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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Un pied devant l’autre

Un pied devant l’autre

C’était du moins l’objectif.

JPEG La pluie enfin au rendez-vous pour arroser un sol encore chaud, les indicateurs sont favorables pour espérer une cueillette de champignons. Le panier sous les bras et les guêtres aux pieds, le béotien se lance dans l’aventure, allant au hasard dans le seul but de passer un bon moment. C’est du moins ce qu’il espère.

Notre homme se rend dans un endroit peu couru par les amateurs. Il ne prendra pas le risque de croiser des ramasseurs, le panier plein ; suprême humiliation pour celui qui n’y connait pas grand chose. Il s’enfonce dans les bois, se jurant cette fois de ne pas se perdre. Il est souvent sujet à cet inconvénient majeur pour ce loisir.

Pour ce faire, il prend la précaution de garder en ligne de mire un chemin. Il s’enfonce dans les bois, azimut nord, pour se prémunir d’une mauvaise surprise. Il n’a naturellement ni boussole ni téléphone, c’est un rustre, un inconscient ou un imbécile, c’est selon votre lecture de la chose. Il progresse dans des sous-bois bien peu prometteurs. Pas le moindre chapeau à l’horizon. Il se console en se disant que le temps est propice à une belle balade.

Il traverse une voie ferrée, un excellent repère qu’il se promet de garder dans son dos. Il avance toujours vers le nord, se disant que sa bonne étoile devrait se trouver par là. Soudain, le miracle a lieu. Là, devant lui, il ne voit que lui. Il est magnifique, plus beau encore que dans les guides à destination des cueilleurs occasionnels : un cèpe de Bordeaux en parfait état.

Il prend son couteau, coupe le spécimen de collection et se lance dans une traque impitoyable. S’il y a en un, il y en a forcément d’autres. Il tourne, il virevolte, il perd le nord tout autant que la tête. Il va à hue et à dia, cherchant à mettre d’autres pieds devant ce merveilleux bolet. Adieu les points de repères, il finit par ne plus savoir où il est alors que son panier ne reste désespérément garni que de ce trophée solitaire.

Quand il finit par reprendre ses esprits, il cherche à faire le point, se rend à l’évidence : il s’est perdu. Plus le moindre indice de la présence de la voie ferrée, pas de soleil dans ce bois touffu pour repérer une direction à prendre. Il choisit de suivre un sentier, il mènera bien quelque part, un chemin forestier ou bien un panneau indicateur.

Nouveau drame pour lui, quelques bolets du bouvier traversent son chemin, imprudents ou inconscients. Pour ne pas laisser son panier aussi dégarni, il se lance dans ce ramassage tout juste bon à préparer une sauce. Le chemin s’est volatilisé, il s’est à nouveau égaré. Cette fois, il se résout à ne plus regarder par terre, il choisit une ligne de fuite et s’y tient.

Il finit par se retrouver sur une lisière quand fort opportunément un rayon de soleil lui glisse à l’oreille qu’il se dirige incongrument plein ouest. Voilà un azimut qui risque de l’éloigner plus encore de son véhicule. Il est grand temps de bifurquer vers le sud, destination d’autant plus opportune que ce sont les vacances de la Toussaint.

Il se tient désormais à sa nouvelle orientation quoique celle-ci ne soit en rien sexuelle, il se retrouve pourtant devant une fosse, une zone marécageuse qui le contraint à un long détour. Fort opportunément, le soleil perce toujours pour le remettre sur le droit chemin. Lui qui a un penchant pour toutes les dérives, voilà un rayon qui le remet à sa place.

Finalement la voie ferrée surgit au détour d’un bosquet, repère intangible abandonné pourtant par une société qui marche sur la tête. Qu’importe qu’elle soit désaffectée, la ligne fixe la direction et remet en train l’égaré des sous-bois. Il se garde bien de poursuivre sa quête, il suit sagement le chemin afin de rentrer dans les temps.

Il finit par retrouver son véhicule. Il a posé un vêtement dans son panier pour cacher sa honte et sa maigre récolte. Il croise quelques promeneurs qui ont eu la sagesse de ne pas quitter les sentiers forestiers. Ceux-là sont des gens raisonnables, lui doit encore découvrir cette qualité qui se dérobe éternellement sous ses pas. Demain sera un autre jour, il tentera à nouveau le diable, qui sait s’il ne sortira pas une bonne récolte de son chapeau pointu.

Forestièrement vôtre.

