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Confinement, risque zéro, intérêt général et communication

Aujourd’hui, la France sort partiellement du confinement mis en place mi mars. Ce confinement a permis de limiter la propagation de l’épidémie, même s’il faut souligner qu’il est un moyen très lourd pour le faire, faute d’en disposer d’autres armes, qui demandaient de l’anticipation. Aujourd’hui, la critique du déconfinement est vive, notamment sur le sujet des enfants. Qu’en penser ?

 

Prendre les citoyens pour des adultes, et non des enfants
 
Le débat sur le calendrier et le détail du plan de déconfinement n’est pas prêt de cesser, ce qui est sain d’un point de vue démocratique, le fantasme totalitaire du refus de toute critique étant heureusement tombé. Il faut dire que l’attitude de l’exécutif suscite logiquement un intense questionnement. Entre l’impréparation crasse des débuts (avec un ministre de la santé qui change mi-janvier et une majorité plus préoccupée par les municipales et la réforme des retraites, qui a piraté un conseil des ministres exceptionnel devant être consacré à la crise sanitaire) et les mensonges sur les masques ou les tests, il n’y a pas de confiance des citoyens en la majorité. La sortie très partielle du confinement se fait sous le feu de nombreuses critiques à l’égard de la ré-ouverture des écoles. Y-a-t-il manque de prudence ?
 
La réponse est difficile et complexe. Si on vise le risque zéro, bien sûr, on pourrait attendre que plus aucun nouveau cas de coronavirus ne soit déclaré, en interdisant toute sortie de chez soi et en approvisionnant directement les ménages en nourriture chez eux, comme à Wuhan. Mais une solution si radicale serait encore plus violente économiquement et éprouvante du point de vue des libertés individuelles. D’ailleurs, personne ne semble la proposer dans notre pays. Et au contraire, on peut se demander si la France n’a pas choisi un confinement presque trop radical, par la durée et l’ampleur, comme l’indique le très fort recul de notre PIB au premier trimestre, -5,8%, le plus fort de la zone euro, plus important encore qu’en Italie et en Espagne, sans même parler de la situation allemande.
 
Bien sûr, dire que l’on privilégie la santé à l’économie peut être rassurant, surtout dans une époque où la santé a pu être sacrifiée pour plus de profits en de multiples occasions. Mais même si cet argument est utilisé de manière sincère, présenter les choses ainsi n’aboutit-il pas à verrouiller le débat et empêcher toute prise de recul sur les mesures de confinement ? Alors que notre monde produit déjà son lot de « morts de désespoir  », les conséquences de la crise économique produite par le confinement ne doivent pas être sous-estimées. Ne sommes-nous pas entrés dans un moment où les décideurs préfèrent aller plus loin qu’il ne serait bon uniquement parce qu’aujourd’hui, mieux vaut pour eux aller trop loin que pas assez, une manière de se couvrir d’autant plus nécessaire qu’ils ont failli au début  ?
 
C’est la question que l’on peut se poser sur la réouverture des écoles. Bien sûr, personne ne veut mettre à risque des enfants, mais certains choix posent question. Certains transports publics ne sont-ils pas bien plus dangereux qu’une école ? Idem pour les grandes entreprises qui rassemblent des centaines de personnes sur le même site. The Economist, avec qui je ne suis pas toujours d’accord, plaide pour ouvrir les écoles en premier. Et l’économie n’est pas au cœur de sa réflexion, avant tout sanitaire et éducative. En effet, les enfants transmettent moins la maladie et elle est relativement peu dangereuse pour eux, avec une mortalité 2000 fois inférieure aux plus de 60 ans  ! Pourtant, ces derniers peuvent déjà faire leurs courses et seront déconfinés... Le plus important pour l’hebdomadaire est le risque de décrochage éducatif, particulièrement pour le primaire, mais aussi pour les familles au moindre bagage éducatif.
 
