Nénette et Rintintin
Quand la vie ne tient qu’à un fil !
Quand la vie ne tient qu’à un fil, tout est prétexte à conjurer le sort. La superstition tisse son étrange toile pour transformer n’importe quel objet en un talisman aux vertus magiques. Pour comprendre cette histoire, il convient de plonger dans l’histoire, de surtout ne pas en perdre le fil tout en tricotant pour vous, un savant tissu de beaux songes …
En 1913, le teuton a déjà remporté une bataille, symbolique celle-là à moins que ce ne soit une cinquième colonne envoyée comme éclaireur sur le territoire national. Les poupées allemandes font un tabac sur le marché français. Il n’y en a que pour elles, elles préfigurent sans doute l’envahissement prochain d’une partie du territoire.
Un homme, indisposé par cette hégémonie se dresse et tente d’imposer une marque française sur le marché de la poupée. Il s’appelle Poulbot, un nom qui est resté dans les mémoires. Il produit un couple de personnages qui comme il le disait lui-même était destiné à " remplacer dans les grands magasins, les pantins allemands à la perruque filasse et à l'air idiot "
Fils d'instituteur ayant grandi dans une école Francisque Poulbot aime à dessiner ou représenter des enfants. Deux personnages vont naître, une tête en porcelaine, des vêtements taillés par madame Poulbot. Un tablier bleu pour Nénette : la fille, un costume de marin pour Rintintin : le garçon. Deux sobriquets que s’échangeaient le couple dans l’intimité.
Le succès fut sans doute largement perturbé par l’horrible conflit militaire qui ne tarda pas à exploser. Pourtant, les deux surnoms restèrent dans les mémoires et c’est ainsi qu’ils allaient faire parler d’eux en 1918. La légende a retenu l’histoire d’un jeune couple parisien échappant de justesse aux bombardements de la Grosse Bertha. Ils durent leur survie à ces deux poupées de laine reliées l’une à l’autre par un fil. Elles furent baptisées elles aussi Nénette et Rintintin.
Rapidement, ce symbole de chance fut produit et envoyé au front pour servir d’amulette aux pauvres Poilus. Il suffisait de s’accrocher autour du coup les deux poupées pour s’attirer les bonnes grâces de la destinée tout en se rappelant ceux qui les attendaient à l’arrière. Les deux personnages symbolisaient le lien fort entre les soldats et leurs femmes, leurs fiancées ou leurs marraines de guerre.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là et vit un rebondissement qui va changer le cours de son histoire. Lee Ducan, un aviateur américain, en 1918, à proximité du front, passe devant un chenil qui a été bombardé. Dans les décombres, il découvre une portée de chiots, qui quoique bergers allemands, provoque en lui une émotion forte.
L’homme s’empresse d'adopter un mâle et une femelle, qui ayant échappé aux affres de la guerre, se voient naturellement affublés des deux noms à la mode. La guerre achevée, Lee Ducan retourne en Amérique avec les deux chiots. Hélas, la petite femelle succombe lors du voyage en bateau.
Rintintin quant à lui, grandit et brille par son intelligence. Il est rapidement remarqué par l’industrie cinématographique qui justement était à la recherche d’une vedette à quatre pattes pour une série télévisée. Rintintin, à l’écran, hérite d’un petit maître : Rusty et du rôle titre : « Les aventures de Rintintin sont nées ».
Elles auront le succès que vous connaissez sans doute. Le chien français et ses descendants se succéderont à l’écran mais aussi dans des magazines qui arrivèrent en Europe bien avant les films. Le succès fut rapidement au rendez-vous avec ce couple attachant de l’enfant et du chien qui faisait oublier l’environnement militaire de leurs aventures.
C’est ainsi que votre serviteur découvrit la lecture à travers ce périodique qui constitua mon premier abonnement. Je n’avais pas d’animaux à la maison puisqu’on vendait des articles pour chiens dans la boutique et qu’il convenait d’éviter le risque de confrontations trop musclées. Rintintin fut mon compagnon virtuel même si j’ignorais l’origine de son nom.
Le véritable chien venu de France mourut en 1923. En guise d’hommage sans doute, il ne fut pas enterré au fort Apache mais bel et bien rapatrié au pays pour être enseveli au cimetière des chiens à Asnières-sur-Seine. Il avait bien mérité de la nation pour les services rendus à l’amitié franco-américaine.
Les années ont passé, un président qui est vraiment trop cabot a depuis donné quelques coups de crocs dans cette longue amitié. L’homme est sans doute enragé, il conviendrait de l’équiper d’une muselière. Nous pourrions éventuellement lui envoyer deux poupées en laine, manière de renouer une vieille entente plus que cordiale jusqu’alors, tout en redonnant vie à cette merveilleuse histoire.
Amulettement leur.
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