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6 réactions à cet article    


  • JC_Lavau JC_Lavau 30 octobre 2019 10:47

    L’auteur a encore cédé à son péché mignon, d’appeler à moquer son prochain. Je désapprouve. Alors je vais parler boussole, temps et terrain.

     

    Sur un terrain que je connais bien, avec prévision de front chaud et de mouscaille, j’ai pu me contenter d’une boussole minimale, de 31 g. Elle a eu sa pleine utilité, en deux occasions.

     

    Avec grand beau, sur des chemins ou routes forestières sans égarement possible (suivre le Buech, par exemple), où j’ai emmené une handicapée, pas eu besoin de boussole du tout.

    En forêt de Fontainebleau par grains, oui ça m’est arrivé de me tromper de nonante degrés environ. Plus tard, j’ai acheté une boussole avant de partir randonner en Norvège.

    Sur un terrain que je croyais connaître, grand mauvais temps et basse visibilité, il m’est arrivé que ma boussole mente de 180°, et que j’aie à prendre la décision que je me trompais moins qu’elle. De retour à la maison, la boussole était redevenue normale. Depuis, je lui préfère un modèle plus fiable, hélas plus lourd.

     

    On nous a confirmé que la Margeride, c’est paumatoire. En 1973, ma boussole ne permettait pas de relèvements précis, et je n’avais pas d’altimètre, hors de prix à l’époque. Pratiquement perdu, oui, incapable de nommer la prochaine hauteur dans le temps qui se bouchait. Et on a coupé vers la plus proche vallée, et repris le train à Saint Chély d’Apcher.


    • JC_Lavau JC_Lavau 30 octobre 2019 16:15

      Et quel est le mobile que le bonimenteur prête à sa victime ?

      Tiens ? L’orgueil et le narcissisme. Original, non ?

      Tout préoccupé de sa gloire et de son narcissisme aux dépens de son prochain, le bonimenteur se garde bien d’expliquer aux lecteurs où on se procure une boussole, ni comment on s’en sert, combien de fois on s’en sert, et pourquoi il faut la prendre quand le terrain est inconnu, non ensoleillé, et/ou bouché, sans repères topographiques évidents et stables. La carte aussi, quoique fort chère, il faut se la procurer, et l’étudier le temps nécessaire. Avec les loupes, pour ceux qui souffrent du vieillissement de leurs cristallins.

      Un succédané numérique qui a servi une fois : je n’avais pas acheté la carte au 1/25 000 du Sancy, mais j’ai pris plusieurs photos de la carte grâce à l’obligeance de ceux qui repartaient deux jours avant moi. Et voilà, je pus activer et zoumer l’image de la zone où je progressais. Ce n’est possible que depuis l’ère numérique.

      Et si on est plus riche, de nos jours le GPS rend des services autrefois inimaginables. A dix mètres près, il me dit que je me trompe de sentier.


      • Xenozoid Xenozoid 30 octobre 2019 16:44

        c’est dans l’almanach aussi


        • juluch juluch 30 octobre 2019 17:46

          ca sent le vécu dont on nous fait partager....non ?? 

           smiley

          omelette ou sauté les champignons ?


          • JC_Lavau JC_Lavau 30 octobre 2019 21:29

            Sadique, je n’ai pas donné le lien pour se procurer une boussole. Les modèles à rose sont largement plus pratiques qu’à aiguille ; ils permettent des relèvements.

             

            La lourde, 200 g : https://www.aliexpress.com/item/32972603614.html

            Mais elle permet des relèvements corrects, à moins de 5° près.

             

            La minimaliste, au poignet, 31 g :

            https://www.aliexpress.com/item/32881732437.html

            Convient bien pour les promeneurs occasionnels, permet de faire face à la perte de visibilité. A condition d’avoir été correctement montée. 

            Le modèle le plus répandu, avec trois pièces mobiles, vendu aussi par Des Caquelons, a démontré que sa fiabilité est discutable. 

            https://fr.aliexpress.com/item/32959798512.html

             

            Le problème que le skieur n’a encore jamais résolu, malgré un croquis suédois dans Mera ute, c’est comment garder sa boussole à plat devant sa poitrine, afin de pouvoir faire route au compas dans un sacré putain de mauvais temps brané, tandis qu’on force sur les deux cannes pour remorquer la pulka. Le croquis envisageait une suspension en fils de laiton, bien plus vite crobardée que réalisée.


            • JPCiron JPCiron 30 octobre 2019 21:49

              Comme il est triste de discuter de champignons avec ceux, raisonnables, qui vont découvrir le monde sans quitter le sentier qu’on leur a tracé.

              Une expérience originale est toujours extra-ordinaire.

              .

              .

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