Turquie : condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du secret professionnel avocat-client
Dans son arrêt dans l’affaire Kırdök et autres c. Turquie[1], la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée, familiale, du domicile et de la correspondance) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans cette affaire, les requérants, qui sont avocats, se plaignaient de la saisie de leurs données électroniques par les autorités judiciaires pour les besoins d’une procédure pénale dirigée à l’encontre d’un autre avocat qui partageait le même bureau qu’eux.
La Cour juge en particulier que la saisie des données électroniques des requérants, protégées par le secret professionnel avocat-client, et le refus de les restituer ou de les détruire ne répondaient pas à un besoin social impérieux et n’étaient pas nécessaire dans une société démocratique. La Cour relève également l’absence de garanties procédurales suffisantes dans la loi telle qu’interprétée et appliquée par les autorités judiciaires.
Principaux faits
Les requérants, Mehmet Ali Kırdök, Mihriban Kırdök et Meral Hanbayat, des ressortissants turcs, sont des avocats de profession.
En 2011, le parquet d’Istanbul engagea une enquête afin de détecter et de révéler les voies de communication secrètes établies entre Abdullah Öcalan et son ex-organisation, le PKK. Dans ce cadre, un juge de la cour d’assises d’Istanbul rendit une ordonnance à l’égard des activités de l’avocat d’Ocalan. L’avocat fut arrêté le lendemain à son domicile. La police judiciaire effectua des perquisitions au bureau que ce dernier partageait avec les requérants.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que de son domicile et de sa correspondance) et 13 (droit à un recours effectif), les requérants se plaignaient que le secret professionnel des avocats, basé sur la confidentialité de leurs relations avec leurs clients, avait été enfreint puisque les fichiers numériques concernant les affaires de ces derniers avaient été copiés par les autorités judiciaires lors d’une perquisition et que ces copies avaient été saisies même si elles n’étaient pas pertinentes pour l’enquête menée contre un autre avocat.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 12 mars 2012.
Décision de la Cour[2]
La Cour note que les requérants, qui n’étaient pas visés par l’enquête pénale, ont fait valoir devant les autorités judiciaires que les données électroniques saisies leur appartenaient et relevaient du secret professionnel avocat-client.
La Cour dit dans sa décision que la Turquie doit verser à chacun des requérants 3 500 euros (EUR) pour dommage moral et 3 000 EUR conjointement pour frais et dépens.
L’état de droit, tout critiquable et critiqué qu’il soit, n’est même plus respecté, dans aucun domaine, dans la Turquie d’Erdogan…
[1] Arrêt du 3 décembre 2019 : https://hudoc.echr.coe.int/eng#" ;itemid" ; :["001-198805"]
[2] Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être obtenus sur www.echr.coe.int.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON