désormais, la Terre est à la merci de la pire des espèces, celle qui considère que la Nature est entièrement à son service exclusif. Ce drame se déroulera aujourd’hui ou demain. La marche inéluctable vers la grande catastrophe a besoin d’un pont pour poursuivre le grand saccage universel...
Désolement sien.
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