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Les trois copains

Le banc des souvenirs.

Il était une fois trois copains, trois amis, nés la même année, dans un petit village des bords de Loire. Hervé, Thierry et Pascal étaient nés le même mois, avaient grandi ensemble, inséparables. Ils avaient vite pris l'habitude de se retrouver sur le banc installé sur les quais, là même où leurs mères enceintes, s’étaient retrouvées chaque jour de leur grossesse, pour évoquer ceux qui allaient venir.

À leur tour ils reprirent ce chemin qu’ils avaient effectué d’abord en poussette puis en tenant la main de leur mère. Comme elles, ils admiraient la rivière et passaient de longs moments à converser de tout et souvent de rien, simplement heureux d’être là.

Leurs premières conversations sérieuses, leurs premières rencontres sans la présence d'adultes eurent lieu alors qu'ils étaient à l'école communale. Hervé évoquait ses rêves, son désir d'aventure, de voyages lointains, de grands espaces. Thierry parlait de sa passion pour la pêche, la nature, les animaux qui l'entouraient. Pascal, lui, se montrait plus discret : il suivait ses amis sans se donner le droit de s'accorder de grandes ambitions.

Les années passèrent, le banc de bois vert fut remplacé par un banc en métal. Ils fumèrent leurs premières cigarettes lorsqu'ils se retrouvaient durant leurs années au collège. Hervé évoquait ses études, ses envies de réussite, son futur métier. Thierry cherchait des formations pour exploiter son goût de la nature et rester vivre au pays. Pascal s'interrogeait ; qu’allait-il faire, il n’aimait guère les cours mais avait des mains en or qu’il entendait exploiter

Ils avaient petites copines ou bien épouses quand leurs parcours les séparèrent. Ce n'était plus que durant les vacances qu'ils se retrouvaient sur le banc, face à la rivière. Hervé prenait toujours la parole en premier ; il en mettait plein la vue à ses deux amis avec des études brillantes, des diplômes pompeux et des propos savants. Thierry était devenu un garde des eaux et forêts ; il rayonnait dans son royaume, il parlait de protection des espèces en un temps où bien peu s'en souciaient encore. Pascal vivait heureux de sa petite entreprise artisanale : il travaillait le bois avec passion et adresse.

C'étaient des pères de famille qui, de temps à autre, se retrouvaient là à deviser gaiement. La Loire coulait : beaucoup d'eau avait passé sous les ponts de leurs existences. Hervé déchantait un peu. Après une belle période de prospérité, les crises successives l'avaient contraint à en rabattre. Thierry était devenu un militant actif de la cause animale. Il avait aussi découvert la marine de Loire et s'était lancé dans des recherches pour construire un chaland. Pascal, tout heureux, lui avait proposé son aide et surtout son expertise menuisière.

Ils furent retraités ensemble. Ils aimaient à naviguer tous les trois sur la rivière. Pascal avait pris les commandes ; le bateau, il l'avait construit, il voulait le piloter. Il était fier, capitaine sur cette Loire qu'il n'avait jamais quittée. Thierry était sur le pont, des jumelles fixées à ses yeux. Tout pour lui était admiration et émoi. Hervé, taciturne, trouvait parfois le temps un peu long. L'inactivité lui pesait.

C'est ainsi que les jours passèrent. Toujours assis sur un nouveau banc, en béton celui-ci, ils admiraient la petite flotte qui était venue rejoindre leur désormais vieille embarcation. Pascal était toujours gaillard ; il n'était jamais en reste pour venir donner un coup de main aux petits jeunes qui voulaient construire, eux aussi, un fûtreau. Thierry encadrait des sorties « nature ». Il emmenait petits et grands à la poursuite du castor ou bien du balbuzard. Hervé se cherchait un peu, perdait ses mots, oubliait parfois de venir au rendez-vous de ses vieux amis.

C'est Pascal qui comprit le premier ce qui arrivait à leur vieux camarade. Thierry, avec ses jumelles vissées sur la poitrine, n'avait rien vu venir. Hervé, le plus brillant, le plus ambitieux, se perdait à lui-même. Il était atteint de ce mal terrible qui porte un nom étrange. La mémoire lui filait entre les doigts ; le présent s'effaçait avant d'avoir le temps de s'être imprimé.

