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Signes d’un univers parallèle en marche arrière

De l’Antarctique à l’univers parallèle, un voyage de déconfinement sauvage en compagnie d’ANITA.

Non, pour une fois en cette période confinée, il ne s’agit pas ici de parler de la gouvernance technocratique française, même si le titre s’y prêterait parfaitement. Je vous propose, au contraire, un déconfinement absolu nous menant du Big Bang à l’univers parallèle en passant par l’Antarctique et la matière noire. Et tout ceci sans attestation de sortie.

Le théorème de symétrie CPT est apparu dans les années 50 et il dit que les lois physiques fonctionnent même en cas d’inversion des propriétés de charge (C), de parité (P) et de temps (T). Autrement dit le fait de changer la charge d’une particule, par exemple un électron passant de charge – à + pour devenir un positron (c’est-à-dire la version antimatière de l’électron), ne change rien du point de vue des lois de la physique.

Idem pour toute particule et son double en miroir (P) ou sa flèche du temps (T) : un processus physique fonctionne de la même manière en marche avant qu’en marche arrière.

Symétrie CPT et univers parallèle.

Sans rentrer dans des complications inutiles au propos, il faut aussi savoir qu’il peut arriver que l’un des paramètres de la symétrie soit violé, mais en ce cas les autres se « violent » naturellement afin de maintenir la symétrie globale de la chose. Ce qui n’est pas le moindre des mystères, mais admettons ce phénomène pour le moment.

Une implication remarquable de la symétrie CPT est qu’elle autorise l’idée d’un univers parallèle qui serait le miroir du nôtre, mais avec des propriétés CPT inversées. Les charges négatives ici seraient positives là-bas (antimatière), les agencements entre particules inversés par effet miroir, et le temps irait en marche arrière par rapport au nôtre. Belle idée, source d’innombrables possibilités de romans SF, voire exercice de pensée de fin de soirée pour scientifiques bourrés, mais aucun rapport avec une quelconque réalité testable, évidemment.

Sauf que si.

ANITA.

2016, Antarctique. Un ballon sonde nommé ANITA flotte au-dessus des immensités glacées à la recherche de rayons cosmiques. Plus spécifiquement, ANITA cherche les traces d’impact de neutrinos à haute énergie, car ces neutrinos proviennent des mêmes sources que les rayons cosmiques. Les rayons étant déviés par le champ magnétique terrestre, leur origine est difficile à reconstituer mais, pour les neutrinos qui voyagent en ligne droite, on peut reconstruire leurs trajectoires originelles en mesurant les traces de « rebond », sous forme d’ondes radio. Et, donc, retrouver l’origine des rayons cosmiques.

Évident, sauf que ANITA ne trouvait rien. Une étude plus poussée des données, cependant, conclut que le ballon avait en fait trouvé quelque chose : une trace de rayon sous forme de particule à haute énergie mais, et c’est le hic, qui ne provenait pas de l’espace mais du sol.

De nombreuses hypothèses furent proposées pour expliquer ce phénomène, aucune satisfaisante mais on privilégiait la piste d’une transmutation d’un neutrino de type tau (qui ne peut traverser la Terre sous cette forme) en autre lepton (qui, lui, est est capable), qui se serait à nouveau transformé en tau neutrino à la sortie.

Capillotracté mais pas impossible vu que les neutrinos sont connus pour leurs capacités d’oscillation entre plusieurs états (voir par exemple cet article « Du Neutrino au Nobel, une oscillation remarquée » (1)).

2018, coup de théâtre : ANITA enregistre un second signal, pareil au premier : la trace d’une particule massive montant du sol. La probabilité de capter deux transformations neutrino-tau-lepton-neutrino-tau au même endroit en si peu de temps étant de l’ordre de 1 sur 1 million, les scientifiques se sont dit que là, vraiment, il fallait déconfiner – pardon, sortir du cadre. Mais pour aller où ?

Matière noire et zoo de particules.

Quand on est dans l’obscurité il ne coûte rien d’essayer la matière noire. Un chercheur de l’université de Barcelone, Ivan Esteban, supputa la présence d’axions, cette particule fabuleuse proposée dans les année 70 pour expliquer – vous voyez, rien ne se perd – un problème de violation de la symétrie CPT. Particule jamais observée mais depuis lors récupérée comme candidate possible pour l’origine de la matière noire.

De la matière noire apparaissant sur de la neige immaculée grâce à une particule portant un nom de détergeant, cela ne s’invente pas. Plus précisément, Esteban propose que les signaux enregistrés par ANITA seraient le fruit d’un axion se transformant en photon dans l’ionosphère terrestre (2).

Pour d’autres néanmoins, trouver une solution à un problème mystérieux en invoquant une particule jamais observée servant de béquille à une matière noire toute aussi hypothétique manque un peu de crédibilité. Derek Fox, de l’Université de Pennsylvanie, celui qui avait calculé la probabilité quasi-nulle de tomber deux fois de suite sur un neutrino oscillant, est donc parti sur la piste d’un tau supersymétrique, une autre particule jamais vue issue d’une extension du Modèle Standard de la physique que rien pourtant, pas même les expériences menées au CERN, n’ont jamais pu valider.

C’est cela qui est parfois compliqué en physique : c’est en ouvrant la porte à des fantômes qu’on espère chasser les gremlins. Bref. La supersymétrie donc, qui postule que toute particule normale posséderait un double « supersymétrique », plus lourd, permettant d’expliquer un certain nombre de phénomènes inexplicables avec le Modèle Standard de base.

Si la Conquête de l’Ouest de la physique vous tente, vous pouvez toujours essayer l’article « Pour une poignée de quarks » (3) qui creuse un (tout petit) peu la question de la supersymétrie et de la matière noire, entre autres.

Heureusement d’autres chercheurs tentent de fuir le zoo particulaire et imaginent des scénarios avec moins de gremlins et de fantômes. Neil Turok, du Perimeter Institue for Theoretical Physics à Waterloo, au Canada, est un spécialiste du Big Bang et donc, nécessairement, de la symétrie CPT. C’est ce théorème, en effet, qui sert d’outil de base pour aller fouiller les premiers instants de l’univers – si l’on accepte l’idée du Big Bang bien sûr, qui n’est toujours qu’une théorie mais je propose de s’en contenter pour le moment.

En 2018 Turok et ses confrères, Latham Boyle et Kieran Finn, cherchèrent à savoir si la symétrie CPT s’appliquait aux tout premiers instants de l’univers. Ils ont donc calculé ce à quoi l’univers devait ressembler si cette symétrie s’appliquait d’office, et purent démontrer que si cette symétrie s’appliquait – et on n’a aucune raison a priori de penser qu’elle ne s’appliquerait pas – cela limitait fortement le nombre et le type de particules générées dès ces premiers instants. Et l’une de ces particules (retour au zoo) serait un neutrino super-lourd de chiralité droite (4).

Dans notre monde pourtant, tous les neutrinos observés sont de chiralité gauche, mais il est généralement admis que ces neutrinos (de droite) doivent exister quelque part afin d’équilibrer la masse des neutrinos de gauche. Comme quoi la politique existe partout et, après le neutrino de gauche, de droite et oscillant, j’attends d’un jour à l’autre l’apparition du neutrino intersectionnel. On fera un article, promis.

Revenons à Turok. Il a pu établir qu’en partant d’une limite d’abondance de ce neutrino super-lourd de chiralité droite, issue de la symétrie CPT, on pouvait lui associer une masse qui lui donnerait les propriétés requises pour – devinez quoi – la matière noire.

Ce que Turok ne savait pas, à l’époque, est le fait que son calcul de masse correspondait précisément au calcul de masse de la particule mystérieuse détectée par ANITA.

Résumons : A la recherche de neutrinos venant du ciel, légers et de chiralité gauche, ANITA détecte le signal d’une particule puissante venant du sol et qui, du fait de l’apparente impossibilité de dévier de la symétrie CPT, serait une particule de matière noire sous la forme d’un neutrino lourd, de chiralité droite, certes imaginé par la théorie mais jamais vu nulle part.

Et c’est là où ça commence à devenir intéressant.

Neutrinos forever.

Un neutrino lourd tel celui proposé par Turok ne peut pas traverser la Terre. S’il est détecté au pôle Sud, il ne vient pas du pôle Nord après une traversée en ligne droite de la planète. Il ne peut que venir de l’intérieur de la planète, une sorte de déconfinement sauvage de neutrino en pleine nuit et sans attestation.

L’explication d’un possible réservoir de matière noire, ou du moins de ces neutrinos libéraux paraît simple : de part sa gravité, la Terre aurait attiré en son centre, au fil du temps, une masse de ces neutrinos qui s’y seraient confinés au fil des millénaires (ca relativise certaines choses). Statistiquement, il est admis que ce type de neutrino va parfois se désintégrer en un boson de Higgs et une paire de neutrino-tau. Ce serait donc la trace de cette désintégration qu’aurait captée ANITA.

Le boson de Higgs, pour rappel, étant cette particule découverte au CERN en 2012 dont la particularité, si je puis dire, est de donner leur masse à toutes les autres particules. Sauf celles sans masse, évidemment, à ne pas confondre avec celles sans mousse car, comme le sait tout physicien, boson qui roule n’a masse ni mousse. Pas comme ma Rochefort.

Reprenons.

Le retour de l’univers parallèle.

Si tout ce qui est dit ci-dessus est vrai (hors mes conneries), et que le mystère semble ainsi résolu, cela a en réalité de lourdes implications car, en effet, toute cette logique se base sur l’hypothèse que la symétrie CPT est respectée par l’univers, ce dès sa naissance.

Si c’est le cas, la déduction posée au début de cet article doit également s’appliquer, à savoir que pour que la symétrie CPT soit respectée il faut bien trouver une solution au fait que notre univers soit composé de plus de matière que d’antimatière. Les deux s’annihilant, si les deux avaient coexisté en abondance égale il ne resterait plus rien. Or, il reste de la matière – ergo, pour respecter la symétrie CPT, il doit bien exister un surplus d’antimatière quelque part.

Où ? Dans un univers parallèle au nôtre. Un univers né en même temps, avec les mêmes lois physiques mais où les particules sont inversées : charge, parité, et temps. Et là il faut s’accrocher un instant.

Le temps.

Si, dans cet univers parallèle, le temps est inversé, ce que nous nommons ici « chez nous » un électron, par exemple, serait en fait un positron « là-bas » qui aurait remonté le temps jusqu’au Big Bang et serait alors apparu « ici » sous la forme d’un électron.

La mère de tous les déconfinements ! Du calme Castaner, du calme et, non, Anita refuse d’être confinée à l’Intérieur. Laisse béton c’est pas ton genre.

Cet univers parallèle serait, de notre point de vue, à l’envers : par sa charge électrique, sa chiralité, sa flèche du temps. Du point de vue des éventuels habitants de cet ailleurs, c’est nous qui sommes « à l’envers ». Pour eux, c’est nous qui remontons le temps vers le Big Bang et sommes composés « d’antimatière ». Ce qui impliquerait une relativité du temps, dans une direction ici et dans la direction opposée là-bas.

Outre la définition du temps selon la relativité d’Einstein, dont les prédictions physiques se vérifient systématiquement mais dont la base philosophique reste problématique, d’autres avancent que la flèche du temps est liée à l’entropie – ce phénomène physique qui fait que l’univers a tendance à aller de l’ordre vers le désordre. J’avais été faire un tour de ce côté dans l’article « Au temps qu’emporte le vent » (5) en mai dernier, où se posait la question suivante :

Pourquoi l’univers est-il, selon notre perception, sur un chemin allant de l’ordre au désordre, de la faible entropie vers la haute entropie ? Qui l’a « rangé » au début de sa vie ?

https://zerhubarbeblog.net/2019/05/22/au-temps-quemporte-le-vent/

Et bien peut-être que ANITA nous propose une réponse à cette question : l’univers a été « rangé » dans l’univers parallèle, qui lui va du désordre à l’ordre dans un temps inversé par rapport à nous. Notre « ordre » initial à nous en termes d’entropie, celui qui démarre la flèche de notre temps, correspondrait au désordre initial de cet ailleurs.

L’équipe qui gère ANITA est toujours en train de décortiquer les dernières mesures prises en 2018. Son représentant, Peter Gorham, reste avare de commentaires mais il dit au moins ceci :

Nous ne savons pas encore comment le représenter, mais nous avons un truc.

We don’t know how to represent it yet, but we’ve got something.

https://www.newscientist.com/article/mg24532770-400-we-may-have-spotted-a-parallel-universe-going-backwards-in-time/

 

Liens et sources :

(1) https://zerhubarbeblog.net/2015/10/09/du-neutrino-au-nobel-une-oscillation-remarquee/

(2) https://arxiv.org/abs/1905.10372

(3) https://zerhubarbeblog.net/2015/08/25/pour-une-poignee-de-quarks/

(4) Un objet est chiral si il n’est pas superposable a son image dans un miroir. Beaucoup d’objets dans la nature sont chiraux. https://lappweb.in2p3.fr/neutrinos/chiralite.html

(5) https://zerhubarbeblog.net/2019/05/22/au-temps-quemporte-le-vent/


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5 réactions à cet article    


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 16 avril 2020 17:45

    Bonjour Vincent

    ça détend, enfin autre chose à se mettre sous la dent que le Covid

    on va tous finir covidés, une recombinaison entre le hominidé et le bovidé

    Sur la flèche du temps et les deux univers en miroir, un papier qui devrait te faire percuter

    https://arxiv.org/abs/1310.5167


    • Vincent Verschoore Vincent Verschoore 16 avril 2020 18:38

      @Bernard Dugué A première vue cette étude semble compatible avec l’idée des univers parallèles avec temps inversé. Il me semble. En effet le « Covide de la pensée » pourrait être un dommage collatéral important. Il me semble, néanmoins que la résistance s’organise. Même dans l’Obs, une tribune un peu surprenante : https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200416.OBS27603/tribune-confinement-il-faut-savoir-dire-nous-nous-sommes-trompes.html


    • François Vesin François Vesin 16 avril 2020 19:45

      @Vincent Verschoore
      .
      Merci pour ces jubilatoires instants éthérés .
      .
      Par ailleurs, que l’Obs donne la parole à une personnalité « compétente »
      qui ose ne pas bêler avec la macronie agonisante...les mots me manquent


    • rhea 1481971 16 avril 2020 19:51

      Je regarde un film de l’année 66, le deuxième souffle, le ganster

      s’appelle Gu ( 721 en numérologie ), il vole du platine ( numéro

      atomique 78 ) : 1,618033989 x 2 x 3,14159265358 = 10,16640739,

      721 x 10,16640739 / 78 = 93,97409908 , le plutonium numéro

      atomique 94, c’est proche , la valeur du vol 200 millions de francs,

      2 x 10 exposant 8 c’est le rapport entre la perception inconsciente

      et la perception consciente. En fait c’est un film banal.


      • patrick22 17 avril 2020 10:54

        Bravo messieurs....

        auteur comme commentateurs... vous m’avez fait sourire.... !!!!

        Quel bonheur par ces jours glauques....

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