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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Fuites et éléments de langage

Fuites et éléments de langage

Une simple question de communication.

Gouverner c’est devenu un jeu d’enfant, plus exactement de sales gosses dans une cour de récréation. L’art et la manière de manipuler, de répandre une rumeur, d’envoyer des ballons d’essais, de laisser filtrer des informations d’un côté tandis que de l’autre, il convient d’asséner des répliques qui feront mouche.

Dans le premier cas, tout juste sorti de l’ère des couches, nos amis s’accordent des fuites savamment orchestrées. C’est un jeu simple à la manière de l’ambassadeur. On laisse échapper un mot, une allusion dans le creux d’une oreille complaisante qui s’empressera de déformer quelque peu le propos afin que les imbéciles que nous sommes, se préparent tranquillement à ce qui va leur tomber une fois encore sur le coin du nez.

Le bruit court, la rumeur enfle, l’indiscrétion devient parole d’évangile avant que le grand Manitou sorte de sa boîte pour annoncer ce que tout le monde a compris. C’est assez curieux au demeurant, la fonction de porte-parole semble totalement désuète depuis l’inénarrable prestation de Sibet. Le Président se fait la chambre d’écho des informations lancées en guise de ballon d’essai, un simple répétiteur en somme qui se contente d’un numéro de pitrerie, tout à fait dans ses cordes, puisque le contenu est déjà entendu.

Pour les éléments de langage, la démarche est plus complexe et largement collégiale. Elle suppose un laboratoire d’idées, une sorte de cellule grise pour représentants du pouvoir dépourvus du sens de la formule ou de la réplique. Répondre du tac au tac ou lancer le mot qui claque n’est pas dans les cordes de nos spécialistes de la langue de bois, ils ont besoin qu’on leur propose, clef en main un petit lexique de la tirade clinquante.

Ce sont des linguistes de l’ombre qui cherchent le mot rare, l’expression archaïque qui fera la joie des réseaux sociaux. Le Préfet du Loiret a eu bien de la chance en recevant par courrier recommandé ce Bamboche qui lui a offert une notoriété inespérée. La réussite d’un mot est très aléatoire, les spécialistes de la manipulation ne peuvent préjuger de la réaction du peuple. Il faut accepter le risque de tomber à plat. Ce sont ensuite des grammairiens qui prennent le relais pour enseigner des réponses qui transforment une forme interrogative en réponse expectative et diluée. Noyer le poisson demande une préparation de qualité. C’est ainsi que beaucoup ont été ébahis d’entendre Darmanin expliquer sa bévue sur les rayons communautaires d’alimentation par un souci de combattre le Capitalisme. On croit rêver …

Cet usage exige une formation préalable qui n’est pas donnée à tous les godillots. Pour eux, la cellule grise se contente de leur fournir l’adverbe de la semaine. La main sur le cœur ils répondront à toutes les questions par un « Franchement », « Évidemment », « Nécessairement » qui attesteront qu’ils font leur possible pour réussir. Pour les plus habiles, des formules plus complexes sont livrées également : « En toute franchise, notre détermination est sans faille ... », « C’est une évidence, nous rencontrons des difficultés que nous aplanirons avec la contribution de tous », « Il est bien sûr nécessaire que la population se sente elle aussi concernée par les efforts indispensables ».

Amusez-vous à repérer ces mots ou ces formules qui se mettent En Marche pour passer de la bouche d’une ministre à celle d’un député pour achever sa course chez un militant s’il en reste encore. Le même ton, le même débit, la même manière de placer la réplique qui fait mouche ou le mot rare qui retrouvera une nouvelle jeunesse.

Tout ceci n’est que du vent, il n’y a rien derrière si ce n’est un profond désarroi, une immense impuissance, une parfaite incompétence. Faire métier de la politique et ne pas maîtriser la langue devrait relever de la faute professionnelle. À regarder les choses d’un peu plus près, c’est une formidable garantie pour ceux qui tirent les ficelles. Leurs marionnettes ne risquent pas de leur échapper.

Linguistiquement leur.


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3 réactions à cet article    


  • McGurk McGurk 29 octobre 2020 14:33

    Ce que vous décrivez (très bien d’ailleurs) n’a plus cours depuis la fin de l’ère Sarkozy.

    Aujourd’hui, nous sommes à l’époque de la communication avant tout plutôt de l’hyper-communication.

    Le principe est de choisir un thème assez vague pour bien le manipuler et donc pas trop précis pour ne pas montrer qu’on y connaît rien du tout et de sélectionner les mots-clés qui seront chantés sur tous les tons et tous les toits du pays.

    Ces mots seront ensuite relayés par les sbires de l’information et débattus par des soi-disant « spécialistes » qui iront dispenser leur savoir et philosophie personnelle remise au goût du jour si jamais ceux-ci se sont trompés.

    L’hyper-communication, quant à elle, consiste à noyer littéralement la cible (en l’occurrence le peuple) et le sujet traité sous une avalanche d’informations et , dans le cas du virus, totalement contradictoires.

    Le but de celle-ci est de provoquer la confusion totale de la population, la rendant incapable de juger une situation avec les éléments à sa disposition. Cela permet de créer une sorte d’état second dans lequel les personnes gobent les informations principales et d’obéir aveuglément lorsqu’une décision/un ordre d’une autorité est pris(e).

    Pour boucler complètement le système informationnel et instaurer une obéissance sans condition, le pouvoir se doit forcément d’employer deux choses essentielles : des médias collabos et le plus vieil instrument d’autorité qui soit, la peur.

    Sont , en conséquence, bannis tous les acteurs sortant du champ de vision propagandiste ainsi que les avis « dissidents » car tous constituent, de fait, une menace effritement puis d’effondrement du rideau de fumée informationnel savamment monté.

    Au final, le plus intéressant derrière ces techniques éphémères (mais très bien entretenues par une caste minoritaire et vicieuse au possible) n’est pas la compréhension des mécaniques de système mais ce qui se cache/se prépare derrière, en coulisse.


    • juluch juluch 29 octobre 2020 21:12

      Les fuites, les mensonges et les mauvaises réputations....georges Brassens aurait bien apprécié.


      • Ecureuil66 30 octobre 2020 12:17

        belle analyse !

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