Les trois copains se retrouvent désormais tous les jours. Pascal et Thierry, à tour de rôle, vont chercher Hervé. Ils se retrouvent sur le banc et, pour que leur bon camarade soit heureux l'espace d'une petite heure, ils se remetent dans les pas de leur enfance. Ils évoquent les camarades d'école, les parties de bille, les pêches à la barbotte. Ils chantent des chansons de ce temps révolu tandis que durant ce temps suspendu, Hervé retrouve le sourire et un peu de mémoire.

C'est si bon de garder des amis quand la redoutable maladie frappe l'esprit. C'est en plongeant dans le passé qu'on peut redonner vie à celui qui s'est perdu à lui-même. Hervé a eu cette chance : il s'assoit sur le banc et le vieux monsieur qu'il est redevient immédiatement un gamin en culotte courte qui court le long de la rivière avec deux autres chenapans. Il est heureux et il n'y a que ça qui compte. La Loire n'a pas changé et elle lui fait ce cadeau merveilleux d’un retour en enfance.

Mémoriellement sien.

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8 réactions à cet article    


  • devphil30 devphil30 23 avril 2020 09:46

    C’est beau , c’est juste , c’est vrai mais c’est triste

    Merci


    • C'est Nabum C’est Nabum 23 avril 2020 10:04

      @devphil30

      Merci à vous


    • Bellot Bellot 23 avril 2020 17:21

      Il s’agit d’un texte magnifique sur l’amitié,le temps et la maladie qui frappe, en l’occurrence Alzheimer.

      Merci pour cet instant d’émotion, de belles émotions !


      • C'est Nabum C’est Nabum 23 avril 2020 17:24

        @Bellot

        C’est un plaisir que de le partager
         
        La période est propice et me donne du temps pour réaliser chaque jour un montage différent

        à bientôt


      • Jjanloup Jjanloup 23 avril 2020 18:00

        Merci Nabum...


        • C'est Nabum C’est Nabum 23 avril 2020 18:53

          @Jjanloup

          C’est gentil


        • divenoce 30 octobre 2020 07:39

          Alors qu’elle couvrait son corps de savon, passant ses mains sur ses seins et entre ses jambes, Gina était encore plus reconnaissante que Kellie lui ait ouvert sa maison. Si elle était restée au bureau, les chances étaient que, malgré sa réticence initiale, elle se serait probablement retrouvée à la fête de Clancy’s et une fois là-bas, qui savait ce qui aurait pu se passer. Compte tenu de sa longue période de sécheresse, malgré cette nuit avec David, et de sa tendance à trop boire lors des fêtes, elle aurait pu se réveiller demain matin après avoir fait quelque chose, ou plus précisément, quelqu’un qu’elle regretterait plus tard Infirmi re

          Alors qu’elle se rinçait, l’esprit de Gina dériva un peu et elle se demanda ce que Kellie faisait pour le soulagement sexuel. Elle était, même près de quarante ans, toujours une femme séduisante, mais dans aucune de leurs conversations elle n’avait jamais mentionné un homme de sa vie. Et d’après ce que plusieurs collègues avaient dit à Gina, Kellie n’a jamais amené personne à des fonctions sociales d’entreprise. Certains ont dit qu’elle était mariée à l’emploi, tandis que d’autres pensaient simplement qu’elle était une personne privée qui préférait garder sa vie professionnelle et personnelle séparée. Un petit nombre encore plus petit avait des théories plus salaces.

          Sandra Collins, qui travaillait dans l’entreprise depuis près d’une décennie, pensait que Kellie avait une liaison avec son patron, une idée que, compte tenu des événements récents, Gina n’était plus si prompte à rejeter comme ridicule. Si rien d’autre, cela pourrait expliquer comment Kellie pourrait se permettre un appartement comme celui-ci. Les secrétaires privés étaient souvent appelés « épouses de bureau » et la distinction entre elles et les vraies épouses pouvait facilement s’estomper. Elle et Abraham Bernstein n’avaient que huit ans d’écart, le sorcier financier ayant été une sorte de `` prodige ’’, et leur relation, quels qu’en soient les détails, avait duré plus longtemps que ses deux mariages réunis. cams

          « Quelle que soit la vérité, ce ne sont vraiment pas mes affaires », pensa Gina, sortant la question de sa tête alors qu’elle finissait de sécher et essayait le pyjama.

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