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Banque Centrale Européenne : la tentation du Like

Jusqu’où ira la BCE ? Encore de nouvelles mesures toujours plus extravagantes. Mais à trop vouloir plaire, elle se retrouve dans la peau de celui que tout le monde Like, et qui doit toujours oser davantage pour garder ses Followers. Un problème bien connu des réseaux sociaux, et qui les a récemment poussés à intervenir...

Banque Centrale Européenne : la tentation du Like {PNG}

Si c’était ultra-accommodant avant, ce sera donc encore plus ultra-accommodant demain. Sure-enchère est bien devenu le mot le plus important du vocabulaire de la BCE :

 

  • 20 milliards d’achats d’actifs par mois, aussi longtemps que nécessaire
  • Un taux de dépôt encore plus négatif à -0.5 %, aussi longtemps que nécessaire
  • Ce même taux de dépôt modulé en fonction du profil de la banque qui « dépose » (tiering)
  • Un TLTRO relooké afin de toujours mieux correspondre aux besoins du client
  • Le tout justifié par un scénario économique bien plus pessimiste qu’auparavant

 

Un peu plus, un peu moins qu’attendu, finalement qu’importe. Ce qui saute aux yeux, c’est que le BCE doit toujours faire plus pour plaire ; car faire la même chose serait déplaire. Cette fuite en avant pose deux questions majeures bien connues des réseaux sociaux :

 

  • Jusqu’où la BCE doit-elle aller pour réveiller les foules, sans se mettre en risque ? Version internaute : comment garder un nombre de likes élevés de la part de ses followers ?

 

  • Jusqu’où ces foules doivent-elles suivre la BCE, sans plonger dans l’addiction ? Version internaute : comment maintenir l’attention des followers sans dégrader leur santé mentale ?

 

La BCE doit toujours oser davantage pour plaire

La concurrence est rude entre influenceurs, ces personnes ayant réussi à s’extirper de la masse des réseaux sociaux, en produisant photos ou tweets sortant du lot. D’ailleurs, une fois réussi le plus difficile commence : il faut durer. La tentation est alors de produire des tweets ou photos toujours plus accrocheurs, au risque de basculer dans le mensonge ou le morbide… Ainsi, le selfie tue-t-il aujourd’hui 5 fois plus que le requin, et le tweet ment-il infiniment plus que le journal du coin. 

 

La BCE elle aussi doit prendre soin de ses followers. Elle doit faire en sorte de produire régulièrement des mesures ou commentaires qui suscitent l’attention puis l’adhésion des agents économiques. En poussant l’analogie, on pourrait alors imaginer que l’efficacité de la politique monétaire se juge à l’aune du nombre de likes des investisseurs. Ces likes se sont les baisses de taux d’intérêt : si les taux baissent beaucoup à l’annonce des mesures accommodantes de la BCE, cela doit signifier que les investisseurs apprécient la nouvelle, donc que le nombre de likes est important. Sinon, il faut faire encore plus accommodant.

 

Mais alors, nous avons un problème. Depuis quelques mois maintenant, les annonces de la BCE sont toujours plus extravagantes, mais semblent de moins en moins influentes. La journée d’hier en est un parfait exemple :

 

  • Suite à l’annonce de la BCE, les investisseurs ont d’abord semblé comblé, rachetant des emprunts d’Etats qu’ils avaient quelque peu délaissé depuis quelques jours : les taux d’intérêt baissèrent alors fortement, l’euro se déprécia contre dollar, et les marchés d’actions s’apprécièrent. Bref, l’effet attendu par la BCE semblait réalisé. 

 

  • Puis, la journée avançant, les investisseurs ont finalement décidé que cela n’était peut-être pas une bonne idée : les taux d’intérêt sont alors remontés, terminant même la séance plus haut (sauf l’Italie). Certes, les investisseurs ont peut-être au moins deux excuses : une intervention de Mario Draghi jugée moins emballante ; l’annonce d’un report probable des hausses de tarifs des Etats-Unis envers la Chine, détournant l’attention des investisseurs.

