Crédit Mutuel Arkéa, Catalogne et Royaume-Uni : l’indépendance toujours loin derrière l’horizon
L’époque n’est guère favorable aux « exiters ». Brexit, Catalexit ou encore Arkexit, même s’ils ne courent pas tous dans la même catégorie, les projets de vie solitaires encombrent les rubriques de notre actualité de leurs soubresauts mal maîtrisés.
La Grande-Bretagne aurait dû déjà se détacher de l’Union Européenne sous les coups de tête des Johnson et Farage mais c’est une toute autre histoire qui s’écrit ; le peuple manifeste et montre son hostilité, la majorité des députés britanniques ne veut pas d’une sortie sans accord, une première ministre a démissionné, usée. Et l’avenir ne semble pas rose pour un nouveau premier ministre pour l’instant inflexible mais surtout soucieux de sa seule carrière.
Le Catalexit n’est pas en meilleure posture et la région de Barcelone est divisée entre une population pro indépendance et une autre légaliste, attachée à l’Espagne ; les leaders n’occupent plus les tréteaux et montrent des signes de découragement devant l’impossibilité de leur projet séparatiste.
L’Arkexit n’est heureusement pas du même niveau - ce ne sont pas des populations entières qui en subiraient les conséquences, seulement des clients, des sociétaires (plus d’un million et demi tout de même !) – mais le désir du président du groupe bancaire breton est du même acabit : s’affranchir de la tutelle de l’organe auquel il est rattaché.
Tout commence par un vote.
Outre-manche, ce fut le point de départ de l’invraisemblable feuilleton. Dans une manœuvre électorale osée, David Cameron se retrouva fort dépourvu lorsque s’afficha le résultat du référendum : il était à l’envers de ce qu’il avait imaginé, 51,9% en faveur du « leave » ce 24 juin 2016… Il ne lui restait plus qu’à démissionner et laisser les partisans d’une sortie de l’Union Européenne se dépêtrer avec les soucis qui venaient alors de naitre. Il s’était fait déborder par une communication millimétrée s’apparentant à une efficace manipulation d’une opinion mal informée. …
La Catalogne, quant à elle, se lança dans un référendum illégal au regard de la constitution espagnole. Mais qu’importe ! Même si seulement un peu plus de 4 électeurs sur 10 de la région prenaient part au vote, le résultat ouvrait le champ aux séparatistes pour tenter le coup de force.
Au Crédit Mutuel Arkéa, on ne convoqua pas le peuple des sociétaires mais on invita les représentants des caisses locales à s’exprimer au travers d’un vote d’orientation. La documentation qui leur était soumise était sans doute d’une grande légèreté mais près de 95% des administrateurs se rangèrent cependant, à cet instant, derrière Jean-Pierre Denis qui, profitant de ce résultat, affirma que l’indépendance du groupe bancaire breton était désormais inéluctable.
Ici et là, ce sont les mêmes recettes qui sont appliquées : un adversaire diabolisé (tout à tour l’Europe contraignante, un état espagnol ne prenant pas en compte la réalité catalane, une confédération présentée comme un diable vorace), une communication forte et mobilisatrice, une image romantique du combat toujours présenté comme salvateur, une votation valant force de loi…
Et vient la découverte des réalités :
Les lendemains de consultation se révèlent amers. La Grande-Bretagne découvre des problèmes intérieurs : l’Irlande verrait bien l’occasion de se réunifier, l’Ecosse s’imaginerait ailleurs que sous les couleurs de l’Union Jack. Les milieux économiques commencent à percevoir qu’un isolement ne sera guère favorable aux affaires et des signes inquiétants sont donnés par l’industrie financière qui, déjà, commence à préparer ses cartons pour Paris ou Francfort. Mieux encore, une partie de la population s’estimant flouée lors du vote commence à manifester son amour d’Europe et demande à revoter. Mais un nouveau premier ministre vient d’arriver, portant encore haut son désir de rupture… Reste à savoir jusqu’à quand…
Si la région de Barcelone reste tiraillée entre une partie de la population pro indépendance et une autre anti, elle est aussi engluée dans des problèmes juridiques jamais évoqués et qui se montrent insolubles dans l’environnement européen qui est le nôtre : quelle monnaie pour le futur état libre ? quelle représentation diplomatique ? quels coûts pour le potentiel état et pour sa population qui serait inévitablement sollicitée ? On en passe évidemment. Mais leaders affirment toujours que leur ligne reste inchangée… jusqu’à quand ?
Chez Crédit Mutuel Arkéa, ce qui aurait dû n’être qu’une formalité se trouve vite contrarié par les exigences multiples des superviseurs qui soulignent les risques pour la petite banque bretonne. Le doute commence à s’installer chez de nombreux administrateurs et notamment chez ceux qui prennent enfin conscience que leur rôle au sein de la future organisation sera réduit à peau de chagrin et qu’ils se retrouveront comme de simples animateurs de la vie coopérative, sans réels pouvoirs, sans poids pour contrecarrer les décisions prises au sommet inaccessible. Certains aussi redoutent ces assemblées générales de sociétaires où il va falloir expliquer la finalité de l’indépendance, les raisons qui y poussent, les coûts qui sont associés et les bouleversements inévitables qui s’ensuivront dans la vie de client, de déposant, d’adhérent à une organisation mutualiste. Pourtant le dirigeant Denis, se voulant seul maître à bord persiste…
Nos différents séparatistes ont tous péché de la même façon : ils ont tous vendu à leurs ouailles l’or de leur indépendance, faisant fi des obstacles pierreux – certains infranchissables – qui se dressaient devant eux. Vanité sûrement, impréparation certainement, peut-être même dilettantisme...
Et si tous se retrouvaient embarqués dans une histoire sans fin ?
Les rodomontades de Boris Johnson n’y changent rien, le Brexit se présente mal. Le calendrier qu’il s’impose est intenable et le chantage au « no deal » terriblement vain, sauf à vouloir s’engager dans une sortie de l’UE en forme de catastrophe. Pour l’éviter, « Bojo » va devoir s’engager dans des discussions et des négociations dont nul ne sait le temps qu’elles prendront ni où elles aboutiront, si d’aventure elle aboutissent.
Dans une Espagne qui se cherche un gouvernement, la sécession catalane n’est pas une priorité. Les partisans de la rupture eux-mêmes sont taiseux, conscients que leur confrontation au réel ne leur laisse guère d’espace. Reste encore à abandonner leur fierté régionale pour enfin discuter leur place au sein de la communauté espagnole.
Du côté d’Arkéa, ni les autorités françaises ni la BCE ne montrent qu’elles ont envie de faire diligence pour assouvir les désirs indépendantistes du dirigeant breton ; elles n’envisagent guère de se laisser tordre le bras pour une signature qui ne serait pas sans conséquences sur l’équilibre bancaire français. Le conflit avec la Confédération, jugé par beaucoup comme factice, inutile et onéreux, est donc lui aussi enlisé durablement.
Comme dans le conte d’Andersen, les rois indépendantistes sont nus mais continuent de se pavaner. Viendra bien le moment où ils seront obligés de retrouver le monde tel qu’il est vraiment...
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