Mais pourquoi la polémique est si vive sur la reprise de l’école, alors que le risque est deux mille fois plus important pour les personnes de plus de 60 ans, pour qui qui rien n’a été mis en place pour limiter leur risque d’exposition ? Ne pourrait-on pas imaginer de tester toutes les personnes qui souhaitent être en contact régulier avec des personnes de plus de 70 ans par exemple, pour réduire leur isolement, mais en essayant de limiter les risques le plus possible ? Pourquoi ne pas tester massivement dans les lieux sensibles d’une certaine taille, comme les écoles ? Il est étonnant que l’exécutif se cantonne à des mesures finalement peu et mal différenciées alors que la situation est bien plus différente démographiquement que géographiquement. Comme si le prix payé en terme de privation des libertés individuelles et d’économie était une forme d’expiation des erreurs passées de l’exécutif
 
Plus globalement, comme Guillaume Roquette dans le Figaro, je pense que notre société gagnerait à adopter un débat plus adulte entre l’exécutif et les citoyens. N’aurait-il pas été plus sain de dire que nous manquions de masques et de tests pour justifier leur usage très restreint et ainsi expliquer pourquoi ils ne devaient pas être accessibles largement ? Refuser de dire la vérité fracture plus encore le lien entre les dirigeants et le peuple, qui voit sa méfiance envers le pouvoir encore justifiée. De même, les arbitrages entre santé, économie et libertés individuelles devraient être régulièrement débattus aujourd’hui car il s’agit de choix fondamentaux de société. Accepter un débat plus ouvert et plus adulte serait le moyen de re-tisser la confiance entre les français et leurs dirigeants. Aujourd’hui, en l’absence de transparence et du fait de certains mensonges, il n’y a ni confiance ni capacité à débattre ensemble sereinement des choix qui se présentent à nous, ce qui serait pourtant nécessaire.
 
Au global la communication du gouvernement sur cette crise a été calamiteuse. Entre l’infantilisation ridicule d’un président nous demandant de lire, le déluge de mensonges pour tenter, sans succès, de couvrir les retards de l’exécutif pour nous équiper, puis la toute dernière tentative, ubuesque, d’instituer un Ministère de la Vérité sur le coronavirus, ce gouvernement a été en dessous de tout. Pour couronner le tout, il est même totalement incapable de gérer la simple publication des attestations. Celle pour les déplacements professionnels en transports en commun a été communiquée royalement hier dimanche, la veille de sa date d’application, imposant logiquement de repousser son caractère obligatoire à mercredi… Et celle pour les transports de plus de 100 kilomètres, pourtant nécessaire dès aujourd’hui, était introuvable dimanche soir… Faut-il être surpris devant tant de légèreté d’un tel exécutif ?
 
Difficile d’avoir une opinion forte sur les options choisies pour ce déconfinement lent et limité. Vrai bon choix sanitaire pris en conscience et de manière rationnelle, ou pure posture politicienne, trop stricte, ou pas assez, d’abord destinée à servir la communication présidentielle ? Le passé et certains angles morts (le traitement des personnes âgés notamment) n’incitent guère à la confiance…

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3 réactions à cet article    


  • rogal 13 mai 2020 16:07

    Infantilisation galopante de la société bien visible sur la Toile. On ne nous dit plus

    – « cliquez ici », ni même « clique ici », mais « je clique ici .
    – « déclarez vos revenus », mais « je déclare ».

    Alors « lisez » : moi plus comprendre. De toute façon... je lis.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 13 mai 2020 16:33

      @rogal

      on peut mesurer l’intensité du processus d’infantilisation entrepris consciemment par tel ou tel élu ou technocrate à la fréquence de l’emploi du terme « pédagogie ».

      Le but évident est d’instaurer un rapport parent nourricier/enfant adapté soumis et entretenir une relation responsable/irresponsable, quitte à avoir recours à un type de rapport parent normatif/enfant adapté rebelle, ou même de caresser dans le sens du poil l’enfant libre, l’artiste, le principal étant de ne jamais permettre une relation adulte/adulte.

      Les « positions de vie » sont la principale clé apportée par l’analyse transactionnelle pour analyser et comprendre le manipulations.


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