 

Ainsi, les mesures toujours plus extravagantes de la BCE ne suffisent pas ou plus. La BCE va-t-elle succomber à la tentation du like ? Celle d’en faire toujours davantage au risque de se mettre en difficulté ? C’est en tout cas ce que semblent penser quelques voix dissidentes plus nombreuses au sein de la BCE, dont la discordance sonne comme un « trop c’est trop ». D’après eux, la BCE aurait fait bien plus que ce qu’on lui demandait, place aux gouvernements de prendre leurs responsabilités.

Christine Lagarde arrivera-t-elle en terrain hostile le 1er novembre en succédant à Mario Draghi ? Tout récemment, elle a fait passer le message que la politique actuelle de la BCE était bien celle qu’il fallait suivre. A suivre alors.

 

Et puis de toute façon, la BCE a-t-elle le choix ? « Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer » (W. Churchill). D’aucuns répondront alors que ce n’est pas en marchant plus vite, qu’on va davantage dans la bonne direction.

 

Jusqu’où l’économie et les marchés suivront-ils la BCE ? 

Au départ, cela semble relativement anodin : « si j’aime, je le dis ». Ainsi naquit le like sur la plupart des réseaux sociaux, où le follower adoube l’influenceur. Mais il y a la subtilité qui fait toute la différence : tout le monde voit les likes, et là commence l’effet taille du réseau. Un message contenant un nombre de likes importants a deux effets sur le lecteur :

 

  • Il l’incite à accorder une certaine valeur à l’expéditeur du message, peut-être au détriment de la qualité, la véracité, voire le seul contenu du message en question

 

  • Il l’incite à accorder une moindre valeur à ses propres messages, puisqu’il n’est pas capable de générer autant de likes que la personne qui a envoyé le message

 

Avec la force du temps, la santé mentale de celui qui n’est devenu qu’un follower serait alors menacée. D’ailleurs, les likes ne seraient même plus responsables de son malheur, puisqu’il s’agirait alors davantage du nombre d’heures passées à seulement faire défiler l’écran : des notions bien connues des réseaux sociaux telles que la confiscation de l’attention ; mais avec quelques externalités négatives telles que l’addiction au flux d’information, et infine le risque d’un petit désordre mental. Un sujet très à la mode.

 

Et dans le cas de notre BCE cela donnerait quoi ? En caricaturant à l’extrême, les investisseurs seraient des followers de la BCE, devenus addicts des communiqués, et exigeant désormais un flux quasi-continu de messages accommodants, extravagants, etc… En ont-ils vraiment besoin ? On aborde alors le cœur du problème : on ne sait toujours pas à l’heure d’aujourd’hui si toutes ces mesures sont vraiment nécessaires et efficaces ; d’ailleurs on ne le saura jamais puisqu’il faudrait imaginer un monde parallèle où la BCE n’ait pas fait tout ce qu’elle a fait.

 

Qu’importe. Le fait est que les investisseurs exigent que leur bol de croquettes ne soit jamais vide, qu’il soit régulièrement remplacé par un bol plus gros encore, avec des croquettes de meilleures qualités, puisqu’apparemment ils ont très faim, même si on ne sait pas vraiment s’ils en ont vraiment besoin. Il paraîtrait que les investisseurs ne sont pas les seuls à souffrir de ce dérèglement du cerveau…

 

Une solution radicale ?

Que faire ? Il semblerait que les réseaux sociaux aient trouvé la parade : interdire aux participants de voir le nombre likes des personnes qu’ils suivent. D’ailleurs, ces méthodes ont déjà été plus ou moins mises en place dans certains pays. Tout récemment, le géant Facebook envisageait d’ailleurs sérieusement de passer à l’offensive. Ainsi, les internautes ne subiraient plus de pression néfaste. Toutefois, la méthode n’est pas si radicale que cela puisque celui qui envoie le message garderait lui la possibilité de voir le nombre de likes qu’il génère.

 

Dans notre cas cela donnerait quoi ? Une situation improbable où l’on interdirait aux investisseurs de voir la réaction du marché, et de seulement agir selon leur propre lecture du message de la BCE : impossible a priori. D’un autre côté, la BCE garderait la possibilité de voir la réaction du marché, ce qui donc ne changerait rien pour elle, et l’exposerait donc toujours au risque d’en faire trop.


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